Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1698/2021

ATAS/60/2022 du 27.01.2022 ( PC ) , REJETE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : PC;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;MAXIMUM;PRIME D'ASSURANCE-MALADIE
Normes : aLPC.10.al3.letd; LPCC.5; LPCC.15.al2; LaLAMal.22.al7; aLaLAMal.22.al6
Résumé : Procédant à l’interprétation de l’art. 15 al. 2 LPCC, la Cour de céans a retenu que les primes d’assurance-maladie devaient déjà, sous l’empire des dispositions légales en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, être prises en compte pour déterminer le plafond du montant annuel de la prestation complémentaire cantonale. Elle a considéré par ailleurs que le plafonnement des prestations, au sens de l’article précité, ne viole pas le principe de l’égalité de traitement. Enfin, quand bien même l’intimé avait pour pratique, jusqu’au 31 décembre 2020, de ne pas prendre en considération les primes d’assurance-maladie dans le calcul du montant de la prestation complémentaire cantonale, le recourant ne peut toutefois s’en prévaloir dès lors que ce procédé était contraire à la loi et que l’intimé applique, depuis le 1er janvier 2021, strictement la législation en vigueur sous l’ancien droit.
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1698/2021 ATAS/60/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 janvier 2022

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié ______, à COINTRIN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

recourant

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), marié et père de six enfants nés en 2004, 2005, 2006, 2007, 2009 et 2016, est au bénéfice de prestations complémentaires fédérales et cantonales à sa rente d'invalidité entière.

2.        Par décision du 1er octobre 2020, le Service des prestations complémentaires
(ci-après: SPC ou intimé) a fixé le droit aux prestations dès le 1er novembre 2020 à CHF 3'374.- par mois pour les prestations complémentaires fédérales et à CHF 1'881.- pour les prestations cantonales. Deux des enfants ont été exclus du calcul, dès lors que leurs ressources excédaient leurs dépenses reconnues. Par ailleurs, le calcul ne prenait pas en considération les primes d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues.

3.        Par décision du 12 janvier 2021, le SPC a fixé le droit aux prestations complémentaires fédérales à CHF 3'366.- par mois et aux prestations cantonales à CHF 540.- dès le 1er janvier 2021. La réduction des prestations faisait suite à la réforme en la matière qui avait pour conséquence que les primes d'assurance-maladie et les six enfants étaient inclus dans le calcul.

4.        Le 26 janvier 2021, le recourant a formé opposition à cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, au motif qu'il y avait lieu d'appliquer l'ancien droit, plus favorable, selon les directives en la matière. Selon celui-ci, il n'y avait pas lieu d'inclure tous les enfants dans le calcul.

5.        Le 15 février 2021, le recourant a complété son opposition et a fait valoir que le mode de calcul des prestations complémentaires cantonales n'était pas conforme au droit transitoire, en ce qu'il incluait les primes d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues. En raison du plafonnement des prestations, l'ensemble de ses dépenses n'était pas couvert. Auparavant, les primes d'assurance-maladie avaient été calculées à part des prestations complémentaires, ce qui permettait d'éviter un plafonnement de celles-ci. Or, selon le droit transitoire, pendant trois ans, les bénéficiaires de prestations complémentaires ne devaient pas subir de désavantage à cause de la réforme des prestations complémentaires. Partant, il a conclu à ce qu'il perçoive des prestations identiques à celles sous l'empire de l'ancien droit.

6.        Par décision du 14 avril 2021, le SPC a rejeté l'opposition. Le montant annuel des prestations cantonales ne pouvait dépasser, dans l'année civile, le quintuple du montant annuel minimum de la rente simple de vieillesse, sous déduction du montant des prestations fédérales complémentaires déjà versées. En l'espèce, le calcul avait été effectué selon le droit en vigueur dès le 1er janvier 2021, dès lors qu'il s'avérait plus favorable, le loyer ayant été plafonné à CHF 15'000.- sous l'ancien droit. En appliquant correctement tant l'ancien que le nouveau droit, tous les enfants auraient dû par ailleurs être inclus dans le calcul des prestations complémentaires. Toutefois, une éventuelle mauvaise application de l'ancien droit jusqu'au 31 décembre 2020 ne conférait pas des droits acquis dès le 1er janvier 2021.

7.        Par acte du 12 mai 2021, le recourant droit a recouru contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l'intimé pour nouveau calcul dans le sens des considérants, sous suite de dépens. La loi sur les prestations complémentaires cantonales et son règlement n'avaient pas été modifiés, suite à la réforme de la loi fédérale sur les prestations complémentaires entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (ci-après: réforme PC 2021), dans la mesure où la loi cantonale renvoyait déjà à la loi fédérale, de sorte que la réforme s'appliquait également aux prestations cantonales. Cependant, la loi d'application de la loi sur l'assurance-maladie avait dû être modifiée, s'agissant de la prise en compte de la prime d'assurance-maladie au titre des dépenses reconnues en matière de prestations complémentaires. Selon le commentaire relatif au projet de loi cantonale, l'adaptation technique n'avait pas de conséquence sur les bénéficiaires. Il n'en demeurait pas moins que, du fait de l'augmentation des prestations complémentaires suite à l'inclusion des primes d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues, le plafond des prestations cantonales, initialement prévu comme un plafond hors primes d'assurance-maladie, était plus vite atteint, notamment pour les familles nombreuses. Or, selon la volonté du législateur, la couverture des besoins vitaux sur le plan cantonal devait être plus étendue que sur le plan fédéral, pour tenir compte en particulier du coût de la vie à Genève et garantir des conditions de vie dignes aux invalides et retraités, ainsi qu'à leur famille. En raison du plafonnement des prestations et de l'intégration de la prime d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues, les prestations ne couvraient plus les besoins vitaux du recourant et de sa famille, si bien qu'il en résultait une inégalité de traitement avec les autres bénéficiaires de prestations complémentaires. Partant, l'intimé devait appliquer le plafond en retranchant du montant des prestations les sommes prises en compte à titre de primes d'assurance-maladie.

8.        Dans sa réponse du 3 juin 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours. Les primes d'assurance-maladie faisaient déjà partie des dépenses reconnues dans le calcul des prestations complémentaires fédérales et cantonales sous l'empire du droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020. Dans la pratique, il était cependant vrai que le SPC n'avait pas inclus ces primes dans les dépenses reconnues et que cette dépense était couverte par le Service de l'assurance-maladie (ci-après: SAM) sous la forme d'un subside. Depuis le 1er janvier 2021, l'intimé appliquait strictement la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020, en tenant compte des primes d'assurance-maladie dans les calculs, dans le cadre de la comparaison des prestations dues sous l'empire de l'ancien et du nouveau droit. Or, une mauvaise application de l'ancien droit jusqu'au 31 décembre 2020 ne conférait pas des droits acquis dès le 1er janvier 2021. La loi cantonale ne précisait enfin pas que les prestations cantonales étaient plafonnées, sans prendre en compte les primes d'assurance-maladie.

9.        Dans sa réplique du 2 juillet 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions. L'intimé admettait que, jusqu'à la réforme PC 2021, les primes d'assurance-maladie n'étaient pas incluses dans le calcul des prestations complémentaires, mais payées à part par le SAM. Ainsi, le plafond s'appliquait à la prestation cantonale calculée hors primes d'assurance-maladie. Le législateur avait introduit le plafond dans un système dans lequel la prime d'assurance-maladie était versée à part par le SAM. La prise en charge de cette prime ne constituait ainsi pas une prestation complémentaire cantonale à proprement parler.

10.    Dans sa duplique du 28 juillet 2021, l'intimé a maintenu ses conclusions. Le plafonnement des prestations complémentaires cantonales s'appliquait après déduction des prestations complémentaires fédérales, lesquelles incluaient la dépense relative aux primes d'assurance-maladie. Il n'avait pas été dans l'intention du législateur genevois de plafonner les prestations complémentaires cantonales après déduction des prestations fédérales sans les primes d'assurance-maladie.

11.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Est litigieuse en l'espèce la question de savoir si l'application de l'ancien droit, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020, serait plus favorable au recourant et si l'ancien droit, respectivement l'ancienne pratique devrait continuer à s'appliquer. Plus particulièrement, il sied de déterminer si, sous l'empire de l'ancien droit, la prise en charge des primes d'assurance-maladie payées par le SAM pour les personnes au bénéfice de prestations complémentaires faisait partie des prestations complémentaires et ainsi si le montant de la prestation cantonale déterminante pour le plafonnement de celle-ci doit être calculé avec ou sans ces primes.

Il est à cet égard à relever que le recourant ne critique pas le calcul des prestations dues en application du nouveau droit.

4.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la réforme PC 2021. Selon la disposition transitoire relative à la modification du 22 mars 2019 (réforme des PC), l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

5.        a. Jusqu’en 1995, les primes d’assurance-maladie effectivement dues pouvaient être déduites des revenus conformément à l’art. 3 al. 4 let. d LPC, en relation avec l’art. 19 al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 1995. Avec l’entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurés de condition modeste pouvaient bénéficier d’une réduction de primes conformément à l’art. 65 LAMal. Comme la LPC prévoyait également une prestation pour la couverture des primes d’assurance-maladie des assurés de condition modeste, il y avait un risque que lesdites primes soient doublement couvertes. Ces problèmes de coordination ont dans un premier temps été résolus en donnant la priorité aux prestations dues en application de la LAMal ce qui a eu pour conséquence l’abrogation, dans la LPC, de la possibilité de déduire les primes d’assurance-maladie du revenu déterminant. Les prestations complémentaires versées ont ainsi fortement chuté, ce qui a toutefois entraîné de graves conséquences pour certains bénéficiaires, raison pour laquelle la déductibilité des primes d’assurance-maladie a été réintroduite lors de la 3e révision de la LPC, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1998.

À teneur de l’art. 10 al. 3 let. d LPC, dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 1998, la prime annuelle moyenne d’assurance-maladie pour le canton en question devait être prise en considération à titre de dépense. Selon l'arrêt du 31 juillet 2013 de la chambre de céans (ATAS/754/2013), la part des prestations complémentaires qui couvrait cette dépense ne pouvait toutefois être qualifiée de prestation complémentaire ordinaire dès lors qu’elle correspondait à une réduction de primes individuelles et que l’art. 26 OPC-AVS/AI précisait que les bénéficiaires de prestations complémentaires annuelles avaient droit à un versement global (prestation complémentaire et montant de la différence avec la réduction de prime) d’un montant au moins égal à celui de la réduction de prime à laquelle ils ont droit (consid. 6 a/cc). Il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue formel, la prestation complémentaire inclut la prime d'assurance-maladie, même si elle est financée de la même manière que la réduction individuelle de la prime (Ralph Jöhl/Patricia Usinger-Egger, Die Ergänzungsleistung und ihre Berechnung,
in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 2016, n° 108 p. 1790 référence 434)

b. Au niveau cantonal, le système est le suivant.

Les personnes domiciliées à Genève, dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable ont droit aux prestations complémentaires cantonales (art. 4 LPCC). Jusqu’au 31 décembre 2007, la LPCC détaillait tant le revenu déterminant que les dépenses qui devaient être déduites. Les dépenses suivantes étaient reconnues : le loyer d'un appartement, y compris les frais accessoires et les cotisations aux assurances sociales de la Confédération, à l'exclusion de l'assurance-maladie.

Depuis le 1er janvier 2008, l'art. 5 LPCC renvoie à la LPC en ce qui concerne le calcul du revenu déterminant (avec quelques ajustements) et les dépenses déductibles. Depuis cette date, les primes de l’assurance-maladie doivent ainsi être prises en considération dans le calcul des prestations complémentaires cantonales.

Conformément à l’art. 15 al. 1 LPCC, le montant annuel de la prestation complémentaire cantonale correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé.

A Genève, en pratique, la dépense relative aux primes d’assurance-maladie est prise en charge par le SAM, sous la forme d’un subside pour le paiement des primes de l’assurance obligatoire des soins. L’art. 22 al. 6 de l'ancienne loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020, prévoyait que les bénéficiaires de prestations complémentaires à l’AVS/AI avaient droit à un subside égal au montant de leur prime d’assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le département fédéral de l’intérieur. Selon l'art. 22 al. 7 LaLAMal, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les bénéficiaires de prestations complémentaires fédérales ou cantonales à l’AVS/AI ont droit à un subside correspondant au montant de la prime moyenne cantonale pour le calcul des prestations complémentaires à l’AVS/AI, à concurrence de la prime effective. Lorsque le montant de la prestation annuelle est inférieur à celui de la prime moyenne cantonale à concurrence de la prime effective, le subside accordé correspond au moins au plus élevé des deux montants suivants :

a)  le montant du subside le plus élevé figurant aux alinéas 1 à 3;

b)  le 60% de la prime moyenne cantonale pour le calcul des prestations complémentaires à l’AVS/AI, à concurrence de la prime effective.

Sous l'ancien droit, le SPC procédait au calcul des dépenses du bénéficiaire sans prendre en considération les primes d’assurance-maladie, puis il admettait le droit au subside en fonction du montant de l’excédent de ressources, afin que le SAM disposât de la possibilité de payer directement la somme due à l’assurance (ATAS/1251/2012 du 16 octobre 2012, consid. 9a). Selon cette pratique, les assurés avaient droit à la couverture de leur prime d’assurance-maladie, à concurrence du maximum de la prime moyenne si, malgré l’absence du droit aux prestations complémentaires elles-mêmes, les excédents de revenus étaient inférieurs au montant de la prime annuelle moyenne d’assurance-maladie, dès lors que cette prime n’était pas prise en compte au titre de dépenses par l'intimé (ATAS/262/2011 du 17 mars 2011 consid. 5f). Ils avaient également droit au remboursement des frais de maladie.

Cette manière de procéder a été jugée contestable par la chambre de céans, dans la mesure où les dispositions légales applicables prévoyaient expressément la prise en considération, à titre de dépenses, de la prime d’assurance-maladie moyenne payée dans le canton en question (ATAS/754/2013 op. cit. consid. 7; ATAS/1251/2012 du 16 octobre 2012, consid. 9a). La chambre de céans préconisait que la décision du SPC reconnaisse expressément le droit aux prestations complémentaires cantonales du requérant, tout en indiquant que celles-ci lui seraient versées, à tout le moins partiellement, sous forme d’un subside total directement payé à l’assureur-maladie.

6.        Selon l'art. 15 al. 2 LPCC, entré en vigueur le 1er janvier 1999, le montant annuel de la prestation ne peut dépasser, pour les personnes vivant à domicile, le quintuple du montant annuel minimum de la rente simple de vieillesse, sous déduction du montant des prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité déjà versé.

Selon le recourant, cette disposition légale doit être interprétée dans le sens que le plafond est calculé sans les primes d'assurance-maladie, ce que l'intimé conteste.

Il n'en demeure pas moins que, jusqu'à l'entrée en vigueur de la réforme PC 2021, le SPC avait toujours calculé le plafond sans prendre en considération ces primes.

7.        En matière d’interprétation de dispositions légales, il faut, en premier lieu, se fonder sur la lettre de la disposition en cause (interprétation littérale). Si le texte de cette dernière n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 128 II 347 consid. 3.5 ; ATF 128 V 105 consid. 5 ; ATF 128 V 207 consid. 5b ; ATF 125 II 484 consid. 4). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 143 II 202 consid. 8.5 ; ATF 143 I 109 consid. 6.1 ; ATF 134 I 184 consid. 5.1). Par ailleurs, les dispositions d'exception ne doivent être interprétées ni restrictivement ni extensivement, mais conformément à leur sens et à leur but, dans les limites de la règle générale (ATF 131 V 279 consid. 2.4 ; ATF 130 V 229 consid. 2.2 ; ATF 130 V 472 consid. 6.5.6 ; ATF 118 Ia 175 consid. 2d ; ATF 117 Ib 114 consid. 7c ; ATF 114 V 298 consid. 3e).

L’interprétation littérale consiste en substance à tirer tous les renseignements possibles du sens littéral de la règle. Il s’agit ainsi de comprendre la signification de chaque mot pris individuellement et de se concentrer sur les relations grammaticales entre les mots telles que résultant de la syntaxe (accords, objet d’une négation) ainsi que de l’usage de la ponctuation. En outre, la manière dont le législateur a ordonné les alinéas d’un article, dont il a divisé le texte (au moyen de titres, sous-titres, etc.) et structuré les notes marginales relève également de l’interprétation littérale.

Conformément à la méthode téléologique, la loi s'interprète pour elle-même,
c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but, ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle repose. Le juge s'appuiera sur la ratio legis, qu'il déterminera non pas d'après ses propres conceptions subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur. Le but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point de vue objectif, compte tenu de la structure normative, et doit aboutir à un résultat satisfaisant fondé sur la ratio legis. Ainsi, une norme dont le texte est à première vue clair peut être étendue par analogie à une situation qu'elle ne vise pas ou, au contraire, si sa teneur paraît trop large au regard de sa finalité, elle ne sera pas appliquée à une situation par interprétation téléologique restrictive (ATF 121 III 219 consid. 1d; ATF 128 I 34 consid. 3b p. 40; ATF 128 III 113 consid. 2a et les arrêts cités). Si la prise en compte d'éléments historiques n'est pas déterminante pour l'interprétation, cette dernière doit néanmoins s'appuyer en principe sur la volonté du législateur et sur les jugements de valeur qui la sous-tendent de manière reconnaissable, tant il est vrai que l'interprétation des normes légales selon leur finalité ne peut se justifier par elle-même, mais doit au contraire être déduite des intentions du législateur qu'il s'agit d'établir à l'aide des méthodes d'interprétations habituelles (ATF 121 précité; ATF 128 I 34 consid. 3b p. 41).

8.        a. Selon la lettre de l'art. 15 al. 2 LPCC, pour le calcul du montant annuel de la prestation cantonale déterminante pour le plafond, il faut déduire le montant des prestations fédérales complémentaires. Or, la LPC inclut dans les dépenses les primes d'assurance-maladie comme relevé ci-dessus. Au demeurant, depuis le
1er janvier 2008, la LPCC renvoie également à la LPC pour le revenu déterminant et les dépenses déductibles. Par conséquent, les primes d'assurance-maladie font en principe partie des dépenses reconnues aussi sous l'empire de l'ancien droit, selon une interprétation littérale de cette disposition.

b. Des travaux préparatoires relatifs à l'art. 15 al. 2 LPCC ressort qu'avec l'adoption de cette disposition légale, le législateur a voulu aligner le régime genevois des prestations complémentaires cantonales sur le régime fédéral en la matière (MGC 1998/VIII p. 7550). Outre l'art. 15 LPCC, le législateur a modifié dans la même réforme l'art. 3 al. 2 LPCC, en prévoyant un barème dégressif pour la prise en compte des enfants dans le revenu minimal cantonal d'aide sociale garanti.

L'introduction du plafond prévu à l'art. 15 al. 2 LPCC n'a pas fait l'objet d'un commentaire direct. Concernant la prise en compte des enfants, il est exposé ce qui suit:

"La prise en compte des enfants des rentiers-ères AI est nettement plus favorable dans la législation genevoise que dans la législation fédérale. Alors que dans la législation fédérale cette prise en compte se fait en appliquant un barème dégressif, dans la législation cantonale, la prise en compte des enfants se fait de manière linéaire. De ce fait, la situation genevoise permet à des rentiers-ères AI ayant plusieurs enfants d'obtenir des assurances sociales un revenu plus élevé que celui qu'ils auraient réalisé en restant actifs. Cette situation s'explique notamment par le fait que certaines dépenses induites par les enfants (frais de loyer, cotisations de l'assurance-maladie) sont également prises en charge par les assurances sociales" (ibidem p. 7552 s.).

Il ne peut être déduit de ce commentaire que le calcul des prestations complémentaires, déterminant pour le plafond, inclut les primes d'assurance-maladie. Il en résulte toutefois que la volonté du législateur était de ne pas avantager un bénéficiaire de rente avec plusieurs enfants par rapport à une personne active dans la même situation. Or, tel est le cas s'il n'y a pas un plafond pour les prestations complémentaires et si celles-ci augmentent avec chaque nouvel enfant, notamment en ajoutant la prime d'assurance-maladie de l'enfant.

Le cas présent en est une illustration. En effet, en incluant les primes d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues, celles-ci s'élèvent à CHF 143'354.- pour le calcul des prestations complémentaires cantonales. En principe, la différence entre ce montant et les revenus déterminants, comprenant les prestations complémentaires fédérales, devrait être couverte par les prestations complémentaires cantonales. Ces dépenses sont partiellement couvertes par les allocations familiales de CHF 27'598.80 dont le recourant aurait également bénéficié en tant qu'actif. Il y a lieu par conséquent de les déduire du montant des dépenses à couvrir par les revenus et les prestations complémentaires. Après déduction de ce montant, les autres revenus du recourant devraient s'élever à
CHF 115'755.- par an, ce qui correspond à CHF 9'646.- en chiffres ronds par mois. Or, à l'évidence, le recourant n'aurait jamais pu réaliser un tel salaire en étant actif, dès lors qu'il est sans formation et n'avait travaillé en Suisse qu'en tant qu'aide de cuisine et plongeur, avant d'être en incapacité de travail totale.

La volonté du législateur était précisément d'éviter une telle situation. Par conséquent, selon une interprétation téléologique, il convient également d'inclure les primes d'assurance-maladie dans le calcul du montant annuel de la prestation cantonale complémentaire qui est déterminant pour le plafond.

9.        Le recourant fait valoir que le plafond prévu par l'art. 15 al. 2 LPCC consacre une inégalité de traitement par rapport aux autres bénéficiaires de prestations complémentaires, dans la mesure où, du fait du plafonnement des prestations et de l'intégration de la prime d'assurance-maladie dans les dépenses reconnues, les prestations ne couvrent plus ses besoins vitaux.

a. Consacré à l’art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le principe de l’égalité de traitement commande que le juge traite de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2). Bien que l’art. 8 al. 1 Cst. ne parle que d’égalité « devant » la loi, le principe d’égalité s’applique au législateur. Il concerne donc aussi l’égalité « dans » la loi. Le Tribunal fédéral réitère dans ce contexte le principe de base, imposant un traitement identique des situations semblables et un traitement différencié des situations différentes, tout en insistant sur le large pouvoir d’appréciation du législateur, notamment en fonction de l’époque et des idées dominantes (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 594, p. 212). Le principe de l’égalité de traitement vaut pour l’ensemble du droit public, dont fait partie le droit des assurances sociales.

b. En l'occurrence, le législateur a prévu un plafonnement des prestations complémentaires cantonales pour tous les bénéficiaires de prestations complémentaires cantonales. Dans les faits, ce plafonnement touche cependant essentiellement les familles nombreuses. Il ne saurait pour autant être considéré que le législateur traite de façon différente des situations semblables. En effet, en-dessous du plafond, il peut être considéré que les prestations complémentaires sont en rapport avec un revenu que le bénéficiaire aurait pu réaliser en étant actif, indépendamment du nombre de ses enfants. Il s'agit également d'éviter que, du fait de prestations complémentaires cantonales "illimitées", le bénéficiaire puisse se permettre d'avoir plus d'enfants qu'il aurait été en mesure d'entretenir en étant actif.

Il ne peut pas non plus être considéré qu'il y a une inégalité de traitement par rapport aux autres bénéficiaires du fait que les besoins vitaux du recourant et de sa famille ne sont plus couverts en raison du plafonnement des prestations et de l'intégration des primes d'assurance-maladie dans le calcul, comme le recourant le fait valoir. En effet, ces besoins sont en principe déjà couverts par les prestations complémentaires fédérales, lesquelles sont généralement supérieures aux prestations d'assistance.

À cet égard, il y a également lieu de rappeler que, selon un principe général en assurances, la réalisation du risque assuré ne doit pas être une source de profit pour la personne assurée, d'où des dispositions légales réglant la sur-indemnisation, soit lorsque les prestations des assurances sociales dépassent le gain dont l'assuré est présumé avoir été privé (cf. par ex. art. 69 al. 2 LPGA).

Cela étant, l'art. 15 al. 2 LPCC ne viole pas le principe de l'égalité de traitement. Au contraire, sans un plafonnement des prestations, une personne invalide ou retraitée serait mise dans une situation nettement plus favorable qu'une personne active dont les revenus n'augmentent pas à la naissance de chaque enfant, exception faite des allocations familiales. Ainsi, le plafonnement rétablit en réalité une égalité de traitement entre bénéficiaires de rentes et personnes actives.

10.    Au vu de ce qui précède, le calcul de la prestation complémentaire cantonale selon l'ancien droit ne serait pas plus favorable au recourant, dans la mesure où les dispositions légales valables jusqu'au 31 décembre 2020 prévoyaient déjà d'inclure les primes d'assurance-maladie dans le calcul de cette prestation. Il est vrai que telle n'était pas la pratique de l'intimé sous l'empire de l'ancien droit. L'autorité administrative est cependant en droit de changer sa pratique, afin de la conformer à la loi. Partant, nonobstant le fait que cette ancienne pratique était plus favorable au recourant, celui-ci ne peut s'en prévaloir dès lors qu'elle était contraire à la loi.

Par ailleurs, selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l’activité administrative prévaut sur celui de l’égalité de traitement. Par conséquent, le justiciable ne peut généralement pas invoquer une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu’elle l’aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d’autres cas (ATF 134 V 34 consid. 9 p. 44 et les références). Cela suppose cependant, de la part de l’autorité dont la décision est attaquée, la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en cause. Autrement dit, le justiciable ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que l’administration persévérera dans l’inobservation de la loi. Encore faut-il que les situations à considérer soient identiques ou du moins comparables (ATF 126 V 390 consid. 6a ; ATF 116 V 231 consid. 4b ; ATF 115 Ia 81 consid. 2 et les références citées). Or, en l'occurrence, rien ne laisse supposer que l'intimé continuera à appliquer son ancienne pratique dans d'autres cas et cela n'est pas non plus allégué. Au contraire, l'intimé affirme dans la présente procédure que, depuis le 1er janvier 2021, il applique strictement la législation en vigueur sous l'ancien droit, en tenant compte des primes d'assurance-maladie dans le calcul.

11.    Par conséquent, le recours sera rejeté.

12.    La procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le