Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3612/2017

ATAS/64/2019 du 28.01.2019 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3612/2017 ATAS/64/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 28 janvier 2019

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A_______, domiciliée à CHÂTELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean-Marie FAIVRE

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

 

intimé

 

 

 


 

EN FAIT

1.        Madame A_______ (ci-après l’assurée ou la recourante), née en 1965, a travaillé en qualité de sommelière dans un restaurant.

2.        Le 17 janvier 2005, l’assurée a subi un accident sur son lieu de travail. Elle a chuté dans les escaliers et a perdu connaissance quelques minutes.

3.        Le 23 mars 2006, l'assurée a déposé une demande auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après l’OAI ou l’intimé), visant à l'octroi d'une rente d'invalidité.

4.        Mandaté par l'assurance-accidents, le docteur B_______, spécialiste FMH en neurologie, a rendu deux rapports d'expertise les 8 novembre 2005 et 8 novembre 2006.

Dans son premier rapport, il a relevé que l’assurée avait dans un premier temps repris le travail à 50 %, contre l’avis de ses médecins, afin de structurer ses journées, alors que lui-même concluait à une capacité de travail de 30 %. L’assurée paraissait extrêmement authentique.

Dans son second rapport, il a estimé la capacité de travail de l'assurée à 50 %.

5.        Dans une note du 28 février 2007, le Service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) a admis que l'assurée n'était plus capable d'exercer son activité de serveuse, même à 50 %, mais que l'on pouvait s'attendre à un taux de 75 % au moins dans une activité plus légère.

6.        À la demande de l’assurance-accidents, un rapport de surveillance a été établi le 23 juin 2007. Les détectives ont notamment conclu que l’assurée travaillait à plein temps au restaurant, alors qu’elle annonçait une incapacité de travail de 50 %. En effet, elle s’était trouvée au restaurant durant 35 à 36 heures par semaine durant les deux semaines d’observation.

7.        Par décision du 8 septembre 2008, l'OAI a refusé toute prestation à l’assurée. Il a retenu qu’elle travaillait à plein temps durant la période où elle affirmait travailler à 50 %.

8.        Saisi d’un recours contre cette décision, le Tribunal cantonal des assurances sociales, alors compétent, a entendu les parties le 7 avril 2009. Dans ce cadre, l’assurée a exposé qu’elle n’avait jamais augmenté son taux de travail à 100 %. Au mois de juin 2007, elle avait travaillé à plus que 50 % lorsqu’elle se sentait bien ou qu’il fallait remplacer un collègue. Elle se rendait également au restaurant sans y travailler, pour y manger ou boire un café. Elle contestait le rapport de surveillance.

À l’issue de l’audience, délibérant sur le siège, le Tribunal a annulé la décision de l’OAI et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision, considérant que soit l'OAI constatait que le rapport d'enquête remettait en cause la capacité résiduelle de travail établie médicalement, et il devait alors investiguer cette question, soit il devait faire droit à la demande de réadaptation professionnelle préconisée par le SMR (ATAS/411/2009).

9.        L'assurée a été soumise à une expertise à la Clinique romande de réadaptation (CRR) à Sion. Dans leur rapport établi le 7 septembre 2010, les docteurs C_______, spécialiste FMH en psychiatrie, et D_______, spécialiste FMH en rhumatologie, qui se sont adjoint le concours d’un spécialiste en neurologie, ont résumé le dossier, procédé à une anamnèse, recueilli les plaintes de l’assurée et relaté leurs observations. Ils ont conclu à une incapacité de travail de 50 % depuis février 2008, en raison de la perturbation psychique. Au sujet du rapport de surveillance, ces médecins ont relevé qu’ils pouvaient tout au plus souligner l’impression d’authenticité donnée par l’assurée, et l’absence d’argument pour une simulation.

10.    Dans un avis du 19 janvier 2011, le SMR a retenu au sujet de l’expertise qu'il existait d'importantes discordances entre les appréciations somatique et psychiatrique, qu'il n'y avait pas eu de discussion concernant les éléments apportés par la surveillance de 2007, et que les experts somaticiens et psychiatres n'avaient pas eu une appréciation consensuelle du cas et n'avaient pas relevé les discordances présentées par l'assurée, notamment lors des tests fonctionnels. Partant, il a nié tout caractère probant au rapport d'expertise de la CRR.

11.    Une collaboratrice de l’OAI a observé l’assurée sur son lieu de travail le 25 mars 2011. Elle a indiqué que cette dernière se mouvait sans aucune gêne apparente et s’était déplacée avec vivacité plusieurs fois entre la salle et la terrasse. Ce jour, elle avait assuré le service de midi et le service du soir, soit une présence d’au moins cinq heures.

12.    Dans un avis du 19 octobre 2011, un médecin du SMR a commenté un rapport de surveillance réalisé entre le 18 mai et le 23 juillet 2011. Il en a conclu que l’assurée avait une nouvelle fois démontré une pleine capacité de travail avec des journées variant entre 6 heures 30 et 11 heures, sans évidence de limitations fonctionnelles.

13.    Le 16 février 2012, l’OAI a sollicité de la CRR un complément d’expertise, expliquant que le SMR n’était pas d’accord avec les conclusions du rapport d’expertise et mettait en cause l’avis de l’expert psychiatre notamment. Il a transmis à la CRR les rapports de surveillance réalisés.

14.    Par courrier du 26 avril 2012, le Dr D_______ a refusé de procéder à un complément d’expertise. Il a invoqué « des problèmes éthiques que ce genre d’évaluation pose, l’expert étant appelé à se prononcer sur une problématique qui n’est plus de sa compétence. A partir du moment où l’assurée a été vue en train de réaliser des tâches dont elle se dit incapable, elle entrerait dans le registre de la simulation, à savoir dans la production de symptômes pour obtenir des bénéfices. Or, la simulation n’est pas une maladie, mais un comportement qui sort du champ médical. Il s’agit dès lors pour l’OAI d’assumer les conséquences de ce qu’elle a déclenché ». Le médecin a par ailleurs souligné que ses confrères de la CRR avaient réalisé l’expertise de cette assurée au plus près de leur conscience.

15.    Le 29 juin 2012, l'OAI a informé l'assurée qu'il estimait nécessaire qu'elle se soumette à un examen pluridisciplinaire (rhumatologie, neurologie et psychiatrie) et a précisé que le centre d'expertise serait désigné aléatoirement.

16.    Le 8 janvier 2013, l'OAI a informé l'assurée que les experts retenus étaient les docteurs E_______ (spécialiste FMH en médecine interne générale et rhumatologie), F_______ (spécialiste FMH en neurologie) et G______ (spécialiste FMH en psychiatrie).

17.    L'assurée a indiqué à l’OAI le 22 janvier 2013 qu'elle ne donnerait pas suite à la convocation à l’expertise, dont rien ne justifiait la mise en œuvre.

18.    Le 8 février 2013, l'OAI a sommé l’assurée de donner suite à la deuxième convocation qui lui serait adressée et lui a imparti un délai au 31 mars 2013 pour lui confirmer qu'elle collaborerait à l'expertise.

19.    L'assurée, par l'intermédiaire de son mandataire, a déposé auprès de la chambre de céans le 8 avril 2013 une requête en constatation de déni de justice. Elle a en outre conclu à l’allocation d’une demi-rente d’invalidité.

20.    Le 25 juin 2013, l'OAI a adressé à l'assurée un projet de décision, aux termes duquel la demande de mesures professionnelles et de rente était rejetée pour défaut de collaboration.

21.    Par arrêt du 20 août 2013 (ATAS/792/2013), la chambre de céans a admis le recours pour déni de justice et a invité l’OAI à rendre une ordonnance d’expertise sous forme de décision incidente.

22.    Par décision incidente du 10 décembre 2013, l’OAI a maintenu que la mise en place d’une expertise médicale pluridisciplinaire en médecine interne générale, rhumatologie, neurologie et psychiatrie était nécessaire, au motif que l’expertise du 7 septembre 2010 ne pouvait se voir reconnaître pleine valeur probante au vu de ses nombreuses discordances et en raison du fait qu’elle ne prenait pas en compte l’intégralité du dossier, notamment le rapport sur la surveillance effectuée entre le 18 mai et le 23 juillet 2011.

23.    Saisie d’un recours contre la décision du 10 décembre 2013, la chambre de céans l’a admis et a octroyé une demi-rente d’invalidité à l’assurée dès le 1er février 2009 par arrêt du 27 juin 2014 (ATAS/820/2014).

Elle a en substance retenu que l’expertise de la CRR avait bien pris en considération le rapport de surveillance, et que les médecins avaient persisté dans leurs conclusions une fois interpellés à ce sujet. Leur rapport devait se voir reconnaître pleine valeur probante eu égard à son contenu. La seconde enquête de l’OAI n’amenait aucun élément nouveau par rapport à la première. Les conclusions des experts de la CRR restaient dès lors valables, et une seconde expertise médicale ne se justifiait pas. Il convenait ainsi de retenir que l’assurée était incapable de travailler à 50 % dans son activité de serveuse depuis février 2008.

24.    L’OAI a interjeté recours contre l’arrêt précité auprès du Tribunal fédéral, qui l’a admis par arrêt du 10 novembre 2014 (9C_636/2014).

Il a considéré qu’en statuant sur le droit à la rente, la chambre de céans avait étendu l’objet du litige en violation du droit d’être entendues des parties. En outre, la décision incidente litigieuse ne mentionnait pas le centre d'expertise désigné ou le nom des experts, et n’entraînait en soi pas un désavantage pour l’assurée, de sorte que l’OAI devait rendre une nouvelle décision après avoir mis en œuvre la procédure réglementaire d’attribution du mandat d’expertise.

25.    Par décision incidente du 3 mai 2016, l’OAI a ordonné une expertise pluridisciplinaire, attribuée au centre d’expertises médicales de la Policlinique universitaire médicale de Lausanne (PMU), qui serait réalisée par les docteurs H_______ (spécialiste FMH en médecine interne), I_______ (spécialiste FMH en psychiatrie), J_______ (spécialiste FMH en rhumatologie) et K_______.

26.    Les experts précités ont rendu leur rapport le 8 novembre 2016.

Ils ont précisé que les conclusions du rapport avaient été discutées dans un colloque de synthèse par les Dresses H_______ et I_______.

Le rapport a résumé le dossier médical de l’assurée et retracé son anamnèse. Ses plaintes relevaient de cervicalgies, de céphalées quasi-permanentes, de lombalgies, de douleurs du membre supérieur gauche depuis quelques mois, et de douleurs du creux du genou.

Le moral était décrit comme sans évolution depuis son observation en 2007. L’assurée était toujours en train de surveiller qu’on ne l’observait pas, elle avait toujours peur que l’on rentre chez elle à son insu. Elle avait précisé avoir été hospitalisée trois fois en milieu psychiatrique en 2013 pour des tentamens. Elle décrivait des troubles de la concentration et de la mémoire et oubliait au fur et à mesure ce qu’elle avait lu. Son cercle social était très restreint. Elle se contentait des clients réguliers du restaurant, qu’elle considérait un peu comme une famille. Elle avait des contacts avec sa famille. Au restaurant, elle prenait les commandes, apportait les plats et débarrassait. Il y avait des femmes de ménage pour l’entretien de la salle, elle ne participait pas à la plonge. Elle aidait en cuisine, préparait des salades, des pizzas, etc. Il n’y avait pas de port de charges. Les boissons étaient exclusivement portées par les hommes en service. Elle servait les boissons mais ne remplissait pas le réfrigérateur. Pendant les vacances, il lui arrivait de remplacer un collègue pendant deux-trois semaines à 100 % mais son dos, sa jambe, la tête et la fatigue ne lui permettaient pas de prolonger à ce taux de travail.

Dans leurs constatations, les experts ont notamment relaté qu’à chaque évocation du moral, l’assurée était au bord des larmes.

Au plan neurologique, le Dr K_______ a noté de discrets troubles statiques vertébraux à l’examen du rachis dorsolombaire. Il a réalisé un électroneuromyographe (ENMG) et étudié les documents radiologiques, lesquels mettaient en évidence une petite hernie discale médiane sous-ligamentaire L4-L5, sans évidence de compression radiculaire et sans rétrécissement significatif du diamètre du canal rachidien, et de petites protrusions discales pluriétagées. Il a retenu que l’examen clinique était sans anomalie significative d’un point de vue strictement neurologique. Il a noté l’absence d’atteinte neurologique périphérique ou centrale significative susceptible d’expliquer les plaintes et l’incapacité de travail de l’assurée. S’agissant des céphalées, leur description évoquait clairement leur nature tensionnelle. Les éléments à disposition ne permettaient pas de retenir une atteinte radiculaire pour les brachialgies gauches et les troubles sensitifs au niveau de main. Restait l’éventualité d’un syndrome du tunnel carpien, mais l’examen clinique et l’ENMG n’apportaient pas d’arguments dans cette direction. Pour ce qui était des plaintes lombaires et des troubles au niveau des membres inférieurs, il n’y avait pas d’argument significatif pour une compression radiculaire ou médullaire. L’expert neurologue ne voyait ainsi pas de raison de retenir chez l’assurée une incapacité de travail dans l’activité exercée, ainsi que dans toute activité potentiellement exigible, ceci sans évidence de limitations fonctionnelles, les conséquences de l’événement accidentel s’étant « bien évidemment épuisées de très longue date ».

La consultation de rhumatologie a donné lieu à un status, complété par l’étude des éléments radiologiques, lesquels ne montraient pas de lésion ostéo-articulaire significative compte tenu de l’âge de l’assurée. Le diagnostic était celui de cervico-lombalgies chroniques non spécifiques. Le Dr J_______ a noté un examen clinique relativement pauvre, ne mettant pas en évidence de limitation fonctionnelle pouvant évoquer d’éventuelles lésions anatomiques. La discopathie L4-L5 n’avait pas de traduction clinique, elle correspondait à une imagerie qui ne suffisait pas à expliquer pas l’intensité et la persistance des lombosciatalgies gauches notamment. Il s’agissait de douleurs qui limitaient selon l’assurée la capacité de travail à 50 %, soit un phénomène subjectif non mesurable et d’étiologie multifactorielle, dont la persistance notamment n’était pas explicable de manière prépondérante selon un modèle biomédical seul. Au vu du descriptif du poste de travail, le rhumatologue n’avait pas d’élément justifiant une incapacité de travail. En raison de la discopathie, on pouvait tout au plus admettre que des travaux physiquement lourds ou avec exposition aux vibrations corporelles étaient contre-indiqués. Pour les activités ménagères, la capacité de travail était complète.

Au plan psychiatrique, la Dresse I_______ a noté que l’expression du visage de l’assurée dénotait de l’anxiété, ses traits étaient tirés. Au début de l’entretien, elle était très plaintive et ruminait sans cesse des inquiétudes, des angoisses et des revendications autour du conflit assécurologique. Toutefois, ses affects étaient mobilisables et le focus d’attention était partagé, hormis les problèmes de rumination. Les niveaux d’attention, de concentration et de mémoire paraissaient adéquats tout au long de l’entretien. On ne relevait pas d’agitation ni de ralentissement psychomoteur. Durant l’entretien, il y avait des moments de tristesse, toujours en relation avec les ruminations du conflit assécurologique. L’assurée avait abordé spontanément sa bonne intégration dans le restaurant où elle travaillait depuis son arrivée en Suisse, et qui était devenu une deuxième famille. La psychiatre constatait une bonne capacité d’organisation lorsque l’assurée décrivait la planification de sa semaine, ainsi que sa capacité à remplacer des collègues en vacances. Malgré toutes les difficultés rencontrées ces dernières années, génératrices de beaucoup d’angoisse et de somatisations, l’assurée avait pu continuer son travail et donner satisfaction à son patron, qui par ailleurs avait aménagé les tâches à effectuer pour lui épargner le port de charges. L’assurée avait exprimé à plusieurs reprises son besoin de sécurisation. Elle s’était sentie très sécurisée lors de l’entretien, qui avait commencé avec une ambiance de crise, alors qu’elle était en pleurs et se montrait très angoissée par la situation. L’experte psychiatre ne relevait pas d’élément parlant en faveur d’un trouble anxieux spécifique, hormis l’anxiété liée au contexte assécurologique et de l’examen. Elle ne dénotait pas non plus d’élément pouvant évoquer un trouble phobique. Plus spécifiquement, il n’y avait aucun élément d’évitement concernant la chute traumatique de 2005, et les éléments parlant en faveur d’un état de stress post-traumatique étaient pour l’heure complètement écartés. L’assurée exposait des comportements méticuleux, surtout concernant les rangements, mais il n’y avait pas de critère pour un trouble obsessionnel compulsif, bien au contraire. Cela dénotait une bonne capacité de bien finaliser les tâches et ordonner son environnement, qualités très appréciables dans le domaine du travail.

S’agissant des tentatives de suicide, elles paraissaient réactionnelles à la frustration déclenchée par le conflit assécurologique. Il n’existait pas de trouble de la pensée ni de trouble du moi ou de la personne. Il n’y avait pas non plus d’élément paranoïde, l’impression de l’assurée de se sentir surveillée par moments paraissant congruente avec le contexte actuel et ne constituant pas un élément psychopathologique. Il n’existait pas d’indicateur d’un trouble des addictions.

Les diagnostics étaient ceux de trouble anxio-dépressif mixte (entretenu par un conflit assécurologique) (F 41.1) et de trouble mixte de la personnalité (dépendante et histrionique) (F 61.0). La Dresse I_______ a relevé que l’assurée souffrait d’un état dépressif entretenu par les difficultés inhérentes à la prise de décision médicale ainsi que par le désaccord entre la partie médicale et la partie assécurologique. Ayant aujourd’hui un certain recul sur l’évolution de l’assurée, la psychiatre constatait qu’elle avait été capable de s’insérer à nouveau dans le milieu professionnel trois mois après son accident, et qu’entre un et deux ans plus tard, il y avait une amélioration significative de la problématique somatique liée à cet accident. À cette époque, l’assurée paraissait complètement autonome pour assumer sa vie quotidienne et son organisation. Elle présentait une diminution importante de l’estime d’elle-même à propos du conflit avec l’assurance. À ce sujet, la Dresse I_______ notait qu’il serait très difficile d’évaluer ses heures de travail réelles, étant donné qu’au vu de la structure familiale du restaurant, tous les employés étaient invités à venir manger gratuitement à midi et le soir, et que de ce fait l’assurée compensait parfois les heures de repos à d’autres moments. D’autre part, elle confirmait que de manière intermittente, elle travaillait à bien plus que 50 %, par exemple lorsqu’elle devait remplacer un de ses collègues en vacances. Ainsi, elle paraissait capable de travailler à plus de 50 %. Les pathologies psychiatriques constatées, à savoir le trouble anxio-dépressif et le trouble mixte de la personnalité, constituaient des diagnostics de crise et ne pouvaient entraîner à l’heure actuelle une incapacité de travail de longue durée. Eu égard à la pathologie décelée, une incapacité de travail psychique ne pouvait être justifiée depuis février 2007, date à laquelle le SMR avait considéré que l’incapacité de travail à 50 % relevait de l’atteinte lombaire qui prédominait dans le tableau pathologique. La Dresse I_______ a répété que l’assurée paraissait en crise et que la problématique assécurologique jouait un rôle d’entretien de l’anxiété et de la dépression. Elle a émis certaines recommandations quant au traitement médicamenteux.

Les diagnostics avec influence essentielle sur la capacité de travail étaient les suivants : cervico-lombalgies chroniques, non spécifiques ; status après TCC léger et entorse cervicale le 17 janvier 2005 ; céphalées tensionnelles, trouble anxio-dépressif mixte entretenu par le conflit assécurologique (F 41.0) et trouble mixte de la personnalité dépendante et histrionique (F 61.0).

Les experts ont ensuite répété les éléments évoqués dans les appréciations individuelles. La psychiatre a ajouté concernant l’analyse des indicateurs standards selon la nouvelle jurisprudence qu’il existait toujours un suivi psychiatrique avec une compliance satisfaisante. Le syndrome douloureux entraînait peu de limitations fonctionnelles dans la vie professionnelle. La vie familiale de l’expertisée était également peu affectée par le syndrome douloureux et l’état dépressif décrit. Il existait un trouble de la personnalité mais il n’empêchait pas l’assurée de mobiliser ses ressources pour conserver une vie sociale et son activité professionnelle. En conclusion, au vu d’un état anxio-dépressif jugé non sévère en dehors des épisodes de crise, d’un trouble de la personnalité non décompensé chez une assurée capable de mobiliser ses ressources pour travailler jusqu’à un taux de 100 %, la capacité de travail était totale.

Après discussion collégiale, les experts estimaient en tenant compte des constatations du Dr B_______ que la capacité de travail de l’assurée avait été de 50 % du 29 mars 2005 au 31 décembre 2006, puis de 100 % à partir du 1er janvier 2007 dans son activité habituelle. Il faudrait s’assurer en cas de changement d’établissement que cette activité reste adaptée à la pathologie lombaire. Ils ont précisé que ces conclusions avaient été établies après le visionnage des images et la lecture des rapports de surveillance, qui corroboraient l’absence de limitations fonctionnelles importantes. Cependant, ces éléments ne permettaient pas d’apprécier l’état psychologique de l’assurée. Par ailleurs, le temps de travail ne pouvait être évalué parfaitement sur ces données, la présence au restaurant ne signifiant pas qu’elle y travaille.

27.    L’assurée a été admise à l’Unité d’urgences psychiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où elle a séjourné du 17 au 19 octobre 2016 en raison d’une crise d’agitation avec abus médicamenteux. Le diagnostic d’hypomanie avec symptômes psychotiques a été posé.

28.    Du 19 octobre au 2 novembre 2016, l’assurée a été hospitalisée contre sa volonté au Service de psychiatrie générale des HUG, en raison d’une décompensation psychotique avec idées délirantes de persécution.

29.    Dans la lettre de sortie du 3 novembre, les médecins ont retenu le diagnostic principal de trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F 33.4) et le diagnostic de trouble psychotique aigu et transitoire, sans précision (F 23.9). Le psychiatre traitant les avait informés du fait que le probable facteur déclenchant serait une expertise. Au vu de l’absence de symptômes dépressif et psychotique et de critères de dangerosité, un retour à domicile avait été décidé, lequel serait suivi d’une hospitalisation à la Clinique de Montana.

30.    L’assurée a séjourné à la Clinique genevoise de Montana du 3 au 17 novembre 2016. Les docteurs L_______ et M_______ ont notamment posé le diagnostic principal de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, les diagnostics secondaires étant de nature somatique et comprenant des dorsalgies. L’assurée avait bénéficié d’un soutien médico-infirmier régulier et d’un suivi avec un psychologue. Elle s’était montrée investie et motivée, et sa thymie s’était rapidement améliorée pendant le séjour.

31.    Dans un avis du 10 janvier 2017, le docteur N_______, médecin au SMR, s’est déterminé sur l’expertise. Il l’a qualifiée de pleinement convaincante, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de s’en écarter. Quant aux nouveaux rapports d’hospitalisation, ils confirmaient que la dégradation de l’état psychique de l’assurée était réactionnelle à la nouvelle expertise. Il fallait ainsi s’en tenir aux conclusions des experts.

32.    Dans son avis du 27 janvier 2017, le Dr N_______ a relevé au sujet du rapport d’hospitalisation à la Clinique genevoise de Montana que les médecins confirmaient la très bonne évolution et l’absence d’une nouvelle dégradation de l’état psychique. Ainsi, la dégradation avait été transitoire et les conclusions des experts de la PMU restaient valables.

33.    Le 8 mars 2017, l’OAI a adressé un projet de décision à l’assurée, reconnaissant le droit à une demi-rente du 1er janvier 2005 au 31 mars 2007, basé sur un degré d’invalidité de 50 %. En effet, selon le SMR, la capacité de travail de l’assurée était nulle dans toute activité du 19 janvier au 28 février 2005 et de 50 % du 1er mars 2005 au 31 décembre 2006. Des mesures professionnelles ne se justifiaient pas.

34.    Le 24 avril 2017, l’assurée a contesté le projet de décision de l’OAI. Elle lui a reproché d’avoir cherché à influencer négativement la détermination des experts en leur remettant l’entier des éléments réunis par les détectives privés, sans leur transmettre ses objections quant à la mise en œuvre de ces détectives et quant à leurs conclusions. L’OAI n’avait notamment pas remis les feuilles de présence contresignées par tous les employés du restaurant, démontrant que l’assurée n’avait jamais travaillé à plus de 50 %. Or, selon la jurisprudence européenne, la mise en œuvre de détectives privés dans l’espace public sans précision quant à la conduite des investigations et sans garantie contre les abus constituait une violation de la sphère privée. Les experts n’en avaient pas tenu compte, et leurs conclusions devaient être rejetées pour ce motif déjà. La lecture de l’expertise révélait l’influence déterminante des rapports de détectives sur les conclusions des experts. En outre, l’OAI avait mis en œuvre cette expertise sans respecter les principes dégagés par la jurisprudence tendant au respect de l’égalité de traitement ou à la protection de la bonne foi. Au demeurant, il était surprenant que les experts n’aient pas hésité à évaluer le taux d’incapacité de travail de l’assurée avec effet rétroactif à 2006 sans se soucier de l’appréciation contraire de médecins s’étant occupés d’elle depuis son accident. En particulier, les experts ne disaient rien ou presque des épisodes de dépression moyenne à sévère relevés au fil du temps et ayant abouti à deux hospitalisations pour tentamens. Partant, il se justifiait d’allouer à l’assurée une demi-rente d’invalidité sans limitation dans le temps.

35.    Dans un rapport du 12 janvier 2017 à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, le docteur O_______, spécialiste FMH en psychiatrie, a attesté d’une incapacité de travail entière.

36.    Par décision du 28 juin 2017, l’OAI a confirmé les termes de son projet. Il s’est référé à l’avis du SMR.

37.    L’assurée a interjeté recours contre cette décision le 4 septembre 2017, déclarant recourir également contre la décision du 7 août 2017 de la caisse de compensation Gastrosocial allouant un rétroactif de CHF 1'118.- à l’assurance-accidents pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 mars 2007.

Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire; principalement, à l’annulation de la décision de la caisse de compensation Gastrosocial quant à l’attribution des rentes rétroactives à l’assurance-accidents ; à ce que la caisse de compensation Gastrosocial soit invitée à lui virer sans délai l’entier des rentes dues pour la période du 1er janvier au 31 mars 2007 ; à l’octroi d’une demi-rente dès le 1er janvier 2006 non limitée dans le temps.

Elle a contesté les conclusions de l’expertise de la PMU, affirmant que les experts n’étaient pas censés se déterminer sur des faits antérieurs de presque dix ans à leur mise en œuvre et dont ils n’ont pas eu connaissance. En outre, ils avaient émis un pronostic favorable, alors même qu’à l’époque du dépôt du rapport d’expertise, la recourante était au plus mal et n’avait pas repris d’activité depuis. Elle avait en effet été hospitalisée le 17 octobre 2016. Elle s’est référée à l’appréciation du Dr O_______ du 24 août 2017, qu’elle a produite. En outre, les experts avaient été négativement influencés par les rapports des détectives, qui n’auraient dû être que des éléments d’appréciation sans interférence avec la problématique médicale. Partant, la recourante sollicitait la mise en œuvre d’une expertise judiciaire. Le rapport d’expertise ne pouvait avoir valeur probante du fait de ses références aux rapports des détectives. La recourante n’avait pas été informée de la mission d’expertise et des éléments soumis aux experts, s’agissant notamment des rapports des détectives.

Elle s’est également prononcée sur la compensation qu’elle contestait.

Dans le rapport du 24 août 2017 joint à cette écriture, le Dr O_______ s’est déterminé sur l’expertise de la PMU, dont il retenait qu’elle minimisait la pathologie psychiatrique. Il ne voyait pas comment on pouvait parler de crise pour une période s’étendant sur plusieurs années, avec plusieurs hospitalisations urgentes sur un fond de suicidalité. S’agissant du rôle d’entretien de la problématique assécurologique, elle était aussi révélatrice de l’extrême fragilité psychique de la recourante, avec une impulsivité qui pourrait finalement lui coûter la vie. Le Dr O_______ était d’avis que ces agissements autodestructeurs répétés ne pouvaient pas être attribués exclusivement au conflit assécurologique. Quant au manque de critères pour justifier un épisode dépressif moyen, contesté par la Dresse T_______ dans son avis du 19 janvier 2011, le Dr O_______ considérait que le terme « mauvais moral » correspondait au critère de l’humeur dépressive. Le Dr O_______ a résumé les hospitalisations urgentes de la recourante, pour conclure à un trouble psychiatrique sévère dans le sens d’un état dépressif d’intensité modérée à sévère, variant en fonction de différents facteurs de stress, même de faible importance, qui aboutissaient aux tentamens suicidaires par abus de substances psychoactives, ou d’importance majeure culminant par l’hospitalisation psychiatrique non volontaire avec décompensation psychotique. Depuis cette dernière décompensation, la recourante était en arrêt-maladie pour une durée indéterminée. Le Dr O_______ préconisait une nouvelle expertise pour discuter du diagnostic et du pronostic, notamment eu égard aux risques de récidive et de chronicité.

38.    Dans sa réponse du 3 octobre 2017, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il a affirmé s’agissant des rapports de surveillance qu’ils devaient être pris en compte par les experts et que la surveillance avait été mise en œuvre avant la jurisprudence invoquée par la recourante. Le rapport de la PMU devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Partant, il était inutile de mettre en œuvre une nouvelle expertise. Les rapports d’hospitalisation postérieurs avaient été soumis au SMR, et il ressortait que les épisodes dépressifs étaient réactionnels et transitoires et ne justifiaient pas d’incapacité de travail durable. Le rapport du Dr O_______ avait été soumis au SMR, et l’intimé se ralliait à son avis du 3 octobre 2017, joint à son écriture.

Dans l’avis joint du SMR, la doctoresse P_______ s’est déterminée sur le courrier du Dr O_______. Elle a affirmé qu’il ne rapportait pas de nouveaux éléments médicaux, pas de nouveaux diagnostics ni d’aggravation de l’état de santé de la recourante.

39.    Le 19 mai 2017, la recourante a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, invoquant une décompensation psychotique avec dépression survenue le 17 octobre 2016.

40.    Le 3 décembre 2018, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une expertise aux docteurs Q_______, spécialiste FMH en neurologie, R_______, spécialiste FMH en psychiatrie, et S_______, spécialiste FMH en rhumatologie, et leur a imparti un délai pour se déterminer sur les experts pressentis et la liste des questions qu’elle entendait leur poser.

41.    Dans sa réponse du 7 décembre 2018, l’intimé s’est opposé à la mise en œuvre d’une expertise, dès lors qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur la légitimité d’un tel acte et qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause le bien-fondé des conclusions des experts de la PMU. Pour le surplus, il n’avait pas de motifs de récusation à l’encontre des experts annoncés ni de questions complémentaires. Toutefois, l’ensemble du dossier, y compris les rapports de surveillance, devait cas échéant être soumis aux experts, et le mandat d’expertise devait être précisé en ce sens.

42.    La recourante s’est déterminée le 22 janvier 2019. Elle a souligné le bien-fondé de la mise en œuvre d’une expertise, tout en alléguant qu’il était exclu de soumettre aux experts les rapports de surveillance dont elle avait fait l’objet. Ces rapports risquaient de pervertir le travail des experts.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA est applicable à la présente procédure.

3.        Déposé dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité à la suite de l’accident qu’elle a subi en janvier 2005.

5.        a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l’assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 762/02 du 6 mai 2003 consid. 2.2).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c).

c. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

d. S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

e. L’art. 72bis du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) prévoit que les expertises comprenant trois ou plus de trois disciplines médicales doivent se dérouler auprès d'un centre d'expertises médicales lié à l'office fédéral par une convention (al. 1). L'attribution du mandat d'expertise doit se faire de manière aléatoire (al. 2). Cette disposition a été introduite en mars 2012 à la suite de l’arrêt de principe rendu par le Tribunal fédéral (ATF 137 V 210), qui a apporté de nombreux correctifs à la procédure administrative, en particulier en ce qui concerne la désignation des experts afin d’assurer une procédure équitable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_140/2015 du 26 mai 2015 consid. 5.1).

L’annexe 1 au modèle de convention au sens de l’art. 72bis RAI établi par l’OFAS contient les critères pour l’établissement d’expertises médicales pluridisciplinaires pour évaluer les droits à des prestations de l’assurance-invalidité. Le chiffre 5 de cet annexe, intitulé « Conditions formelles pour établir des expertises médicales pluridisciplinaires », prévoit que le centre d’expertises garantit que les expertes et experts prennent part à l’établissement des conclusions de l’expertise dans le cadre d’entretiens consensuels.

6.        En l’espèce, au plan formel, on relève en premier lieu que les conclusions de l’expertise réalisée à la PMU n’ont pas été établies de manière consensuelle, comme l’exige pourtant la convention conclue par les centres d’expertise et l’OFAS. En effet, seules la psychiatre et la spécialiste en médecine interne (domaine qui ne devait du reste pas faire l’objet d’un examen selon la communication du 29 juin 2012) ont participé à la discussion de synthèse. Ce seul point suffit en principe à mettre en doute la valeur probante de cette expertise, puisqu’il s’agit là d’une garantie formelle dont les centres doivent assurer le respect. Il n’est du reste pas inutile de rappeler que le défaut allégué de conclusions consensuelles par les experts de la CRR était un des arguments mis en avant par le SMR pour nier la valeur probante de leur rapport.

Cela étant précisé, sur le fond, l’expertise ne peut pas non plus se voir reconnaître valeur probante. On relève en premier lieu que les experts, bien que leurs conclusions divergent de celles des médecins de la CRR, ne s’en expliquent pas. Ils ne discutent en effet absolument pas les constatations des précédents experts - à l’exception d’une très brève mention dans l’appréciation de la psychiatre. Dès lors que leur rapport est censé établir la capacité de travail médico-théorique de la recourante depuis sa demande de prestations de janvier 2006, il était indispensable que les experts exposent les motifs qui justifiaient qu’ils s’écartent de l’appréciation de leurs confrères, d’autant plus qu’ils avaient pour mission d’évaluer la capacité de travail de la recourante de manière rétrospective sur une période comprenant celle où elle avait été examinée par les médecins de la CRR. Or, en matière psychiatrique notamment, le fait d’écarter l’existence dans le passé de certaines atteintes en dépit des constatations faites à l’époque par les médecins doit être solidement motivée.

Du point de vue neurologique, la brève analyse du Dr K_______ se termine par la phrase suivante « les conséquences de l’événement accidentel s’étant bien évidemment épuisées de très longue date ». À l’évidence, une telle conclusion n’est pas suffisamment précise pour apprécier l’éventuelle incidence d’atteintes neurologiques depuis 2006 et leur évolution, et ne suffit ainsi pas à trancher le droit aux prestations de la recourante.

Le volet rhumatologique présente les mêmes lacunes, puisqu’il admet une capacité de travail complète sans indiquer si elle a toujours existé ou si elle a évolué. On comprend en outre mal comment le rhumatologue peut simultanément affirmer que la discopathie L4-L5 n’a pas de traduction clinique, alors que la recourante présente des douleurs par ailleurs qualifiées de subjectives. L’assertion selon laquelle la persistance des douleurs ne s’explique pas n’est en outre guère compréhensible, puisque la discopathie qui pourrait être à son origine perdure.

Au plan psychiatrique, la Dresse I_______ ne s’est pas non plus expliquée des divergences dans son appréciation de la capacité de travail par rapport à la psychiatre de la CRR, ni des diagnostics. On comprend en outre mal comment cette spécialiste peut exclure toute incidence sur la capacité de travail du trouble anxio-dépressif mixte, alors qu’elle a à plusieurs reprises souligné ses manifestations durant l’entretien. Le fait que ce trouble serait réactionnel, voire entretenu par le conflit assécurologique, n’est pas une explication suffisante. D’une part, cette affirmation n’est guère motivée. D’autre part, au vu de la durée de ce conflit, qui s’étend sur une dizaine d’années, les troubles qui lui sont éventuellement imputables dépassent de simples manifestations ponctuelles et pourraient s’être chronicisés. On ne peut ainsi exclure toute répercussion des atteintes au motif qu’elles « constitueraient des diagnostics de crise ». La psychiatre a d’ailleurs noté que la recourante était en crise lors de l’entretien, ce qui laisse à penser que la capacité de travail complète admise n’est que théorique, puisque cette conclusion n’est valable qu’hors des périodes de crise. Son rapport contient du reste une contradiction, puisque ce diagnostic est ensuite énuméré parmi ceux ayant une incidence sur la capacité de travail de la recourante.

On notera en outre que le diagnostic de trouble mixte de la personnalité n’est absolument pas étayé. La Dresse I_______ a également indiqué au sujet des comportements compulsifs de la recourante qu’il n’y avait pas de « critère pour un trouble obsessionnel compulsif, bien au contraire », soutenant que ces comportements étaient en réalité des qualités désirables dans le milieu professionnel. Un tel jugement de valeur, dénué de toute explication quant aux éléments permettant d’écarter un diagnostic de trouble obsessionnel compulsif, n’a pas sa place dans une expertise scientifique. Quant aux éléments paranoïdes, l’experte psychiatre minimise leur portée dès lors que la recourante a en effet été observée, si bien que ses impressions sur ce point seraient justifiées. Cette appréciation n’est pas convaincante. En effet, les trois mesures d’observation ponctuelles depuis 2008, portant sur quelques jours répartis sur quelques semaines au plus, ne suffisent pas à fonder le sentiment d’être constamment observée.

7.        Au vu de tous ces éléments, l’expertise de la PMU ne peut se voir reconnaître valeur probante et la chambre de céans ne dispose ainsi pas des renseignements médicaux nécessaires pour trancher le droit aux prestations.

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).

En l’espèce, elle sera confiée aux Drs Q_______, R_______ et S_______, à l’encontre desquels les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation. En outre, la chambre de céans a intégré dans la mission d’expertise la précision requise par l’intimée au sujet des rapports de surveillance.

À ce sujet, il convient de rappeler que l’examen du sort de la preuve illicite doit être effectué uniquement au regard du droit suisse. À cet égard, le Tribunal fédéral a retenu pour l'essentiel qu'il est en principe admissible d'exploiter les résultats de la surveillance, à moins qu'il ne résulte de la pesée des intérêts en présence que les intérêts privés prévalent sur les intérêts publics. Il a précisé, à la lumière de l'exigence relative au caractère équitable de la procédure, qu'une vidéo contrevenant au droit au respect de la vie privée et familiale est exploitable, pour autant que les actes de la personne concernée qui ont été enregistrés aient été effectués de sa propre initiative et sans influence extérieure, et qu'aucun piège ne lui ait été tendu. Il a par ailleurs considéré qu'il y a bien lieu, en droit des assurances sociales, de partir du principe d'une interdiction absolue d'exploiter le moyen de preuve, dans la mesure où il s'agit d'une preuve obtenue dans un lieu ne constituant pas un espace public librement visible sans difficulté (arrêt du Tribunal fédéral 8C_570/2016 du 8 novembre 2017 consid. 1.5 et les références).

Au vu de cette jurisprudence, la surveillance mise en œuvre par l’assurance-accidents et l’intimé peut en principe être exploitée. Cela étant, comme l’a souligné la Dresse I_______, la portée de ces rapports de surveillance est limitée dès lors qu’ils ne permettent pas de tirer des conclusions fiables quant au temps de travail de la recourante, qui fréquentait le restaurant notamment pour y prendre ses repas sans forcément y travailler, ni sur ses limitations psychologiques.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.             Ordonne une expertise psychiatrique, rhumatologique et neurologique, les experts ayant pour mission d’examiner et d’entendre Madame A_______, après s’être entourés de tous les éléments utiles, notamment auprès des médecins ayant traité la recourante, et avoir pris connaissance du dossier de l’intimé, comprenant les rapports et les images de surveillance, ainsi que du dossier de la présente procédure, en s’entourant d’avis de tiers au besoin et en ordonnant si nécessaire d’autres examens.

2.             Commet à ces fins à titre d’expert principal chargé de la coordination de la mission le docteur Q_______, spécialiste FMH en neurologie, et les docteurs R_______, spécialiste FMH en psychiatrie, S_______, spécialiste FMH en rhumatologie, en qualité de co-experts.

3.             Charge les experts d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.             Anamnèse détaillée (familiale, personnelle, professionnelle et médicale).

2.             Plaintes et données subjectives de la recourante.

3.             Status clinique et constatations objectives.

4.             Diagnostics selon la classification internationale.

5.             Préciser quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

6.             Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

7.             Les plaintes sont-elles objectivées ?

8.             Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la recourante).

9.             Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

Dans l’affirmative, cela suffit-il à exclure une atteinte à la santé significative ?

10.         Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

11.         La recourante  a-t-elle fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ?

12.         Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

13.         Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

14.         Mentionner, pour chaque diagnostic posé, les limitations fonctionnelles qu’il entraîne

a)        dans l’activité habituelle

b)        dans une activité adaptée.

15.         Mentionner globalement les conséquences des divers diagnostics retenus sur la capacité de travail de la recourante, en pourcent,

a)      dans l’activité habituelle

b)      dans une activité adaptée.

16.         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, le cas échéant, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution.

17.         Évaluer l'exigibilité, en pourcent, d'une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d'activité adapté.

18.         Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

19.         Évaluer la possibilité d'améliorer la capacité de travail par des mesures médicales. Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.

20.         Commenter et discuter les avis médicaux du SMR, des experts s’étant déjà prononcés et des médecins traitants et indiquer - cas échéant - pour quelles raisons ces avis sont confirmés ou écartés.

21.         Formuler un pronostic global.

22.         Toute remarque utile et proposition des experts.

4.             S'agissant plus particulièrement des troubles psychiques, charge l’expert psychiatre de répondre également aux questions suivantes :

a) Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

b) Les troubles psychiques constatés nécessitent-ils une prise en charge spécialisée ?

c) Existe-t-il un trouble de la personnalité ou, une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?

Quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d’adaptation ? Motivez votre position.

d) De quelles ressources mobilisables la recourante dispose-t-elle?

e) Quel est le contexte social ? La recourante peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

f) Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la recourante à reconnaître sa maladie ?

g) Dans l’ensemble, le comportement de la recourante vous semble-t-il cohérent ? Pourquoi ?

5.             Invite les experts à faire une appréciation consensuelle du cas s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

6.             Invite les experts à déposer à leur meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

7.             Réserve le fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le