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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/309/2015

ATAS/318/2016 du 26.04.2016 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/309/2015 ATAS/318/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 avril 2016

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au PETIT-LANCY

demandeur

 

contre

FONDATION DE PRÉVOYANCE EN FAVEUR DU PERSONNEL B______, sise à GENÈVE

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le _____ 1958, a travaillé auprès des B______ (ci-après : B______ ou l’employeur), en qualité de chauffeur, dès 1980, puis en celle de soudeur de voie, dès 1984. Il a été affilié à la Fondation de prévoyance en faveur du personnel des transports publics genevois (ci-après : la Fondation).

2.        L’assuré a été victime en 1992 d’une fracture de la jambe droite ouverte avec plaie profonde ; il a été opéré par enclouage centro-médullaire et greffe cutanée. Il s’est trouvé de ce fait en incapacité totale de travail du 1er avril au 14 juin 1992 et de 50 % du 15 au 21 juin 1992 ; il a repris son activité professionnelle à 100 % dès le 22 juin 1992 (cf. certificat médical du 31 août 1992 du docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique).

3.        En raison d’une épicondylite diagnostiquée et opérée en décembre 1993, l’assuré s’est retrouvé avec une capacité de travail de 0 % du 6 décembre 1993 au 25 mai 1994, de 50 % du 26 mai au 16 août 1994, de 0 % du 17 août au 2 octobre 1994.

4.        Dans un rapport du 9 décembre 1994, le docteur D______, médecin-conseil des B______, a fait état d’une affection grave des deux hanches avec risque de pose de prothèses. L’assuré ne pouvait plus continuer à exercer sa profession de soudeur, de manière définitive ; seul un travail en position assise était imaginable.

5.        Le 31 décembre 1994, l’assuré a déposé une demande de réadaptation professionnelle auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI).

6.        L’assuré a été affecté à une activité accessoire compatible avec son état de santé à 50 % dès le 9 janvier 1995, puis a 100 % dès le 23 janvier 1995. Après une période de formation interne aux B______, il a été affecté à un poste de caissier remplaçant à 100 % au service des ventes, dès le 14 août 1995.

7.        L’assuré a subi une opération chirurgicale pour la pose d’une prothèse de la hanche gauche le 2 octobre 1996.

8.        L'OAI a mis l'assuré au bénéfice d'une mesure de réadaptation professionnelle du 6 janvier au 31 décembre 1997, à l'école E______, comme employé de bureau-caissier, ainsi que d’un cours d'anglais, du 13 octobre au 29 novembre 1997, et d’un cours de français, dès janvier 1998. L’assuré a obtenu le diplôme d'employé de commerce assistant de gestion de l'école E______ le 7 mai 1998.

9.        Dès le 1er janvier 1998, l’assuré a été engagé comme agent commercial avec un salaire de CHF 5'986.85 dans la division commerciale des B______.

10.    L’assuré a subi une opération chirurgicale pour la pose d’une prothèse de la hanche droite en mars 1999, suivie de plusieurs mois d’incapacité de travail.

11.    L’assuré a effectué des séjours à la clinique de psychiatrie de Belle-Idée, dépendant des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), une première fois en août 1999, en raison d’une consommation importante de benzodiazépine associée à de l'alcool, avec des idées de mort, puis du 27 septembre au 6 octobre 2000, en raison d'une alcoolisation avec menaces de défenestration. Après une opération chirurgicale en octobre 2001, il a séjourné à la clinique genevoise de Montana du 7 au 28 novembre 2001, pour un status post-arthrodèse talo-naviculaire gauche et autogreffe et les comorbidités de trouble dépressif récurrent en rémission et de dépendance à l'alcool.

12.    L'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d'invalidité le 4 février 2002, en vue de l'octroi d'une rente, en raison d’une nécrose aseptique des hanches.

13.    L'assuré a à nouveau séjourné à la clinique genevoise de Montana du 5 au 26 février 2002 pour un sevrage à l'alcool (étant précisé qu’il était dans le déni s'agissant de son problème d'alcoolisme) et les comorbidités de dépendance à l'alcool, de troubles dépressifs récurrents (exacerbés par un récent licenciement), épisode alors moyen, et d’une hernie hiatale. L'assuré avait signé un contrat d'abstinence qu'il a respecté, suivi des séances de physiothérapie, qui ont diminué les douleurs dans les jambes et permis la disparition des tremblements et des troubles de l'équilibre ; la récupération de la mobilité de la cheville a été excellente (cf. rapport de la clinique de Montana du 5 mars 2002).

14.    Selon un rapport des B______ du 1er mars 2002, l'assuré avait travaillé en qualité d'agent commercial après le recyclage octroyé par l’assurance-invalidité (ci-après : AI). Son salaire était de CHF 7'232 09 depuis le 1er janvier 2002. L'assuré avait été absent pour cause de maladie et/ou accident à 100 % du 23 mars au 20 juin 1999, du 21 août au 11 septembre 1999, du 16 au 28 août 2000, du 27 septembre au 20 décembre 2000, du 30 mars au 1er avril 2001 et depuis le 10 octobre 2001. L'assuré percevait la totalité de son salaire à titre d'avance, tout versement rétroactif de rente étant dû aux B______.

15.    Dans un rapport médical du 13 juin 2002, le docteur F______, interniste, a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, sur le plan psychiatrique, d’alcoolisme et d’état dépressif chronique, et, sur le plan organique, de statut post-ostéosynthèse pour fracture ouverte de la jambe droite, post-pose d’une prothèse totale bilatérale des hanches pour nécrose aseptique de la tête fémorale, post-fracture de l’astragale. L’assuré présentait une incapacité de travail totale, du fait déjà des diagnostics psychiatriques ; sur le plan orthopédique, il devait pouvoir, en fonction de l’évolution de la guérison, accomplir des travaux administratifs.

16.    Le docteur G______, spécialiste en médecine interne, a établi un rapport d’expertise le 12 avril 2003. Il a relaté une anamnèse détaillée, et, au titre des plaintes du patient, il a mentionné des douleurs continuelles depuis l’arthrodèse du pied gauche, des lâchages du genou droit, ainsi que des douleurs allant des chevilles jusqu’aux hanches des deux côtés. Sur le plan de la dépendance à l’alcool, l’assuré était abstinent depuis son entrée à la clinique de Montana le 4 février 2002 et se sentait mieux. Il évoquait le stress et les soucis financiers et familiaux. L’expert retenait comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail la dépendance à l’alcool depuis 1985 (alors sans utilisation du produit et déni de la problématique), un trouble dépressif récurrent, alors léger, fortement lié aux périodes de consommation d’alcool, un état anxieux, un status après remplacement des deux hanches par prothèse totale en 1997 et 1999, un status après intervention sur la cheville gauche pour arthrose et incongruence talo-naviculaire, et une arthrodèse talo-naviculaire gauche et autogreffe depuis 1998. Sur le plan physique, du fait des limitations fonctionnelles affectant la flexion et l’extension de la cheville gauche et des prothèses métalliques des hanches, le port de charges et les déplacements répétés à pied sur de longues distances étaient exclus. Sur le plan psychique, l’assuré était incapable de reprendre une activité professionnelle avant douze à dix-huit mois.

17.    À la suite d’un avis du service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) du 26 juin 2003, relevant la nécessité de déterminer si la dépendance à l’alcool était secondaire à une comorbidité psychiatrique ou primaire, le docteur H______ des HUG a estimé, dans un rapport du 28 juillet 2003, que l’incapacité de travail de l’assuré n’était pas due à une affection psychiatrique et qu’une abstinence pouvait être exigée de l’assuré. Le SMR a alors retenu, le 15 août 2003, que la dépendance à l’alcool ne pouvait être invoquée comme invalidante et que l’abstinence, observée depuis trois mois, était exigible à plus long terme et devait permettre à l’assuré de maintenir une capacité de travail normale dans son activité, qui était adaptée à ses limitations somatiques.

18.    Le 11 novembre 2003, les B______ ayant sorti l’assuré des effectifs de son personnel dès le 10 octobre 2003, la Fondation a mis l’assuré au bénéfice d’une pension provisoire d’invalidité à 100 %, de CHF 2'372.05 par mois, dès octobre 2003, dans l’attente de la décision que prendrait l’OAI sur sa demande de prestations de l’AI.

19.    Le 11 mai 2004, le service de la réadaptation professionnelle de l’AI a indiqué qu’au vu de la pleine capacité de travail de l’assuré dans son poste d’agent commercial, une nouvelle réadaptation professionnelle n’entrait pas en ligne de compte.

20.    Par décision du 18 mai 2004, l'OAI a refusé l'octroi d'une rente, au motif que l’assuré ne présentait pas d’atteinte à la santé physique ou mentale invalidante. L’assuré a formé opposition le 1er juin 2004 et l’OAI a confirmé sa décision en date du 30 juin 2004.

21.    Par lettre du 13 juillet 2004, la Fondation a indiqué à l’assuré qu’au vu de cette décision de l’OAI, il suspendait le versement de la rente d’invalidité qu’elle lui versait provisoirement depuis octobre 2003.

22.    Par acte du 14 septembre 2004, l’assuré a recouru contre la décision précitée de l’OAI du 30 juin 2004 auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales.

23.    Le 27 septembre 2004, l’Hospice général a confirmé qu’il prenait l’assuré en charge.

24.    Par arrêt du 8 mars 2005 (ATAS/158/2005), le Tribunal cantonal des assurances sociales a rejeté ce recours. L’assuré ne souffrait pas d’une atteinte physique propre, à elle seule, à entraîner une incapacité de travail et de gain d’une certaine importance dans la dernière activité exercée. Le trouble dépressif présenté était léger et n’empêchait pas une activité professionnelle ; le recourant pouvait retrouver une pleine capacité de travail dans une activité d’employé de commerce, en cas d’abstinence à l’alcool. D’ailleurs, d’après le recours, tant le problème d’alcool que le trouble dépressif avaient disparu depuis 2003.

25.    Le 3 juillet 2005, l’assuré a subi, en raison d’une surinfection, l’ablation de sa prothèse totale de la hanche droite et la mise en place d’un spacer, et, le 26 septembre 2005, une nouvelle prothèse totale lui a été implantée à la hanche droite.

26.    Le 23 décembre 2005, l’assuré a subi un accident vasculaire cérébral ischémique transitoire sylvien gauche. Il avait déjà présenté plusieurs épisodes similaires depuis décembre 2004.

27.    L'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d'invalidité le 7 février 2006. Il précisait n’avoir pas été licencié par les B______ au début de l’année 2002, et être pensionné des B______ en arrêt de travail pour raison de maladie depuis octobre 2001.

28.    Plusieurs rapports médicaux ont été versés au dossier de l’AI, notamment :

-          un rapport du docteur I______, généraliste, du 30 juin 2006, faisant mention des accidents vasculaires cérébraux à répétition et d’un status après infection de la prothèse droite, mais d’un sevrage total de l’alcoolisme et de la disparition du trouble dépressif, et attestant d’une capacité de travail de l’assuré de quatre heures par jour dans une activité de réception en position assise ;

-          des rapports médicaux du service de cardiologie des HUG des 17 juillet et 3 août 2006, faisant état de deux hospitalisations de l’assuré, en juillet 2007, en raison d’infarctus ;

-          un rapport du département de chirurgie viscérale des HUG du 26 décembre 2006, mentionnant une hernie inguinale bilatérale opérée le 20 décembre 2006, sans répercussions – selon une attestation dudit service du 12 janvier 2007 – sur la capacité de travail de l’assuré ;

-          un rapport médical du Dr I______ du 20 mars 2007, faisant mention d’une aggravation de l’état de santé de l’assuré, en raison de ses accidents vasculaires cérébraux et infarctus, et l’estimant totalement incapable de travailler, question à réexaminer une année plus tard ;

-          un rapport médical du Dr I______ du 29 janvier 2008, faisant état à la fois d’une amélioration partielle de l’état de santé de l’assuré, après pose d’une prothèse totale de la hanche gauche, et d’une aggravation du fait de la réapparition de symptômes d’oppressions thoraciques, attribuée à la cardiopathie coronarienne, ainsi que de la persistance d’une symptomatologie douloureuse de la jambe droite ;

-          un rapport médical du Dr I______ du 31 juillet 2009 – faisant suite à une demande du SMR du 26 mars 2008 – faisant mention d’un état stationnaire.

29.    L’assuré a été soumis à une expertise pluridisciplinaire auprès du CEMED les 29 et 30 octobre 2009, réalisée par les docteurs J______, spécialiste en chirurgie orthopédique, K______, cardiologue, et L______, psychiatre. À teneur de leur rapport, les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de l’assuré étaient un status après nécrose aseptique des deux hanches et prothèse totale des deux hanches, un status après arthrodèse taloscaphoïdienne gauche et infarctus inférieur en juillet 2006. Les autres diagnostics étaient sans répercussion sur la capacité de travail (troubles mentaux, du comportement, dépendance à l’alcool, épisode dépressif léger en rémission, épisodes d’accident vasculaire cérébral entre 2004 et 2006, dyslipidémie et tabagisme). L’assuré était pleinement capable de travailler dans une activité sédentaire ; des mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires, dès lors que la dernière profession était exigible.

30.    Par avis médical du 28 mai 2010, le SMR a retenu une incapacité de travail de 100 % du 3 juillet 2005 (sur infection de prothèse de hanche) au 3 août 2006 (marquant la fin d’une incapacité liée à un problème cardiaque), ainsi que du 19 décembre 2006 au 15 février 2007 (hernie inguinale bilatérale opérée).

31.    Le 22 juillet 2010, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision lui octroyant une rente entière d’invalidité, basée sur un degré d’invalidité de 100 %, du 3 juillet au 31 octobre 2006 et du 19 décembre 2006 au 15 février 2007.

32.    L’assuré a fait part à l’OAI, le 8 septembre 2010, de son désaccord avec ce projet de décision. Ce projet ne tenait pas compte de ses forts douleurs aux hanches et dans le dos suite à la surinfection de sa prothèse de la hanche droite, de son importante fatigue due à son problème cardiaque, de ses difficultés de concentration et de mémoire liées à ses accidents vasculaires cérébraux, du filet ayant dû être posé en raison de son hernie inguinale bilatérale et de ses douleurs à l’épaule droite.

33.    Par décision du 5 avril 2011, l'OAI a alloué à l'assuré une rente entière d'invalidité limitée dans le temps, soit du 1er juillet au 31 octobre 2006 et du 1er décembre 2006 au 28 février 2007. Les éléments apportés ne permettaient pas de modifier sa position, telle qu’exprimée par le projet de décision précité, et l'aggravation intervenue en juillet 2005 était due à une atteinte préexistante (complication tardive de l'atteinte à la santé diagnostiquée en 1994).

34.    Par acte du 19 mai 2011, l'assuré a formé recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il a conclu à l'octroi d'une rente entière d'invalidité non limitée dans le temps dès le 1er février 2005.

35.    Par arrêt du 20 septembre 2011 (ATAS/873/2011), la chambre des assurances sociales a admis partiellement le recours, annulé la décision du 5 avril 2011 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire au sens des considérants. L’incapacité médicalement attestée avait débuté le 3 juillet 2005, de sorte que le délai de carence arrivait à échéance le 1er juillet 2006, date non contestable à partir de laquelle débutait le droit à la rente. Seule l'aggravation de l'état de santé postérieure à la dernière décision de refus de prestation du 18 mai 2004, confirmée par le Tribunal cantonal des assurances sociales, était déterminante. L’expertise effectuée par le CEMED avait valeur probante sur certains points, mais pas sur d’autres. Du point de vue cardiologique, les seules limitations étant liées à l’essoufflement, l’activité d’agent commercial au guichet des B______ était adaptée. Sur le plan psychique, l’état dépressif de l’assuré s’était amendé, au point que même le médecin traitant confirmait la disparition de ce trouble depuis 2006 ; en revanche, les experts n’avaient pas examiné la question de l’alcoolisme de l’assuré, le cas échéant d’autres éventuels troubles psychiques, malgré un doute quant à l’abstinence, en retenant que ces éléments n’auraient pas d’influence sur sa capacité de travail, sans préciser ce qui permettait de l’affirmer et alors que l’assuré n’avait jamais repris le travail depuis janvier 2001. Du point de vue ostéo-articulaire, les experts confirmaient les limitations fonctionnelles concernant les hanches et la cheville de l’assuré, non incapacitantes pour une activité en position assise avec possibilité de changer de position, mais ils ne tenaient pas compte, sans justifier leur position, de plaintes de l’assuré quant à des douleurs plus importantes et une limitation accrue de la mobilité suite à l’implantation de la seconde prothèse totale de la hanche droite, ni de constatations objectives s’agissant d’une mobilité limitée et plus douloureuse à droite qu’à gauche. L’expertise n’avait pas comporté de volet neurologique, alors que des spécialistes attestaient de conséquences de ses multiples accidents vasculaires cérébraux sur sa mémoire et sa concentration. Les conclusions des experts étaient contradictoires, voire incomplètes, en tant qu’elles comportaient à la fois l’affirmation que l’assuré pouvait travailler à 100 % dans sa dernière activité d’agent commercial et la remarque que, compte tenu de ses problèmes de mémoire, il serait préférable que l’assuré effectue un travail manuel, en grande partie impossible du fait de ses limitations ostéo-articulaires.

36.    Sur mandat de l’OAI du 25 janvier 2012, le CEMED a procédé à une nouvelle expertise médicale multidisciplinaire de l’assuré, effectuée – s’agissant des consultations spécialisées – par la doctoresse M______, psychiatre, le docteur. N______, neurologue, le docteur O______, rhumatologue, et Mme P______, neuropsychologue, et dont les conclusions ont été discutées dans le cadre d’un colloque de synthèse en présence des doctoresses R______, spécialiste FMH en médecine interne, Q______, spécialiste FMH en médecine interne, et M______, spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie. Le rapport d’expertise a été rendu le 4 juin 2012.

Les experts ont retenu les diagnostics suivants comme ayant une influence essentielle sur la capacité de travail de l’assuré : coxalgies chroniques avec nécrose aseptique bilatérale, mise en place d’une prothèse totale de hanche des deux côtés (1996 à gauche et 1999 à droite), changement de prothèse à droite pour surinfection de la prothèse droite en 2005, décèlement de la prothèse totale de hanche gauche (changement total prévu pour l’été 2012) [M25.25/Z96.6] ; omalgies droites chroniques après chirurgie réparatrice de la coiffe des rotateurs en janvier 2011 [M75.1] ; status après au moins deux accidents ischémiques transitoires entre 2004 et 2006, sans séquelle neurologique significative ; status après infarctus inférieur en 2006 sur lésion de la coronaire droite ayant été stentée. Ils ont mentionné les diagnostics suivants comme n’ayant pas d’influence essentielle sur la capacité de travail : syndrome de dépendance à l’alcool (alors abstinent) ; trouble dépressif récurrent (alors en rémission) ; status après talo-naviculaire gauche en 2001 pour arthrose post-traumatique ; status après fracture de la jambe droite en 1993, ostéosynthésée.

C’était une problématique rhumatologique qui était désormais au premier plan. L’assuré se plaignait de coxalgies chroniques malgré la mise en place de prothèse totale de hanche des deux côtés il y avait de nombreuses années et malgré un changement de prothèse à droite en 2005, et il y avait une aggravation rapide et progressive des douleurs des deux hanches, en particulier à gauche, depuis 2009 (après la première expertise du CEMED) ; les examens radiologiques et cliniques d’octobre 2011 et avril 2012 montraient des signes de décèlement de la prothèse de hanche gauche ; l’examen clinique des experts montrait de grandes limitations de la mobilité articulaire des deux hanches, en particulier à gauche, avec d’importantes douleurs. Un autre problème rhumatologique était en avant-plan, apparu selon l’anamnèse à partir de novembre 2009 et documenté au tout début de l’année 2011, à savoir des lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite (chez un patient droitier) ; l’intervention effectuée en janvier 2011 sur le tendon du sus-épineux et du long chef du biceps n’avait permis qu’une évolution partiellement satisfaisante dans un premier temps, mais à nouveau défavorable avec exacerbation des douleurs et augmentation des limitations fonctionnelles alors que l’assuré devrait utiliser une, voire deux cannes anglaises en raison de son problème des hanches. L’examen clinique montrait d’importantes limitations fonctionnelles et des douleurs franches acromio-claviculaires droites. Ces problèmes rhumatologiques étaient à eux seuls responsables d’une incapacité totale de travail dans toute activité, au moins jusqu’à la fin 2012, puis d’une capacité de travail très amoindrie, d’au moins 60 %, même dans une activité d’employé commercial aux B______ et même en respectant les limitations fonctionnelles.

D’autres problèmes de santé s’ajoutaient à ces problèmes ostéo-articulaires. Il y avait le problème neurologique avec au moins deux accidents ischémiques transitoires en 2004 et 2006, sans séquelle neurologique significative en dépit des stenoses carotidiennes. Pris isolément, les éléments relevés à l’examen neuropsychologique – à savoir un ralentissement modéré à une épreuve langagière, un déficit modéré à une épreuve d’apprentissage en modalité verbale, des aptitudes attentionnelles et de rendement dans les normes inférieures de la normalité – ne justifieraient pas une incapacité de travail, mais une diminution de rendement de 20 à 30 % dans une activité demandant trop d’efforts de mémoire (comme au guichet des B______). Il y avait aussi un problème cardiaque, dont l’évolution avait été globalement favorable, mais qui expliquait une intolérance à l’effort et une incapacité de travail dans toute activité physiquement lourde nécessitant le port de charges et des efforts physiques. La succession de problèmes somatiques rencontrés par l’assuré avaient fortement diminué les ressources adaptatives de ce dernier. L’examen psychiatrique ne montrait plus de symptôme dépressif, et le syndrome de dépendance à l’alcool ne représentait plus un problème, avec une abstinence remontant à 2003. Les experts estimaient finalement que l’assuré avait une incapacité de travail totale et définitive dans toute activité, remontant à l’automne 2009.

37.    Le 11 août 2014, l’OAI a rendu un projet de décision octroyant à l’assuré une rente entière d’invalidité du 3 juillet 2006 au 31 octobre 2006, du 19 décembre 2006 au 30 avril 2007, puis dès le 1er septembre 2009. La capacité de travail de l’assuré était considérablement restreinte depuis le 3 juillet 2005 ; son état de santé avait subi diverses améliorations et péjorations en 2006 et 2007 ; en 2009, les documents médicaux attestaient d’une nouvelle aggravation ayant pour conséquence que l’assuré était en incapacité de travail complète à partir du 1er septembre 2009, raison pour laquelle une rente entière lui serait versée à compter de cette date.

38.    Le 25 août 2014, le directeur des ressources humaines des B______ a signé une attestation selon laquelle l’assuré était sorti des effectifs des collaborateurs des B______ « à la fin des prestations – demande AI maladie – au 8 octobre 2003 ». Il n’avait repris aucune activité après cette date.

39.    Par courrier du 1er septembre 2014, se référant au projet précité de décision de l’OAI, la Fondation a estimé que ce projet de décision confirmait l’arrêt du Tribunal cantonal des assurances sociales du 8 mars 2005, la nouvelle situation médicale de l’assuré n’ayant aucun lien avec les limitations fonctionnelles dont il souffrait lorsqu’il avait quitté les B______ en octobre 2003. L’assuré ne pouvait être mis au bénéfice d’une rente d’invalidité de la part de la Fondation, mais le montant de sa prestation de libre passage devait lui être versé, à savoir CHF 127'863.35, comprenant la prestation de libre passage acquise au 9 octobre 2003 et les intérêts dus jusqu’au 31 août 2004. En cas d’acceptation du projet, ce montant serait versé à l’Hospice général. En cas de contestation de la décision que rendrait l’OAI, ce montant serait versé sur un compte de libre passage de son choix.

40.    Par lettre du 8 septembre 2014, l’assuré a fait part à la Fondation de son désaccord. Il n’avait jamais démissionné ni reçu de lettre de démission, et faisait donc encore partie de l’entreprise ; son atteinte à la santé était restée la même, sous réserve qu’elle s’était aggravée ; il pouvait prétendre à une rente d’invalidité de la Fondation. Il s’opposait au versement de son capital du 2ème pilier à l’Hospice général et demandait à ce qu’une décision motivée avec indication des voies de recours lui soit notifiée.

41.    L’assuré a rappelé ce courrier à la Fondation par lettre du 20 octobre 2014.

42.    Le 24 octobre 2014, l’OAI a notifié à l’assuré sa décision, accompagnée du calcul desdites prestations (déjà versées le 5 avril 2011 s’agissant des deux premières périodes citées), lui octroyant une rente entière d’invalidité du 1er juillet au 31 octobre 2006, du 1er décembre 2006 au 28 février 2007, et depuis le 1er septembre 2009, sans limité de temps.

43.    Par courrier du 29 octobre 2014, la Fondation a informé l’assuré qu’elle avait mandaté un bureau juridique spécialisé dans la prévoyance professionnelle afin de se déterminer sur sa situation de façon motivée, ce qui prendrait du temps.

44.    Le 15 janvier 2015, la Fondation a indiqué à l’assuré qu’au vu du dossier de l’AI, la reconnaissance de ses atteintes à la santé remontaient au plus jusqu’à 2005, soit à une époque où il n’était déjà plus salarié des B______ et par conséquent plus non plus affilié à la Fondation. Aucune prestation ne pouvait lui être versée sous forme de rente d’invalidité, mais sa prestation de libre passage serait versée à fin février 2015 auprès de la Fondation institution supplétive LPP à Zürich, ou sur un compte de libre passage qu’il ouvrirait auprès d’une banque de son choix. La Fondation maintenait sa décision du 1er septembre 2014.

45.    Par acte du 28 janvier 2015, posté le lendemain, l’assuré a déclaré faire recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il n’avait jamais été licencié des B______ et n’avait jamais démissionné ; il faisait partie du personnel des B______ en 2005, et c’était encore le cas. Il avait reçu des rentes provisoires d’invalidité de la Fondation du 1er octobre 2003 au 31 juillet 2004. La Fondation lui avait demandé des nouvelles de sa situation par courrier du 21 juin 2007. Il recevait toujours le journal d’entreprise des B______. Le directeur des ressources humaines des B______ lui avait dit en 2003 que sa situation était simplement « gelée ». Si l’AI ne lui avait pas octroyé de rente, les B______ auraient dû lui trouver un poste de travail. L’assuré a conclu à l’annulation de la décision de la Fondation du 15 janvier 2015, respectivement du 1er septembre 2014, et à la reconnaissance de son droit à une rente entière d’invalidité de son 2ème pilier, calculée en fonction des périodes retenues par l’OAI, ainsi qu’à la condamnation de la Fondation aux frais et dépens.

46.    La chambre des assurances sociales a enregistré ce recours comme une demande en paiement le 30 janvier 2015 sous le numéro de cause A/309/2015.

47.    Par mémoire de réponse du 27 février 2015, la Fondation a conclu au rejet de la demande de l’assuré. Ce dernier avait été définitivement absent pour cause de maladie à compter du 10 octobre 2001 et était sorti de l’effectif des collaborateurs le 8 (recte : 10) octobre 2003. Il ne pouvait depuis lors être considéré comme un membre salarié. Il était demeuré assuré auprès de la Fondation pour les risques de décès et d’invalidité jusqu’au 7 (recte : 9) novembre 2003 au plus tard. L’incapacité de travail à l’origine de son invalidité était survenue à une période où il n’était pas assuré auprès de la Fondation. Subsidiairement, si l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité remontait à une date antérieure à sa sortie des effectifs de la Fondation ou devait être considérée comme une aggravation d’une atteinte préexistante, le lien de connexité temporelle et matérielle avait été rompu, si bien que la Fondation ne devait aucune prestation à l’assuré. Après que l’assuré, suite à sa première demande de prestations AI en 1995, avait obtenu un reclassement professionnel et son affectation dès janvier 1998 comme agent commercial au sein des B______, il avait connu, entre 1999 et 2003, plusieurs hospitalisations pour troubles dépressifs et consommation d’alcool, et il avait subi, en 2001, une arthrodèse talo-naviculaire gauche avec autogreffe, problèmes qui étaient sans influence sur sa capacité de travail. Les problèmes de hanches avaient été pris en charge, sans qu’il n’apparaisse que de nouvelles aggravations soient survenues depuis les changements de prothèses ; les hospitalisations ayant suivi jusqu’en 2003 étaient liées à des problèmes d’alcool et des troubles dépressifs, et non à des problèmes de hanches. Les autres problèmes de santé ayant une influence sur la capacité de travail de l’assuré étaient postérieurs à 2003, notamment des accidents vasculaires cérébraux, une sténose carotidienne, des problèmes à l’épaule droite, qui étaient sans lien avec une éventuelle atteinte préexistante. Au surplus, un problème de prescription se posait, dès lors que l’assuré n’avait accompli aucun acte interruptif de la prescription avant le dépôt de sa demande en paiement le 28 janvier 2015. Si le début de l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité remontait aux premières incapacités de travail liées aux problèmes de hanches de l’assuré (avant le dépôt de la première demande de prestations de l’AI) en 1994, le droit de l’assuré à des prestations de la Fondation serait absolument prescrit, de même que s’il fallait admettre que le début de cette incapacité de travail remontait à une date antérieure à 2003 (date de sortie de l’assuré des effectifs des B______), le délai absolu de dix ans s’étant écoulé dans les deux hypothèses. Si le cas d’assurance correspondait à une date antérieure au début de l’incapacité de travail retenu par l’AI (à savoir le 3 juillet 2005), le droit de l’assuré aux prestations périodiques d’invalidité de la Fondation serait prescrit s’agissant des prestations antérieures à janvier 2010.

48.    Le 26 avril 2015, l’assuré a indiqué à la chambre des assurances sociales qu’il s’en remettait au jugement de cette dernière.

49.    Le 25 août 2015, la chambre des assurances sociales a demandé aux B______ de lui faire parvenir toutes pièces justificatives des emplois exercés par l’assuré au sein des B______ et attestant de la fin de ses rapports de service.

50.    Le 29 septembre 2015, la Fondation a transmis à la chambre des assurances sociales les renseignements que les B______ avaient pu retrouver dans leurs archives, pas tous attestés par pièces eu égard à l’ancienneté de certains des renseignements considérés. L’assuré était entré aux B______ le 1er mars 1980 comme conducteur en formation, avait été mis en service sur des trolleybus le 3 juin 1980, puis avait passé comme conducteur de tram le 1er juillet 1981, puis aux autobus le 28 juin 1982. Il avait été transféré aux ateliers techniques comme soudeur le 2 juillet 1984. Il avait été affecté à un poste adapté pour recyclage en raison de ses problèmes de santé le 31 mars 1997, et dès le 1er janvier 1998, il avait exercé une activité d’agent commercial fixe. En 2003, la fin de ses rapports de service avait été notifiée oralement à l’assuré, afin de le préserver au maximum, mais diverses pièces confirmaient qu’à son su ce dernier était sorti des effectifs des collaborateurs des B______ au 8 (recte : 10) octobre 2003. L’assuré avait bénéficié d’un salaire jusqu’au 9 octobre 2003, sans suppression de charges sociales ni versement d’indemnités journalières (les B______ n’étant pas réassurés en couverture maladie perte de gain). Il avait été sorti des effectifs le 10 octobre 2003, au terme des 720 jours de maladie. Le 11 novembre 2003, la Fondation lui avait envoyé un courrier lui confirmant l’octroi, dès le 10 octobre 2003, d’une rente provisoire d’invalidité à 100 %, d’un montant mensuel de CHF 2'372.05, dans l’attente d’une décision de l’AI, sans qu’aucune déduction sociale ne soit retenue sur cette rente provisoire. Cette rente provisoire avait été suspendue au 30 juillet 2004, à la suite du refus de l’OAI de reconnaître l’assuré invalide. L’Hospice général avait confirmé, le 27 septembre 2004, prendre en charge le demandeur. Le début de l’incapacité de travail invalidante de l’assuré remontait au 3 juillet 2005, soit près d’une année après avoir perçu la dernière rente mensuelle provisoire d’invalidité de la Fondation.

51.    Par courrier du 18 octobre 2015, l’assuré a retracé les différents évènements s’étant déroulés depuis son engagement aux B______, relevant que seule la Fondation disait qu’il ne travaillait plus aux B______ et qu’il n’était quant à lui pas en mesure de prouver quoi que ce soit dès lors qu’il n’avait aucun document écrit des B______.

52.    Le 16 mars 2016, l’assuré a indiqué à la chambre des assurances sociales que le service des prestations complémentaires le pressait de fournir des documents à l’appui d’une demande de prestations qu’il lui avait faites, documents qu’il n’était pas en mesure de produire du fait de la procédure en cours devant la chambre des assurances sociales.

53.    La chambre des assurances sociales a indiqué aux parties qu’elle statuerait en principe prochainement sur la présente cause.

EN DROIT

1.        a. Les institutions de prévoyance ne sont pas habilitées à rendre des décisions à l’égard de leurs affiliés. Les prétentions émises en matière de prévoyance professionnelle – que ce soit par les institutions de prévoyance elles-mêmes, les ayants droit ou les employeurs – doivent l’être par voie d’action ; aussi les « décisions » qu’a rendues la fondation défenderesse respectivement le 1er septembre 2014 et, à la suite d’objections émises par le demandeur, le 15 janvier 2015 ne sont-elles pas des décisions au sens juridique du terme, mais des déterminations, et le « recours » formé le 29 janvier 2015 par le demandeur constitue-t-il une demande, et non un recours à proprement parler (ATF 115 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 22 novembre 2013 dans les causes 9C_298/2013 et 9C_310/2013 consid. 5.2 in initio ; ATAS/57/2016 du 26 janvier 2016 consid. 1b ; ATAS/232/2013 du 28 février 2013 consid. 11b).

b. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40]; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]). Sa compétence à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est établie, dès lors que le demandeur requiert le versement d’une rente d’invalidité de son 2ème pilier.

c. Le for de l’action est au siège ou au domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP). Le demandeur fait valoir des prétentions à l’encontre d’une institution de prévoyance ayant son siège dans le canton de Genève, et de surcroît au lieu de l’exploitation dans laquelle il avait été engagé. La chambre de céans est donc compétente aussi à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

d. L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19 ; SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, SZS 1983, p. 182). La question de savoir si la prétention invoquée est prescrite ou périmée relève du fond, et non de la recevabilité.

e. Du moins sur le sujet concerné par la présente demande, la LPP ne prévoit pas l’application de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), si bien que cette loi-ci n’est pas applicable. À l’instar cependant de l’art. 61 let. a et c LPGA, l’art. 73 al. 2 LPP stipule que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite, et que le juge doit constater les faits d’office (Ulrich MEYER / Laurence UTTINGER, in Jacques-André SCHNEIDER / Thomas GEISER / Thomas GÄCHTER [éd.], LPP et LFPP, 2010, n. 78 ss ad art. 73 LPP). Bien que son champ d’application soit défini par référence à la notion de décision, tant de façon générale pour la phase contentieuse que pour la procédure de recours en général, la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), s’applique par analogie à la phase contentieuse des actions judiciaires devant les juridictions administratives (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1295 et 1480 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 661 ss et 667 ss), ce qui se justifie d’autant plus que la LPA comporte néanmoins quelques dispositions concernant les prétentions à faire valoir par voie d’action devant une juridiction administrative (cf. art. 4 al. 3, 88 al. 1 et 92 al. 1 LPA ; cf. aussi art. 89B LPA ; ATAS/57/2016 précité consid. 1c).

Comportant un exposé des faits et des motifs juridiques, ainsi que des conclusions, et accompagnée des pièces invoquées par le demandeur, la présente demande satisfait aux exigences de forme et de contenu résultant de l’art. 89B LPA.

f. La présente demande sera donc déclarée recevable.

2.        Les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 132 III 523 consid. 4.3 ; 132 V 215 consid. 3.1.1 ; 131 V 9 consid. 1 ; 129 V 1 consid. 1.2 et les références). La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (première révision) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositions dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier 2006 [RO 2004 1700]), entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677). Sur les sujets ici pertinents de l’affiliation ou non du demandeur à la fondation défenderesse au-delà du 9 octobre 2003, ainsi que, le cas échéant, d’un droit du demandeur à des prétentions fondé sur des atteintes à la santé à l’origine de l’invalidité existant déjà lorsqu’il était encore affilié à la fondation défenderesse ou sur une aggravation de telles atteintes sans qu’il y ait rupture du lien de connexité matérielle et temporelle, le droit antérieur à la première révision de la LPP ne diffère pas du droit actuellement en vigueur (Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.], LPP et LFPP, 2010, n. 21 ad art. 23 LPP).

3.        a. Le demandeur prétend en premier lieu qu’il est toujours affilié à la fondation défenderesse, dès lors que – affirme-t-il – il n’a jamais démissionné ni n’a été licencié de l’entreprise (les B______) dont elle assure le personnel pour les risques de la prévoyance professionnelle (vieillesse, invalidité, décès). La fondation défenderesse objecte que le demandeur n’est plus un salarié de cette entreprise depuis le 10 octobre 2003 et qu’ainsi sa couverture d’assurance a pris fin en même temps que les rapports de travail, avec un décalage d’un mois.

b. Selon l’art. 10 al. 1 phr. 1 et al. 2 let. b LPP, le rapport de prévoyance naît en même temps que les rapports de travail, et il cesse dès la fin juridique de ces derniers (Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.], op. cit., n. 10 et 16 ad art. 10 LPP). Il y a cependant prolongation de la couverture d’assurance pendant un mois (c’est-à-dire 30 jours [ATF 125 V 171 consid. 4]) pour les risques de décès et d’invalidité (art. 10 al. 3 phr. 1 LPP).

En tant qu’employé des B______, le demandeur a été affilié à la fondation défenderesse (art. 7 let. a de la loi concernant la Fondation de prévoyance en faveur du personnel des B_______, du 29 novembre 2013 - LFPB______ - B 5 40, ayant remplacé la loi approuvant les statuts de la Fondation de prévoyance en faveur du personnel des B______, du 9 novembre 1990, à teneur de l’art. 52 LFPB______).

c. Après des périodes durables d’arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie et/ou d’accident en 1999, 2000 et 2001, et une reprise du travail dès le 2 avril 2001, le demandeur s’est trouvé à nouveau en arrêt de travail à 100 % dès le 10 octobre 2001, et il n’a depuis lors plus repris le travail. Son employeur, qui n’avait pas souscrit une assurance maladie perte de gain pour son personnel, lui a alors versé son salaire durant les 720 jours durant lesquels – à teneur de l’art. 72 al. 3 de la fédérale sur l’assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) – les indemnités journalières doivent être versées, pour une ou plusieurs maladies, dans une période de 900 jours, dans l’assurance facultative d’indemnités journalières. Durant cette période allant jusqu’au 9 octobre 2003, le demandeur est indéniablement resté un salarié des B______ et, partant, un affilié de la fondation défenderesse ; preuve en est que la part « salarié » des cotisations sociales, y compris pour ladite caisse de pension, a été prélevée sur son salaire.

Les B______ n’ont pas entendu conserver le demandeur au sein de leur personnel au-delà de cette période de deux ans, que la demande de rente d’invalidité de l’AI que celui-ci avait faite le 4 février 2002 auprès de l’OAI aboutisse favorablement ou non, étant précisé qu’il deviendrait dans un premier temps provisoirement un pensionné de la fondation défenderesse, tant qu’il n’aurait pas été statué sur sa demande de rente de l’AI, puis définitivement si son droit à une rente d’invalidité de l’AI lui serait reconnu, mais qu’il serait mis fin à cette prestation provisoire d’invalidité dans l’hypothèse inverse, conformément à l’art. 46 du règlement de la fondation défenderesse dans sa version d’alors (pièce 145 défenderesse).

Au degré de vraisemblance prépondérante prévalant en matière d’assurances sociales pour l’établissement des faits (Ghislaine FRÉSARD-FELLAY/ Bettina KAHIL-WOLFF/ Stéphanie PERRENOUD [éd.], Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 517), force est de retenir que s’il apparaît surprenant que les B______ n’ont pas mis fin par écrit aux rapports de service du demandeur, ils n’en ont pas moins pris la décision, au demeurant logique et compréhensible dans l’optique de l’employeur, de ne plus conserver le demandeur dans leurs effectifs à l’échéance des deux ans durant lesquels ils avaient et auraient continué à lui verser son salaire, à savoir au-delà du 9 octobre 2003, et qu’ils l’ont indiqué au demandeur et que celui-ci en a pris bonne note. La fondation défenderesse a écrit au demandeur, le 11 novembre 2003, qu’une pension provisoire d’invalidité à 100 % lui était octroyée dès le 10 octobre 2003, d’un montant mensuel de CHF 2'372.05. Ainsi que le demandeur a nécessairement dû s’en rendre compte, non seulement les cotisations sociales n’ont pas été prélevées sur cette rente provisoire d’invalidité (signe parlant clairement en défaveur d’un statut de salarié), mais aussi le montant de cette rente n’équivalait de loin pas au montant du salaire qu’il avait reçu jusque-là (soit CHF 7'426.- brut par mois en 2003). À l’évidence, le demandeur s’en serait offusqué s’il n’avait pas compris ni même été d’accord que ses rapports de service avaient cessé avec les B______. Or, il n’a alors émis aucune contestation, ni pour une question de forme, ni pour une question de fond. De même, il n’a nullement prétendu au statut de salarié des B______ lorsque la fondation défenderesse, après que l’OAI eut refusé de le reconnaître invalide par sa décision du 18 mai 2004 confirmée le 30 juin 2004, a mis fin au versement de sa rente provisoire d’invalidité, ainsi qu’elle l’en a informé par courrier du 13 juillet 2004, ni même après que l’Hospice général l’eut pris en charge, ni même non plus après que le Tribunal cantonal des assurances, par arrêt du 8 mars 2005, eut rejeté son recours contre la décision précitée lui refusant toute rente d’invalidité. Il faut en outre relever que le demandeur n’a émis aucune prétention de salaire à l’endroit des B______, ni avant ni après cet arrêt (qu’il n’a d’ailleurs pas contesté), et qu’après le dépôt de sa nouvelle demande de rente d’invalidité de l’AI, en date du 7 février 2006, il n’a pas non plus fait valoir une telle prétention, ni n’a requis de la fondation défenderesse le versement d’une rente provisoire d’invalidité. Ce n’est que le 8 septembre 2014 – soit près de onze ans après la fin de ses rapports de service, matérialisée par les écrits précités et la réalité des faits – que le demandeur a invoqué qu’il n’avait ni démissionné ni été licencié, sans doute après avoir lu l’attestation des B______ du 25 août 2014 (évoquant qu’il « était sorti des effectifs des collaborateurs des B______ », expression inusuelle), manifestement à seule fin de tenter d’en déduire qu’il serait toujours salarié des B______ et, partant, toujours affilié à la fondation défenderesse et donc au bénéfice d’une meilleure couverture d’assurance du 2ème pilier pour l’invalidité que, par son projet de décision du 11 août 2014, l’OAI indiquait vouloir désormais lui reconnaître sans limite de temps dès le 1er septembre 2009.

d. Quelque regrettable que soit l’absence d’écrit mettant formellement fin aux rapports de service du demandeur avec les B______, il ne saurait être remis en question, dans la présente cause, que ce dernier n’était plus salarié des B______ depuis le 10 octobre 2003 et donc plus affilié à la fondation défenderesse, ni au bénéfice d’une couverture d’assurance de cette dernière au-delà de 30 jours à compter de cette date (donc à compter du 9 novembre 2003).

Le premier grief soulevé par le demandeur est mal fondé.

4.        a. La fondation défenderesse a pour but d’assurer le personnel des B______ ou leurs ayants droit, ainsi que les autres employeurs affiliés, contre les conséquences économiques de la retraite, de l’invalidité et du décès (cf. art. 4 LFPB______). Elle participe à l’assurance obligatoire prévue par la LPP ; elle fournit des prestations conformément à la LFPB______ et à ses règlements, mais au moins les prestations prévues par la LPP (cf. art. 5 LFPB______). Elle ne pratique pas l’assurance facultative prévue par la LPP (cf. art. 11 al. 3 LFPB______). Le membre salarié reconnu invalide par l'AI l'est également par la fondation défenderesse (cf. art. 31 al. 1 phr. 1 du règlement général de la Fondation de prévoyance en faveur du personnel des B______, du 4 décembre 2013 [RFPB______ - B 5 40.01]). Le degré d'invalidité est celui reconnu par l'AI (cf. art. 31 al. 2 RFPB______).

Ces dispositions sont conformes aux exigences de la LPP. Conformément à l’art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20) s’appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d’invalidité. Si une institution de prévoyance reprend – explicitement ou par renvoi – la définition de l’invalidité dans l’assurance-invalidité, elle est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l’estimation de l’invalidité par les organes de cette assurance, sauf si cette estimation apparaît d’emblée insoutenable (ATF 126 V 308 consid. 1). Cette force contraignante vaut aussi en ce qui concerne la naissance du droit à la rente et, par conséquent, également pour la détermination du moment à partir duquel la capacité de travail de l’assuré s’est détériorée de manière sensible et durable (ATF 123 V 269 consid. 2a et les références).

b. L’événement assuré au titre de l’invalidité dans la prévoyance professionnelle est la survenance d’une incapacité de travail d’une certaine importance, indépendamment du point de savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un droit à une prestation d’invalidité est né. La qualité d’assuré doit exister au moment de la survenance de l’incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l’apparition ou de l’aggravation de l’invalidité. Lorsqu'il existe un droit à une prestation d'invalidité fondée sur une incapacité de travail survenue durant la période d'assurance, l'institution de prévoyance concernée est tenue de prendre en charge le cas, même si le degré d'invalidité se modifie après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la perte de la qualité d'assuré ne constitue pas un motif d'extinction du droit aux prestations au sens de l'art. 26 al. 3 LPP (ATF 123 V 262 consid. 1a ; 118 V 45 consid. 5). Ces principes trouvent aussi application en matière de prévoyance plus étendue, si le règlement de l'institution de prévoyance ne prévoit rien d'autre (ATF 136 V 65 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_807/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.3).

Cependant, pour que l'institution de prévoyance reste tenue à prestations, après la dissolution du rapport de prévoyance, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité, à la fois matérielle et temporelle (ATF 130 V 275 consid. 4.1).

c. Il y a connexité matérielle si l'affection à l'origine de l'invalidité est pour l’essentiel la même que celle qui s'est déjà manifestée durant le rapport de prévoyance et qui a entraîné une incapacité de travail. Il faut donc comparer l’atteinte à la santé responsable de l’incapacité de travail survenue pendant la durée de la protection de prévoyance avec le tableau clinique qui a conduit plus tard à l’octroi d’une rente de l’AI (Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.], op. cit., n. 22 ss ad art. 23 LPP).

La connexité temporelle implique qu'il ne se soit pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de travail ; elle est rompue si, pendant une certaine période, qui peut varier en fonction des circonstances du cas, l'assuré est à nouveau apte à travailler. L'institution de prévoyance ne saurait, en effet, répondre de rechutes lointaines plusieurs années après que l'assuré a recouvré sa capacité de travail (ATF 123 V 264 consid. 1c ; 120 V 117 consid. 2c/aa). La question de la connexité temporelle doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, tels la nature de l'atteinte à la santé, le pronostic médical, ainsi que les motifs qui ont conduit la personne assurée à reprendre ou ne pas reprendre une activité lucrative, ou encore le fait le fait qu'un assuré perçoive pendant une longue période des indemnités journalières de l'assurance-chômage en tant que personne à la recherche d'un emploi disposant d'une aptitude entière au placement (arrêts du Tribunal fédéral des assurances B 100/02 du 26 mai 2003 consid. 4.1 et B 18/06 du 18 octobre 2006 consid. 4.2.1 in fine et les références). En ce qui concerne la durée de la capacité de travail interrompant le rapport de connexité temporelle, on peut s'inspirer de la règle de l'art. 88a al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), comme principe directeur ("Richtschnur"). Lorsque l'intéressé dispose à nouveau d'une pleine capacité de travail pendant au moins trois mois et qu'il apparaît ainsi probable que la capacité de gain s'est rétablie de manière durable, il existe un indice important en faveur de l'interruption du rapport de connexité temporelle ; il en va différemment lorsque l'activité en question, d'une durée éventuellement plus longue que trois mois, doit être considérée comme une tentative de réinsertion ou repose de manière déterminante sur des considérations sociales de l'employeur et qu'une réadaptation durable apparaissait peu probable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_335/2008 du 30 septembre 2008 consid. 3.2 et les références citées ; Jacques-André SCHNEIDER / Thomas GEISER / Thomas GÄCHTER [éd.], op. cit., n. 27 ss ad art. 23 LPP).

5.        a. En l’espèce, ainsi que le résume initialement le rapport d’expertise du 4 juin 2012, le demandeur avait été considéré comme incapable de travailler comme soudeur de voie aux B______ pour des problèmes orthopédiques, à savoir une nécrose des têtes de fémur ayant nécessité la pose de prothèses de hanche gauche en octobre 1998 et droite en mars 1999, et il avait alors bénéficié d’une réadaptation professionnelle, lui ayant permis d’avoir une pleine capacité de travail comme caissier remplaçant puis agent commercial auprès des B______. Il s’était retrouvé en incapacité de travail totale à partir du 9 octobre 2001 à la suite d’une intervention chirurgicale d’arthrodèse talo-naviculaire gauche avec autogreffe pratiquée le 11 octobre 2001, problème s’étant ajouté à un trouble dépressif récurrent et à une dépendance à l’alcool pour lesquels il a effectué plusieurs séjours en clinique, en 1999, 2000 et 2002. Ces atteintes à la santé n’avaient pas été invalidantes. En effet, par ses décisions des 18 mai et 30 juin 2004, et par son arrêt du 8 mars 2005, respectivement l’OAI et le Tribunal cantonal des assurances ont retenu que le demandeur avait une pleine capacité de travail dans son poste d’agent commercial ; ses atteintes à la santé physique (tenant à ses problèmes de hanches et aux limitations résultant de son arthrodèse talo-naviculaire gauche avec autogreffe) n’étaient pas propres à elles seules à entraîner une incapacité de travail et de gain, et son trouble dépressif, de degré léger, et son problème d’alcool avaient disparu.

Le demandeur a eu ultérieurement des atteintes à la santé, dont l’AI a retenu qu’elles ont considérablement restreint sa capacité de travail et au surplus été estimées temporairement invalidantes à partir du 3 juillet 2005, avant que ne s’y ajoutent, en plus d’une appréciation partiellement divergente, de nouvelles atteintes à la santé, justifiant de retenir une invalidité non seulement pour les périodes admises dans un premier temps (soit du 1er juillet au 31 octobre 2006 et du 1er décembre 2006 au 28 février 2007), mais également, sans limite de temps, à partir du 1er septembre 2009. Or, au 3 juillet 2005, le demandeur n’était plus assuré auprès de la fondation défenderesse, depuis plus de vingt mois. Il ne saurait donc prétendre à des prestations de la part de cette dernière pour l’invalidité résultant des atteintes à la santé s’étant manifestées et ayant entraîné des incapacités de travail dès le 3 juillet 2005, sous réserve que son invalidité ne soit pas dans une relation d'étroite connexité matérielle et temporelle avec ses atteintes à la santé antérieures, ayant été incapacitantes avant le 9 novembre 2003.

b. Le 3 juillet 2005, le demandeur a subi, en raison d’une surinfection, l’ablation de sa prothèse totale de hanche droite et la mise en place d’un spacer, puis, le 26 septembre 2005, l’implantation d’une nouvelle prothèse totale à la hanche droite. Un changement de la prothèse totale de hanche gauche a été prévu pour l’été 2012, sinon est intervenu (en été 2012 ou ultérieurement), point ne ressortant pas du dossier. Il apparaît douteux que ce ou ces changements de prothèse de hanche puissent être imputés à la pose des prothèses originales respectivement en 1998 et 1999, dans la mesure où, s’agissant de la prothèse de hanche droite, la cause du changement a résidé dans une surinfection, tandis que celle de l’éventuel changement de prothèse de hanche gauche paraît avoir tenu, le cas échéant, dans une usure de la prothèse originale. Quoi qu’il en soit, le rapport d’expertise du 4 juin 2012 n’établit pas que les problèmes invalidants du demandeur tiennent, d’une façon significative, à ce ou ces changements de prothèse de hanche, ni a fortiori à la pose des premières prothèses, remontant à une époque où le demandeur était encore assuré par la fondation défenderesse. Au défaut de relation de connexité matérielle pour ces problèmes de hanches s’ajoute en tout état un défaut de relation de connexité temporelle, dès lors que respectivement sept et le cas échéant treize ans se sont écoulés entre ces changements de prothèses de hanche et qu’en tout état le demandeur avait conservé ou à tout le moins recouvré, de façon constatée avec force de chose jugée par les organes décisionnaires et juridictionnels compétents en matière d’AI, une pleine capacité de travail dans l’activité habituelle jusqu’au 3 juillet 2005, soit durant de nombreux mois, même en ne comptant que la période postérieure à la décision de l’OAI du 18 mai 2004.

c. C’est d’ailleurs essentiellement pour d’autres problèmes de santé que le demandeur a présenté une nouvelle demande de rente d’invalidité, le 7 février 2006, et, surtout, que cette demande a abouti à une première décision de l’OAI, le 5 avril 2011, lui reconnaissant le droit à une rente d’entière d’invalidité pour les périodes du 1er juillet au 31 octobre 2006 et du 1er décembre 2006 au 28 février 2007 – décision que la chambre de céans a certes annulée formellement, toutefois matériellement dans le seule mesure où, en plus, elle niait son droit à une telle rente pour une période postérieure –, puis à une nouvelle décision, le 24 octobre 2014, lui reconnaissant le droit à une rente entière d’invalidité aussi à partir du 1er septembre 2009 et sans limite de temps. Ces nouvelles atteintes à la santé ont consisté en des accidents vasculaires cérébraux, dont un ischémique transitoire sylvain gauche, avec sténose carotidienne, des infarctus, une hernie inguinale bilatérale.

Il n’apparaît pas qu’il y ait entre ces diverses atteintes à la santé ayant été incapacitantes et temporairement invalidantes pour les deux périodes précitées d’invalidité reconnue une étroite relation de connexité matérielle. En tout état, il y aurait rupture de la relation de connexité temporelle, pour le motif déjà retenu en rapport avec les problèmes de hanches du demandeur.

d. Concernant l’invalidité reconnue au demandeur à partir du 1er septembre 2009, il appert – ainsi que l’établit le rapport d’expertise du 4 juin 2012, dont la force probante n’est à juste titre pas remise en question par le demandeur – qu’elle tient au premier plan à des problèmes rhumatologiques, d’une part de coxalgies chroniques (malgré la mise en place et le ou les changements de prothèse totales de hanche droite et gauche), depuis 2009, et d’autre part de lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, documentés depuis 2011 (mais que le demandeur a dit subir depuis novembre 2009). Ces problèmes ostéo-articulaires étaient à eux seuls responsables d’importantes limitations fonctionnelles constitutives d’une totale incapacité de travailler au moins jusqu’à la fin 2012, puis d’au moins 60 %, dans toutes activité. S’y ajoutaient un problème neurologique (dont subsistaient des déficits modérés), un problème cardiaque (dont restait une intolérance à l’effort et une incapacité de travail dans toute activité physiquement lourde) et, comme conséquence de la succession d’atteintes à la santé somatique, une diminution des ressources adaptatives. Il n’y avait en revanche plus ni symptôme dépressif ni syndrome de dépendance à l’alcool. Le cumul et l’interaction de ces diverses atteintes amenaient à retenir une totale incapacité de travail, définitive, dans toute activité, dès l’automne 2009.

Du point de vue matériel, la question d’une étroite connexité entre cette invalidité et les atteintes à la santé incapacitantes antérieures au 9 novembre 2003 ne se poserait que pour les coxalgies, en tant que ces dernières évoquent les problèmes de hanches que le demandeur avait rencontrés de façon incapacitante du temps où il était encore assuré en prévoyance professionnelle par la fondation défenderesse. Il subsiste un doute quant à une telle connexité matérielle, qui ne serait que partielle, quoique non négligeable. En tout état, c’est une relation de connexité temporelle qui fait défaut pour ces affections.

Pour les autres atteintes à la santé, il n’y a clairement pas de relation de connexité matérielle entre l’invalidité finalement reconnue au demandeur dès l’automne 2009 et les atteintes à la santé ayant été incapacitantes durant la période du rapport de prévoyance. Les lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite sont apparues au plus tôt dès 2009, tandis que les problèmes résiduels neurologiques et cardiaques sont en lien avec respectivement les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus subis par le demandeur alors qu’il n’était plus assuré par la fondation défenderesse. En tout état, une étroite relation de connexité temporelle ferait défaut.

e. En conclusion, pour les périodes entrant en ligne de compte, l’invalidité du demandeur n’a pas son origine dans des atteintes à la santé ayant été incapacitantes du temps où il était assuré en prévoyance professionnelle par la fondation défenderesse, soit avant le 9 novembre 2003.

Les prétentions du demandeur à l’encontre de la fondation défenderesse sont mal fondées. Sa demande doit être rejetée.

Ainsi que la fondation défenderesse l’a indiqué, le demandeur a droit au transfert de sa prestation de libre passage acquise au 10 octobre 2003, augmentée des intérêts dus jusqu’audit transfert, sur un compte de libre passage auprès d’une banque de son choix ou de la Fondation institution supplétive LPP. Ce n’est pas l’objet de la présente cause que de déterminer le montant de cette prestation de libre passage, ni d’en fixer le(s) taux d’intérêts, ni de statuer sur d’éventuelles imputations à effectuer le cas échéant sur le montant dû.

Compte tenu de l’issue à donner à la procédure, la chambre de céans n’a pas non plus à statuer sur l’exception de prescription soulevée par la fondation défenderesse.

6.        a. La procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).

b. Le demandeur, qui n’obtient pas gain de cause, n’a pas droit à une indemnité de procédure (art. 89H LPA), ni la fondation défenderesse, en sa qualité de fondation de prévoyance de droit public.

* * * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu’il n’est alloué d’indemnité de procédure ni à l’une ni à l’autre des parties.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie SCHNEWLIN

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le