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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1148/2013

ATAS/792/2013 du 20.08.2013 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1148/2013 ATAS/792/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 août 2013

1ère Chambre

 

En la cause

Madame K___________, domiciliée à, CHATELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître FAIVRE Jean-Marie

recourante

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE, sis rue des Gares 12, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame K___________, née en 1965, a été victime d'un accident du travail le 17 janvier 2005, alors qu'elle travaillait en qualité de sommelière dans un restaurant.

2.        Mandaté par l'assureur-accidents, le Docteur L___________ a rendu deux rapports d'expertise, le 8 novembre 2005, puis le 8 novembre 2006, aux termes desquels il a estimé la capacité de travail de l'assurée à 50%.

3.        L'assurée a déposé une demande auprès de l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE (ci-après OAI), le 23 mars 2006, visant à l'octroi d'une rente d'invalidité.

4.        Dans une note du 28 février 2007, le Service médical régional AI (ci-après SMR) a admis que l'assurée n'était plus capable d'exercer son activité de serveuse, même à 50%, mais que l'on pouvait s'attendre à un taux de capacité de travail de 75% au moins dans une activité plus légère.

5.        Par décision du 8 septembre 2008, l'OAI, se fondant sur un rapport de surveillance ordonnée par l'assureur-accidents, établi en juin 2007, selon lequel l'assurée travaillait en réalité entre 35 et 36 heures par semaine, lui a refusé toute prestation.

6.        Le Tribunal cantonal des assurances sociales (TCAS), alors compétent, a, par jugement du 7 avril 2009 (ATAS/411/2009), annulé ladite décision, et renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision, considérant que soit l'OAI constatait que le rapport d'enquête remettait en cause la capacité résiduelle de travail établie médicalement et devait investiguer à nouveau cette question, soit il devait faire droit à la demande de réadaptation professionnelle préconisée par le SMR.

7.        L'assurée a alors été soumise à une expertise à la Clinique romande de réadaptation (CRR) à Sion selon mandat de l'OAI du 11 mai 2010. Du rapport établi le 7 septembre 2010, il résulte une incapacité de travail de 50% depuis février 2008.

8.        L'OAI a proposé le 3 novembre 2011 un entretien à l'assurée. Cet entretien, initialement fixé au 29 novembre, a finalement été reporté au 14 décembre 2011. L'assurée a alors eu connaissance d'un rapport établi à la suite d'une surveillance exercée du 18 mai au 23 juillet 2011, à la demande de l'OAI.

9.        Par courrier du 23 août 2012, l'assurée, représentée par Me Jean-Marie FAIVRE, s'est indignée de ce que l'OAI ait chargé un détective de la surveiller, plutôt que de se fonder sur le rapport d'expertise de la CRR. Elle relève qu'après le jugement du 7 avril 2009, aucune nouvelle décision ne lui avait été notifiée. Elle somme dès lors l'OAI de rendre une décision en l'état du dossier dans un délai maximum de trente jours.

10.    Le 29 juin 2012, l'OAI a informé l'assurée qu'il estimait nécessaire qu'elle se soumette à un examen pluridisciplinaire (rhumatologie, neurologie et psychiatrie) et précisé que le centre d'expertise serait désigné selon le principe du hasard, conformément à l'art. 72bis RAI. Il lui a par ailleurs soumis les questions qu'il entendait poser aux experts.

11.    La CRR, choisie selon le principe aléatoire, par le biais de la plateforme SuisseMed@P, a refusé le mandat de complément d'expertise à elle confiée par l'OAI, de sorte que celui-ci a dû saisir à nouveau ladite plateforme pour mettre en œuvre l'expertise souhaitée.

12.    Par courrier du 23 août 2012, l'assurée, considérant au contraire que rien ne justifiait une nouvelle expertise, a rappelé sa mise en demeure.

13.    Dans sa réponse du 24 septembre 2012, l'OAI a rappelé que l'expertise de la CRR du 7 septembre 2010 n'avait pas valeur probante, car elle ne tenait pas compte du dossier dans son intégralité, d'une part, et a souligné qu'il n'était pas resté inactif, ayant procédé à de nombreux actes d'instruction rendus nécessaires par la complexité du dossier, d'autre part.

14.    Le 8 janvier 2013, l'OAI a informé l'assurée que les experts retenus étaient les Drs M___________ (médecine interne générale et rhumatologie), N___________ (neurologie) et O___________ (psychiatrie).

15.    L'assurée a déclaré le 22 janvier 2013 qu'elle ne donnerait pas suite, sommant l'OAI de rendre une décision en prolongement de l'arrêt du TCAS

16.    Le 8 février 2013, l'OAI, constatant que l'assurée avait d'ores et déjà été convoquée par le Dr M___________ le 5 février 2013, lui a annoncé qu'une deuxième convocation lui serait adressée, lui a ordonné de s'y rendre et lui a imparti un délai au 31 mars 2013 pour qu'elle lui confirme qu'elle collaborerait à l'expertise.

17.    L'assurée, par l'intermédiaire de son mandataire, a déposé auprès de la Cour de céans le 8 avril 2013 une requête en constatation de déni de justice. Elle considère que le droit à une demi-rente d'invalidité dès le 17 janvier 2006 est justifié, eu égard à l'expertise réalisée par la CRR.

18.    Dans sa réponse du 8 mai 2013, l'OAI nie avoir commis un déni de justice, et souligne que s'il y a une certaine lenteur dans la procédure, celle-ci est imputable de manière prépondérante à la totale absence de collaboration de la recourante.

Il relève que le rapport d'expertise du 7 septembre 2010 avait été soumis pour appréciation au SMR, lequel avait considéré, dans une note du 19 janvier 2011, qu'il existait d'énormes discordances entre l'appréciation somatique et l'appréciation psychiatrique, qu'il n'y avait pas eu de discussion concernant les éléments qui avaient été apportés par la surveillance de 2007, que les experts somaticiens et psychiatres n'ont pas eu une discussion consensuelle du cas et n'ont pas relevé les discordances présentées par l'assurée, notamment lors des tests fonctionnels. L'OAI avait donc nié au rapport d'expertise tout caractère probant, en raison principalement de son caractère lacunaire.

Constatant que l'assurée avait continué son activité de serveuse, mais également celle d'aide-cuisinière dans le bar X___________ au Lignon, le SMR s'était interrogé le 6 avril 2011 sur l'alternative suivante : "soit nous poursuivons dans l'enquête et la resoumettons à la CRR pour appréciation, soit nous questionnons à nouveau les experts en leur démontrant les incohérences de leur expertise, notamment vis-à-vis des pièces objectives qui ont été obtenues par l'enquête de 2007 et la préenquête actuelle".

C'est ainsi que l'OAI avait choisi de mettre en place une surveillance de l'assurée du 18 mai au 23 juillet 2011.

Le SMR a pris note du rapport de surveillance et relevé, le 19 octobre 2011, la grande discordance entre l'expertise de la CRR et les surveillances effectuées il y a quatre ans et actuellement. Selon le SMR, il convenait de ce fait de redemander un complément d'expertise à la CRR avec les nouvelles images à l'appui, ou confronter l'assurée aux images qui avaient été prises.

L'assurée a eu connaissance du rapport de surveillance lors de l'entretien du 14 décembre 2011.

Au vu du procès-verbal établi ce jour-là, le SMR a proposé de demander un complément d'expertise à la CRR, afin de déterminer l'évolution de l'état de santé et les discordances relevées dans le dossier en lien notamment avec l'activité professionnelle de l'assurée.

19.    Dans sa réplique du 10 juin 2013, l'assurée soupçonne l'OAI d'être uniquement dicté par le souci de lui refuser toute prestation, nonobstant les éléments réunis. Elle rappelle que lors de l'entretien du 14 décembre 2011 dans les bureaux de l'OAI, elle avait brusquement quitté les lieux en compagnie de son conseil, lorsqu'elle avait été interrogée sur les résultats d'une seconde surveillance effectuée en mai et juillet 2011 par l'agence PRO'FIL, au motif que "la ZURICH avait déjà détruit sa vie".

Elle relève que les médecins de la CRR, invités par le SMR à commenter les conclusions de leur expertise en fonction du rapport de surveillance, ont rappelé qu'ils avaient eux-mêmes suggéré une réévaluation dans un délai de deux ans et refusé d'entrer en matière, au motif qu'ils ne pouvaient juger que de la situation clinique.

Par courrier du 23 août 2012, le conseil de l'assurée a fait part à l'OAI de ses objections quant au contenu du rapport, auquel il reprochait de nombreuses contrevérités.

L'assurée s'oppose à ce qu'une nouvelle expertise soit conduite, considérant que celle du SMR est suffisamment convaincante pour permettre à l'OAI de statuer en toute connaissance de cause et de prévoir le cas échéant un délai de révision. Elle fait valoir qu'il est inacceptable que l'OAI incite des experts médicaux à se prononcer en fonction des différents rapports de surveillance, alors que les modalités mêmes de ces surveillances sont catégoriquement contestées et considère que la mise en œuvre d'une nouvelle expertise - injustifiée - ne fait que prolonger la durée déjà inadmissible de l'instruction de cette affaire.

20.    Le 25 juin 2013, l'OAI a transmis à l'assurée un projet de décision, aux termes duquel la demande de mesures professionnelles et de rente est rejetée, pour défaut de collaboration.

21.    Par courrier du 5 juillet 2013, l'OAI a fait valoir que l'expertise de la CRR du 7 septembre 2010 n'avait pas de valeur probante notamment parce qu'elle ne tenait pas compte du dossier dans son intégralité. Il relève à cet égard que l'expert doit prendre connaissance et tenir compte de l'ensemble des pièces au dossier, afin que l'on puisse accorder une pleine valeur probante à son rapport. Les rapports de surveillance sont des éléments du dossier et doivent être pris en compte par l'expert lors de son évaluation. L'OAI en conclut que la mise en place de la deuxième expertise est nécessaire. Il ajoute que le droit d'être entendu a été respecté, dans la mesure où la recourante a eu la possibilité de se prononcer sur le rapport de surveillance le 14 décembre 2011. Il maintient en conséquence ses conclusions du 8 mai 2013.

22.    Ce courrier a été communiqué à l'assurée et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI; RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        L'assurée a saisi la Cour de céans d'un recours pour déni de justice, se plaignant de ce que l'OAI ne lui notifiait pas de décision, alors que le dossier constitué plus particulièrement d'une expertise de la CRR, était déjà suffisamment instruit.

A teneur de l'art. 56 al. 2 LPGA, un recours peut également être formé auprès du tribunal lorsque l'assureur ne rend pas de décision, malgré la demande de l'intéressé (cf. également ATF 130 V 90).

Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est ainsi recevable à la forme.

3.        L'art. 29 al. 1 Cst. - qui a succédé à l'art. 4 al. 1 aCst. depuis le 1er janvier 2000 - dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre ainsi le principe de la célérité et prohibe le retard injustifié à statuer (cf. également art. 56 al. 2 LPGA).

4.        En droit fédéral des assurances sociales plus particulièrement, le principe de célérité figurait à l'art. 85 al. 2 let. a LAVS (en corrélation avec l'art. 69 LAI), dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). Ce principe est désormais consacré par l'art. 61 let. a LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003; il exige des cantons que la procédure soit simple et rapide et constitue l'expression d'un principe général du droit des assurances sociales (ATF 110 V 61 consid. 4b; Ueli KIESER, Das einfache und rasche Verfahren, insbesondere im Sozialversicherungsrecht, in: RSAS 1992 p. 272 ainsi que la note no 28, et p. 278 sv.; RÜEDI, Allgemeine Rechtsgrundsätze des Sozialversicherungsprozesses, in: Recht, Staat und Politik am Ende des zweiten Jahrtausends, Festschrift zum 60. Geburtstag von Bundesrat Arnold Koller, Berne 1993, p. 460ss et les arrêts cités). La procédure judiciaire de première instance est ainsi soumise au principe de célérité, que ce soit devant une autorité cantonale ou devant une autorité fédérale.

5.        La loi fédérale sur l'assurance-accident ne fixe pas le délai dans lequel l'autorité doit rendre sa décision ; en pareil cas, le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent généralement une évaluation globale.

6.        L'autorité viole le principe de célérité lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 119 Ib 311 consid. 5 p. 323; 117 Ia 193 consid. 1b in fine et c p. 197; 107 Ib 160 consid. 3b p. 165; Jörg Paul MÜLLER, Grundrechte in der Schweiz, Berne 1999, p. 505 s.; Georg MÜLLER, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 93 ad art. 4 aCst.; HAEFLIGER / SCHÜRMANN, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, Berne 1999, p. 200 ss).

7.        Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 al. 1 Cst. - mais qui conserve toute sa valeur sous l'angle de l'art. 29 al. 1 Cst. - le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause. Il convient de se fonder à ce propos sur des éléments objectifs. Entre autres critères, sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2 ; ATF 124 I 142 consid. 2c, 119 Ib 325 consid. 5b et les références citées), mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple ; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. II « Les actes administratifs et leur contrôle », 2ème éd., Berne 2002, p. 292 et la note n°699 ; ATF C 53/01 du 30 avril 2001). Il appartient par ailleurs au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 107 Ib 155 consid. 2b et c p. 158 s.). Cette obligation s'apprécie toutefois avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative (HAEFLIGER/SCHÜRMANN, op. cit., p. 203-204; AUER / MALINVERNI / HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, n. 1243).

8.        La durée du délai raisonnable n'est pas influencée par des circonstances étrangères au problème à résoudre; si on ne saurait reprocher à une autorité quelques temps morts, inévitables dans une procédure (ATF 124 I 142 consid. 2c, 119 Ib 325 consid. 5b et les références citées), une organisation déficiente ou une surcharge structurelle ne peuvent cependant justifier la lenteur excessive d'une procédure car il appartient à l'Etat de donner aux autorités judiciaires les moyens organisationnels et financiers suffisants pour garantir aux citoyens une administration de la justice conforme au droit constitutionnel (ATF 126 V 249 consid. 4a; voir à propos de l'art. 29 al.1 Cst. et de la garantie correspondante déduite auparavant de l'art. 4 al. 1 aCst.: ATF 125 V 191 consid. 2a, 375 consid. 2b/aa, 119 Ib 325 consid. 5b; ATF 122 IV 103 consid. I/4 p. 111; ATF 119 III 1 consid. 3 p. 3; Jörg Paul MÜLLER, op. cit., p. 506 s.; HAEFLIGER/SCHÜRMANN, op. cit., p. 204 s.; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, op. cit., nos 1244 ss). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2 ; ATF du 23 avril 2003 en la cause I 819/02 consid. 2.1 ; ATF 124 V 133, 117 Ia 117 consid. 3a, 197 consid. 1c, 108 V 20 consid. 4c).

9.        Dans un arrêt du 15 juin 2006 (I 241/04, consid. 3.2), le Tribunal fédéral a jugé que l’administration n’avait pas commis un déni de justice. Dans ce cas, le Tribunal cantonal des assurances avait admis le recours de l'assuré et renvoyé la cause à l’office cantonal compétent pour nouvelles décisions en matière d’assurance-invalidité ; deux mois plus tard, le recourant avait requis de l’administration qu’elle rende ses nouvelles décisions sans tarder ; moins de six mois plus tard, il avait déposé plainte pour déni de justice ; trois mois plus tard encore, l’administration avait rendu ses nouvelles décisions.

10.    Dans une autre cause en matière d'assurance-invalidité (ATFA du 23 avril 2003, cause I 819/02), le TFA a jugé que, bien que l'on puisse considérer que la limite du tolérable pour un litige de cette nature était proche, un laps de temps de 15 mois entre le recours auprès de la commission de recours AVS/AI et le recours pour déni de justice au TFA n'apparaissait pas excessif au point de constituer un retard injustifié prohibé et cela en dépit de l'exigence de célérité qui ne peut l'emporter sur la nécessité d'une instruction complète et de l'enjeu de la cause pour l'assuré.

11.    Le Tribunal cantonal des assurances sociales a en revanche jugé qu’un déni de justice doit être considéré comme établi quand l’assureur-maladie ne s’est pas formellement prononcé deux ans et demi après une demande de remboursement (ATAS/354/2007). Il en a jugé de même dans le cas d’un recourant qui était sans nouvelle de l’office cantonal de l’assurance-invalidité vingt et un mois après le dépôt d’une demande de révision (ATAS/860/2006), et dans celui d'un autre qui avait attendu dix-huit mois après que la cause ait été renvoyée à l’office pour nouvelle décision suite à l’admission partielle de son recours (ATAS/62/2007).

12.    La sanction du dépassement du délai raisonnable consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, la constatation d'un comportement en soi illicite étant en effet une forme de réparation (H 134/02 Arrêt du 30 janvier 2003 consid. 1.5; ATF 122 IV 111 consid. I/4).

13.    L’autorité saisie d’un recours pour retard injustifié ne peut ainsi qu’inviter l’autorité concernée à statuer à bref délai (ATFA du 27 mars 2006, cause U 23/05).

14.    En l'espèce, l'assurée reproche à l'OAI de tergiverser et de ne pas lui accorder la demi-rente d'invalidité à laquelle elle prétend, alors que les conclusions de l'expertise de la CRR lui reconnaissent clairement une incapacité de travail de 50%. Elle ne comprend pas pourquoi l'OAI a entendu poursuivre l'instruction après que le rapport d'expertise de la CRR ait été rendu et conteste plus particulièrement la nécessité d'être soumise à une nouvelle expertise.

La Cour de céans constate que, par sa requête du 8 avril 2013, l'assurée reproche à l'OAI non seulement d'avoir commis un déni de justice, mais aussi d'avoir ordonné une nouvelle expertise, à laquelle il s'oppose.

15.    On peut certes regretter la lenteur dont a fait preuve l'OAI entre avril 2009, date à laquelle le TCAS a rendu son jugement, et mai 2010, date à laquelle il a mandaté la CRR pour expertise. Un retard d'une année n'apparaît toutefois pas à ce point excessif qu'il constitue à lui seul un retard excessif prohibé.

Force en revanche est de constater que l'OAI a encore attendu une année avant d'ordonner une surveillance, puis une autre année, après qu'il ait été établi, pour en donner connaissance à l'assurée.

La répétition de délais aussi longs et injustifiés oblige déjà à ce stade à admettre que l'OAI a commis un déni de justice.

16.    Par communication du 29 juin 2012, l’OAI a ensuite informé l’assurée qu’il estimait nécessaire qu’elle se soumette à une expertise pluridisciplinaire et que sans contestation écrite et motivée de sa part dans un délai de 10 jours, le centre d’expertise serait désigné selon le principe du hasard. Figurait dans cette communication la liste des questions que l’OAI entendait poser aux experts, l’assurée étant invitée, dans un délai de 10 jours également, à lui communiquer les questions complémentaires éventuelles à leur poser.

La CRR, choisie selon le principe aléatoire, par le biais de la plateforme SuisseMed@P, a refusé le mandat de complément d'expertise à elle confiée par l'OAI, de sorte que celui-ci a dû saisir à nouveau ladite plateforme pour mettre en œuvre l'expertise souhaitée.

Le 23 août 2012, l’assurée a contesté l'utilité d'une nouvelle expertise et mis l'OAI en demeure de rendre enfin une décision en l'état du dossier, à défaut de quoi elle interjetterait recours pour déni de justice.

Par courrier du 24 septembre 2012, l’OAI a rappelé qu’il était tenu d'ordonner une expertise lorsqu’il apparaissait nécessaire de clarifier les aspects médicaux, ce qu'il considérait être le cas.

17.    Aux termes de l'art. 43 al. 1, première phrase, LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA).

Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions. Conformément à l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord.

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370).

Dans un arrêt de principe 9C_243/2010 du 28 juin 2011, publié à l'ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en rapport avec la mise en œuvre d’expertises administratives et judiciaires auprès des Centres d’observation médicale de l’assurance-invalidité (COMAI). Il a rappelé en particulier que le déroulement équitable de la procédure exige que les prérogatives usuelles dans la procédure administrative générale, découlant du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst et 42 LPGA) et comprenant notamment le droit de faire administrer les preuves essentielles et la participation à l’administration des preuves, soient garanties (ATF 137 V 210, consid. 3.4.2.4). La notion de procès équitable doit être respectée globalement dans les instances successives. L’art. 6 ch. 1 CEDH déploie ainsi des effets sur la procédure administrative précédant le recours judiciaire (Ulrich MEYER-BLASER, Der Einfluss der Europäischen Menschenrechstlkonvention [EMRK] auf das schweizerische Social versicherungsrecht, in : ZSR 1994 I, p. 389ss, 401). Dans l’appréciation globale, en particulier afin de déterminer comment des expertises doivent être appréciées compte tenu des exigences de participation, de droit d’être entendu et d’équité, la question de savoir dans quelle mesure les droits des parties on été mis en œuvre dans la procédure administrative joue un rôle important. Le Tribunal fédéral a par conséquent jugé qu’en l’absence de consensus, il convient de rendre une ordonnance d’expertise sous forme d’une décision incidente (art. 55 LPGA en corrélation avec l’art. 49 LPGA). correspondant à la notion de décision selon l’art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA ; RS 172.021), laquelle peut être attaquée devant les tribunaux cantonaux des assurances sociales respectivement le Tribunal administratif fédéral. Il a également défini dans cet arrêt les droits de participation des parties lors de la mise en œuvre d’une expertise administrative et les a renforcés. Ces principes s’appliquent également dans le domaine de l’assurance-accidents (ATF 138 V 317 consid. 6, p. 321 ss).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé que l’assuré peut faire valoir contre une décision incidente d’expertise médicale non seulement des motifs formels de récusation contre les experts, mais également des motifs matériels, tels que par exemple le grief que l'expertise constituerait une « second opinion » superflue, contre la forme ou l’étendue de l’expertise, par exemple le choix des disciplines médicales dans une expertise pluridisciplinaire, ou contre l’expert désigné, en ce qui concerne notamment sa compétence professionnelle (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7 p. 257; 138 V 271 consid. 1.1 p. 274 s.). Notre Haute Cour a également considéré qu’il convient d’accorder une importance plus grande que cela a été le cas jusqu’ici, à la mise en œuvre consensuelle d’une expertise, en s'inspirant notamment de l’art. 93 de la loi fédérale sur l’assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM ; RS 833.1) qui prescrit que l’assurance militaire doit rendre une décision incidente susceptible de recours (seulement) lorsqu’elle est en désaccord avec le requérant ou ses proches sur le choix de l’expert. Selon le Tribunal fédéral, il est de la responsabilité tant de l’assureur social que de l’assuré de parer aux alourdissements de la procédure qui peuvent être évités. Il faut également garder à l’esprit qu’une expertise qui repose sur un accord mutuel donne des résultats plus concluants et mieux acceptés par l’assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256).

18.    En l’espèce, divers rapports médicaux ont été produits et une expertise a été réalisée par la CRR. L’OAI considère cependant qu’au vu des conclusions des rapports de surveillance, une expertise pluridisciplinaire s’impose. L'assurée s’oppose au principe même de l’expertise, qu’elle estime superflue, au motif que l’OAI est en possession de tous les éléments lui permettant de statuer sur son droit à la rente. Il s’agit-là d’une objection matérielle que l'assurée peut faire valoir conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 137 V 210, consid. 3.4.3.7).

L'OAI n'a toutefois rendu aucune décision incidente à cet égard, décision contre laquelle l'assurée aurait pu recourir auprès de la Cour de céans (art. 52 al. 1 LPGA ; cf. ATF P 29/03 du 25 novembre 2004). Il s'est borné à l'informer, par une communication, puis par simple courrier, qu'il entendait la soumettre à une expertise, pour finalement lui refuser toute prestation AI en invoquant son défaut de collaboration.

L'OAI a de la sorte commis un déni de justice. L'assurée ne doit en effet pas être réduite à devoir contester le rapport d'expertise au fond, ce que précisément le TF a voulu éviter (ATF 137 V 210).

Il y a à ce stade lieu de rappeler que l’autorité saisie d’un recours pour retard injustifié ne peut qu’inviter l’autorité concernée à statuer à bref délai (ATFA du 27 mars 2006, cause U 23/05).

Aussi le recours est-il admis, et l'OAI invité à rendre, sans plus tarder, et conformément à la jurisprudence précitée, une ordonnance d’expertise sous forme d’une décision incidente (art. 55 LPGA en corrélation avec l’art. 49 LPGA).

19.    Vu l’issue du litige, une indemnité de 1'000 fr. sera allouée à la recourante à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA et 89H al. 3 de la loi genevoise sur la procédure administrative ; LPA - E 5 10).

20.    L’objet du présent litige ne concernant pas l’octroi ou le refus de prestations, il n’est pas perçu d’émolument (cf. art. 69al. 1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Invite l'OAI à rendre, sans plus tarder, et conformément à la jurisprudence précitée, une ordonnance d’expertise sous forme d’une décision incidente.

4.        Condamne l’OAI à verser à la recourante une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le