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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3740/2017

ATAS/40/2018 du 22.01.2018 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3740/2017 ATAS/40/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 janvier 2018

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GenÈve, représenté par CARITAS GenÈve

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1954, ressortissant turc, bénéfice d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er avril 2015.

2.        Le 27 mai 2016, il a déposé une demande de prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

3.        Le 3 juin 2016, le SPC a sollicité de l’intéressé divers renseignements et justificatifs, notamment la déclaration des biens immobiliers ; une évaluation de la valeur locative actuelle du marché (estimation par un architecte, un notaire ou un agent immobilier) du bien immobilier en Turquie ; une estimation officielle de la valeur vénale actuelle dudit bien en précisant l’année de construction.

4.        Par courrier du 11 août 2016, Madame B______, assistante sociale auprès de l’Hospice général, a écrit au SPC que l’appartement dont l’intéressé était propriétaire en Turquie avait été construit en 1991. La surface totale de l’habitation était de 92 m2. Selon les documents originaux, la valeur de rachat du bien se montait à TRY 625'000.- (livre turque). La valeur locative était estimée à TRY 200.-.

Figuraient en annexe notamment les deux documents suivants, en langue turque, lesquels ont fait l’objet d’une traduction partielle, communiquée au SPC le 16 août 2016 :

-          le document intitulé « tapu senedi », soit « titre de propriété », daté du 19 juin 1991, indiquait que la valeur de rachat du bien immobilier était de TRY 625'000.- ;

-          le document intitulé « emlak vergisi bildirimi », soit « impôt de la commune », daté du 27 juin 2016, contenant les renseignements suivants: surface totale avec le jardin : 1'081 m2 ; à l’extérieur surface du bâtiment : 92 m2 ; date de construction : 01.01.1991 ; valeur réelle : TRY 99'000.-.

5.        Par décision du 30 novembre 2016, le SPC a indiqué, au préalable, que la demande de prestations ayant été déposé dans les six mois à compter de la date de la notification de la décision de rente AVS/AI, le droit aux prestations pourrait prendre naissance rétroactivement le 1er avril 2015. Cela dit, l’autorité a refusé le droit aux prestations complémentaires ; les dépenses reconnues étaient entièrement couvertes par le revenu déterminant. Dans les plans de calcul annexés, une fortune immobilière de CHF 192'291.25 était prise en compte.

6.        Le 7 décembre 2016, l’intéressé a formé opposition à cette décision, faisant valoir que le calcul de la fortune immobilière était incorrect, puisque le bien immobilier était estimé à TRY 99'000.-. Il a ajouté qu’il avait fait donation dudit bien à son fils, Monsieur C______, deux mois auparavant. L’appartement était de plus inhabitable (défaut de chauffage et d’ascenseur ; fenêtres cassées).

7.        Le 22 décembre 2016, l’intéressé a transmis au SPC le document intitulé « titre de propriété », daté du 7 novembre 2016, indiquant que le bien immobilier avait été vendu par l’intéressé à M. C______; ainsi que le document intitulé « impôt de la commune », daté du 8 décembre 2016, faisant état d’une valeur réelle de TRY 99'000.- en 2016.

8.        Dans une note interne du 9 mars 2017, le SPC a mentionné que la fortune immobilière se chiffrait à CHF 192'291.25, soit la contre-valeur de TRY 625'000.- (montant qui ressortait du document « titre constitutif de propriété »), multiplié par 0.307666. Le produit du bien immobilier correspondait à 4,5% de ce montant. La somme de TRY 99'000.- représentait la valeur fiscale, le document y relatif s’intitulait « déclaration de l’impôt foncier ». Le bien était situé à Antalya. Il comportait 1'081 m2 au total et une construction de 92 m2. Une valeur de TRY 99'000.- correspondrait à environ CHF 27'000.-, ce qui paraissait très bas. Il n’avait pas été possible de déterminer avec certitude sur Internet dans quel quartier se trouvait le bien. Le montant de TRY 625'000.- correspondait peut-être à l’ancienne livre turque, mais en 2005, la nouvelle livre turque - qui remplaçait l’ancienne, laquelle était un million de fois plus faible - ramènerait la valeur du bien à CHF 0.20.-.

9.        Par décision du 9 août 2017, le SPC a rejeté l’opposition. Il a argué que les justificatifs, fournis en langue turque, sans traduction, se référaient à la valeur fiscale du bien ; or, il y avait lieu de prendre en compte la valeur vénale, attestée par un architecte. Le montant de CHF 192'291.25 était ainsi maintenu au titre de la fortune immobilière. L’intéressé avait fait don de son bien immobilier à son fils dans le courant du mois de novembre 2016, soit quelques mois après la demande de prestations du 27 mai 2016. Le SPC a, de ce fait, tenu compte d’un dessaisissement à hauteur de CHF 192'291.25, ainsi que d’un produit hypothétique des biens dessaisis pour la période dès le 1er novembre 2016, et spécifié que l’amortissement de CHF 10'000.- n’aurait d’effet qu’au 1er janvier 2018. Les dépenses étant toujours couvertes par le revenu déterminant, l’intéressé n’avait pas droit aux prestations. Enfin, le SPC invitait celui-ci à fournir une estimation officielle de la valeur vénale du bien immobilier, établie par un architecte, un notaire ou un agent immobilier, ainsi qu’une évaluation de la valeur locative actuelle du marché, avec une traduction en français.

10.    Par courrier du 6 septembre 2017, l’intéressé a demandé au SPC de bien vouloir revoir ses calculs, ceux-ci se basant sur l’ancienne monnaie turque. Le bien immobilier valait actuellement environ CHF 27'500.- selon la nouvelle livre turque (TRY 99’000/3.6).

11.    Par acte du 13 septembre 2017, l’intéressé a, sous la plume de son conseil, formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans, concluant, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision attaquée, ainsi qu’à la constatation que le montant à retenir au titre de la fortune immobilière s’élevait à TRY 99'000.- pour 2015 et 2016, et à TRY 104'000.- dès 2017.

À l’appui de ses conclusions, le recourant a indiqué qu’il avait fait donation du bien à son fils, lequel occupait le logement avec sa mère depuis quelques mois. Il a soutenu que l’intimé avait tenu compte de la valeur du bien immobilier, sis à Antalya en Turquie, qui avait été fixée en 1991 (CHF 192'291.25 contre-valeur de TRY 625'000.-). Or, depuis lors, la livre turque avait subi de nombreuses modifications, notamment en 2005, date à compter de laquelle l’ancienne livre turque, un million de fois plus faible, avait été remplacée par la nouvelle livre truque. Aussi l’intimé aurait-il dû se fonder sur la déclaration d’impôt foncier faisant état d’une valeur de TRY 99'000.-, document qui avait au demeurant été avalisé par un notaire sur place. En outre, un rapport d’expertise établi le 12 septembre 2017 mentionnait que ce bien avait une valeur actuelle de TRY 104'000.-.

Il a produit notamment les documents suivants :

-          le document « emlak vergisi bildirimi » sur lequel figure le tampon en bleu d’un notaire, apposé le 8 septembre 2017, ainsi que sa traduction en français, intitulée « déclaration de la taxe foncière (bâtiment) » pour l’année 2016, dont il ressort que l’imposé était M. C______. Les renseignements suivants y figuraient: domaine du terrain du bâtiment : 1'081 m2 ; forme d’utilisation : habitat ; date de fin de la construction : 01/01/1991 ; date d’acquisition : 07/11/2016 ; superficie du bâtiment de l’extérieur : 92 m2 ; valeur fondamentale : 99'000.- ;

-          le même document pour l’année 2017, mentionnant une valeur fondamentale de TRY 104'000.- ;

-          un rapport d’expertise du 12 septembre 2017, rédigé en turc, ainsi que sa traduction en français, laquelle indique que « [a]lors que l’habitait 11 présent sur la parcelle 14 de l’îlot 4094 du quartier Liman de la province de Konyaalti au département d’Antalya de la République de Turquie était auparavant enregistré au nom de A______, la valeur courante à jour de l’habitat enregistré actuellement au nom de C______ est de TL 104'000.- (cent quatre mille livres turques) (…) ».

12.    Dans sa réponse du 11 octobre 2017, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il se demandait si des travaux de rénovation avaient été entrepris, dès lors que le recourant avait fait savoir que son fils vivait dans l’appartement avec sa mère, alors qu’il avait écrit que le bien était inoccupé et inhabitable avant la donation. Outre cela, la valeur actuelle dudit bien à hauteur de TRY 104'000.- reposait sur un document établi le 12 septembre 2017, soit postérieurement à la décision querellée, de sorte qu’il s’agissait d’un fait nouveau, ce qui constituait un motif de révision.

13.    Invité par la chambre de céans à répliquer, le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti.

14.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales, du 25 octobre 1968 (LPCC – RS/GE J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

La LPC a connu plusieurs modifications concernant le montant des revenus déterminants, entrées en vigueur le 1er janvier 2011. En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 130 V 445 consid. 1.2.1; arrêt du Tribunal fédéral U_18/07 du 7 février 2008 consid. 1.2).

En l’espèce, la décision querellée concerne le droit aux prestations complémentaires pour la période dès le 1er avril 2015. Le litige doit donc être examine sous l’angle des dispositions de la LPC, dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2011.

3.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 [LPFC; RS/GE J 4 20]; art. 43 LPCC ; art. 61 let. b LPGA), étant relevé que le délai de recours était suspendu du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA ; art. 11 let. b LPFC ; art. 43B let. b LPCC).

4.        Le litige porte sur la valeur de l’immeuble sis en Turquie intégrée dans le calcul des prestations complémentaires fédérales et cantonales pour la période dès le 1er avril 2015.

5.        a. Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

b. Selon l’art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment : le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b) ; un quinzième de la fortune nette, dans la mesure où elle dépasse CHF 37’500.- (dès le 1er janvier 2011) pour les personnes seules; si le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d'un immeuble qui sert d'habitation à l'une de ces personnes au moins, seule la valeur de l'immeuble supérieure à CHF 112'500.- entre en considération au titre de la fortune (let. c) ; les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (let. g).

b/aa. La fortune, au sens de l'art. 11 al. 1 let. b et c LPC, comprend toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l'assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés (MULLER, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n. 35, JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR XIV, 2016, n. 163 p. 1844s).

La notion englobe le produit transférable en Suisse d’une fortune qui se trouve à l’étranger (ch. 3431.01 des directives de l'office fédéral des assurances sociales (OFAS) concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI [DPC]).

b/bb. En vertu de l'art. 17 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301) (en vigueur depuis le 1er janvier 1992), la fortune prise en compte est évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque l'immeuble ne sert pas à l'habitation du requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, il est pris en compte à sa valeur vénale (al. 4), soit la valeur du marché (ch. 3444.02 des DPC). Dans ses commentaires concernant la modification de l'OPC-AVS/AI entrée en vigueur le 1er janvier 1992, l’OFAS a relevé à propos de l'art. 17 al. 4 OPC-AVS/AI que la valeur vénale, soit la valeur qu'atteindrait un immeuble au cours de transactions normales, est en règle générale nettement plus élevée que la valeur fiscale; il ne se justifie pas d'effectuer une réévaluation jusqu'à concurrence de la valeur vénale tant que le bénéficiaire de prestations complémentaires ou toute autre personne comprise dans le calcul de ladite prestation vit dans sa propre maison; cela dit, il n'en va pas de même si l'immeuble ne sert pas d'habitation aux intéressés, et force est de penser qu'il convient alors de prendre en compte la valeur que l'immeuble représente véritablement sur le marché; il ne serait pas équitable de garder un immeuble pour les héritiers, à la charge de la collectivité publique qui octroie des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral P. 13/01 du 25 février 2002 consid 5c/aa; RCC 1991 p. 424).

Si la valeur actuelle (valeur du marché) d’un immeuble n’est pas connue, on peut se fonder sur la valeur moyenne entre la valeur selon la législation sur l’impôt cantonal direct et la valeur d’assurance immobilière, pour autant que la valeur ainsi obtenue ne soit pas manifestement erronée. Quant aux immeubles sis à l’étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l’étranger s’il n’est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_540/2009 du 17 septembre 2009; ch. 3444.03 des DPC).

c. Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 123 V 35 consid. 1; ATF 121 V 204 consid. 4a). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420).

À teneur de l'art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI, la part de fortune dessaisie à prendre en compte est réduite chaque année de CHF 10'000.-. La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

En cas de dessaisissement d’un immeuble, à titre onéreux ou gratuit, est déterminante la valeur vénale pour savoir s’il y a renonciation à des parts de fortune au sens de l’art. 11 al. 1 let. g LPC. La valeur vénale n’est pas applicable si, légalement, il existe un droit d’acquérir l’immeuble à une valeur inférieure (art. 17 OPC/AVS-AI al. 5). En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales (al. 6). Selon la jurisprudence, lorsque le canton a fait usage de cette faculté, on ne peut en principe s'en écarter que si cette estimation se révèle abusive ou aboutit à un résultat choquant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2008 du 31 juillet 2009 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral P.55/01 du 8 avril 2002 consid. 3 et les références).

La valeur vénale d'un immeuble doit reposer sur une valeur officielle ou une valeur reconnue comme telle; au besoin, elle sera établie au moyen d'une estimation. Afin de respecter l'égalité de traitement, l'administration des prestations complémentaires doit toujours mandater le même service officiel pour calculer la valeur vénale d'un immeuble (VSI 1993 p. 140). C'est la valeur au moment du dessaisissement qui est déterminante (arrêt du Tribunal fédéral P.9/04 du 7 avril 2004 consid. 3.2).

6.        Sur le plan cantonal, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le montant annuel de la prestation complémentaire cantonale correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

L'art. 5 al. 1 LPCC stipule que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant quelques adaptations, non pertinentes pour le cas d’espèce.

7.        Pour le calcul de la prestation complémentaire fédérale annuelle, sont pris en compte en règle générale les revenus déterminants obtenus au cours de l’année civile précédente et l’état de la fortune le 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (art. 23 OPC-AVS/AI al. 1). La prestation complémentaire annuelle doit toujours être calculée compte tenu des rentes, pensions et autres prestations périodiques en cours (al. 3).

Pour la fixation des prestations complémentaires cantonales, sont déterminantes, les rentes, pensions et autres prestations périodiques de l'année civile en cours (let. a), la fortune au 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est demandée (let. b de l'art. 9 al. 1 LPCC). En cas de modification importante des ressources ou de la fortune du bénéficiaire, la prestation est fixée conformément à la situation nouvelle (art. 9 al. 3 LPCC).

8.        Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.    a. En l’occurrence, le recourant conteste la valeur du bien immobilier sis en Turquie (qu’il n’habitait pas et dont il était propriétaire jusqu’au 6 novembre 2016) prise en compte (CHF 192'291.25) dans le calcul des prestations complémentaires, arguant que la contre-valeur (TRY 625'000.- [livre turque]) retenue par l’intimé, qui apparaît dans le titre de propriété établi en 1991, correspond à l’ancienne livre turque.

b. Il est vrai que la nouvelle livre turque est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 et remplace l'ancienne livre turque (cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Livre_turque), de sorte que le montant figurant dans le titre de propriété précité ne pouvait pas être converti au taux de change appliqué par l’intimé, soit 1 CHF = 0.307666 TRY (cf. note interne du 9 mars 2017). Par conséquent, il est erroné de tenir compte d’un montant de CHF 192'291.25 à titre de fortune immobilière pour la période du 1er avril 2015 au 31 octobre 2016.

Cela étant, le recourant a produit un document émanant du fisc turc daté du 27 juin 2016, aux termes duquel la valeur réelle dudit bien serait de TRY 99'000.- pour 2016. Ce document n’est toutefois pas déterminant pour la fixation de la valeur vénale de l'immeuble (en général, nettement plus élevée que la valeur fiscale), puisqu’il ne vaut pas estimation officielle. Il appartient donc au recourant de transmettre à l’intimé l’estimation officielle (dûment détaillée) de la valeur vénale du bien immobilier (par un architecte, un notaire ou un agent immobilier) au 31 décembre 2014 et au 31 décembre 2015, conformément à son obligation de collaborer (art. 28 al. 2 LPGA).

c. Il y a lieu de relever que l’intimé devra prendre en considération, à titre de dépenses, le montant forfaitaire des frais d’entretien des bâtiments, en application des art. 10 al. 1 let. c LPC et 16 al. 1 OPC-AVS/AI, ce qu’il a omis de faire dans les plans de calcul. Il y a lieu de rappeler que, selon l’art. 16 al. 1 OPC-AVS/AI, une déduction forfaitaire prévue pour l'impôt cantonal direct dans le canton de domicile s'applique aux frais d'entretien des bâtiments. À Genève, l'art. 20 al. 2 du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques dans sa teneur en vigueur dès le 11 novembre 2010 (RIPP – RS/GE D 3 08.01) prévoit que la déduction forfaitaire, calculée sur la valeur locative selon l’art. 24 al. 2 LIPP, est de 10%, si l’âge du bâtiment au début de la période fiscale est inférieur ou égal à 10 ans (let. a); 20%, si l'âge du bâtiment au début de la période fiscale est supérieur à 10 ans (let. b). Cette déduction s’applique même si la personne n’habite pas le bien immobilier dont elle est propriétaire (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16a et les références citées). Il n’est dès lors pas possible de se fonder sur les frais effectifs d’entretien des immeubles. La déduction forfaitaire des frais d’entretien s’applique même si l’immeuble n’est pas situé dans le canton (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013consid. 16b).

d. Pour la période dès le 1er novembre 2016, dès lors que le 7 novembre 2016 le recourant a fait donation à son fils de son bien immobilier dont il était propriétaire en Turquie, c’est à bon droit que l’intimé a tenu compte d’un bien dessaisi dans le calcul du revenu déterminant du recourant, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas. Il critique par contre la valeur retenue pour le motif exposé au consid. 10a ci-dessus, et a versé au dossier le document « déclaration de la taxe foncière » sur lequel le notaire a apposé sa signature le 8 septembre 2017 et aux termes duquel la valeur réelle était de TRY 99'000.- en 2016. Ce document, qui ne vaut pas estimation officielle, n’est cependant pas probant. Le simple fait qu’un notaire ait signé ledit document, laissant à penser qu’il confirme les données fiscales mentionnées, ne signifie pas qu’il avait évalué le bien immobilier.

Le même raisonnement s’applique s’agissant de la valeur réelle figurant dans le document fiscal pour l’année 2017 (TRY 104'000.-), confirmée dans un rapport d’expertise du 12 septembre 2017.

Certes, le Tribunal fédéral n'a pas établi de conditions de validité formelle auxquelles doivent satisfaire les expertises sur des biens immobiliers afin de se voir reconnaître valeur probante dans les litiges en matière d'assurances sociales (ATAS/191/2016 du 8 mars 2016 consid. 17 ; ATAS/251/2014 du 4 mars 2014 consid. 13c). Si une évaluation par une agence immobilière peut se révéler suffisante, force est en l’espèce de constater que le rapport d’expertise susvisé est sujet à caution, puisqu’il est lacunaire. En effet, on ignore sur quels éléments l’expert s’est basé pour attester la valeur fiscale du bien, étant relevé qu’il n’a pas spécifié le prix de vente de biens immobiliers comparables dans la région considérée, ni produit de photographies.

En conséquence, conformément à son obligation de collaborer, le recourant devra communiquer à l’intimé l’estimation officielle (dûment détaillée) de la valeur du bien immobilier au 7 novembre 2016, soit au moment du dessaisissement.

11.    Au vu des développements qui précèdent, il convient de renvoyer la cause à la l’intimé pour qu'il fasse procéder à une estimation officielle, puis statue à nouveau sur le droit aux prestations complémentaires prétendues. Par conséquent, le recours est partiellement admis, et la décision du 9 août 2017 annulée.

12.    Le recourant, représenté par Caritas, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 800.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative, du 30 juillet 1986 [RFPA – RS/GE E 5 10.03] ; ATF 126 V 11 consid. 2).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision du 9 août 2017.

3.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 800.- à titre de participation à ses frais et dépens, à la charge de l’intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le