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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1994/2014

ATAS/864/2015 du 17.11.2015 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 05.01.2016, rendu le 29.09.2016, ADMIS, 9c_951/2015, 9C_951/2015
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1994/2014 ATAS/864/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 novembre 2015

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A_____, domicilié à ANNEMASSE, FRANCE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

demandeur

contre

B_____ SA, sise à VERNIER

C_____ SA, sise à VERNIER,

toutes deux comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre BYDZOVSKY

 

FONDATION DE PRÉVOYANCE DES PÉTROLIERS, sise, c/o D_____ SA, VERNIER,

comparant également avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre BYDZOVSKY

défenderesses

 

 

 

 

 

appelée en cause

EN FAIT

1.        Monsieur A_____ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1951, a été engagé en tant qu’agent comptable par E______ (GESTION ET RECHERCHES) SA, devenue F______ SA (ci-après : F______), dès le 1er avril 1975. À cette époque, il travaillait en France.

2.        Le 27 novembre 1981, F______ a affecté l’assuré auprès de C_____ SA (ci-après : l’employeur C______), dès le 1er décembre 1981 pour une période d’en principe trois ans. L’employeur C_______ était détenu par F______, avait son siège à Genève et avait pour but le traitement, sur le plan international, de toutes les affaires commerciales, notamment relatives à des produits pétroliers. Durant son affectation auprès de l’employeur C______, l’assuré conserverait auprès de F______ un traitement de référence qui évoluerait selon les normes de cette dernière et qui serait la base utilisée pour la retraite et la prévoyance. Sous réserve de l’accord de sécurité sociale, l’assuré serait maintenu au régime général et les cotisations calculées sur la contre-valeur en francs français du salaire en francs suisses. Il demeurerait assujetti, d’une part, à la Mutuelle de l’industrie et du pétrole et à l’Urbaine sous réserve d’une note du 23 novembre 1981, et d’autre part, aux caisses de retraite françaises et à la Nationale (caisses complémentaires de retraite), les cotisations à ces deux dernières caisses étant prises en charge par F______. Il resterait également assujetti aux règles de F______ en matière de régime d’assurance décès-invalidité.

3.        Du 1er décembre 1981 au 30 novembre 1987, l’assuré a été considéré comme un travailleur détaché par F______ auprès de l’employeur C______, détachement qui a été accepté par l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS) jusqu’au 30 novembre 1987. Il a dès lors été maintenu sous le régime français de la sécurité sociale et été exempté de l’assujettissement aux assurances sociales suisses pour cette période.

4.        En date du 9 décembre 1981, l’assuré a requis son affiliation auprès de l’assurance volontaire des travailleurs salariés expatriés en France.

5.        Le 12 janvier 1982, l’assuré a informé F______ avoir pris ses dispositions pour adhérer au régime personnel de la sécurité sociale, afin d’éviter toute rupture avec le régime général français.

6.        Dans une attestation du 28 décembre 1982, F______ a certifié qu’elle faisait le nécessaire pour que l’assuré reste rattaché au régime général de la sécurité sociale française rétroactivement au 1er décembre 1981, date à laquelle il avait été affecté à Genève auprès de l’employeur C______, et pour le versement des parts de cotisations « employeur » et « employé » rétroactivement à cette date.

7.        D’après un memorandum du 26 novembre 1986, l’employeur C______ a indiqué à F______ que si les autorités helvétiques et la sécurité sociale française considéraient que l’exemption à l’assurance vieillesse et survivants (ci-après : l’AVS) ne pouvait pas se prolonger au-delà du mois de décembre 1987, l’assuré devrait être affilié à l’AVS dès le mois de décembre 1987, même s’il continuait à être couvert par la sécurité sociale française. L’employeur C______ serait alors obligé d’affilier l’assuré à son institution de prévoyance. Cependant, les salariés dont l’activité en Suisse n’avait probablement pas de caractère durable pouvaient, sur requête, être exclus de cette obligation, s’ils étaient déjà suffisamment assurés à l’étranger et s’ils en faisaient la demande auprès de l’institution de prévoyance. Il apparaissait exclu pour l’employeur C______ ou l’assuré de prendre en charge les cotisations, lesquelles devaient être assumées par F______.

8.        Selon un second memorandum du 12 janvier 1987, l’employeur C______ a relevé que son institution de prévoyance l’avait informé que l’assuré n’aurait pas à adresser de requête pour ne pas y être affilié. Toutefois, F______ devait envoyer à l’assuré un courrier signalant que son activité en Suisse n’avait pas de caractère durable et qu’il cotisait à des caisses de retraite en France.

9.        Dans un memorandum du 15 octobre 1987 adressé à l’assuré, F______ lui a rappelé que son détachement auprès de l’employeur C______ avait été conclu pour une durée limitée. Son affiliation aux caisses de retraite complémentaires françaises était donc maintenue pendant toute la durée de ce détachement.

10.    Dès le 1er décembre 1987, l’assuré a été assujetti à l’AVS et a versé des cotisations en qualité de salarié de l’employeur C______

11.    Par memorandum du 28 décembre 1987, F______ a informé l’employeur C______ que l’assuré était tenu de cotiser à l’AVS dès le 1er décembre 1987, mais qu’il restait affilié aux mêmes conditions que précédemment à une caisse de retraite française. Afin d’éviter la charge d’une double cotisation, F______ lui remboursait sa cotisation française en matière de retraite complémentaire notamment.

12.    L’assuré a travaillé auprès de l’employeur A jusqu’au 31 octobre 2012.

13.    Le 1er novembre 2012, B_____ SA (ci-après : l’employeur C______), société ayant son siège à VERNIER et dont le but était de fournir des prestations de réassurance à F______, ainsi qu’à toutes les sociétés et participations du groupe F______, a repris les contrats de travail de certains employés de l’employeur C_______, dont celui de l’assuré.

14.    En date du 17 décembre 2012, l’assuré a requis de F______ de profiter, dès le 1er janvier 2013, des dispositions de l’accord « Tremplin pour une séniorité active », soit de pouvoir bénéficier de 110 jours d’absence en 2013 et de 130 jours en 2014.

15.    F______ a dès lors établi et transmis à l’assuré, en date du 21 janvier 2013, un avenant au contrat de travail de celui-ci, afin qu’il puisse bénéficier d’un horaire de travail à temps partiel dès le 1er janvier 2013 jusqu’à son départ volontaire en retraite le 1er janvier 2015.

Il a également adressé à l’assuré le « dispositif couverture sociale temps partiel projet retraite ». Ce dernier a rempli ce formulaire et choisi le maintien de la couverture prévoyance lourde uniquement pour les risques « décès, invalidité absolue et définitive et invalidité » ainsi que l’option 3 dans le cadre de l’assurance vieillesse. Cette option portait sur le maintien des cotisations d’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale française, des cotisations aux régimes de retraite complémentaire (AGIRC/ARRCO) et des cotisations au régime de retraite supplémentaire RECOSUP.

16.    Suite à une requête du 24 mars 2014, l’assuré a été affilié rétroactivement dès le 1er janvier 2014 auprès de la FONDATION DE PRÉVOYANCE DES PÉTROLIERS (ci-après : la fondation). Le plan expatrié lui était applicable.

17.    Le 4 juillet 2014, l’assuré a déposé, par l’intermédiaire de son conseil, deux demandes en paiement dirigées contre les défenderesses B______ et C______, concluant en substance à ce qu’il soit assuré à la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire, rétroactivement du 1er décembre 1987 au 31 décembre 2013 et à leur condamnation à s’acquitter des arriérés de l’entier des cotisations (part « employé » et part « employeur ») auprès de l’institution de prévoyance, à laquelle ils étaient affiliés, sous suite de dépens. Suite à un détachement auprès de la défenderesse C_______ du 1er décembre 1981 au 30 novembre 1987, période durant laquelle il avait été assujetti au régime français des assurances sociales, il avait été engagé par la défenderesse B______ dès le 1er décembre 1987. Dès cette date et compte tenu de son revenu, il devait être soumis au système légal des assurances sociales suisses, et notamment à la prévoyance professionnelle. En outre, dans la mesure où il avait travaillé sans interruption auprès de la défenderesse B______, entre le 1er décembre 1987 et le 31 octobre 2012, puis auprès de la défenderesse C______ dès le 1er novembre 2012, son activité lucrative présentait un caractère durable, de sorte qu’il devait être obligatoirement assuré à la prévoyance professionnelle dès le 1er décembre 1987, étant précisé qu’il n’avait jamais requis d’exemption à la prévoyance professionnelle obligatoire.

Il a notamment produit un extrait de son compte individuel établissant son revenu AVS entre 1987 et 2011, ainsi que des décomptes ou attestations de ses revenus annuels entre 1988 et 2012 établis au nom de l’employeur C______.

18.    En date du 10 octobre 2014, les défenderesses B______ et C______ ont déposé leurs réponses, complétées de demandes reconventionnelles. Elles ont préalablement sollicité du demandeur la production des attestations et des relevés de compte des diverses institutions de retraite françaises auxquelles le demandeur était affilié pour la période entre le 1er décembre 1987 et le 31 décembre 2013. Principalement, elles ont reconnu leur obligation d’affilier le demandeur à la prévoyance minimale obligatoire selon la LPP depuis le 1er décembre 1987 auprès de la fondation et accepté de verser à cette institution de prévoyance la somme des cotisations LPP employeur et salarié du 3 juillet 2009 au 31 décembre 2013. Reconventionnellement, elles ont conclu à la condamnation du demandeur à leur verser la part « employé » des cotisations pour la même période, soit respectivement CHF 27'367.- du 3 juillet 2009 au 31 octobre 2012, avec intérêts à 5% l’an depuis la date moyenne du 1er février 2011, et CHF 6'141.- du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2013, avec intérêts à 5% l’an depuis la date moyenne du 15 juin 2013, sous suite de dépens. Subsidiairement, la défenderesse B______ a accepté de verser à l’institution de prévoyance la somme des cotisations LPP employeur et salarié du 3 juillet 2004 au 31 octobre 2012 et conclu à la condamnation du demandeur à lui verser la part « employé » des cotisations pour la même période, soit CHF 53'739.-, avec intérêts à 5% l’an depuis la date moyenne du 1er septembre 2009.

Les défenderesses ont tout d’abord reconnu l’obligation d’assurance du demandeur pour la prévoyance professionnelle obligatoire du 1er décembre 1987 au 31 décembre 2013 auprès de la fondation. En revanche, le demandeur n’avait pas conclu de contrat portant sur la prévoyance surobligatoire, compte tenu du fait qu’il était resté affilié aux régimes de retraite et de prévoyance français. Il n’avait jamais fait part aux défenderesses de sa volonté d’être affilié à la prévoyance professionnelle en Suisse, alors même que son travail consistait notamment à envoyer la liste des travailleurs affiliés à la fondation. Dès lors, c’était à tort que le demandeur faisait valoir des arriérés de cotisations sur l’ensemble de son revenu. En tout état de cause, les défenderesses ont invoqué une violation de l’interdiction de la surassurance si le demandeur persistait dans ses conclusions liées à la prévoyance surobligatoire. Par ailleurs, la défenderesse B______ a estimé qu’elle n’avait pas commis de faute en n’affiliant pas le demandeur à la fondation, attendu que celui-ci avait accepté, en toute connaissance de cause, de ne pas y être affilié et qu’il était au bénéfice de mesures de prévoyance largement supérieures en France. Partant, la défenderesse B______ ne reconnaissait qu’une obligation de paiement des arriérés de cotisations sur cinq ans, depuis la date du dépôt de la demande en paiement. À titre subsidiaire, elle se prévalait de la prescription absolue de dix ans. Enfin, les défenderesses ont invoqué l’enrichissement illégitime du demandeur pour solliciter, à titre reconventionnel, le paiement de sa part des cotisations arriérées à la prévoyance professionnelle sur une période de cinq ans (CHF 27’367.- et CHF 6'141.-), voire de dix ans (CHF 53'739.-). Elles ont également réservé leurs droits d’amplifier et de modifier leurs conclusions reconventionnelles.

Elles ont notamment transmis à la chambre de céans :

-          un courrier du 6 octobre 2014 de F______, établi à leur demande, qui attestait que le demandeur était resté salarié de F______ depuis son engagement le 1er avril 1975. Dès le 1er décembre 1981 jusqu’au 31 octobre 2012, il avait été détaché à Genève auprès de la défenderesse B______. À compter du 1er novembre 2012, il avait été détaché auprès de la défenderesse C______, qui avait repris les rapports de travail de la défenderesse B______.

Depuis le début des relations de travail, il était demeuré affilié, en France, auprès de la Caisse des Français de l’Étranger ainsi qu’auprès des Caisses de retraite complémentaires, soit l’association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l’association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO). Plus précisément, F______ a expliqué que la retraite de base du régime général constituait le fondement de la retraite obligatoire pour les salariés de l’industrie et du commerce notamment. Elle a estimé que la pension de retraite au régime général du demandeur s’élèverait à environ EUR 16'800.- par an, sur la base de son salaire annuel actuel assuré en France, soit EUR 63'701.56 au 31 décembre 2014. Le demandeur était toutefois le seul à pouvoir solliciter le calcul prévisionnel de sa caisse de retraite.

À cette pension de retraite s’ajoutaient les rentes de retraite complémentaires qui pouvaient être estimées au 31 décembre 2014 à EUR 21'500.- par an. L’assuré bénéficierait également d’une rente trimestrielle de F______ au titre de garantie globale de retraite de EUR 284.13, estimée à EUR 1'136.52 par an. Dès lors, l’estimation totale des droits à la retraite en France du demandeur s’élèverait à environ 61% du dernier salaire de référence en France, dès son passage en retraite le 1er janvier 2015.

En outre, F______ s’était acquittée de la part salariale et patronale des cotisations à la Caisse des français de l’étranger et aux deux caisses de retraite complémentaires précitées, étant précisé que la part salariale représentait environ 9.37% du salaire brut annuel du demandeur.

Parallèlement à ces prestations de retraite, le demandeur avait perçu de F______, depuis 2005, une prime d’intéressement annuelle et une prime de participation, lesquelles s’élevaient respectivement à EUR 7'324.55 et à EUR 657.59. De plus, de 2005 à ce jour, le demandeur avait bénéficié d’autres avantages, soit du régime RECOSUP, régime de retraite supplémentaire aux régimes obligatoires français de retraite, ainsi que d’une couverture prévoyance invalidité et décès en France, étant précisé que ces couvertures avaient entièrement été financées par F______. Il avait également bénéficié du plan d’épargne retraite collectif (PERCO), financé pour partie par F______ sous forme « d’abonnement » au profit des salariés. Les sommes placées dans le PERCO étaient bloquées jusqu’à la retraite du bénéficiaire et ensuite versées, au choix du salarié, en une fois ou sous la forme d’une rente ;

-          des bulletins de paie du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2014 établis par F______ ainsi que des tableaux de salaires entre 2004 et 2013, faisant état de son salaire de référence en France, ainsi que son lieu de travail, soit Genève ;

-          des courriels du demandeur et des listes de cotisations signées par le demandeur, dont il résulte que celui-ci était notamment en charge d’attester des cotisations de prévoyance professionnelle versées par les employés des défenderesses B______ et C______ à la fondation ;

-          un extrait du compte individuel du demandeur au 5 décembre 2012 ;

-          un certificat de salaire pour l’année 2013.

19.    Par ordonnance du 4 novembre 2014, la chambre de céans a joint les procédures opposant le demandeur à la défenderesse A (A/1995/2014) et à la défenderesse C______ (A/1994/2014), sous la procédure A/1994/2014.

20.    Dans une seconde ordonnance du même jour, la fondation a été appelée en cause. Celle-ci pouvait en effet être affectée par l’issue de la procédure, laquelle portait en substance sur la question de savoir si le demandeur devait être assuré à la prévoyance professionnelle auprès d’elle.

21.    En date du 20 novembre 2014, l’appelée en cause a, par l’intermédiaire d’un mandataire, produit ses règlements de prévoyance valables pour la période allant du 1er janvier 1985 à ce jour, soit les règlements datés respectivement du 23 juillet 1986, du 13 octobre 1994, d’octobre 2003/février 2004, du 1er janvier 2006 et d’octobre 2007, ainsi que les avenants n°1 et 2 au règlement d’octobre 2007, entrés en vigueur les 1er janvier 2009 et 1er janvier 2014.

L’appelée en cause a précisé qu’elle refuserait d’affilier rétroactivement un assuré et qu’elle pouvait tout au plus offrir des prestations complémentaires à un de ses assurés sur la base de rachats de prestations calculés actuariellement.

22.    En date du 15 décembre 2014, l’appelée en cause a, par l’intermédiaire du même conseil que les défenderesses B______ et C______, conclu préalablement à ce que le demandeur produise les attestations et relevés de comptes des diverses institutions de retraite françaises auxquelles il était affilié pour la période du 1er novembre 1987 au 31 décembre 2013 et principalement, au rejet de toute affiliation du demandeur à la prévoyance professionnelle pour la période antérieure au 1er janvier 2014, sous suite de dépens. Subsidiairement, elle s’en rapportait à justice quant à l’obligation d’affilier le demandeur pour la prévoyance professionnelle obligatoire du 1er octobre 1987 au 31 décembre 2013 et a requis le rejet de toute affiliation du demandeur pour la prévoyance professionnelle surobligatoire pour la même période.

Elle a confirmé que le demandeur était affilié auprès d’elle-même depuis le 1er janvier 2014 et qu’il était au bénéfice du plan pour expatriés, entré en vigueur à cette même date. Tel était également le cas des autres travailleurs détachés demeurés affiliés à la prévoyance professionnelle et à la retraite dans leur pays d’origine. Elle a fait sienne, pour le surplus, les faits tels que présentés par les défenderesses B______ et C______ Elle a cependant refusé d’affilier rétroactivement le demandeur avant le 1er janvier 2014, attendu que les éventuelles prestations n’avaient pas été financées. En revanche, elle pourrait offrir des prestations complémentaires au demandeur moyennant des rachats de sa part, calculés actuariellement. Dans l’hypothèse où la chambre de céans devait permettre au demandeur d’être affilié de manière rétroactive, celui-ci devrait être condamné au versement de la moitié des cotisations envers ses employeurs successifs. Toutefois, le demandeur ne saurait en aucun cas être affilié pour la prévoyance étendue avant le 1er janvier 2014. En effet, dans ce cas, il y aurait une violation du principe d’égalité de traitement entre les travailleurs détachés se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur entre octobre 1987 et 2013. Quant aux travailleurs non détachés, ils n’avaient bénéficié que de la couverture de la prévoyance en Suisse et non des nombreuses prestations de prévoyance et de vieillesse dont bénéficiait le demandeur. Enfin, l’appelée en cause s’est dite surprise des prétentions du demandeur, qui était la personne en charge de lui communiquer notamment l’effectif des assurés et le montant des salaires assurés pour les défenderesses B______ et C______, ce qui attestait qu’il était parfaitement au courant des systèmes de prévoyance professionnelle en Suisse, auxquels il avait renoncé.

L’appelée en cause a produit à nouveau les mêmes pièces que le 20 novembre 2014, à l’exception des règlements de prévoyance d’octobre 2003/février 2004 et du 1er janvier 2006.

23.    Dans ses déterminations et sa réponse aux demandes reconventionnelles du 22 avril 2015, le demandeur a persisté dans ses conclusions, acceptant pour le surplus de verser aux défenderesses B_____ et C______ la part « employé » des cotisations, soit un tiers des cotisations totales, pour la période pour laquelle les défenderesses B______ et C______ seraient condamnées à s’acquitter des arriérés de cotisations.

Il contestait avoir été un travailleur détaché au-delà du 30 novembre 1987. Le paiement de cotisations sociales françaises n’exonérait pas les défenderesses de l’assujettir au régime suisse des assurances sociales dès le 1er décembre 1987. Il était inexact de soutenir qu’il avait la volonté de ne pas être affilié à la prévoyance professionnelle dès le 1er décembre 1987, étant précisé qu’en tous les cas, une telle affiliation reposait sur une obligation légale, laquelle portait non seulement sur la part obligatoire de la prévoyance professionnelle, mais également sur la part surobligatoire. Les versements de cotisations à divers régimes sociaux français par F______ en sa faveur étaient présentés comme des avantages par les défenderesses, mais étaient largement inférieurs aux cotisations de prévoyance qui auraient dû être versées en Suisse.

Si les défenderesses reconnaissaient le principe de son affiliation à la prévoyance professionnelle, elles la limitaient toutefois à la prévoyance obligatoire et pour une durée rétroactive limitée en raison de la prescription. Il admettait les demandes reconventionnelles des défenderesses dans leur principe, mais contestait devoir s’acquitter de la moitié des cotisations. En effet, selon le règlement de l’appelée en cause, lesdites cotisations étaient prises en charge à hauteur de deux tiers par l’employeur et d’un tiers par le salarié.

24.    Le 22 mai 2015, sur requête de la chambre de céans, le demandeur lui a adressé un chargé de pièces complémentaires contenant :

-          une fiche pratique relative au PERCO et publiée sur internet par l’administration française ;

-          une notification de retraite émise par l’Assurance retraite Rhône-Alpes à l’attention du demandeur. Une retraite mensuelle nette de EUR 1'432.70 lui était allouée. Elle était calculée sur la base d’un salaire de EUR 33'756.81 et d’un taux de 50%, étant précisé que 163 trimestres étaient pris en compte et qu’il avait effectué 171 trimestres à l’étranger et en France, dont 171 au régime général ;

-          un décompte de paiement de l’ARRCO faisant état du versement au bénéfice du demandeur d’un montant net de EUR 2075.07 pour la période du 1er janvier au 31 mars 2015 ;

-          un décompte de points du 1er janvier 1972 au 31 décembre 2014 pour l’AGIRC (26'068 points à EUR 0.43520) et l’ARRCO (7'055.72 points à EUR 1.25130) ;

-          un bulletin de situation annuelle 2014 de la RECOSUP, estimant la rente annuelle au moment du départ à la retraite à 67 ans à EUR 798.38 ;

-          un relevé de compte du PERCO, laissant apparaître un montant de EUR 31'854.30 disponible à la retraite du demandeur ;

-          un décompte de pension de F______ pour la période du 1er janvier au 31 mars 2015 faisant état d’un versement au bénéfice du demandeur d’une somme nette de EUR 257.57.

25.    Dans leurs observations communes du 14 septembre 2015, les défenderesses et l’appelée en cause ont intégralement persisté dans leurs précédentes conclusions.

Elles ont en outre souligné que le demandeur était resté salarié de F______ jusqu’à sa retraite à la fin de l’année 2014, en qualité de travailleur détaché. Les montants dont bénéficiait le demandeur en France grâce aux régimes de prévoyance et de retraite françaises avaient été évalués par F______ à EUR 16'800.- pour le régime général et à EUR 21'500.- pour l’ARRCO et l’AGIRC, soit 61% du salaire de référence en France du demandeur. Les pièces produites par ce dernier le 22 mai 2015 attestaient de montants plus importants encore, soit des rentes annuelles de EUR 18'566.- de l’Assurance retraite Rhône-Alpes, EUR 27'185.- de l’ARRCO et EUR 798.38 de la RECOSUP. Ainsi, le demandeur percevait au minimum EUR 46'549.- par année, soit plus du double de la rente AVS entière maximale. Ce montant complétait les rentes dont le demandeur bénéficiait ou bénéficierait prochainement en Suisse, en particulier sa rente AVS depuis le 1er janvier 2015 et sa rente LPP servie par l’appelée en cause, sur la base du plan de prévoyance professionnelle pour expatrié. Les rentes et autres avantages français n’étaient pas versés aux employés des défenderesses qui n’étaient pas détachés. Ainsi, par son action, le demandeur cherchait à obtenir une double assurance.

En ce qui concerne le financement des prestations dans le système de la prévoyance professionnelle obligatoire, il était paritaire, de sorte que les éventuels arriérés de cotisations devaient être supportés pour moitié par le demandeur. En effet, ce dernier était soumis au plan de prévoyance professionnelle pour expatriés depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2014, et non au règlement de prévoyance de l’appelée en cause, applicable aux employés des défenderesses. Avant cette date, les travailleurs détachés au sein des défenderesses, à l’instar du demandeur, étaient soumis aux dispositions légales ordinaires prévoyant l’obligation pour l’assuré de supporter la moitié des cotisations. En tous les cas, l’adhésion à un plan de prévoyance dépassant la prévoyance professionnelle obligatoire nécessitait la conclusion d’un contrat, ce qui n’était pas le cas du demandeur.

Enfin, toutes les cotisations antérieures au 3 juillet 2009 étaient prescrites, ce qui était admis par le demandeur, ses conclusions principales ne portant pas sur une période déterminée.

26.    À la suite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Il convient d’examiner en premier lieu la compétence de la chambre de céans pour connaître de la présente demande en paiement.

a) En matière de prévoyance professionnelle, le for est au siège ou au domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40]).

En vertu de l’art. 73 al. 1 let. a LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit.

Il sera précisé que la question de savoir si l'ancien employeur possède contre son ex-employé une créance fondée et exigible - au titre de cotisations non prélevées sur son salaire – qu’il puisse lui opposer en cas de cession, relève des contestations au sens de l'art. 73 LPP et des autorités judiciaires prévues par cette disposition (ATF 128 V 224 consid. 3d).

À Genève, conformément à l’art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la juridiction compétente pour connaitre des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, est la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

b) Dès lors que les défenderesses et l’appelée en cause ont leur siège à Genève, la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour connaître de la demande en paiement ainsi que des demandes reconventionnelles.

2.        L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (cf. Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19 ; SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, SZS 1983, p. 182).

La demande, introduite dans les formes prévues par l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ; E 5 10), est donc recevable.

3.        a) S’agissant du droit applicable ratione temporis, il y a lieu d’appliquer les dispositions légales en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230, consid. 1.1 et les référence). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 71 consid. 6b).

b) La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après : LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n’est pas applicable en matière de prévoyance professionnelle, dès lors que la LPP ne prévoit pas son application.

c) L’adoption tardive de la LPP au 1er janvier 1985, explique pourquoi cette dernière loi n’appartient pas au champ d’application matérielle des conventions bilatérales de sécurité sociale (notamment la Convention avec la France du 3 juillet 1975 ; RS 0.831.109.349.1]) adoptées auparavant. Toutefois, l’art. 1j al. 2 OPP 2 concerne les travailleurs auxquels ne s’appliquent pas les règles prévues par les conventions bilatérales, notamment lorsque ledit travailleur est affilié à l’AVS, auquel cas, il est également soumis à la LPP (Jacques-André SCHNEIDER, in SCHNEIDER/GEISER/GÄCHTER, Commentaire LPP et LFLP, 2010, ad art. 2, n° 63).

L’Accord entre la Communauté européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes, (ALCP ; RS 0.142.112.681), entré en vigueur depuis le 1er juin 2002 est applicable dès cette date.

Selon l'art. 1 par. 1 de son annexe II - intitulée "Coordination des systèmes de sécurité sociale", fondée sur l'art. 8 ALCP et faisant partie de l'accord (art. 15 ALCP) - en relation avec la section A de cette annexe, les parties contractantes appliquent entre elles, en particulier, le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale (règlement n° 883/2004 ; RS 0.831.109.268.1) ainsi que le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et déterminant le contenu de ses annexes.

Selon la décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 remplaçant l'annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le règlement n° 883/2004 est entré en vigueur pour la Suisse le 1er avril 2012. Ce dernier s'est substitué, à cette date, au règlement n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (règlement n° 1408/71, RS 0.831.109.268.1).

Le règlement n° 883/2004 n'ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son application (art. 87 par. 1 du règlement n° 883/2004). Son art. 87 par. 8 précise que si, en conséquence du présent règlement, une personne est soumise à la législation d'un État membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, cette personne continue d'être soumise à cette dernière législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste inchangée, mais en tout cas pas plus de dix ans à compter de la date d'application du présent règlement, à moins qu'elle n'introduise une demande en vue d'être soumise à la législation applicable en vertu du présent règlement.

d) En l’espèce, les faits déterminants se sont réalisés avant et après l’entrée en vigueur de l’ALCP et du règlement n° 1408/71 (1er juin 2002), de la première révision de la LPP (entrée en vigueur le 1er avril 2004, respectivement le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2006) et du règlement n°883/2004 (1er avril 2012), de sorte les dispositions légales seront citées dans leur teneur en vigueur au moment des faits déterminants.

4.        Le litige porte sur l’affiliation du demandeur à la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire dès le 1er décembre 1987, sur le versement des cotisations relatives à cette affiliation et sur leur prescription. Quant aux demandes reconventionnelles, elles portent sur le versement par le demandeur aux défenderesses de sa part de cotisations.

5.        Il convient tout d’abord d’examiner les prétentions du demandeur dans le cadre de l’assurance obligatoire.

a) Les salariés auxquels un même employeur verse un salaire annuel supérieur au seuil d’accès (CHF 17'281.- en 1986-1987 ; CHF 21'060.- en 2013-2014) sont soumis à l’assurance obligatoire pour les risques de décès et d’invalidité dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 17 ans et, pour la vieillesse, dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 24 ans (art. 2 al. 1 et 7 al. 1 LPP). C’est le salaire déterminant au sens de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) qui est pris en considération, étant précisé que le Conseil fédéral peut admettre des dérogations (art. 7 al. 2 LPP).

L’assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail et cesse notamment en cas de dissolution des rapports de travail ou à l’âge ordinaire de la retraite (art. 10 al. 1 et 2 LPP). Durant un mois après la fin des rapports avec l’institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l’ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d’invalidité (art. 10 al. 3 LPP).

Tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle (art. 11 al. 1 LPP). Les effets de cette affiliation sont prévus à l'art. 7 al. 1 OPP2 qui indique que l’affiliation de l’employeur à une institution de prévoyance enregistrée entraîne l’assurance, auprès de cette institution, de tous les salariés soumis à la loi. Cependant, d’après l'art. 7 al. 2 OPP2, l'employeur a la possibilité de déroger au principe et de s'affilier, sous certaines conditions, à plusieurs institutions de prévoyance enregistrées. À défaut d'exercer ce choix, l'employeur est affilié à une seule institution de prévoyance enregistrée, cette affiliation entraînant l'assurance - pour le domaine obligatoire - de tous les salariés qu'il est tenu d'assurer auprès de la même institution (arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 31 janvier 2006 consid. 5.2.1).

L’employeur est tenu d’annoncer à l’institution de prévoyance tous les salariés soumis à l’assurance obligatoire, et de lui fournir les indications nécessaires à la tenue des comptes de vieillesse ainsi qu’au calcul des cotisations (art. 10 1ère phrase OPP2).

b) Les salariés sans activité en Suisse ou dont l’activité en Suisse n’a probablement pas un caractère durable, et qui bénéficient de mesures de prévoyance suffisantes à l’étranger, seront exemptés de l’assurance obligatoire à condition qu’ils en fassent la demande à l’institution de prévoyance compétente (art. 1 al. 2 OPP2 devenu dès le 1er janvier 2006 l’art. 1j al. 2 OPP2).

Cette réglementation s’applique uniquement à la prévoyance professionnelle obligatoire, selon la LPP et a pour but de coordonner les régimes de prévoyance sur le plan international (ATF 127 V 301 consid. 2b). Elle vise certains salariés au service de sociétés étrangères ou d’organisations internationales qui sont déjà affiliés à l’étranger à une institution de prévoyance bien développée ; il s’agit principalement de travailleurs détachés en Suisse pour une durée relativement courte, qui conservent un lien de subordination avec leurs employeurs d’origine à l’étranger (ATF 127 V 301, consid. 2b).

L’art. 1j al. 2 OPP2 ne concerne, selon l’art. 5 al. 1 LPP, que les personnes qui sont assurées à l’AVS (Jacques-André SCHNEIDER, op. cit., ad art. 2, n° 58).

L’exemption de l’assurance en vertu de la disposition précitée exige la présentation d’une demande émanant du salarié ; l’institution ne peut donc en décider librement, quand bien même les conditions de fond d’une exemption seraient réunies. La demande d’exemption constitue l’exercice d’un droit formateur et est définitive sous réserve d’un vice de la volonté. Eu égard au but de protection sociale visé par le principe de la soumission obligatoire des travailleurs à la LPP, la demande d’exemption au sens de l’article 1 al. 2 OPP2 doit être formulée de manière explicite et non équivoque, cette exigence se justifiant aussi par le fait qu’il importe de savoir, dès le début des rapports de travail, s'il existe ou non une couverture d’assurance selon la LPP pour le cas où une éventualité assurée se produirait (ATF 127 V 301, consid. 2b). Selon la jurisprudence et la doctrine, la demande d’exemption d’assujettissement à la prévoyance obligatoire, selon la LPP ne peut être effectuée que pour l’avenir, et ne saurait avoir d’effet rétroactif (ATF 98 V 183 ; Jacques-André SCHNEIDER, op. cit., ad art. 2, n° 65).

Cette possibilité d’exemption précitée est devenue caduque, pour les ressortissants de l’Union européenne qui sont assurés obligatoirement par la LPP, en raison de leur résidence ou de leur activité lucrative en Suisse. En effet, lorsqu’une personne est soumise à la législation suisse de sécurité sociale en vertu du règlement n° 1408/71, cela signifie qu’elle n’est plus soumise à titre obligatoire, au droit d’un autre État de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Par conséquent, la prévoyance étrangère ne peut être, dans ce cas, que facultative, volontaire. Or, une telle prévoyance ne saurait être considérée comme suffisante au sens de l’article 1j al. 2 OPP 2 (Jacques-André SCHNEIDER, Assujettissement au 2e pilier (LPP et prévoyance surobligatoire) selon l’ALCP et le règlement (CEE) n° 1408/71, in Assujettissement, cotisations et questions connexes selon l’Accord sur la libre circulation des personnes CH-CE, 2004, p. 61).

6.        En l’espèce, le demandeur a été détaché auprès de la défenderesse B______ par F______ du 1er décembre 1981 au 30 novembre 1987. L’OFAS a été dûment informé de cette situation et l’a avalisée. Aucune des parties ne le conteste. Par la suite, l’assuré a continué à travailler en Suisse pour la défenderesse B______, jusqu’au 31 octobre 2012, puis du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2014 pour la défenderesse C_______, laquelle a repris les contrats de travail de certains des employés de la défenderesse B______.

Suite à la période de détachement, le demandeur a commencé à cotiser auprès de l’AVS le 1er décembre 1987. Il résulte de deux memorandum des 26 novembre 1986 et 12 janvier 1987 que le demandeur, la défenderesse B______ et l’appelée en cause se sont mis d’accord pour ne pas affilier le demandeur auprès de l’appelée en cause. Celle-ci a d’ailleurs indiqué à la défenderesse B______ que le demandeur n’avait pas à lui adresser de requête pour être exempté d’une affiliation à la prévoyance professionnelle.

Dans le cadre de la procédure, les défenderesses ont admis à juste titre, eu égard à la jurisprudence de la chambre de céans (ATAS/563/2010 du 20 mai 2010), que le demandeur ne pouvait pas être considéré comme un salarié dont l’activité en Suisse n’a pas un caractère durable.

Ainsi, le demandeur ne remplit pas la première condition d’exemption de l’assurance obligatoire LPP de l’art. 1j al. 2 OPP2.

En tout état de cause, il n’apparaît pas que le demandeur ait demandé de manière explicite à l’appelée en cause d’être exempté de la prévoyance professionnelle obligatoire, de sorte que la troisième condition d’exemption de l’art. 1j al. 2 OPP2 fait également défaut.

On précisera encore que dès l’entrée en vigueur de l’ALCP et du règlement n° 1408/71 le 1er juin 2002, le demandeur était soumis au régime obligatoire de la prévoyance professionnelle en Suisse, quelle que soit la volonté des parties ou le statut du demandeur.

Toutes ou partie des conditions d’exemption au régime de prévoyance professionnelle obligatoire n’étant pas remplies, le demandeur aurait par conséquent dû être assujetti auprès de l’appelée en cause pour la prévoyance professionnelle obligatoire dès le 1er décembre 1987, compte tenu de son revenu largement supérieur au seuil d’entrée, ainsi qu’au salaire déterminant maximal. Cela a d’ailleurs été expressément admis par les défenderesses.

7.        Il sied également de déterminer si le demandeur doit être soumis à la prévoyance professionnelle étendue.

Dans le domaine de la prévoyance professionnelle plus étendue (sur cette notion, ATF 122 V 145 consid. 4b), l’assuré est lié à l’institution de prévoyance par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance, dont le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé, savoir ses conditions générales, auxquelles l’assuré se soumet expressément ou par actes concluants (par exemple en conservant le règlement reçu, en payant des cotisations ou en acceptant la déduction correspondante sur son salaire). L’interprétation du règlement doit dès lors se faire selon les règles générales qui sont applicables pour interpréter les contrats (ATF 127 V 301 consid. 3a).

La prévoyance surobligatoire repose fondamentalement toujours sur un contrat (ATF 130 V 103 ; ATF 131 V 27). S’agissant de la conclusion du contrat, les articles 1ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables. Celle-ci peut être effectuée de manière tacite, par exemple par la remise en main du règlement, qui aura lieu en général à la conclusion du contrat, et par l’acceptation sans réserve dudit règlement (Hans Michael RIEMER/Gabriela RIEMER-KAFKA, Das Recht der beruflichen Vorsorge in der Schweiz, 2ème édition, 2006, pp. 91ss).

8.        En l’occurrence, il n’apparaît pas qu’un règlement de prévoyance ait été remis au demandeur. En effet, les parties s’accordaient implicitement sur le fait que le demandeur reste affilié au système de la sécurité sociale et au régime de retraite et de prévoyance complémentaire en France. L’accord de détachement conclu entre le demandeur et F______ prévoyait que le demandeur demeurerait assuré aux caisses complémentaires de retraite en France et que les cotisations seraient prises en charge par F______. De plus, dans un mémorandum du 15 octobre 1987, F______ a indiqué au demandeur que son affiliation aux caisses de retraite complémentaires françaises était maintenue pendant la durée du détachement, lequel avait une durée limitée. Cela a été confirmé dans le mémorandum du 28 décembre 1987 adressé par F______ à l’employeur C______, précisant que l’affiliation à une caisse de retraite française était maintenue quand bien même le demandeur était tenu de cotiser à l’AVS depuis le 1er décembre 1987. Qui plus est, le demandeur a lui-même requis en janvier 2013, dans le cadre d’un départ volontaire en retraite dès le 1er janvier 2015, le maintien des cotisations d’assurance vieillesse au régime général de la sécurité sociale française, des cotisations au régime de retraite complémentaire (AGIRC/ARRCO) et des cotisations au régime de retraite supplémentaire RECOSUP. En outre, comme invoqué par les défenderesses, il résulte des pièces produites, notamment de la correspondance entre l’appelée en cause et le demandeur, que ce dernier était chargé de lui annoncer la liste des employés affiliés à l’appelée en cause, ainsi que leurs salaires annuels et leurs cotisations, dans le cadre de son activité en Suisse pour le compte des défenderesses. Le demandeur était dès lors conscient du fait qu’il n’était pas affilié auprès de l’appelée en cause, qu’il n’avait pas conclu de contrat de prévoyance avec elle avant le début de l’année 2014 et qu’il n’était donc pas affilié à la prévoyance professionnelle surobligatoire. Enfin, les décomptes suisses de salaire du demandeur font état de l’absence de prélèvement de cotisations à la prévoyance professionnelle.

Il résulte des éléments qui précèdent que le demandeur n’a pas souhaité conclure de de convention de prévoyance pour la prévoyance surobligatoire en Suisse.

Pour le surplus, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les parties bénéficient d’une grande marge d’appréciation s’agissant de l’interprétation des conditions d’exemption de l’affiliation dans le champ de la prévoyance plus étendue (ATF 127 V 301, consid. 3b). Au vu du cas d’espèce, en particulier des mesures de prévoyance maintenues en France et des avantages reçus par le demandeur (notamment la prise en charge de la totalité des cotisations aux caisses de retraite françaises), il est vraisemblable que les parties aient choisi de ne pas affilier le demandeur au régime de la prévoyance professionnelle surobligatoire en Suisse.

Partant, la demande quant à l’affiliation à la prévoyance professionnelle étendue est mal fondée et doit être rejetée sur ce point.

9.        Il convient maintenant de se prononcer sur la prescription des cotisations à la prévoyance professionnelle obligatoire.

a) En vertu de l’art. 41 al. 1 LPP (devenu l’art. 41 al. 2 LPP le 1er janvier 2005), les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations sont applicables.

b) L'exigibilité des créances de cotisation n’est prévue par la loi que depuis la révision de la LPP entrée en vigueur le 1er janvier 2005. En effet, depuis cette date, l’art. 66 al. 4 LPP prévoit que l’employeur transfère à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues. L’institution peut toutefois prévoir une disposition réglementaire (Jürg BRECHBUHL, op. cit., ad art. 66, n° 34). Avant cette date, l’exigibilité d’une créance de cotisation ressortait des dispositions réglementaires ou contractuelles (ATF 136 V 73 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2007 du 28 janvier 2008 consid. 1.1.2).

Dans un arrêt concernant un cas où l’employeur était affilié à une institution de prévoyance, mais ne lui a pas annoncé un employé (ATF 136 V 73), le Tribunal fédéral a précisé qu’en vertu de l’art. 66 al. 4 LPP, l’employeur est tenu de transférer à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues. Aussi, l’exigibilité des contributions LPP prend-elle effet ex tunc, soit non pas dès l’annonce du travailleur à l’institution de prévoyance, mais dès l’exigibilité de la prime - laquelle est une prestation du contrat de travail - en regard de l’art. 66 al. 4 LPP ou du règlement. Il a justifié ce revirement de jurisprudence par le fait qu’en présence d’un contrat d’affiliation, toutes les bases de calcul essentielles sont établies avant la création d’un rapport d’assurance individuel alors qu’avant une affiliation d’office, on ne peut pas encore déterminer quelle institution prendra en charge ultérieurement la protection de prévoyance collective. Par conséquent, en modification de la jurisprudence en vigueur, il a conclu qu’en cas de rapport d’affiliation existant, le délai de prescription des cotisations ne commence pas à courir avec l’établissement ultérieur d’un contrat de prévoyance pour un employé déterminé, mais déjà avec l’échéance de la prime pour la prestation de travail soumise à cotisation. Toutefois, si l'institution de prévoyance n'a pas connaissance de l'existence de rapports de travail soumis à cotisations à cause d'une violation qualifiée de l'obligation de déclarer de l'employeur, l'exigibilité des créances de cotisations est différée jusqu'au moment où l'institution de prévoyance a connaissance de l'existence des rapports de travail déterminants. Dans un tel cas, la créance individuelle de cotisations se prescrit cependant de manière absolue par dix ans à compter de sa naissance (virtuelle). À cet égard, le Tribunal fédéral a considéré que dans le cas où le débiteur (employeur) adopte un comportement reprochable, l'exigibilité des créances de cotisations individuelles est reportée sans limites jusqu'au moment où la créancière des cotisations en prend (ou aurait dû en prendre) connaissance. Or, la possibilité de pouvoir recouvrer rétroactivement et de façon illimitée les créances de cotisations originaires de la part de l'employeur ayant violé son obligation d'annoncer ne paraît pas conciliable avec le système de la prescription dans son ensemble (qui prévoit, par exemple, un délai de prescription de dix ans à compter de la violation de l'obligation pour les prétentions secondaires découlant d'un contrat). Aussi, le délai de prescription relatif de cinq ans à compter de la connaissance (raisonnablement présumée) doit être complété, par la voie du comblement d'une lacune, par un délai absolu : la créance individuelle de cotisations se prescrit en tous les cas par dix ans à compter de sa naissance (virtuelle) aussi lorsqu'on admet une violation qualifiée de l'obligation d'annoncer et que l'institution de prévoyance a ignoré durablement et sans faute de sa part les faits justifiant le prélèvement de cotisations (ATF 140 V 154 consid. 6.3.1.).

c) Selon l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une action ou une exception devant un tribunal ou des arbitres, par une intervention dans une faillite ou par une citation en conciliation. Cette liste des actes interruptifs du créancier est exhaustive (Pascal PICHONNAZ, Commentaire romand, ad art. 135 CO, n° 25 ; Stephen V. BERTI, Commentaire zurichois, ad art. 135 CO, n° 180). L'ouverture d'action au sens de l'art. 135 ch. 2 CO est une notion de droit fédéral ; elle se définit comme tout acte introductif ou préparatoire par lequel le créancier s'adresse pour la première fois au juge, dans les formes requises, afin d'obtenir la reconnaissance du droit qu'il invoque (ATF 118 II 487 consid. 3 ; ATF 114 II 336 consid. 3a ; ATF 110 II 389 consid. 2a).

10.    En l’espèce, comme indiqué précédemment, la défenderesse B______, l’appelée en cause et le demandeur ont décidé en 1987 de ne pas affilier ce dernier à la prévoyance professionnelle. On ne se trouve ainsi pas dans la situation résultant de l’ATF 136 V 73 ou de l’ATF 140 V 154 où l’institution de prévoyance ignorait durablement l’existence des rapports de travail entre l’assuré et l’employeur. Dès lors, la créance de cotisations se prescrit dans un délai de cinq ans.

Dans la mesure où la demande en paiement a été introduite par courrier recommandé du 4 juillet 2014 et que les cotisations annuelles des salariés sont exigibles au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile d’assurance, les cotisations antérieures au 1er janvier 2009 sont prescrites.

11.    Les cotisations de la prévoyance professionnelle obligatoire dues entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2013 devront être versées par les défenderesses à l’appelée en cause. Leur montant doit donc être déterminé.

L’avoir de vieillesse comprend les bonifications de vieillesse, avec les intérêts, afférentes à la période durant laquelle l’assuré a appartenu à l’institution de prévoyance, cette période prenant toutefois fin à l’âge ordinaire de la retraite (art. 15 al. 1 let. a LPP).

Les bonifications de vieillesse (cotisations LPP) sont calculées annuellement en pourcents du salaire coordonné. Pour un homme âgé entre 55 ans et 65 ans, le taux de bonification est de 18% (art. 16 LPP).

Le salaire coordonné est défini à l’art. 8 al. 1 LPP, et consiste en la partie du salaire comprise entre la déduction de coordination et le salaire maximum assuré.

Le salaire maximum assuré était de CHF 82'080.- entre 2009 et 2010, de CHF 83'520.- entre 2011 et 2012 et de CHF 84'240.- entre 2013 et 2014 (art. 5 OPP2).

La déduction de coordination s’élevait à CHF 23’940.- entre 2009 et 2010, à CHF 24'360 entre 2011 et 2012 et à CHF 24'570.- entre 2013 et 2014 (art. 5 OPP2).

L’art. 12 OPP2 fixe le taux d’intérêts minimal crédité à l’avoir vieillesse d’année en année. Il s’élève à au moins 2% pour la période à partir du 1er janvier 2009 (let. f) et à au moins 1.5% pour la période à partir du 1er janvier 2012 jusqu'au 31 décembre 2013 (let. g).

12.    En l’espèce, il est établi que le demandeur, né le 8 octobre 1951, n’avait pas encore cotisé pour le cas vieillesse en 2009 (art. 7 al. 1 LPP). Son salaire AVS est largement supérieur au salaire maximum assuré, de sorte que son salaire coordonné pour chaque année entre 2009 et 2013 correspond au salaire assuré maximal (art. 8 al. 1 LPP). Partant, les bonifications de vieillesse se calculent comme suit :

 

Défenderesse B______

Bonifications 2009

Avoir au 31 décembre 2009

CHF 10’465.20

CHF 10’465.20

Intérêts sur l’avoir au 31 décembre 2009

Bonifications 2010

Avoir au 31 décembre 2010

CHF 209.30

CHF 10'465.20

CHF 21'139.70

Intérêts sur l’avoir au 31 décembre 2010

Bonifications 2011

Avoir au 31 décembre 2011

CHF 422.80

CHF 10'648.80

CHF 32’211.30

Intérêts sur l’avoir au 31 décembre 2011

Bonifications jusqu’au 31 octobre 2012

Avoir au 31 octobre 2012

CHF 644.25

CHF 8’874.-

CHF 41’729.55

Intérêts sur l’avoir au 31 octobre 2012

CHF 521.60

Avoir de vieillesse au 31 octobre 2012

CHF 42'251.15

Défenderesse C______

Avoir vieillesse reçu de la défenderesse C______

Intérêts sur l’avoir vieillesse reçu de la défenderesse C_____

Bonifications novembre et décembre 2012

Avoir au 31 décembre 2012

CHF42’251.15

CHF 105.65

CHF 1’774.80

CHF 44’131.60

Intérêts sur l’avoir au 31 décembre 2012

Bonifications 2013

Avoirs au 31 décembre 2013

CHF 662.-

CHF 10'740.60

CHF 55'534.20

Intérêt sur l’avoir au 31 décembre 2013

CHF 833.-

Avoir de vieillesse au 31 décembre 2013

CHF 56'367.20

 

C’est par conséquent un montant total de CHF 56'367.20 que les défenderesses B______ et C______ doivent verser à l’appelée en cause.

Compte tenu de l’activité déployée par le demandeur au sein de la défenderesse B______ du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2012, cette dernière aura à sa charge un montant de CHF 42'251.15, avec intérêt à 5% l’an dès le 30 novembre 2010, soit la date moyenne. Quant à la période du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2013 au cours de laquelle le demandeur a travaillé pour le compte de la défenderesse C______, celle-ci devra s’acquitter d’un montant de CHF 14'116.05 (56'367.20 – 42'251.15), avec intérêt à 5% l’an dès le 31 mai 2013 (art. 66 al. 2, 2ème phrase LPP et art. 104 CO, à défaut de dispositions règlementaires ; ATF 114 III 72, consid. 2 ; Jürg BRECHBUHL, op. cit., ad art. 66, n° 36).

13.    Reste à examiner le bien-fondé des demandes reconventionnelles des défenderesses.

Conformément à l’art. 66 LPP, l'institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l'employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l'employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l'employeur ne peut être fixée plus haut qu'avec son assentiment (al. 1). L'employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l'institution de prévoyance (al. 2, 1ère phrase). L'employeur déduit du salaire les cotisations que les dispositions réglementaires mettent à la charge du salarié (al. 3).

La créance en restitution du salaire versé indûment de l’employeur envers le salarié est fondée sur les art. 62 ss CO (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 65/05 du 6 février 2006, résumé et traduit in CGSS N40/2008 p. 236 ; ATF 128 V 224 ; cf. art. 39 al. 2 LPP ; voir également Sylvie PETREMAND, in SCHNEIDER/GEISER/GÄCHTER, op. cit, ad art. 39, n° 23).

L’obligation de restituer l’indu se fonde en premier lieu sur les dispositions spéciales qui la prévoient (règlement de l’institution) et, à défaut, sur les règles générales de l’enrichissement illégitime au sens des art. 62 ss CO (ATF 133 V 205 consid. 3 ; ATF 130 V 414 ; ATF 115 V 115).

Selon l’art. 62 al. 1 CO, celui qui, sans cause légitime, s’est enrichi aux dépens d’autrui, est tenu à restitution. La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d’une cause qui ne s’est pas réalisée, ou d’une cause qui a cessé d’exister (art. 62 al. 2 CO).

Selon la doctrine, il existe un enrichissement illégitime lorsqu’une personne bénéficie sans motif d’une augmentation de son patrimoine aux dépens d’autrui (TERCIER/Pascal PICHONNAZ, Le droit des obligations, 5ème édition, 2012, p. 403, n° 1812). La première condition générale de la répétition de l’indu est un enrichissement aux dépens d’autrui, à savoir que le débiteur ait été effectivement enrichi. L’enrichissement consiste en une augmentation du patrimoine d’une personne, qui peut être réalisé par la non diminution du patrimoine (par exemple une non diminution des actifs). L’augmentation du patrimoine suppose donc qu’il y ait eu attribution, qu’elle soit directe ou indirecte. L’enrichissement doit également se réaliser aux dépens d’autrui, en ce sens que l’enrichissement de l’un ait entraîné l’appauvrissement de l’autre. En d’autres termes, il faut qu’il existe entre les deux mouvements, un rapport de connexité ; ce n’est pas le cas si, en dépit de l’enrichissement de l’un, il n’y a pas d’appauvrissement de l’autre (ATF 117 II 404 consid. 3d). Il faut ensuite que l’enrichissement ait eu lieu sans cause légitime (art. 62 al. 1 CO), en ce sens que l’appauvri doit avoir payé ce qu’il ne devait pas (art. 63 al. 1 CO) (TERCIER/PICHONNAZ, op. cit., p. 406 et 407, n° 1828 et ss).

14.    En l’occurrence, il apparaît que la part des cotisations de prévoyance professionnelle due par le demandeur n’a jamais été déduite de son salaire, de sorte que l’on se trouve bien en présence d’enrichissement du demandeur, ce dernier ayant bénéficié d’une non diminution de son patrimoine.

Quant aux défenderesses B______ et C_____, elles sont appauvries du montant correspondant à la part de ces cotisations qu’elles sont condamnées à verser à l’appelée en cause, dans la mesure où elles n’ont pas retenu lesdites cotisations sur le salaire versé au demandeur.

Comme indiqué précédemment, la défenderesse B______ devra verser à l’appelée en cause le montant de CHF 42'251.15, avec intérêt à 5% l’an dès le 30 novembre 2010, au titre des cotisations dues pour la prévoyance professionnelle obligatoire entre le 1er janvier 2009 et le 31 octobre 2012. La défenderesse C______ devra quant à elle verser à l’appelée en cause le montant de CHF 14'116.05, avec intérêt à 5% l’an dès le 31 mai 2013, soit la somme totale des cotisations dues pour la prévoyance professionnelle obligatoire entre le 1er novembre 2012 et le 31 décembre 2013.

Le demandeur conclut à ce que les demanderesses prennent en charge les deux tiers des arriérés de cotisations, conformément au règlement de prévoyance de l’appelée en cause. Or, faire droit à cette conclusion reviendrait à appliquer au demandeur un régime de prévoyance surobligatoire, ce qui est exclu en l’espèce, faute de contrat en ce sens (cf. consid. 7 et 8). Dès lors, pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013, le demandeur doit se voir appliquer le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle, lequel prévoit que la part de cotisations qui doit être prélevée sur le salaire de l’employé correspond à la moitié du montant total des cotisations devant être versé par l’employeur à la fondation de prévoyance. Par conséquent, le demandeur devra verser les montants de CHF 21'125.60, avec intérêts à 5% l’an dès le 30 novembre 2010, à la défenderesse A et de CHF 7'058.05, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 mai 2013, à la défenderesse C______.

15.    Au vu de ce qui précède, la demande et les demandes reconventionnelles seront partiellement admises, au sens des considérants.

Le demandeur obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare les demandes du 4 juillet 2014 et les demandes reconventionnelles du 10 octobre 2014 recevables.

Au fond :

2.        Les admet partiellement, dans le sens des considérants

3.        Condamne C_____ SA à verser à la FONDATION DE PRÉVOYANCE DES PÉTROLIERS la totalité des cotisations (art. 66 al. 2 LPP), soit le montant CHF 42'251.15, avec intérêt à 5% l’an dès le 30 novembre 2010.

4.        Condamne B_____ SA à verser à la FONDATION DE PRÉVOYANCE DES PÉTROLIERS la totalité des cotisations (art. 66 al. 2 LPP), soit le montant CHF 14'116.05, avec intérêt à 5% l’an dès le 31 mai 2013.

5.        Condamne Monsieur A_____ à verser à C_____ SA les cotisations qui auraient dû être prélevées sur son salaire, soit CHF 21'125.60, avec intérêts à 5% l’an dès le 30 novembre 2010.

6.        Condamne Monsieur A_____ à verser à B_____ SA les cotisations qui auraient dû être prélevées sur son salaire, soit CHF 7'058.05, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 mai 2013.

7.        Condamne F______ SA, B_____ SA et la FONDATION DE PRÉVOYANCE DES PÉTROLIERS, solidairement entre elles, à verser à Monsieur A_____ une indemnité de CHF 3'500.- à titre de dépens.

8.        Dit que la procédure est gratuite.


 

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le