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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4385/2017

ATAS/459/2018 (3) du 31.05.2018 ( LAMAL ) , ADMIS/RENVOI

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : LOI FÉDÉRALE SUR L'ASSURANCE-MALADIE ; PRIME D'ASSURANCE-MALADIE ; RÉDUCTION DES PRIMES(AM) ; DROIT CANTONAL INDÉPENDANT ; RÉVISION(DÉCISION) ; MODIFICATION DES CIRCONSTANCES ; SITUATION FINANCIÈRE
Normes : LAMal.65.al3.par1; LaLAMal.22.al1; RaLAMal.13b.al1; LRDU.10.al2; LRDU.13.al1.letA
Résumé : Un assuré qui bénéficie d'un subside de l'assurance-maladie mensuel de CHF 30.- pour l'année 2017, calculé sur le revenu déterminant unifié (RDU) de 2015, et qui ne perçoit plus d'indemnité de l'assurance-chômage car il est arrivé en fin de droit, peut demander au SAM l'actualisation de son RDU pour l'année 2017 malgré l'art. 13B al. 1 RaLAMal. Ce dernier ne prévoit cette possibilité que pour les assurés qui ne sont pas au bénéfice d'un subside et pour ceux qui, sans être personnellement au bénéfice d'un subside, touchent des subsides pour leurs enfants. Selon l'art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal, lors de l'examen des conditions d'octroi du subside, les circonstances économiques et familiales les plus récentes sont prises en considération, notamment à la demande de l'assuré. L'art. 10 al. 2 LRDU prescrit que le revenu déterminant unifié est actualisé sur demande d'un service et/ou lorsque la condition économique de l'intéressé s'est modifiée entre la période qui a servi de base au calcul de la prestation et le moment où il présente sa demande. Il n'est pas compatible avec ces deux dispositions légales que le seul fait d'être bénéficiaire d'un subside de l'assurance-maladie suffise à écarter la possibilité d'obtenir une actualisation du RDU et, donc, le cas échéant, à exclure un nouveau calcul du droit au subside.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4385/2017 ATAS/459/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 mai 2018

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE, sis route de Frontenex 62, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Pour l’année 2017, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1969, célibataire, sans enfant à charge, domicilié dans le canton de Genève, a été mis au bénéfice d’un subside d’assurance-maladie (ci-après : subside) de CHF 30.- par mois, en considération d’un revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) de CHF 36'055.- pour l’année de référence 2015.

2.        Par courrier du 4 mai 2017, l’assuré a demandé au service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) de réviser sa décision de subside relative à l’année 2017, compte tenu du fait qu’il ne percevait plus d’indemnités de chômage, étant arrivé en fin de droit, depuis décembre 2016 et qu’il n’avait pas encore retrouvé de travail fixe, vivant sur ses économies et de petits boulots (lui ayant procuré, depuis décembre 2016, environ CHF 5'000.-). Sa prime d’assurance-maladie de base obligatoire était une charge très lourde. L’Hospice général n’entrait pas en matière « uniquement pour l’assurance ».

3.        Par décision du 16 mai 2017, le SAM a refusé d’entrer en matière sur sa demande de révision, pour le motif qu’il était déjà bénéficiaire d’un subside en 2017, situation excluant, à teneur du règlement applicable, qu’il puisse solliciter une révision de son droit au subside.

4.        Par courrier du 28 mai 2017, l’assuré a formé opposition à l’encontre de cette décision. Celle-ci ne lui apportait aucun éclaircissement, mais « juste un article de loi » à propos de sa situation, dont il avait demandé à pouvoir discuter de vive voix avec le SAM en vue d’un éventuel changement. Il demandait à bénéficier de l’assistance juridique.

5.        Par décision sur opposition du 4 octobre 2017, le SAM a confirmé sa décision précitée. La loi régissant le subside de l’assurance-maladie appliquait le système dit du « N-2 », voulant que le droit audit subside soit calculé sur la base du RDU, soit de la situation économique de l’assuré deux ans avant l’ouverture du droit (donc, pour l’année 2017, sur la base du RDU de l’année 2015). Son RDU étant situé en 2015 dans la tranche du groupe C (entre CHF 29'000.- et CHF 38'000.-), il avait droit, pour 2017, à un subside mensuel de CHF 30.-. Il ne se trouvait pas dans une des situations dans lesquelles le règlement applicable permettait l’octroi d’un subside correspondant à celui de l’année d’ouverture du droit au subside suite à une aggravation durable et notable de la situation économique du bénéficiaire survenue entre l’année de référence pour l’octroi des subsides et l’année d’ouverture du droit aux subsides. Sa situation afférente à l’année 2017 serait prise en considération dans le cadre de l’examen de son éventuel droit à un subside pour l’année 2019. Le SAM a refusé l’octroi de l’assistance juridique à l’assuré, non prévue dans un tel cas et le cas d’espèce n’étant en tout état pas d’une complexité suffisante.

6.        Par recommandé du 2 novembre 2017, l’assuré a fait recours contre cette décision sur opposition par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). Il n’avait plus droit aux indemnités de chômage depuis le 4 décembre 2016, n’avait depuis lors plus de revenus réguliers et avait contracté des dettes pour payer ses factures et sa subsistance. Son subside n’était que de CHF 30.- par mois. Sa situation avait drastiquement changé, et il ne voulait pas demander l’assistance de l’Hospice général. Il ne demandait « pas l’aumône, juste une révision de [sa] situation pour obtenir des subventions à hauteur de [son] budget ».

7.        Par mémoire du 30 novembre 2017, le SAM a conclu au rejet du recours. Compte tenu de l’autonomie laissée aux cantons pour l’attribution des subsides d’assurance-maladie et du principe de la proportionnalité, le canton de Genève appliquait le système dit du « N-2 » et avait limité la possibilité d’invoquer un changement de situation aux assurés ne bénéficiant pas d’un subside, à l’exclusion d’un simple changement de catégorie de subside. Les circonstances les plus récentes étaient prises en considération par le fait que des prestations d’aide sociale (comprenant notamment un subside du groupe A de CHF 90.- par mois) pouvaient être octroyées par l’Hospice général lorsque les circonstances le justifiaient.

8.        L’assuré n’a pas fait usage de la possibilité que la CJCAS lui a donnée de présenter des observations suite à cette écriture.

9.        La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10). Elle est aussi compétente pour statuer sur les contestations prévues à l’art. 36 de la loi genevoise d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie, du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée étant une décision sur opposition rendue en application du droit cantonal autonome (ATF 131 V 202 consid. 3.2.2 et 4.1 ; cf. ci-dessous consid. 2d) que constituent en la matière la LaLAMal et son règlement d’exécution, soit le règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 15 décembre 1997 (RaLAMal - J 3 05.01).

b. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 36 al. 1 LaLAMal), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le recourant a qualité pour recourir (art. 60 let. a et b et art. 89A LPA).

c. Le recours est donc recevable.

2.        a. Selon la LAMal, les cantons accordent une réduction de primes aux assurés de condition économique modeste ; ils versent directement le montant correspondant aux assureurs concernés (art. 65 al. 1 phr. 1 et 2 LAMal). Les cantons veillent, lors de l’examen des conditions d’octroi, à ce que les circonstances économiques et familiales les plus récentes soient prises en considération, notamment à la demande de l’assuré (art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal).

b. Comme le Conseil fédéral l’a relevé dans son Message du 21 septembre 1998 concernant l'arrêté fédéral sur les subsides fédéraux dans l'assurance-maladie et la révision partielle de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (FF 1999 727) – dont le dépôt a abouti à l’adoption, en date du 24 mars 2000 dès le 1er janvier 2001, notamment des dispositions précitées de la LAMal (RO 2000 2305) –, les contributions des pouvoirs publics destinées à réduire les primes des assurés de condition économique modeste tendent à réaliser la solidarité entre personnes de revenus différents sur laquelle mise l’assurance obligatoire des soins qu’institue la LAMal, en plus de celle entre malades et bien portants (FF 1999 732). Le législateur fédéral avait eu une conception fédéraliste marquée de ce sujet, en vertu de laquelle l’exécution de la réduction des primes était de la compétence des cantons, avec l’effet que ceux-ci avaient mis sur pied des dispositifs fort variés, témoignant d’une vue hétérogène de la notion d’assurés de condition modeste (FF 1999 744), au point que certains régimes cantonaux mis en place étaient susceptibles de n’être pas pleinement conformes au droit fédéral (FF 1999 762).

La révision partielle précitée de la LAMal a eu pour objectif de garantir un minimum d'uniformité de l'État social, en particulier de permettre à la réduction des primes de jouer le rôle lui étant dévolu de correctif social central dans le système actuel des primes individuelles (FF 1999 732, 762). Il a toutefois été renoncé à définir dans le droit fédéral la notion juridique imprécise de « condition économique modeste » ou à délimiter le cercle des bénéficiaires (FF 1999 762). Les modifications proposées et adoptées ont visé à faciliter la procédure pour les assurés, notamment à permettre à ces derniers d’obtenir, en cas de détérioration de leur situation économique ou de modification de leur situation familiale, une réduction de primes calculée en fonction de leurs données les plus récentes (FF 1999 762).

c. Cet objectif-ci était conforme à l’une des recommandations adoptées en mai 1998 par la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires concernant la réduction de primes dans l'assurance-maladie, consistant à ce que les « cantons prévoient une procédure leur permettant de tenir compte d'une dégradation manifeste et probablement durable des conditions économiques d'une famille ou d'une personne en cours d'année et de s'écarter dans ces cas-là de la procédure ordinaire de la réduction de primes » (FF 1999 749). Il s’est traduit par l’adoption de l’art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal précité, dans la version proposée par le Conseil fédéral et commentée comme suit dans le Message (FF 1999 775) :

« [Pour] identifier les assurés ayant droit à une réduction de prime, les cantons se fondent en principe sur les données fiscales. Le premier bilan qui a été dressé à propos de la réduction des primes a permis de constater que les données fiscales ne sont pas suffisamment actuelles dans un grand nombre de cas et ne présentent donc, en tant que bases de calcul, qu'une utilité provisoire. C'est le cas plus spécialement pour les cantons qui connaissent la période de taxation biennale. Les modifications sensibles de l'assiette fiscale ne peuvent être prises en compte suffisamment tôt. D'une manière générale, les bases de calcul manquent de flexibilité et d'actualité. Dans certains cas particuliers (modification de l'état civil, naissance d'un enfant, chômage, etc.), ce manque de flexibilité peut avoir des conséquences préjudiciables pour les personnes concernées. Les cantons doivent donc être tenus de prendre en considération, lors de l'examen des conditions d'octroi, les circonstances économiques et familiales les plus récentes. Il ne s'agit pas de renoncer aux données fiscales comme base de calcul, mais de créer des possibilités d'accorder, le cas échéant, le droit aux prestations en fonction des données les plus actuelles, notamment en cas de détérioration de la situation économique ou familiale ».

d. Ainsi que s’en prévaut l’intimé, le Tribunal fédéral des assurances a jugé (ATF 131 V 202 consid. 3.2.2 et 4.2 ; 124 V 19) – comme ensuite le Tribunal fédéral (arrêt 2P.122/2005 du 5 septembre 2005 consid. 1.1) – que les cantons jouissent d’une grande liberté dans l’aménagement de la réduction des primes, dans la mesure où ils peuvent définir de manière autonome ce qu’il faut entendre par « condition économique modeste », à telle enseigne que les règles édictées à ce sujet par les cantons constituent du droit cantonal autonome. La chambre de céans s’est déjà appuyée sur cette jurisprudence (ATAS/311/2018 du 9 avril 2018 consid. 7a ; ATAS/1079/2018 du 4 décembre 2017 consid. 5 ; ATAS/368/2017 du 10 mai 2017 consid. 7a ; ATAS/937/2016 du 15 novembre 2016 consid. 6), et a notamment nié une contrariété, invoquée par une recourante, des normes cantonales avec cet art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal (ATAS/1116/2017 du 11 décembre 2017 consid. 4 et 5), dans une affaire dans laquelle – sied-il de préciser – l’intimé avait pris en compte la situation actualisée de la recourante, qui n’avait plus de revenu du fait qu’elle avait repris des études dès la fin août 2016 (consid. 6b dudit arrêt). Des auteurs font référence à la jurisprudence fédérale précitée (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit / Sécurité sociale, éd. par Ulrich MEYER, 3ème éd., 2016, p. 385 ss, n. 1392 ; Stéphanie PERRENOUD, L’assurance-maladie, in Droit suisse de la sécurité sociale, éd. par Ghislaine FRÉSARD-FELLAY et al., 2015, p. 254 ss, not. n. 450 ; Ariane AYER / Béatrice DESPLAND, Loi fédérale sur l’assurance-maladie. Édition annotée, 2004, ad art. 65, p. 122).

En édictant et appliquant leurs normes en la matière, les cantons n’en doivent pas moins respecter le sens et l’esprit de la LAMal, en particulier de l’art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal précité (Gebhard EUGSTER, op. cit., n. 1392 s. et 1396).

e. Une des dispositions transitoires de la modification considérée de la LAMal a prévu que les cantons édictent les dispositions d’exécution de l’art. 65 avant l’entrée en vigueur de ladite modification, étant précisé que les gouvernements cantonaux auraient la possibilité d'arrêter des réglementations provisoires au cas où la procédure législative ordinaire ne pourrait être achevée à temps (RO 2000 2310 ; FF 1999 778).

3.        a. La LaLAMal régit, à son chap. VI (art. 19 ss), les subsides en faveur de certains assurés. Ainsi, l’État de Genève accorde aux assurés de condition économique modeste des subsides destinés à la couverture totale ou partielle des primes de l’assurance-maladie (art 19 al. 1). Les ayants droit sont, sous réserve d’exceptions ici non pertinentes, les assurés de condition économique modeste, définis selon des limites de revenus, ainsi que les assurés bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI ou de prestations complémentaires familiales accordées par le service des prestations complémentaires (art. 20 al. 1). Sous réserve de cas ici non pertinents, le droit aux subsides est ouvert lorsque le revenu déterminant ne dépasse pas certains montants fixés par la loi (à son art. 21), répartis dans des groupes identifiés par des lettres (de A à D3). L’art. 21 al. 3 LaLAMal précise que le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié, du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).

b. À teneur de l’art. 22 al. 1 LaLAMal, le montant des subsides est de CHF 90.- pour le groupe A, CHF 70.- pour le groupe B et CHF 30.- pour le groupe C. Cette disposition légale, adoptée en urgence le 23 novembre 2017 sur la proposition de députés, en vigueur dès le 27 janvier 2018, a ancré dans la loi les montants qu’antérieurement, le 4 février 2015 dès le 1er janvier 2015 (ROLG, 2015, p. 42), le Conseil d’État avait fixés à l’art. 11 al. 1 RaLAMal, sur la base de l’art. 22 al. 1 aLaLAMal (qui lui déléguait alors la compétence de fixer le montant des subsides), avant qu’il réduise à CHF 0.- le montant du subside du groupe C par modification du 1er novembre 2017 dès le 1er janvier 2018 (cf. exposé des motifs du PL 12203 et http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010409/47/7/#1568982).

c. La LaLAMal ne prévoit pas elle-même la possibilité, pour un assuré dont la situation se détériore ou se modifie significativement, de demander un nouveau calcul de son droit aux subsides. 

Dans sa version actuelle, adoptée le 24 janvier 2018 dès le 27 janvier 2018, l’art. 13B al. 1 RaLAMal, intitulé « Aggravation de la situation », traite de ce sujet, en prévoyant que les assurés non bénéficiaires de subsides et les assurés bénéficiant de subsides en application de l'art. 21 al. 5 LaLAMal, dont la situation économique s’est durablement et notablement aggravée entre l’année de référence pour l’octroi des subsides et l’année d’ouverture du droit aux subsides peuvent solliciter l’octroi de ces derniers par une demande écrite adressée au service. Dans sa version antérieure du 2 avril 2014, dès le 9 avril 2014 (ROLG, 2014, p. 157), cette norme avait la même teneur, sous réserve qu’elle faisait référence non à l’art. 21 al. 5 LaLAMal, mais à l’art. 10B al. 3 RaLAMal, dispositions ici non pertinentes, visant les subsides destinés à réduire les primes des enfants mineurs à charge dont les parents ne bénéficient pas d’un droit aux subsides pour eux-mêmes (groupes D1 à D3).

À teneur de ces dispositions, est considérée comme durable l’aggravation intervenue depuis plus de six mois (art. 13B al. 2 RaLAMal), et comme notable l’aggravation qui engendre une diminution de 20 % ou plus du revenu déterminant calculé sur la base du revenu déterminant actualisé du groupe familial par rapport au revenu déterminant calculé en application de la LRDU (art. 13B al. 3 et 4 RaLAMal).

Comme l’intimé l’a expliqué dans sa réponse au recours, en faisant référence à un « exposé des motifs » non publié des dispositions réglementaires considérées, la possibilité d’invoquer une aggravation de la situation est limitée aux assurés qui ne sont pas au bénéfice d’un subside et à ceux qui, sans être personnellement au bénéfice d’un subside, touchent des subsides pour leurs enfants. Elle n’est en revanche pas ouverte aux assurés qui sont au bénéfice d’un subside du groupe C ou B pour obtenir un subside plus élevé. Ce choix tient compte – explique l’intimé – du souci de ne pas multiplier les procédures potentielles ainsi que des montants relativement faibles qui seraient en jeu.

En l’espèce, comme le recourant était au bénéfice d’un subside du groupe C (donc de CHF 30.- par mois) pour l’année 2017, l’intimé estimait, au regard de cet art. 13B al. 1 RaLAMal, ne pas pouvoir entrer en matière sur sa demande de révision de son droit au subside.

Telle serait en effet la conclusion à tirer de cette disposition réglementaire s’il fallait admettre qu’elle est conforme au droit supérieur.

4.        a. C’est le lieu de rappeler qu’en Suisse, les autorités judiciaires, voire les autorités administratives, peuvent et même doivent écarter l’application des règles de droit qui ne seraient pas conformes au droit supérieur, et donc en contrôler la validité à titre préjudiciel, selon le système diffus et concret de la juridiction constitutionnelle, l’art. 190 Cst. leur commandant toutefois d’appliquer les lois fédérales et le droit international (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, 2018, vol. I, n. 812 s., 854 ss ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER ; Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. I, n. 1879 ss, 1903, 1908 s., 1919 ss, 1926 ss, 1937 ss, 1952 ss, 1961 ss ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol. I, 2014, n. 242 ss, 249, 252, 253, 262, 276 ss, 284 ss ; ATAS/376/2016 du 17 mai 2016 consid. 5b).

b. Or, ainsi qu’on l’a vu (consid. 2), l’art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal veut que lors de l’examen des conditions d’octroi du subside, les circonstances économiques et familiales les plus récentes soient prises en considération, notamment à la demande de l’assuré.

Au regard de cette norme fédérale, il n’apparaît certes pas que le système dit du « N-2 » soit en lui-même anticonstitutionnel, mais il est des plus douteux qu’un assuré ne puisse obtenir, pour le simple motif qu’il bénéficie d’un subside de CHF 30.- par mois, une révision de son droit au subside calculé sur des bases actualisées lorsque sa situation économique ou familiale s’est détériorée significativement par rapport à celle, normalement déterminante, qui avait prévalu deux ans plus tôt. Si l’enjeu d’avoir droit à un subside mensuel de CHF 30.- a été considéré comme important par le législateur cantonal, lors de l’adoption de l’actuel art. 22 al. 1 LaLAMal (cf. consid. 3b et les travaux préparatoires cités), il doit en aller de même de celui d’obtenir un subside de CHF 40.- plus élevé (donc de CHF 70.-, du groupe B), voire de CHF 60.- plus élevé (donc de CHF 90.-, du groupe A). La perspective de bénéficier, hypothétiquement, d’un tel subside plus élevé deux ans plus tard n’écarte pas les difficultés concrètes et immédiates de tels assurés, propres à affecter sévèrement leur quotidien, lorsque leur situation s’est effectivement dégradée significativement dans l’intervalle.

c. La question de la compatibilité de cet art. 13B al. 1 RaLAMal avec l’art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal se double au demeurant de celle de savoir si cette norme réglementaire ne restreint pas indûment la portée d’une autre disposition légale, de rang cantonal celle-là, dont le renvoi figurant à l’art. 21 al. 2 LaLAMal appelle l’application, à savoir de l’art. 10 al. 2 LRDU, aux termes duquel le revenu déterminant unifié est actualisé sur demande d’un service et/ou lorsque la condition économique de l’intéressé s’est modifiée entre la période qui a servi de base au calcul de la prestation et le moment où il présente sa demande, ces changements devant être annoncés et justifiés par l’intéressé.

Dans sa version issue de la loi 11326 adoptée le 5 juin 2014, entrée en vigueur le 6 septembre 2014, cet art. 10 s’est inscrit dans la ligne du principal changement visé par cette modification législative, à savoir celui de faire cohabiter deux types de RDU, qui seraient proposés par le système d’information du RDU et pourraient être utilisés par les services selon les besoins de leurs prestations : « le RDU en année N-2, calculé automatiquement par le CCRDU sur la base des données de la dernière taxation fiscale définitive, communiquées par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), et le RDU actualisé, en année N »  (PL 11326, Exposé des motifs, p. 14). L’art. 10 proposé décrivait, à l’al. 1, le mécanisme selon lequel le RDU serait actualisé et, à l’al. 2, dans quelles circonstances, à savoir sur demande d’un service et/ou lorsque la condition économique du demandeur ou du bénéficiaire de la prestation se serait modifiée (PL 11326, Exposé des motifs, p. 24). La possibilité d’obtenir une actualisation du RDU a été saluée par les représentants de l’Hospice général, du Centre social protestant et de Caritas entendus par la Commission parlementaire en charge d’étudier ce projet de loi (PL 11326-A, Rapport de majorité, p. 45 et 78 s.).

La version actuelle de l’art. 10 al. 1 et 3 LRDU est issue de la loi 11966 adoptée le 27 janvier 2017, entrée en vigueur le 10 mai 2017, dont l’un des buts a été d’introduire une précision quant aux prestations visées par le processus d'actualisation, à savoir d’appliquer le processus d’actualisation du RDU en principe à l'examen ou au réexamen des seules demandes de prestations catégorielles et de comblement visées à l'art. 13 al. 1 LRDU, compte tenu du fait que ce processus peut être complexe et coûteux (PL 11966, Exposé des motifs, p. 6 et 15 s. ; PL 11966-A, Rapport de la commission parlementaire, p. 5). Aussi faut-il relever que, dans la mesure où elle s’appliquerait en l’espèce, cette modification législative n’a pas exclu une actualisation du RDU pour déterminer le droit aux subsides de l’assurance-maladie, puisque ceux-ci sont explicitement mentionnés à l’art. 13 al. 1 let. a LRDU au titre des prestations catégorielles.

Le Conseil d’État a rappelé, dans ce contexte, que le processus d'actualisation du RDU permet la mise à jour des informations relatives à la situation financière d'une personne dans deux situations :

– lors du dépôt d'une nouvelle demande de prestation sociale : dans ce cas, le RDU du demandeur de cette prestation peut être établi sur la base de sa situation fiscale la plus récente et sur la base des justificatifs de ses ressources actuelles ;

– lorsque le bénéficiaire d'une prestation sociale voit sa situation économique se modifier entre la période qui a servi de base au calcul de la prestation et le moment où il présente sa demande, ce qui commande une mise à jour immédiate des prestations sociales ; dans ce cas, l'usager doit annoncer les éléments de ses ressources qui se sont modifiés et fournir les justificatifs y relatifs (PL 11966, Exposé des motifs, p. 15).

d. Sans doute une actualisation du RDU à prendre en considération pour le calcul des subsides d’assurance-maladie ne saurait-elle être obtenue pour toute modification, aussi modeste soit-elle, des données influant sur le montant du RDU, mais pour des modifications ouvrant a priori la perspective que le revenu déterminant actualisé fasse passer l’assuré dans un autre groupe prévu par l’art. 21 LaLAMal.

Il s’avère toutefois incompatible tant avec l’art. 65 al. 3 phr. 1 LAMal qu’avec l’art. 10 al. 2 LRDU (applicable du fait du renvoi figurant à l’art. 21 al. 3 LaLAMal) que le seul fait d’être bénéficiaire d’un subside de l’assurance-maladie – en particulier, comme c’est le cas du recourant, de celui du groupe C de CHF 30.- par mois – suffise à écarter la possibilité d’obtenir une actualisation du RDU et, donc, le cas échéant, à exclure un nouveau calcul du droit au subside.

5.        Le refus que l’intimé a opposé – et confirmé sur opposition – au recourant d’entrer en matière sur sa demande de révision du montant de son subside n’est donc pas fondé, dès lors que la situation du recourant s’est modifiée de façon a priori sensible. Il doit être annulé.

Cela ne signifie pas que le recourant avait droit à une augmentation de son subside, mais qu’il appartenait à l’intimé d’instruire sa demande.

Il sied de préciser que selon l’art. 5 al. 1 du règlement d’exécution de la loi sur le revenu déterminant unifié, du 27 août 2014 (RRDU - J 4 06.01), l’intéressé qui remplit les conditions fixées à l’art. 10 al. 2 LRDU demande l’actualisation de son revenu déterminant unifié auprès du service qui lui a octroyé la prestation sociale ou du service compétent pour traiter sa nouvelle demande de prestations. C’était donc bien à l’intimé que la demande considérée devait être faite.

6.        Le recours doit donc être admis, la décision attaquée être annulée et la cause être renvoyée à l’intimé pour instruction de la demande d’actualisation considérée.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

Il n’y a pas matière à allocation d’une indemnité de procédure, le recourant n’ayant pas recouru aux services d’un avocat ou d’un mandataire professionnellement qualifié, ni n’ayant fait état de frais particuliers générés par cette procédure.

 

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du service de l’assurance-maladie du 4 octobre 2017.

4.        Renvoie la cause au service de l’assurance-maladie pour instruction de ladite demande.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le