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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1867/2011

ATAS/953/2011 (2) du 12.10.2011 ( AI ) , REJETE

Descripteurs : ; RÉCUSATION ; COMPÉTENCE
Normes : LPA 15 A
Résumé : Dans le cadre d'une procédure administrative, la décision sur récusation est prise par une délégation de 3 juges dont le président ou le vice-président et 2 juges titulaires. La demande de récusation doit être présentée sans délai à l'autorité compétente. Par autorité compétente, il faut entendre la juridiction administrative au sens de l'article 6 al. 1 LPA, à savoir - en matière d'assurances sociales - la Chambre des assurances sociales.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1867/2011 ATAS/953/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Décision sur récusation

du 12 octobre 2011

 

En la cause

Madame A__________, domiciliée à Versoix, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Florian BAIER

 

demanderesse

 

contre

Madame B__________, Présidente et Mesdames C__________ et D__________, Juges assesseures

défenderesses

 


EN FAIT

Madame A__________ (ci-après: l'assurée ou la demanderesse), née en 1981, a déposé en date du 7 juin 2001 une demande de reclassement auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI).

Après avoir requis les renseignements médicaux utiles et sollicité sa Division de réadaptation professionnelle, l’OAI, par décision du 7 mars 2007, a rejeté la demande de reclassement dans une nouvelle profession, au motif que le degré d'invalidité de l'assurée n'atteignait pas 20%.

Le recours interjeté par l’assurée le 5 avril 2007 a été rejeté par arrêt de la 3ème Chambre du Tribunal cantonal des assurances sociales, alors compétent (ci-après: le Tribunal), du 28 novembre 2008 (ATAS/1393/2008), siégeant dans la composition suivante : Mmes B__________, présidente, D__________ et C__________, juges assesseures.

En date du 28 janvier 2010, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations AI.

Par décision du 13 mai 2011, l'OAI a rejeté la demande, considérant qu’il n'y avait pas lieu de revenir sur les conclusions du rapport SMR du 8 août 2006, à savoir que l’assurée avait une capacité de travail de 50% dans l'ancienne activité d'aide coiffeuse et une capacité de travail totale dans une activité adaptée dès le 23 avril 2001. Il a conclu à l'absence de perte de gain.

Par courrier du 15 juin 2011 et par l'intermédiaire de son Conseil, l'assurée a interjeté recours par-devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice (ci-après CJCAS) et sollicité un délai complémentaire pour compléter son recours.

Dans sa réponse du 14 juillet 2011, l’OAI a conclu au rejet du recours.

Par courrier du 19 juillet 2011, la greffière d'une Chambre des assurances sociales a octroyé à l’assurée un délai au 22 août 2011 pour consulter le dossier et faire part de ses observations.

Par acte du 22 août 2011, l’assurée a complété son recours, concluant préalablement à la récusation d'une Chambre des assurances sociales, au motif que cette dernière avait déjà siégé dans une affaire entre les mêmes parties dans le cadre de la demande de mesures de réintégration professionnelle et tranché au sujet d’au moins une question juridique identique à celle de la présente cause. La recourante considère qu’il s’agit-là d’un cas de récusation d’office.

En date des 25 août et 29 août 2011, la Présidente de la CJCAS a communiqué à B__________, Présidente, et aux juges assesseures D__________ et C__________ la demande de récusation formulée par l’assurée et leur a imparti un délai pour se déterminer.

La Présidente a indiqué qu'elle s'en rapportait au jugement du plenum. Les juges assesseures D__________ et C__________ ont déclaré quant à elles s’en rapporter à justice.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

La présente procédure a pour seul objet de trancher la question de la récusation d'une, composée de B__________, Présidente, D__________ et C__________, juges assesseures, motif pris qu’elle avait statué par arrêt du 28 novembre 2008 (ATAS/1393/2008) dans une affaire antérieure opposant la demanderesse à l’OAI.

A titre préalable, il sied de rappeler qu’une autorité en tant que telle ne saurait faire l’objet d’une récusation. En effet, seules des personnes peuvent être récusées. Cela étant, l’on comprend que par cette Chambre, la demanderesse entend viser en réalité les juges composant ladite Chambre.

a) Les dispositions générales relatives à la récusation des magistrats qui figuraient dans la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (aLOJ ; RS E 2 05 ; art. 89 à 91) n'ont pas été reprises dans la LOJ du 26 septembre 2010, entrée en vigueur le 1er janvier 2011, en raison de l’entrée en vigueur des nouveaux codes de procédure civile et pénale fédéraux qui contiennent des règles particulières en matière de récusation. Depuis le 1er janvier 2011, une nouvelle disposition en matière de récusation a été insérée dans la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10).

b) Sous le titre « Récusation des juges, des membres des juridictions et des membres du personnel des juridictions », l’art. 15A LPA a la teneur suivante :

1 Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions se récusent :

a) s’ils ont un intérêt personnel dans la cause ;

b) s’ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d’une autorité, comme conseil juridique d’une partie, comme expert, comme témoin ou comme médiateur ;

c) s’ils sont conjoints, ex-conjoints, partenaires enregistrés ou ex-partenaires enregistrés d’une partie, de son représentant ou d’une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l’autorité précédente ou mènent de fait une vie de couple avec l’une de ces personnes ;

d) s’ils sont parents ou alliés en ligne directe ou jusqu’au troisième degré en ligne collatérale d’une partie ;

e) s’ils sont parents ou alliés en ligne directe ou au deuxième degré en ligne collatérale d’un représentant d’une partie ou d’une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l’autorité précédente ;

f) s’ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d’un rapport d’amitié ou d’inimitié avec une partie ou son représentant.

2 Ne constitue pas à elle seule un motif de récusation notamment la participation à une conciliation ou au prononcé de mesures provisionnelles.

3 Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions qui se trouvent dans un cas de récusation sont tenus d’en informer sans délai le président de leur juridiction.

4 La demande de récusation doit être présentée sans délai et par écrit à la juridiction compétente.

5 La décision sur la récusation d’un juge, d’un membre d’une juridiction ou d’un membre du personnel d’une juridiction est prise par la juridiction siégeant en séance plénière ; l’art. 30 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010, s’applique. Si la demande de récusation vise un juge titulaire, un membre d’une juridiction et un membre du personnel d’une juridiction, ce dernier ne peut participer à la décision.

c) La loi modifiant la loi sur l’organisation judiciaire, (loi-balai L 10761), du 27 mai 2011, entrée en vigueur le 27 septembre 2011, a modifié l’art. 15A al. 5 LPA : dorénavant, la décision sur récusation est prise par une délégation de 3 juges, dont le président ou le vice-président et 2 juges titulaires.

En l’absence de disposition transitoire contraire, le nouvel article 15A al. 5 LPA s’applique immédiatement, dès son entrée en vigueur (cf. ATF 129 V 115 ; 117 V 71 consid. 6b).

Il convient d’examiner si, conformément à l’art. 15A al. 4 LPA, la demande de récusation a été déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente.

A teneur de l’art. 15A al. 4 LPA, la demande doit être déposée sans délai. Selon une jurisprudence constante, le motif de récusation doit être invoqué dès que possible, à défaut de quoi le plaideur est réputé avoir tacitement renoncé à s'en prévaloir et voit son droit se périmer (ATF 136 I 207 consid. 3.4 ; 135 III 334 consid. 2.2 ; 134 I 20 consid. 4.3.1). Il appartient ainsi aux parties de faire valoir sans délai, sous peine de péremption, les motifs de récusation. Une demande de récusation tardive apparaît en effet abusive lorsque son auteur laisse la procédure suivre son cours et invoque après coup des moyens dont il connaissait l'existence (ATF 124 I 121 consid. 2 ; 121 I 225 consid 3). La demande de récusation introduite tardivement est déclarée irrecevable (ATF 128 V 82 consid. 2b ; 126 III 249 consid. 3c).

Selon la jurisprudence cantonale, une demande de récusation formée plus de trente jours (ATA/635/2001 du 9 octobre 2001), respectivement trois semaines (ATA/458/2005 du 21 juin 2005) après la connaissance des faits déterminants est tardive, notamment lorsque le requérant a laissé procéder (voir aussi ATAS/949/2010 du 16 septembre 2010).

En l'espèce, la recourante a requis la récusation des juges d'une Chambre dans le cadre de ses écritures du 22 août 2011 déposées en complément à son recours, soit dès qu’elle a eu connaissance du fait que la cause avait été attribuée à ladite Chambre. La demande a par conséquent été introduite dans la forme requise et en temps utile.

Selon l’art. 15A al. 4 LPA, la demande doit être présentée à la juridiction compétente. Par juridiction compétente, il faut entendre la juridiction administrative au sens de l’art. 6 al. 1 LPA, soit en l’occurrence la CJCAS, étant précisé que la décision sur la récusation est prise par une délégation de trois juges, soit en l’occurrence la présidente de la CJCAS et deux juges titulaires, la personne concernée ne participant pas à la décision (cf. art. 15A al. 5 LPA, en vigueur dès le 27 septembre 2011).

Au vu de ce qui précède, la demande de récusation, présentée en temps utile devant la juridiction compétente est recevable.

5. A l’appui de sa requête, la demanderesse invoque le fait qu'une Chambre de la CJCAS a déjà siégé dans une cause opposant les mêmes parties dans le cadre de la demande de mesures de réintégration professionnelle du 7 juin 2001 et rendu, en date du 28 novembre 2008, un arrêt (ATAS 1393/2008) niant le droit à un reclassement professionnel. Pour la demanderesse, il s’agit-là d’un motif de récusation d’office au sens de l’art. 15A let. b) et f) LPA.

A teneur de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La garantie d’un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) - qui ont, de ce point de vue, la même portée (ATF 135 I 14 consid. 2) - permet, indépendamment du droit de procédure cantonal, de demander la récusation d’un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité ; elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l’affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d’une partie. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat, mais seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 ; 135 I 14 consid. 2 ; 134 I 238 consid. 2.2 ; 133 I 1 consid. 5.2 et 6.2 ; 131 I 24 consid. 1.1 et les arrêts cités). En effet, l’impartialité du juge se présume, jusqu’à preuve du contraire (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol II, 2ème éd. : Les droits fondamentaux, Berne 2006, p. 576 ch. 1238).

L'équivalence des motifs de récusation entre instances administratives et judiciaires se limite aux cas dans lesquels un motif de prévention, supposé ou avéré, commande d'écarter une personne déterminée de la procédure en raison de sa partialité (ATA/174/2009 du 7 avril 2009, consid. 8; ATA/421/2008 du 6 août 2008, consid. 6).

Conformément à la jurisprudence, le fait qu'un juge ait déjà fonctionné dans une procédure antérieure mettant en cause les mêmes parties est insuffisant à constituer, à lui seul, un motif de récusation. L'impartialité d'un juge appelé à se prononcer dans un procès en révision n'est par exemple pas compromise du seul fait qu'il a pris part au jugement à réexaminer ou qu'il a déjà participé à une ou mêmes plusieurs affaires concernant la personne qui demande la récusation (ATA/680/1996 du 19 novembre 1996, R. KIENER, Richterliche Unabhängigkeit. Verfassungsrechtliche Anforderung an Richter und Gerichte, Berne 2001, p. 144 et les autres références citées). Une partie est en revanche fondée à dénoncer une apparence de prévention lorsque, par des déclarations avant ou pendant le procès, le juge révèle une opinion qu’il a déjà acquise sur l’issue à donner au litige (ATF 125 I 119).

Le Tribunal fédéral considère qu'on ne peut pas déterminer de manière générale dans quels cas le fait qu'un membre d'une autorité ou un juge soit déjà intervenu auparavant dans une affaire justifie ou non qu'il se récuse. Le critère déterminant pour juger cette question est qu'il faut veiller à ce que, par rapport à l'état de fait concret et aux questions de droit qui se posent, la procédure paraisse demeurer ouverte malgré l'intervention du juge et qu'elle n'ait pas l'apparence d'être fixée d'avance. Il est ainsi déterminant de savoir dans quelles circonstances de fait et de procédure le juge s'est occupé ou s'occupera ultérieurement de l'affaire (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2002, p. 106s.).

C'est à la lumière des principes et de la jurisprudence rappelés ci-dessus en matière de devoir d'impartialité qu'il convient d'examiner si cette Chambre -, composée de B__________, présidente, et des juges assesseures D__________ et C__________ -, doit faire l'objet d'une récusation.

En l'espèce, la demanderesse invoque à l’appui de sa demande de récusation le fait que cette Chambre avait déjà statué dans une affaire opposant les mêmes parties dans le cadre de sa demande de mesures de réintégration professionnelle du 7 juin 2001, niant par arrêt du 28 novembre 2008 son droit à un reclassement professionnel.

Les conditions spécifiques de la let. b) de l'al. 1 de l'art. 15 LPA n'ont pas pour vocation à s'appliquer en relation avec le motif de récusation invoqué par la demanderesse. La Chambre a effectivement déjà agi dans une cause opposant les parties puisqu'elle a rendu un premier arrêt en 2008. En date du 22 août 2011, elle a été à nouveau en charge du recours interjeté par la demanderesse concernant une nouvelle demande de mesures de reclassement. Cela étant, elle n'agit aucunement à un autre titre mais bien au même titre qu'en 2008, à savoir en qualité de juge au sein de la même juridiction. En effet, le TCAS est devenu, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle LOJ le 1er janvier 2011, la CJCAS. Comme l'énoncent la jurisprudence et la doctrine, rien ne met en péril l'impartialité d'un magistrat dans ce type de situation.

Pour le surplus, la demanderesse ne fait valoir aucun motif relevant de l’art. 15A let. f) LPA quant à des liens d’amitié ou d’inimitié susceptibles de faire naître une quelconque apparence de prévention des juges de cette Chambre à son encontre ou à celui de son mandataire.

Les motifs invoqués par la demanderesse n'étant pas de nature à démontrer une quelconque prévention de partialité au sens des art. 29 al. 1 Cst et 15A let. b) et f) LPA, la demande de récusation s'avère infondée. Partant, elle doit être rejetée.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur demande de récusation

conformément à l'art. 15A LPA

 

A la forme :

Déclare la requête en récusation recevable.

Au fond :

La rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre la présente décision dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDE

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le