Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2165/2012

ATAS/1251/2012 du 16.10.2012 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2165/2012 ATAS/1251/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 octobre 2012

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur V__________, domicilié à Thônex, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître BRAUNSCHMIDT Sarah

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, 1208 Genève

intimé

 


EN FAIT

Monsieur V__________ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1951, de nationalité espagnole, a déposé une demande de prestations d'invalidité le 9 juillet 1999.

Par décision du 7 mars 2003 de l'OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE (l'OAI), l'assuré a été mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité dès le 1er décembre 1999.

Une révision de la rente a été entreprise par l'OAI en août 2006.

Par décision de l'OAI du 26 septembre 2011, la rente a été réduite à une demi-rente.

Entretemps, l'assuré a été incarcéré à titre préventif le 10 juillet 2011.

Il a été condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 264 jours déjà effectués, par jugement du Tribunal correctionnel du 21 février 2012 et l'OAI a suspendu le versement de la rente d'invalidité avec effet au 1er novembre 2011 par décision du 20 février 2012.

Par arrêt du 8 mai 2012, la Cour de céans a annulé la décision du 26 septembre 2011, estimant que le degré d'invalidité n'avait pas notablement changé et restait supérieur à 70%, comme l'avait retenu l'OAI lors de la décision de 2003.

La décision de suspension de la rente de l'OAI du 20 février 2012 n'a pas été contestée.

Par décisions des 4 et 19 avril 2012 adressées en courrier ordinaire à l'assuré à l'adresse de la prison, le SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES (ci-après : le SPC ou l'intimé) a interrompu le versement des prestations complémentaires et du subside d'assurance-maladie dès le 1er novembre 2011 et a réclamé le remboursement des montants déjà versés du 1er novembre 2011 au 30 avril 2012, soit 3'762 fr. de prestations et 2'722 fr. de subsides d'assurance-maladie.

L'assuré a formé opposition le 23 mai 2012 et son conseil a fait valoir que lesdites décisions n'avaient jamais été reçues.

Par décision sur opposition du 13 juin 2012, le SPC a déclaré l'opposition recevable et l'a rejetée. Le chiffre 26.01 des directives applicables prévoit qu'en cas de suspension du versement de la rente AI, en raison d'une incarcération, il convient de suspendre également le versement de la prestation complémentaire, étant précisé que le montant forfaitaire annuel pour l'assurance obligatoire fait clairement partie des dépenses reconnues pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle. Or, les mêmes directives précisent que les prestations complémentaires des membres de la famille de la personne incarcérée sont calculées sur les mêmes bases que les prestations complémentaires initiales, mais sans les dépenses de la personne subissant l'exécution de la peine et en tenant compte uniquement de ses revenus effectifs. Ainsi, la prestation de base suspendue n'est pas prise en compte dans les revenus.

Par acte du 13 juillet 2012, l'assuré, représenté par son conseil, forme recours contre la décision sur opposition et conclut à ce qu'il soit constaté qu'il a droit au subside d'assurance-maladie complet dès le 1er novembre 2011 et qu'il n'est pas tenu à restitution des montants perçus à ce titre.

En substance, sur les base des normes du Code pénal, du Règlement relatif aux établissements ouverts et fermés, du Concordat sur la détention pénale des adultes et de la LAMal, le recourant estime qu'il est indéniablement soumis à l'obligation de s'assurer conformément à la LAMal, que les personnes incarcérées ne font pas partie de la liste de celles qui n'ont pas droit au subside d'assurance-maladie selon la LAMal et que si la personne détenue ne peut pas payer les frais liés à un traitement non couvert par le droit fédéral, ceux-ci sont pris en charge, subsidiairement, par le service placeur. Au demeurant, le versement du subside d'assurance-maladie et le paiement de la prime n'entrainent aucun enrichissement, mais sont nécessaires à la couverture des besoins de soins fondamentaux du recourant, eu égard à son état de santé.

Par pli du 30 juillet 2012, le SPC conclut au rejet du recours. Dans la mesure où il n'a plus droit au versement des prestations complémentaire dès le 1er novembre 2011, en raison de son incarcération, l'assuré ne saurait prétendre au versement des subsides de l'assurance-maladie.

L'assuré précise, le 5 septembre 2012, que son conseil a pris contact avec les assistants sociaux du Service d'application des peines et de la prison dans laquelle il est détenu et que selon ces derniers, durant la détention préventive, l'assurance-maladie n'est pas prise en charge par l'établissement pénitentiaire, mais reste à charge du détenu puis, lors de l'exécution de la peine, les primes d'assurance-maladie sont à la charge des détenus "durant environ trois mois". Ensuite, en cas de ressources insuffisantes, l'assurance est prise en charge par l'Etat. L'office pénitentiaire, en raison de moyens administratifs insuffisants, ne dépose pas de demande de subsides, même si le condamné y a droit. Ainsi, l'assuré indique qu'il n'est pas pris en charge par l'Etat pour l'intégralité des primes d'assurance-maladie qui sont dues et que, vu les importants problèmes de santé qu'il connait, il a indéniablement besoin de soins de santé de qualité.

Il fait aussi valoir que l'art. 21 al. 5 LPGA prévoit la suspension des rentes destinées à couvrir la perte de gain, telles les rentes d'invalidité en cas de peine privative de liberté mais la disposition n'est pas applicable aux prestations complémentaires, qui correspondent à une assurance destinée à garantir la couverture des besoins vitaux. Finalement, ni la loi ni l'ordonnance ne prévoient la suspension des prestations complémentaires, seules les directives l'indiquant.

Par pli du 24 septembre 2012, le SPC rappelle que le droit au subside de l'assurance-maladie n'est pas une prestation indépendante du droit aux prestations complémentaires, mais constitue une dépense à prendre en compte au sens de l'art. 10 al. 3 let. d LPC et ce indépendamment de la procédure suivie à Genève visant à reconnaître dans la décision PC le droit au subside de l'assurance-maladie, directement payée par le SAM à l'assurance-maladie du bénéficiaire.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins qu’il n’y soit expressément dérogé (art. 1 al. 1 LPC). Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

a) En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; cf. également art. 9 e la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA). S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

b) Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable (art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 -LPA ; RS E 5 10 et art 56 LPGA).

Le litige porte sur le droit de l'assuré de bénéficier du subside d'assurance-maladie, malgré la suspension du versement de sa rente d'invalidité en raison de l'incarcération.

a) L’art. 4 al. 1er let. a LPC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) ou ont droit à une rente de veuve, de veuf ou d’orphelin de l’AVS. L’art. 4 al. 1er let. c LPC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (AI) ou perçoivent des indemnités journalières de l’AI sans interruption pendant six mois au moins.

L'objectif de la loi sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI est de compléter les prestations servies par les deux assurances citées pour le cas où ces prestations ne suffiraient pas à couvrir de façon appropriée les besoins vitaux d'un assuré (cf. Message du Conseil fédéral concernant le projet de loi sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 21 septembre 1964, FF 1964 II p, 47 s.; voir également ERNST/GÄCHTER, Schranken der Freigiebigkeit: die Behandlung von Schenkungen im Privatrecht und im Ergänzungsleistungsrecht in RSAS 2011 p. 149; FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002 p. 417; SPIRA, Transmission de patrimoine et dessaisissement au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 1996 p. 208).

b) L'art. 3 LPC indique que les prestations complémentaires se composent de la prestation complémentaire annuelle, qui est une prestation en espèces, traitée aux art. 9 à 13 et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité, qui est une prestation en nature, traitée aux art. 14 à 16. L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

c) L’art. 10 al. 1er let. a LPC prévoit, pour les personnes qui ne vivent pas en permanence ni pour une longue période dans un home ou dans un hôpital (personnes vivant à domicile), que les dépenses reconnues comprennent les montants destinés à la couverture des besoins vitaux, soit un montant fixe par année (ch. 1). Selon la let. b de cette disposition, les dépenses reconnues comprennent en outre le loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs ; le montant annuel maximal reconnu est de 13'200 fr. pour les personnes seules (ch. 1). L’al. 3 de l’art. 10 LPC dispose qu'est reconnue comme dépense, notamment, le montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins, lequel doit correspondre au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l’assurance obligatoire des soins, couverture accidents comprise (let. d).

d) Selon l'art. 14 al. 1 LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d’une prestation complémentaire annuelle les frais suivants de l’année civile en cours, s’ils sont dûment établis: frais de traitement dentaire (a) ;frais d’aide, de soins et d’assistance à domicile ou dans d’autres structures ambulatoires (b); frais liés aux cures balnéaires et aux séjours de convalescence prescrits par un médecin (c); frais liés à un régime alimentaire particulier (c); frais de transport vers le centre de soins le plus proche (d); frais de moyens auxiliaires (f); frais payés au titre de la participation aux coûts selon l’art. 64 LAMal (g).

e) Selon l'art 26 OPC-AVS/AI, les bénéficiaires de prestations complémentaires annuelles ont droit à un versement global (prestation complémentaire et montant de la différence avec la réduction de prime) d’un montant au moins égal à celui de la réduction de prime à laquelle ils ont droit.

L'art. 54a OPC-AVS/AI précise que le Département fédéral de l’intérieur fixe les montants forfaitaires annuels pour l’assurance obligatoire des soins, visées à l’art. 10, al. 3, let. d, LPC, au plus tard à fin octobre pour l’année suivante. Pour le canton de Genève, la prime moyenne pour un adulte a ainsi été fixée à 4'788 fr. en 2004, 4'932 fr. en 2005, 5'112 fr. en 2006, 5'088 fr. en 2007, 5'028 fr. en 2008 et 2009, 5'232 fr. en 2010, 5'400 fr. en 2011 et à 5'556 fr. en 2012.

Selon les directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC - état au 1er janvier 2012) durant la période au cours de laquelle un assuré subit l’exécution d’une peine ou d’une mesure, le versement des rentes AI et des indemnités journalières peut être suspendu. Si la suspension de la prestation a été ordonnée, il importe pour la même période considérée de suspendre également de versement de la PC. Par contre, la PC continue d’être versée pour toutes les autres personnes comprises dans le calcul PC. Pour le conjoint de la personne incarcérée, il est tenu compte – en lieu et place du montant destiné à la couverture des besoins vitaux du couple – du montant destiné à la couverture des besoins vitaux des personnes seules. Pour les enfants, ce sont les montants usuels qui sont pris en compte (no 2620.01 et 3520.01).

a) Selon les art. 20 et ss. de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal ; RS J 3 05), les subsides sont destinés aux assurés de condition économique modeste et aux assurés bénéficiaires des prestations complémentaires à l’AVS/AI accordées par le service des prestations complémentaires. Pour les assurés de condition modeste, le montant du subside est fixé par le Conseil d'Etat. Les bénéficiaires des prestations du SPC ont droit à un subside égal au montant de leur prime d’assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l’intérieur. L'art. 10 du règlement d'exécution précise quels assurés sont présumés ne pas être de condition modeste (étudiants, personnes, fortunées, etc.) et l'art. 11 prévoit des subside de 40, 70, ou 90 fr. selon la situation économique des divers assurés de condition modeste concernés, selon les calculs détaillés par ce règlement.

b) Le concordat sur l’exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins du 10 avril 2006 prévoit que la prise en charge des primes de l’assurance obligatoire des soins, de la franchise, de la quote-part des coûts dépassant la franchise et de la contribution aux coûts d’hospitalisation est arrêtée par la législation du canton dans lequel la personne détenue était régulièrement établie au moment de son arrestation et de son jugement et que seul le détenu dont la situation de fortune ou le produit de son travail le permet doit participer à ces coûts.

a) L'art. 15 LPGA précise que les prestations en espèces visées par la loi comprennent, en particulier, les indemnités journalières, les rentes, les prestations complémentaires annuelles, les allocations pour impotents et leurs compléments; elles n’englobent pas le remplacement d’une prestation en nature à la charge d’une assurance.

Selon l'art. 21 al. 5 LPGA, si l’assuré subit une mesure ou une peine privative de liberté, le paiement des prestations pour perte de gain peut être partiellement ou totalement suspendu à l’exception des prestations destinées à l’entretien des proches visées à l’al. 3 de la disposition.

b) Le projet initial de la LPGA ne prévoyait pas de disposition concernant le sort des prestations en cas d'incarcération (FF 1991, page 181 et ss). Dans le cadre de son avis approfondi du 17 août 1994 (FF 1994, page 914 et 915), le Conseil fédéral a proposé d'introduire un alinéa à la disposition traitant du refus ou de la réduction des prestations, libellé ainsi "Le paiement des prestations en espèces peut être partiellement ou totalement suspendu si la personne assurée subit une mesure ou une peine privative de liberté conformément aux articles 42 à 44 ou 100bis du Code pénal suisse". Il a précisé que la question du sort des prestations en espèces se pose toujours en cas de privation de liberté et, de ce fait, requiert une réglementation dans une partie générale du droit des assurances sociales. La teneur qu'il proposait était fondée sur l'article 13 de la nouvelle LAM du 19 juin 1992 qui est conforme à la jurisprudence (ATF 113 V 273,114 V 143).

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 26 mars 1999 a proposé de modifier ainsi la disposition "Le paiement des prestations en espèces peut être partiellement ou totalement suspendu si la personne assurée subit une mesure, ou une peine privative de liberté, à l'exception de celles destinées à satisfaire les prétentions de proches au sens de l'al. 2bis" (FF 1999, page 4212), en indiquant que la LAM contenait déjà une règle semblable dans son art. 13 et que l'introduction générale d'une telle clause correspondait à la jurisprudence la plus récente: selon la jurisprudence du TFA en effet, le droit à la rente doit être suspendu en cas de détention pénale alors que certaines rentes complémentaires peuvent continuer à être versées afin de couvrir les besoins d'entretien des proches (arrêts précités et ATF 116 V 20). Le renvoi à l'al 2 bis précise également que la part destinée aux proches ne saurait faire l'objet d'une réduction.

c) Dans un arrêt du 28 juin 2006 (ATF 133 V 1), le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'entrée en vigueur de l'art. 21 al. 5 LPGA n'avait pas modifié la jurisprudence développée antérieurement (ATF 116 V 323). Il a exposé qu'une mesure de détention préventive d'une certaine durée justifiait la suspension du droit à la rente de la même manière que toute autre forme de privation de liberté ordonnée par une autorité pénale L'interprétation téléologique de la disposition légale ainsi que l'égalité de traitement justifiaient que l'on s'écarte du texte clair de l'art. 21 al. 5 LPGA. En effet, cette disposition visait à traiter de la même manière la personne valide et celle invalide incarcérée, dès lors que la détention les prive toutes deux de la réalisation d'un revenu. L'élément décisif résidait ainsi dans l'impossibilité pour la personne détenue d'exercer une activité lucrative, de sorte que le droit à la rente devait être suspendu. Toutefois, par analogie à l'art. 88a al. 1 2ème phrase et al. 2 1ère phrase RAI, seule la détention préventive d'une durée supérieure à trois mois fondait la suspension du droit à la rente (arrêt non publié du 3 août 2007; I 641/06). Le Tribunal fédéral a précisé que les prestations complémentaires, qui sont des prestations en espèces, ont pour but de compléter le manque de revenus qui n'est pas couvert par la rente d'invalidité. Ces prestations couvrent le risque de pauvreté, mais uniquement la pauvreté consécutive à la perte de la capacité de gain en raison de l'invalidité. Elles ont donc pour but la couverture des besoins vitaux. Cela ne change toutefois rien au fait que les prestations complémentaires sont des prestations pour perte de gain au sens de l'art. 21 al. 5 LPGA. Elles doivent donc également être suspendues en cas d'incarcération, y compris préventive. La question de savoir si le droit aux prestations complémentaires est lié au versement d'une rente d'invalidité ou au droit à une telle rente peut rester ouverte (arrêt non publié du 30 mai 2008; 8C_139/2007).

d) La doctrine confirme la suspension totale ou partielle des prestations en espèce ayant un caractère de "remplacement du revenu" (Erwerbsersatz). Dans un premier temps, et avant la confirmation de jurisprudence, la doctrine pensait que la suspension ne pouvait pas avoir lieu durant une détention préventive (LOCHER, Grundriss des Sozialversicherungsrecht, 2003, § 42, , ch. IV, no 39 à 41). Elle s'est ensuite ralliée à la jurisprudence, précisant que la suspension des prestations permettait aussi d'éviter une inégalité de traitement entre un détenu invalide et un détenu valide (SCARTAZZINI/HURZELER, Bundessozialversicherungsrecht, 2012, page 67).

À teneur de l’art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées, la restitution ne pouvant toutefois être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1er). Le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

S’agissant des subsides, l’art. 33 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal ; J 3 05), prévoit que dans le cas où ils ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du SPC, ce dernier peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie. Selon l’art. 33 al. 1 LaLAMal, la restitution des subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l’art. 25 LPGA.

a) En l'espèce, suite à son incarcération le 17 juillet 2011, le versement de la rente AI de l'assuré a été suspendue dès le 1er novembre 2011 par une décision entrée en force et conforme à l'art. 21 al. 5 LPGA. L'assuré ne conteste pas qu'il ne doit plus, depuis son incarcération, faire face à ses dépenses de loyer et de subsistance. Il n'a au demeurant pas d'épouse ou d'enfants à sa charge bénéficiant de rentes complémentaires AI ou inclus dans le calcul des prestations complémentaires.

Il est exact que le système adopté par le SPC est contestable. Selon la loi, il doit tenir compte de la prime d'assurance maladie moyenne au titre des dépenses pour calculer le montant des prestations, puis verser ces prestations au bénéficiaire ou, pour autant que le texte de la loi le permette, verser le "subside" à l'assurance-maladie. Dans les faits, le SPC paie la prime d'assurance-maladie du bénéficiaire directement à l'assurance à concurrence de la moyenne précitée. Or, le SPC procède aux calculs sans cette dépense, puis reconnaît le droit au subside en fonction du montant de l'excédent de ressources, afin que le Service de l'assurance-maladie (SAM) dispose de la possibilité de directement payer la somme due à l'assurance maladie. Ce procédé est de nature à poser des problèmes quant au remboursement des frais de maladie qui ne concernent toutefois pas la présente procédure.

Cela étant, il ne fait pas de doute qu'à teneur de la loi, la prime d'assurance-maladie moyenne est une dépense à prendre en compte dans le calcul des prestations complémentaires, au même titre que le loyer, et non pas une prestation distincte.

Or, si le versement de la rente AI de l'assuré est suspendu, ce dernier n'a plus droit à des prestations complémentaires, car celles-ci ne sont qu'un complément à sa rente AI. Le fait que la rente AI soit suspendue et pas supprimée n'y change rien, le but de la LPC étant de couvrir les besoins vitaux qui ne le sont pas au moyen de la rente AI. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs confirmé que les prestations complémentaires sont aussi visées par l'art. 21 al. 5 LPGA. En effet, les rentes et indemnités journalières AI, ainsi que les prestations complémentaires à celles-ci, sont destinées à couvrir la perte de gain due à l'incapacité de travail consécutive à l'invalidité, voire à la mesure professionnelle ordonnée en raison de l'invalidité. L'assuré ne peut donc pas prétendre à la couverture de l'une des dépenses prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires, pour que le SAM paie sa prime d'assurance à sa caisse. Cela serait de plus contraire au principe de l'égalité de traitement, dès lors que l'assuré dont la rente AI suffit à couvrir ses besoins vitaux ne pourrait pas bénéficier du paiement de sa prime d'assurance-maladie par le SAM alors qu'il est également privé de tout revenu durant son incarcération et que le travailleur, licencié suite à sa détention, privé de son salaire et sans droit au chômage, ne pourrait pas non plus y prétendre.

Conformément à la loi et à la jurisprudence, la rente AI a été suspendue dès le 1er novembre 2011, soit trois mois après le début de l'incarcération à titre préventif le 17 juillet 2011 et, corollairement, c'est à juste titre que le SPC a suspendu le droit au prestations complémentaires dès cette même date. Cela permet peut-être d'expliquer les informations - fort peu précises au demeurant - obtenues par le conseil de l'assuré selon lesquelles l'Etat prend à sa charge les primes des détenus après trois mois d'incarcération.

b) Corolairement, les prestations complémentaires versées depuis le 1er novembre 20011 doivent être restituées, y compris celles couvrant la prime d'assurance-maladie, en application de l'art. 25 LPGA. La décision du SPC est donc également fondée sur ce point.

c) S'agissant de sa motivation concernant le "subside", l'assuré confond deux systèmes. Le subside "total" d'assurance-maladie versé par le SPC n'est que le paiement en main de tiers (l'assurance-maladie) d'une des dépenses de l'assuré (sa prime d'assurance), à concurrence de la moyenne cantonale fixée. Tel n'est pas exactement le cas du subside "partiel" LAMal, qui vise des assurés de condition modeste (qui ont un salaire, ou des indemnités de chômage, ou une rente AI, mais qui ne peuvent pas prétendre à des prestations complémentaires en raison d'un excédent de ressources). Ce véritable subside permet une réduction de la prime à la charge de l'assuré et il est directement versé à l'assurance selon le texte légal.

En l'occurrence, à défaut de ressources, l'assuré n'est pas tenu de payer sa prime et ses frais de maladie, lesquels sont pris en charge par le canton. Ainsi, que la prime de l'assurance-maladie de base de l'assuré incarcéré soit au budget du département compétent en matière d'incarcération ou de celui compétent en matière d'assurances sociales, voire au budget fédéral, est sans conséquence sur la situation concrète du recourant, qui est assuré et qui peut bénéficier des soins de base nécessaires à son état de santé. Le fait que l'office pénitentiaire ne sollicite pas de subside LAMal de 90 fr. pour alléger son budget au détriment de celui d'un autre service excède manifestement l'objet du présent litige, limité au droit du SPC de suspendre le droit aux prestations complémentaires, y compris celles destinées au paiement de la prime d'assurance-maladie, aussi longtemps que le versement de la rente AI est suspendu en raison de l'incarcération.

Ainsi, le recours est rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF; RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irene PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Sabina MASCOTTO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le