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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4417/2010

ATAS/232/2013 (3) du 28.02.2013 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 29.04.2013, rendu le 22.11.2013, REJETE, 9C_298/2013, 9C_310/2013
Descripteurs : LF SUR LA PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE VIEILLESSE, SURVIVANTS ET INVALIDITÉ; RENTE DE SURVIVANT; ENFANT DU CONJOINT; FRAIS D'ENTRETIEN; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL); INTERPRÉTATION SYSTÉMATIQUE; INTERPRÉTATION LITTÉRALE; COMPENSATION DE CRÉANCES; RÉPÉTITION(ENRICHISSEMENT ILLÉGITIME); INTERRUPTION DU DÉLAI; PRESCRIPTION; MINIMUM VITAL ; PRESCRIPTION
Normes : LAVS 24; LPP 19 ; LPP 35a; CO 120; CO 125; CO 135
Résumé : En l'espèce, l'institution de prévoyance - caisse dite « enveloppante » - prévoit dans ses statuts (art. 44) qu'une rente est versée au conjoint survivant si ce dernier a au moins un enfant à charge au sens de l'art. 49 des statuts. Par « enfant à charge », il faut comprendre ici, vu l'art. 49 des statuts, l'enfant du défunt. L'institution de prévoyance lui ayant reconnu le droit à une rente de conjoint survivant, la demanderesse ne peut se voir en outre accorder une indemnité de conjoint survivant. Le cumul des deux n'est pas possible. L'institution de prévoyance défenderesse ayant versé à la demanderesse l'indemnité de conjoint survivant avant de lui reconnaître le droit à une rente de survivant, elle était en droit de compenser sa créance en remboursement de l'indemnité en question avec la rente due à la demanderesse. S'agissant de la créance en restitution de la caisse, il a été constaté qu'en l'occurrence, la demanderesse avait renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu'au 31 décembre 2010, date à laquelle le délai est donc venu à échéance. En conséquence, la compensation avec les rentes versées à compter du 1er janvier 2011 n'était plus possible, la créance de la défenderesse étant désormais prescrite. En revanche, elle l'était avec les rentes de novembre 2008 à décembre 2010, pour autant que le minimum vital de la demanderesse n'ait pas été entamé par cette compensation, ce qui n'était manifestement pas le cas ici, la fortune de la demanderesse ayant augmenté malgré la compensation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4417/2010 ATAS/232/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 février 2013

 

 

En la cause

Madame T__________, domiciliée à Carouge, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Christian BRUCHEZ

demanderesse

contre

CAISSE D'ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENEVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE (CAP), sise rue de Lyon 93, 1203 Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jacques-André SCHNEIDER

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Feu Monsieur U__________ était employé par la Ville de Genève et affilié auprès de la CAISSE D'ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENEVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE (CAP ; ci-après : la caisse de pension) pour la prévoyance professionnelle.

2.        Monsieur U__________ avait épousé en août 2008 Madame T__________ U__________, née en 1966 et mère de deux filles nées d'une précédente union (en 1990 et 1992).

3.        Monsieur U__________ est décédé en octobre 2008.

4.        Le 3 novembre 2008, la caisse de pension a versé à son épouse une indemnité de conjoint survivant d'un montant de 83'625 fr., correspondant à trois années de pension de conjoint survivant selon ses statuts (3 x 27'875 fr.).

5.        Par courrier du 2 décembre 2008, l'épouse de l'assuré, alléguant avoir deux enfants à charge, a sollicité le paiement d'une pension de conjoint survivant.

6.        Après examen des pièces complémentaires produites par l'intéressée, la caisse de pension a informé cette dernière, par courrier du 25 mars 2009, qu'elle lui octroyait une pension de conjoint survivant d'un montant mensuel de 831 fr. 85 - soit le minimum prévu - à condition toutefois qu'elle restitue l'indemnité de 83'625 fr. qui lui avait été versée précédemment.

7.        Par courrier du 24 avril 2009, l'épouse de l'assuré a contesté le montant de la pension proposée, alléguant que c'était une rente statutaire - d'un montant annuel de 27'875 fr. - qui devrait lui être versée à compter du 1er novembre 2008. En échange de quoi elle s'engageait à restituer l'indemnité.

8.        Par courrier du 19 mai 2009, la caisse de pension a maintenu sa position. Elle a expliqué à l'épouse de son assuré que seuls les conjoints ayant à leur charge au moins un enfant commun avec le défunt pouvaient prétendre une rente statutaire. A défaut, seule la rente minimale prévue par la législation en matière de prévoyance professionnelle entrait en considération.

9.        L'épouse de l'assuré a persisté dans ses prétentions par courrier du 29 mai 2009. Elle soutenait, notamment, que la notion d'« enfant à charge » devait être interprétée de manière identique dans les régimes obligatoire et sur-obligatoire et visait, selon elle, les enfants au sens du droit civil, sans égard aux liens familiaux factuels ou matériels avec l'assuré défunt.

Quant à l'indemnité pour conjoint survivant, l'intéressée estimait ne devoir la restituer que si une rente de conjoint survivant statutaire lui était accordée mais non si seul le droit à une rente minimale au sens de la prévoyance obligatoire lui était reconnu (puisque l'indemnité en question relevait de la prévoyance professionnelle sur-obligatoire).

10.    Par courrier du 8 juin 2009, la caisse de pension a rappelé les conditions d'octroi d'une rente de conjoint survivant au sens de ses statuts et répété que le versement de la rente minimale LPP présupposait le remboursement de l'indemnité versée.

11.    Le 22 juin 2009, l'épouse de l'assuré a renoncé à invoquer la prescription concernant la prétention de la caisse de pension en remboursement de l'indemnité versée et ce, jusqu'au 31 décembre 2010, sous réserve que la prescription ne fût pas déjà acquise.

12.    Par courrier du 8 décembre 2009, la caisse de pension l'a informée qu'elle entendait compenser sa créance en remboursement de l'indemnité avec les prétentions de conjoint survivant. Sur question de l'intéressée, la caisse a précisé, le 6 janvier 2010, que sa déclaration de compensation visait l'ensemble des prestations légales et statutaires, à concurrence du capital-décès versé et des intérêts.

13.    Le 31 août 2010, la caisse de pension a informé l'intéressée que la rente de conjoint survivant LPP ne lui serait versée qu'en novembre 2018 au plus tard, échéance qui serait toutefois réadaptée périodiquement en fonction des éventuelles indexations de rente et pour autant que l'épouse de l'assuré en remplisse encore les conditions d'octroi.

14.    Le 23 décembre 2010, l'épouse de l'assuré (ci-après : la demanderesse) a saisi le Tribunal cantonal des assurances sociales (TCAS) - alors compétent et remplacé depuis lors par la Cour de céans -, d'une demande concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à ce que la caisse de pension (ci-après : la défenderesse) soit condamnée à lui payer 2'323 fr. par mois et d'avance à compter du 1er novembre 2008 - étant précisé qu'elle-même s'engageait en ce cas à rembourser l'indemnité de 83'625 fr. -, subsidiairement, à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser 831 fr. 85 par mois et d'avance et à ce qu'il soit constaté qu'elle-même ne devrait alors pas rembourser l'indemnité de 83'625 fr.

La demanderesse considère en substance que les « enfants à charge » auxquels se réfèrent les statuts ne doivent pas nécessairement être ceux de l'assuré défunt.

Elle ajoute que l'indemnité de conjoint survivant qui lui a été octroyée l'a été sur la base des statuts, en application du régime sur-obligatoire et qu'elle n'est donc tenue de la restituer que si une rente statutaire lui est accordée.

15.    Invitée à se déterminer, la défenderesse, dans sa réponse du 18 février 2011, a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens, à ce qu'il soit constaté que la demanderesse n'a droit qu'à une rente de conjoint minimale selon la LPP (d'un montant de 831.85 fr./mois) et à ce que soit confirmée la compensation de cette rente avec sa créance en restitution de l'indemnité de conjoint survivant versée le 3 novembre 2008.

La défenderesse soutient que, selon ses statuts, seul peut bénéficier d'une rente statutaire le conjoint survivant qui a la charge d'un enfant commun avec le défunt.

Quant à l'indemnité de conjoint survivant, elle n'est due, selon la défenderesse, que si aucune pension n'est versée, que ce soit sur la base du régime obligatoire ou du régime sur-obligatoire.

16.    Par écriture du 31 mars 2011, la demanderesse a persisté dans les termes de sa demande et soulevé en outre la prescription de la créance en restitution de l'indemnité versée à compter du 1er janvier 2011, date à compter de laquelle, selon elle, la défenderesse n'était pas fondée à procéder à une compensation, ce que la défenderesse a contesté par écriture du 14 avril 2011, en faisant valoir que la déclaration de compensation était intervenue alors que la créance en restitution de l'indu était encore exigible.

17.    Par écriture du 22 décembre 2011, la demanderesse a persisté dans ses conclusions, ajoutant que la compensation opérée par la défenderesse portait atteinte à son minimum vital.

18.    Le 17 janvier 2012, la défenderesse a campés sur sa position, en précisant que la demanderesse bénéficiait pour sa fille cadette non seulement d'une rente d'orphelin simple - en sa qualité d'enfant recueilli par feu l'époux de la demanderesse - mais également d'une rente d'orphelin minimale LPP.

19.    Le 30 mars 2012, la demanderesse a détaillé ses ressources et dépenses nécessaires.

20.    La défenderesse a persisté dans ses conclusions par courrier du 30 avril 2012.

21.    A la demande de la Cour de céans, la demanderesse a produit, par courrier du 19 novembre 2012, les pièces actualisées nécessaires au calcul de son minimum vital.

22.    Après avoir commenté ces pièces, la défenderesse a repris ses principaux arguments et conclusions.

23.    Par courrier du 24 janvier 2013, la demanderesse a apporté des explications complémentaires suite aux commentaires de la défenderesse.

 

EN DROIT

1.        a) Selon l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP ; RS 831.40), chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit.

A teneur de l'art. 56V al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 (aLOJ; RS E 2 05), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaissait, en instance unique, des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du code des obligations ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 ; art. 142 code civil).

Depuis le 1er janvier 2011, cette compétence revient à la Cour de justice, Chambre des assurances sociales, laquelle reprend la procédure pendante devant le Tribunal cantonal des assurances sociales (art. 143 al. 6 de la LOJ du 26 septembre 2010).

b) Dans le cadre de contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, la compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie. Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige: il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit (ATF 128 V 254 consid. 2a).

Savoir si le point litigieux est ou non l'objet d'une réglementation expresse de la LPP ou de ses dispositions d'exécution n'est toutefois pas déterminant, en ce qui concerne la recevabilité de l'action devant le tribunal cantonal ou du recours subséquent devant le Tribunal fédéral des assurances. Au contraire, les tribunaux institués par l'art. 73 LPP sont appelés à connaître aussi de litiges qui opposent une institution de prévoyance à un employeur ou à un ayant droit, même s'ils n'appellent l'application d'aucune disposition du droit public fédéral, quant au fond, et qui doivent être tranchés exclusivement au regard du droit privé, du droit public cantonal ou du droit public communal (ATF 117 V 50 consid. 1).

c) Le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

d) En l'espèce, le litige a trait au versement d'une rente de conjoint survivant au sens de la prévoyance professionnelle sur-obligatoire ainsi qu'à la restitution du capital versé à la demanderesse, de sorte qu'il est régi par les art. 73 LPP, 56V al. 1 let. b aLOJ et 143 al. 6 LOJ. Par ailleurs, le siège de la défenderesse se trouve à Genève. La Cour de céans est ainsi compétente, tant ratione materiae que ratione loci, pour connaître du litige.

2.        a) L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19 ; SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, SZS 1983, p. 182).

La demande en paiement est ainsi recevable. La Cour de céans précise, à ce stade, que la recevabilité de la demande en constatation sera examinée dans un deuxième temps.

3.        Il n'est pas contesté que la demanderesse a droit à une rente de survivant au titre des prestations minimales obligatoires selon la LPP (art. 6 LPP). Sont cependant litigieux d'une part, son droit à une rente de survivant plus élevée découlant de la prévoyance professionnelle plus étendue (art. 49 al. 2 LPP) et, d'autre part, son droit à une indemnité unique pour conjoint survivant découlant de la prévoyance professionnelle plus étendue.

4.        Le système suisse de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité repose sur le principe des trois piliers (art. 111 Cst.). Les prestations du premier pilier (assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale et prestations complémentaires) doivent couvrir les besoins vitaux des personnes assurées de manière appropriée (art. 112 al. 2 let. b Cst.), alors que les prestations du deuxième pilier (prévoyance professionnelle) doivent permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (art. 113 al. 2 let. a Cst.; voir également art. 1 al. 1 LPP). II incombe au troisième pilier (prévoyance individuelle) de compléter les mesures collectives des deux premiers piliers selon les besoins personnels.

Les institutions de prévoyance qui participent à l'application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Il leur est toutefois loisible de prévoir des prestations supérieures aux exigences minimales fixées dans la loi (art. 49 LPP; Message à l'appui de la LPP, FF 1976 I 127 ch. 313 et 314; ATF 131 II 593 consid. 4.1 p. 603 et les références).

5.        a) Lorsqu'une institution de prévoyance décide d'étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi (prévoyance sur-obligatoire ou plus étendue), on parle alors d'institution de prévoyance « enveloppante ». Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP en matière d'organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient, pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 115 V 103 consid. 4b p. 109). Dans le cas des institutions de droit public, ces dispositions sont édictées en principe par la collectivité publique dont elles dépendent (art. 50 al. 1 et 2 LPP).

Dans les faits, une institution de prévoyance « enveloppante » propose, en général, un plan de prestations unique qui inclut les prestations minimales et les améliore, sans opérer de distinctions entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue. Afin de s'assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences minimales de la LPP, autrement dit si la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP (art. 49 al. 1 LPP en corrélation avec l'art. 6 LPP), l'institution de prévoyance est tenue de pouvoir procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP (sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP [Alterskonto; art. 11 al. 1 OPP 2]) et les prestations réglementaires (Schattenrechnung; ATF 136 V 65 consid. 3.7 et les références; voir également ATF 114 V 239 consid. 6a p. 245).

b) Une institution de prévoyance enveloppante doit servir les prestations légales lorsque celles-ci sont supérieures à celles calculées conformément à son règlement. Cependant, dans un tel cas, le calcul du droit aux prestations ne doit pas intervenir en deux calculs séparés, l'un pour le domaine obligatoire et l'autre pour la prévoyance élargie, en additionnant ensuite les deux résultats (principe du « splitting » ou du cumul). Au contraire, il s'agit de comparer les droits résultant de la loi et les prestations de même type calculées selon les critères du règlement correspondant à la même période (calcul parallèle) (ATF 136 V 65, consid. 3.7).

6.        En l'espèce, la défenderesse est une institution de prévoyance de droit public pratiquant à l'évidence la prévoyance obligatoire et plus étendue (institution dite «enveloppante»). En effet, les prestations réglementaires vont au-delà des prestations minimales selon la LPP, dès lors que le salaire assuré correspond au salaire de base annuel diminué de 25% mais au plus du montant de la rente annuelle complète maximum de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS ; voir art. 14 al. 2 des statuts 2007) de sorte qu'il est supérieur au salaire coordonné selon l'art. 8 al. 1 LPP. De plus, s'agissant par exemple de la rente du conjoint survivant, les conditions d'octroi sont élargies, dans la mesure où l'intéressé peut également prétendre à une rente s'il est invalide au sens de l'assurance-invalidité, ce qui n'est pas le cas en matière de prévoyance obligatoire.

En tant qu'institution de prévoyance de droit public, la défenderesse se fonde sur des bases de droit public (STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 2005, n° 251 p. 90 et 254, p. 91, GÄCHTER / GECKELER HUNZIKER, in LPP et LFLP, 2010, n° 6 ad art. 50 LPP) et plus particulièrement sur ses statuts, entrés en vigueur le 1er janvier 2008, adoptés notamment par le Conseil municipal de la Ville de Genève le 1er février 2007.

7.        a/aa) En matière de prévoyance obligatoire, l'art. 19 al. 1 LPP prévoit que :

«  le conjoint survivant a droit à une rente si, au décès de son conjoint, il remplit l'une ou l'autre des conditions suivantes:

a.         il a au moins un enfant à charge;

b.         il a atteint l'âge de 45 ans et le mariage a duré au moins cinq ans. »

Le versement de cette rente tend à compenser la perte de soutien (Unterhaltsberechtigung) subie par la veuve (ou le veuf) au décès de son époux (ou de son épouse ; ATF 128 V 116 consid. 4b).

a/bb) Conformément à l'art. 19 al. 2 LPP,

« Le conjoint survivant qui ne remplit aucune des conditions prévues à l'al. 1 a droit à une allocation unique égale à trois rentes annuelles. »

Cette allocation unique a initialement été prévue pour être versée aux personnes qui pouvaient prétendre une prestation semblable en vertu de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ; RS 831.10) (FF 1976 I 117, p. 217).

En effet, jusqu'au 31 décembre 1996, l'art. 24 LAVS prévoyait que le conjoint survivant pouvait prétendre à une allocation unique lorsqu'il ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une rente de survivant. Ladite allocation était notamment destinée à l'aider à surmonter les difficultés économiques survenant sitôt après le décès de son conjoint et à lui faciliter l'éventuelle reprise d'une activité lucrative (VALTERIO, Commentaire de la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants, Tome II, Les prestations, 1988, p. 99). Cette allocation a cependant été supprimée dans la LAVS lors de la 10e révision compte tenu de sa très modeste signification (versement de 211 allocations uniques en 1988) et du fait que tant la LPP que la LAA prévoyaient le versement d'une telle allocation (FF 1990 II 1, p. 61).

a/cc) En d'autres termes, lorsque le conjoint survivant en remplit les conditions, une rente de survivant, destinée à compenser la perte de soutien consécutive au décès de son conjoint, lui est versée. Lorsqu'une telle rente ne peut lui être octroyée, une allocation unique, destinée à l'aider à surmonter les difficultés économiques survenant immédiatement après le décès, lui est versée.

b) Selon l'art. 44 des statuts de la défenderesse :

« lorsqu'un assuré ou un pensionné décède, le conjoint survivant a droit à une pension si, au décès de son conjoint, il remplit l'une ou l'autre des conditions suivantes :

a.       avoir au moins un enfant à charge au sens de l'article 49, ou

b.       être âgé de 45 révolus et que le mariage a duré au moins 5 ans, ou

c.        être invalide au sens de l'AI.  »

A teneur de l'art. 49 des statuts - auquel renvoie l'art. 44 let. a - :

«  1. Lorsqu'un assuré ou un pensionné décède, chacun de ses enfants, au sens du droit civil, a droit à une pension d'orphelin.

2.         La pension est servie jusqu'à l'âge de 18 ans révolus. Elle est toutefois due au-delà de cet âge si l'enfant accomplit un apprentissage ou poursuit ses études, mais au maximum jusqu'à 25 ans révolus.

3.         L'enfant atteint d'une incapacité totale de travail lors du décès de l'assuré ou du pensionné, et qui était à cette date à la charge du défunt, a droit à la pension d'orphelin tant que dure son incapacité et quel que soit son âge.

4.         Le droit à la pension d'orphelin prend naissance le 1er du mois qui suit celui où le salaire ou la pension que touchait le défunt cesse d'être payé. Il s'éteint au plus tard au décès de l'orphelin. »

Quant à l'art. 48 des statuts, il stipule que :

« le conjoint survivant qui n'a pas ou plus droit à une pension reçoit une indemnité unique égale à trois pensions annuelles de conjoint survivant.  »

8.        a) Lorsqu'une institution de droit public est en cause, les rapports entre l'employé assuré et l'institution de prévoyance sont régis par la loi - en d'autres termes, par les statuts auxquels force de loi est reconnue - et non par un contrat de prévoyance, comme c'est le cas entre l'employé et l'institution de prévoyance de droit privé (ATF 119 V 142).

b) Dans la mesure où l'application des dispositions du droit public cantonal régissant une institution de prévoyance est en cause, le sens et la portée de ces dispositions doivent être déterminés selon les règles usuelles d'interprétation de la loi. Ainsi, il faut en premier lieu se fonder sur la lettre de la disposition en cause (interprétation littérale). Si le texte de cette dernière n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 128 II 347 consid. 3.5, 128 V 105 consid. 5, 207 consid. 5b, 125 II 484 consid. 4). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209).

L'interprétation littérale consiste en substance à tirer tous les renseignements possibles du sens littéral de la règle. Il s'agit ainsi de comprendre la signification de chaque mot pris individuellement et de se concentrer sur les relations grammaticales entre les mots telles que résultant de la syntaxe (accords, objet d'une négation) ainsi que de l'usage de la ponctuation. En outre, la manière dont le législateur a ordonné les alinéas d'un article, dont il a divisé le texte (au moyen de titres, sous-titres, etc.) et structuré les notes marginales relève également de l'interprétation littérale. Quant à l'interprétation systématique, elle vise à prendre la mesure de la structure formelle dans laquelle la règle s'intègre : l'ordonnancement des titres, des notes marginales, des alinéas et des phrases donnant un rapport hiérarchique au règles, ce qui permet souvent d'en déterminer le champ d'application. Il y a également lieu d'examiner les liens établis par le texte légal entre certaines règles, au moyen de renvois plus ou moins explicites à d'autres dispositions. Relève également de l'interprétation systématique le fait de comparer des normes et, lorsqu'elles ont des éléments communs et des différences, d'en tirer des conclusions sur les intentions du législateur (STEINAUER, Le Titre préliminaire du Code civil et Droit des personnes, 2009, n° 262 et ss, p. 87 et ss).

9.        En l'espèce, la demanderesse conclut principalement à la condamnation de la défenderesse au paiement d'une rente de conjoint survivant statutaire, d'un montant mensuel de 2'323 fr., à compter du 1er novembre 2008. La demanderesse soutient que, selon une interprétation littérale de l'art. 44 let a des statuts, la notion d'« enfants à charge au sens de l'art. 49 » correspond à celle de l'art. 19 LPP, dès lors que ces deux dispositions sont formulées de manière similaire. Elle estime ainsi qu'une rente de conjoint survivant est due - tant en matière obligatoire que sur-obligatoire - dès qu'il y a un enfant à charge, indépendamment de l'existence d'un lien de filiation avec le défunt.

Pour sa part, la défenderesse est d'avis que la notion d'« enfant à charge » ne peut viser que les enfants du défunt, vu la formulation de l'art. 49 des statuts, auquel l'art. 44 renvoie.

a/aa) La Cour de céans constate tout d'abord que, contrairement aux allégations de la demanderesse, les art. 44 des statuts et 19 LPP ne sont pas formulés de manière similaire : contrairement à l'art. 19 al. 1 LPP, l'art. 44 des statuts prévoit une possibilité supplémentaire pour pouvoir prétendre le versement d'une rente de survivant en cas d'invalidité ; de même, contrairement à l'art. 19 al. 1 let. a LPP, l'art. 44 let. a des statuts renvoie à une autre disposition (l'art. 49 de ces mêmes statuts) pour ce qui a trait à la notion d'« enfant à charge ».

Les seules similitudes entre ces deux dispositions concernent en réalité l'emploi de l'expression « enfant à charge » ainsi que la possibilité d'une rente pour le conjoint survivant âgé de plus de 45 ans et ayant été marié plus de cinq ans avec le défunt.

b/aa) La notion d'« enfant à charge » apparaissant à l'art. 44 est définie à l'art. 49 des statuts, auquel renvoie expressément l'art. 44 (emploi des termes « au sens de »). Or, il ressort de l'interprétation littérale de l'art. 49, que ces enfants sont bien ceux du défunt (emploi des termes « chacun de ses enfants »). Enfin, selon le premier alinéa de cette disposition, il doit s'agir d'enfants au sens du droit civil, ce qui renvoie indirectement à l'art. 252 CC - seul article portant sur l'établissement de la filiation - qui prévoit que la filiation est établie, à l'égard du père, par son mariage avec la mère, par reconnaissance ou par jugement (al. 1) ainsi que par adoption (al. 2).

Eu égard à ce qui précède, il ressort de l'interprétation littérale et systématique de l'art. 49 des statuts que cette disposition vise les enfants du défunt, y compris ceux qu'il a adoptés.

a/bb) En revanche, l'art. 49 des statuts ne définit pas la notion d'« enfant à charge ». Tout au plus, son alinéa 3 stipule-t-il que l'enfant atteint d'une incapacité totale de travail lors du décès de l'assuré ou du pensionné, et qui était à cette date à la charge du défunt, a droit à une rente d'orphelin.

Cependant, on peut admettre que la notion d'« enfant à charge » employée aux art. 44 et 49 des statuts correspond à celle de l'art. 19 al. 1 let. a LPP, les termes de ces trois dispositions étant identiques (« avoir un enfant à charge » ou « être à la charge du défunt »). Or, selon le Tribunal fédéral, l'enfant à charge au sens de l'art. 19 al. 1 let. a LPP est celui à l'égard duquel il existe une obligation d'entretien légale (art. 276 et ss CC) ou conventionnelle (contrat d'entretien ; ATF 128 V 116 consid. 3d ; voir également SCARTAZZINI, in LPP et LFLP, n° 4 et ss ad art. 19). A teneur de l'art. 277 CC, l'obligation d'entretien des père et mère prend en principe fin avec la majorité de l'enfant (al. 1) sauf s'il est en formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux (al. 2).

b) La demanderesse tire également argument du fait que l'art. 47 al. 1 let. c des statuts stipule que :

« lorsqu'un assuré ou un pensionné décède, le conjoint survivant divorcé est assimilé au conjoint survivant à la condition :

(...) qu'il ait un ou plusieurs enfants du défunt à charge au sens de l'art. 49. »

et précise donc que les enfants doivent être ceux du défunt, contrairement aux art. 44 et 49.

Cet argument ne saurait convaincre dans la mesure où, comme le soutient la défenderesse, cette adjonction peut s'expliquer dans le contexte particulier par la nécessité de préciser la situation en cas de divorce. En effet, il est fréquent qu'un conjoint divorcé se remarie et que des enfants naissent de cette seconde union. C'est ainsi vraisemblablement dans le but de préciser que seuls les enfants issus du premier mariage donnent droit à une rente de conjoint survivant que les termes « du défunt » ont été ajoutés.

Par conséquent, le fait que l'art. 47 al. 1 let. c des statuts précise expressément que les enfants visés par cette disposition doivent être ceux du défunt ne modifie en rien l'interprétation de l'art. 44 let. a des statuts. En effet, si l'on devait suivre le raisonnement de la demanderesse, cela reviendrait à vider de son sens le renvoi à l'art. 49 des statuts.

c) En outre, la demanderesse soutient que si le législateur avait voulu limiter la notion d'« enfant à charge » de l'art. 44 let. a des statuts aux enfants biologiques ou adoptés du défunt, il aurait dû formuler cette disposition de la manière suivante : « avoir au moins un enfant à charge pourvu que celui-ci perçoive une pension d'orphelin conformément à l'art. 49 ».

La Cour de céans relève, à ce stade, qu'il n'appartient pas à la demanderesse de reformuler les statuts. Le législateur communal a choisi de calquer l'art. 44 let. a des statuts sur l'art. 19 al. 1 let. a LPP tout en limitant la notion d'enfant à charge aux enfants du défunt, en procédant au renvoi à l'art. 49 des statuts.

d) Eu égard aux considérations qui précèdent, il ressort de la formulation des art. 44 et 49 des statuts et de la systématique de la loi que seul le conjoint survivant ayant la charge d'au moins un enfant biologique ou adopté du défunt a droit à une rente de survivant.

La demande tendant à l'octroi d'une rente statutaire doit donc être rejetée.

10.    Dans un deuxième temps, la demanderesse conclut à ce qu'il soit constaté qu'elle ne doit pas restituer le montant de 83'265 fr. qui lui a été versé à titre d'indemnité de conjoint survivant relevant de la prévoyance sur-obligatoire. Elle soutient que la « pension » à laquelle l'art. 48 des statuts fait référence est la même que celle prévue par l'art. 44 de ces mêmes statuts et qu'elle correspond donc à la pension versée en application du régime sur-obligatoire.

De son côté, la défenderesse fait valoir que cette notion se réfère à toutes les pensions, qu'elles relèvent du régime obligatoire ou sur-obligatoire. La défenderesse ne prend pas de conclusion condamnatoire en restitution mais oppose la compensation qu'elle a opérée depuis le 1er novembre 2008.

a/aa) Il y a lieu d'examiner, à titre liminaire, la recevabilité de la demande en constatation.

L'objet d'une demande en justice ne peut en principe porter que sur des questions juridiques actuelles dont les conséquences touchent concrètement le justiciable. La jurisprudence admet cependant la recevabilité d'une action en constatation si le demandeur a un intérêt digne de protection à la constatation immédiate de rapports de droit litigieux et ne peut obtenir en sa faveur un jugement condamnatoire (ATF 119 V 13 consid. 2a et les références).

Un intérêt de fait suffit, pour autant qu'il s'agisse d'un intérêt actuel et immédiat (ATF 119 V 13 consid. 2a). De manière plus générale, l'intérêt digne de protection requis fait défaut, en règle ordinaire, lorsque la partie peut obtenir en sa faveur un jugement condamnatoire; en ce sens, le droit d'obtenir une décision en constatation est subsidiaire (ATF 119 V 13 consid. 2a et les références citées). Le juge retiendra un intérêt pour agir lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties et qu'une constatation judiciaire sur l'existence de l'objet du rapport pourrait l'éliminer. Une incertitude quelconque ne suffit cependant pas. Il faut bien plutôt qu'en se prolongeant, elle empêche le demandeur de prendre ses décisions et qu'elle lui soit, de ce fait, insupportable (ATF 122 III 282 consid. 3a, 120 II 22 consid. 3).

a/bb) En l'espèce, la défenderesse a reconnu à la demanderesse le droit à une rente de conjoint survivant relevant du régime obligatoire mais ne la lui a jamais versée, invoquant la compensation avec sa créance en restitution de l'indemnité. En conséquence, la demanderesse a, à l'évidence, un intérêt digne de protection à ce qu'il soit constaté que cette compensation n'est pas justifiée. Par ailleurs, dès lors que la défenderesse n'a pas pris de conclusion reconventionnelle condamnatoire en restitution, la demanderesse ne peut faire valoir ses droits que par le biais d'une demande en constatation, laquelle est donc recevable.

b/aa) Il y a à présent lieu de rappeler qu'à teneur de l'art. 48 des statuts de la défenderesse :

« le conjoint survivant qui n'a pas ou plus droit à une pension reçoit une indemnité unique égale à trois pensions annuelles de conjoint survivant. »

La question est donc celle de savoir si la « pension » au sens de l'art. 48 se réfère à la rente versée en application du régime obligatoire (art. 19 al. 1 LPP) ou à la pension versée en application du régime sur-obligatoire (art. 44 des statuts).

b/bb) Littéralement, le terme « pension » signifie « allocation périodique versée à une personne » (selon la définition du Petit Robert). Il peut ainsi viser tant la pension versée conformément aux statuts que la rente versée en application de la LPP.

Il est vrai que les statuts de la défenderesse font systématiquement référence à une pension : conformément à l'art. 27 de ses statuts, la défenderesse alloue les prestations suivantes : pension de retraite (let. a), pension complémentaire pour enfant de retraité (let. b), pension d'invalidité (let. c), pension complémentaire pour enfant d'invalide (let. d), pension de conjoint survivant (let. e), pension d'ex-conjoint (let. g), pension d'orphelin (let. h) et pension d'indexation (let. i). Chaque type de prestation est ensuite régi par des dispositions particulières. Ainsi, le cas de la pension du conjoint survivant est visé par les art. 44 à 46 des statuts, celui de l'ex-conjoint par l'art. 47.

On ne saurait cependant en tirer argument ainsi que le fait la demanderesse car, comme relevé supra, la défenderesse est une institution de prévoyance enveloppante, qui propose des prestations obligatoires et sur-obligatoires, régies par un seul règlement qui ne fait pas de distinction entre ces deux types de prestations (ATF non publié B 74/03 du 29 mars 2004, consid. 3.3.3).

Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, l'art. 48 des statuts de la défenderesse règle non seulement le cas de l'indemnité pour conjoint survivant relevant de la prévoyance obligatoire mais également celle de la prévoyance sur-obligatoire de sorte que le terme « pension » vise à l'évidence tant la prestation de prévoyance obligatoire que celle de prévoyance sur-obligatoire.

Qui plus est, comme déjà relevé plus haut, le but de l'indemnité pour conjoint survivant est d'aider celui dont la perte de soutien n'est pas compensée autrement - que ce soit par une rente ou une pension - à surmonter les difficultés économiques consécutives au décès et à lui faciliter une éventuelle reprise d'activité. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la pension à laquelle se réfère l'art. 48 des statuts de la défenderesse vise tant la prestation de prévoyance obligatoire que celle de prévoyance sur-obligatoire. Partant, dès lors que la perte de soutien subie par la demanderesse est dédommagée par l'octroi d'une rente de conjoint survivant minimale, elle n'a pas à l'être doublement par l'octroi d'une indemnité en capital. C'est donc à juste titre que la défenderesse a réclamé la restitution de cette dernière, de sorte que la demande en constatation de la demanderesse doit être rejetée.

11.    L'indemnité pour conjoint survivant n'étant pas due, il y a encore lieu d'examiner la question de sa restitution et plus particulièrement celle de la validité de la compensation opérée par la défenderesse.

a) L'art. 35a LPP dispose que les prestations touchées indûment doivent être restituées. La restitution ne peut être demandée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et serait mis dans une situation difficile (al. 1er). Le droit de demander la restitution se prescrit par une année à compter du moment où l'institution de prévoyance a eu connaissance du fait, mais au plus tard par cinq ans après le versement de la prestation. Si le droit de demander restitution naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant (al. 2).

Les statuts de la défenderesse prévoient une réglementation similaire en leur art. 63.

On ajoutera que, selon la jurisprudence, est déterminant le moment de la connaissance effective par le créancier, et non celui où il aurait pu se rendre compte de l'erreur commise en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible (ATF 130 V 417 sv. consid. 3.1 et 3.2, 128 V 241 consid. 3b, 127 III 427 consid. 4b et les références).

b) S'agissant de l'interruption de la prescription, le Tribunal fédéral des assurances a rappelé (ATF non publiés B 55/06 du 16 octobre 2006 et B 53/06 du 18 août 2006) que le droit public admet de façon plus large que le droit privé des actes interruptifs du créancier, en ce sens que le délai de prescription est interrompu - outre par les moyens mentionnés par l'art. 135 CO - par tout acte par lequel celui-ci fait valoir sa prétention de manière appropriée à l'égard du débiteur (voir GADOLA, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, PJA 1/1995 pp. 47 ss ; BRACONI, Prescription et péremption dans l'assurance sociale, in Droit privé et Assurances sociales, Fribourg 1990, p. 232 ; MOOR, Droit administratif, vol. II, ch, 1,2,1 o, 86 et ss). Ainsi, par exemple dans le domaine de l'assurance-vieillesse et survivants, la prescription des amendes est interrompue par tout acte tendant à leur recouvrement (art. 207 RAVS).

Toutefois, en matière de prévoyance professionnelle, les institutions de prévoyance ne sont pas habilitées à rendre de décision à l'égard de leurs affiliés. Elles doivent -comme les ayants droit ou les employeurs - faire valoir leurs droits par voie d'action pour les litiges visés par l'art. 73 LPP (ATF 115 V 229 consid. 2) et sont, sous cet angle, soumises aux mêmes exigences que les créanciers de droit privé. Il faut encore relever qu'en matière de prévoyance professionnelle, l'art. 41 al. 2 LPP, relatif à la prescription des actions en recouvrement de créances de cotisations ou de prestations périodiques, renvoie explicitement aux art. 129 à 142 CO. Cette réglementation est impérative et s'applique à toutes les créances fondées sur la LPP, notamment aussi aux rapports juridiques avec des institutions de droit public (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 19 décembre 1975, FF 1976 I 251 ; voir aussi ATF 132 V 165 consid. 4.4.3 et ATF 128 V 241 consid. 3b, où le Tribunal fédéral des assurances se réfère explicitement aux actes interruptifs de prescription au sens de l'art. 135 CO ; voir également l'ATF B 87/00 du 10 février 2004). En raison de ce renvoi pur et simple aux dispositions du Code des obligations et dès lors que l'énumération contenue à l'art. 135 ch. 2 CO est exhaustive, il n'y a pas de place en l'espèce pour une réglementation plus large en matière d'interruption de la prescription du fait du créancier (cf. également BRACONI, op. cit., p. 232).

c/aa) La compensation de créances réciproques constitue un principe juridique général, ancré en droit privé aux art. 120 et suivants du Code des obligations (CO ; RS 220), qui trouve application en droit administratif. En droit des assurances sociales plus particulièrement, le principe est reconnu, même dans les branches de ce droit qui ne le prévoient pas expressément (ATF 128 V 224 consid. 3b et les références).

Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, la question de la compensation des créances propres de l'institution de prévoyance avec celles de la personne assurée n'est pas réglée par la loi (art. 39 al. 2 LPP ; voir aussi l'art. 60 al. 2 des statuts). Les art. 120ss CO sont donc applicables par analogie.

c/bb) Aux termes de l'art. 120 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles (al. 1er). La compensation d'une créance prescrite peut être invoquée, si la créance n'était pas éteinte par la prescription au moment où elle pouvait être compensée (al. 3).

Selon la jurisprudence, la compensation d'une créance prescrite n'est possible que pour autant qu'elle l'ait été au moment où la créance n'était pas encore prescrite. Cela suppose qu'il existait alors une ou plusieurs créances opposables à la créance qui s'est ensuite prescrite (art. 120 al. 1er CO); en d'autres termes, l'autre créance doit avoir pris naissance et être devenue exigible avant que la prescription soit acquise (SJ 1987 p. 30 consid. 3b).

Selon la doctrine unanime, la condition d'exigibilité de l'art. 120 al. 1er CO ne concerne que la créance compensante, la créance compensée pouvant n'être qu'exécutable. De plus, l'al. 3 de la disposition précitée consacre une exception au principe selon lequel la créance compensante doit pouvoir être déduite en justice : une créance compensante prescrite peut être invoquée pour autant que toutes les conditions nécessaires à la compensation aient été réunies au moment de la survenance de la prescription (JEANDIN, Commentaire romand, code des obligations  I, pp. 717 à 719) ou, en d'autres termes, la créance de A peut être compensante même si elle est prescrite pour autant qu'elle n'ait pas déjà été prescrite lorsqu'elle pouvait se compenser avec la créance de B (ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., pp. 673 et 674), étant rappelé la jurisprudence à l'appui de l'art. 120 al 3 CO qui veut que la créance de B ait pris naissance et soit exigible avant la compensation.

L'exigibilité des prestations de la prévoyance professionnelle se situe lors de la naissance du droit selon les normes légales et réglementaires applicables (ATF 132 V 159 consid. 3, 126 V 263 consid. 3a, 117 V 308 consid. 2c; cf. aussi ATF 124 V 276, SJ 1991 II, page 214). D'une manière générale, est exigible, dans le langage juridique, ce qui peut être aussitôt exigé, ce qui est dû sans terme ni condition. Il en est ainsi d'une créance ou d'une dette dont le paiement peut être immédiatement réclamé, au besoin en justice, sans attendre l'échéance d'un terme ou l'avènement d'une condition (ATF non publié 9C_701/2010 du 31 mars 2011, consid. 4.2, ATF 119 III 18 consid. 3c et les références). Ainsi, en matière de rente de la prévoyance professionnelle, le Tribunal fédéral a reconnu que chacune des prestations périodiques devenait exigible à la fin du mois pour laquelle la rente aurait dû être versée conformément à l'art. 38 LPP, à moins que le règlement de prévoyance ne prévoie un autre mode de paiement, par exemple tous les deux mois, par trimestre, etc. (ATF non publiés 9C_701/2010 du 31 mars 2011, consid. 4.2, 9C_321/2007).

En l'espèce, l'art. 62 al. 2 des statuts de la défenderesse prévoit que les pensions sont mensuelles et payables à la fin de chaque mois, ce qui correspond à l'art. 38 LPP.

12.    a) Dans le cas d'espèce, il a été établi que c'est à tort que la défenderesse a versé à la demanderesse, le 3 novembre 2008, une indemnité pour conjoint survivant, puisque l'intéressée s'est vu par la suite accorder une rente.

C'est par courrier du 2 décembre 2008, que la demanderesse a sollicité le paiement d'une rente de conjoint survivant. Plusieurs pièces complémentaires (actes de naissances, attestations d'études des enfants, etc.) ont été réclamées par la défenderesse, à qui la dernière pièce a été transmise par courrier du 23 mars 2009.

Le 25 mars 2009, la défenderesse a mis la demanderesse au bénéfice d'une rente de conjoint survivant relevant de la prévoyance obligatoire avec effet rétroactif au 1er novembre 2008.

Partant, il y a lieu de considérer que c'est au plus tôt le 24 mars 2009 que la défenderesse est entrée en possession de tous les éléments lui permettant de constater que la demanderesse avait droit à une rente de conjoint survivant - et, par conséquent, pas droit à une indemnité. Ce n'est donc qu'à ce moment-là que le délai de prescription d'un an a commencé à courir.

a/aa) Une renonciation à invoquer la prescription permet de prolonger le délai de prescription et non de l'interrompre (PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2012, n° 2 ad Art. 141 CO).

Par conséquent, force est de constater que, dans le cas d'espèce, la défenderesse n'a obtenu qu'un report du délai de prescription jusqu'au 31 décembre 2010 puisque sa démarche auprès de la demanderesse ne constituait pas un acte interruptif.

a/bb) Reste à examiner si la défenderesse a valablement interrompu le délai de prescription ainsi prolongé.

Tel n'est pas le cas puisqu'elle n'a pas agi par la voie de la poursuite, d'une action judiciaire ou par le dépôt d'une demande en conciliation. Le fait que la caisse ait compensé sa créance avec les rentes dues dès le 1er novembre 2008 ne constitue pas un acte interruptif de la prescription au sens de l'art. 135 CO, lequel les énumère de manière exhaustive. Il eût fallu une reconnaissance de dette par actes concluants, c'est-à-dire une manifestation du débiteur, payant volontairement un acompte ou invoquant lui-même la compensation avec sa créance. Or, il n'y a rien eu de tel en l'espèce, au contraire, puisque non seulement la demanderesse n'a pas reconnu la dette, mais qu'elle s'y est clairement opposée dès la réception du courrier de la défenderesse du 25 mars 2009, ainsi qu'à la compensation opérée par la caisse à compter du 1er novembre 2008. On ne saurait dès lors considérer que le délai de prescription aurait été interrompu par la compensation opérée chaque mois par la caisse. A cet égard, il sied de préciser que la demande de paiement du 23 décembre 2010 ne constitue pas un acte interruptif de prescription. Seul un acte réclamant la restitution aurait pu interrompre la prescription. Or, la défenderesse renoncé à formuler une demande reconventionnelle, laquelle aurait été quoi qu'il en soit été irrecevable puisque nécessairement formulée après le 31 décembre 2010.

Par conséquent, la créance de la caisse de pension envers l'assurée s'est prescrite le 31 décembre 2010. Si une compensation pouvait dès lors entrer en ligne de compte - à condition de respecter le minimum vital, point qui sera examiné ultérieurement - jusqu'au 31 décembre 2010, il n'en allait plus de même dès le 1er janvier 2011. A compter de cette date, il fallait, conformément à l'art. 120 al. 3 CO, que l'autre créance (en l'espèce, la créance de rentes de l'assurée) ait pris naissance et soit devenue exigible avant que la prescription ne fût acquise. Cette condition a fait défaut dès janvier 2011 : les rentes étant dues à la fin de chaque mois, selon les statuts, les créances de celles de janvier 2011 et des mois suivants n'étaient pas exécutables par la défenderesse (ou exigibles par la demanderesse) au moment de l'échéance du délai de prescription de la créance en restitution, le 31 décembre 2010. Ainsi, par exemple, la rente du mois de janvier 2011 a pris naissance et a été exigible dès le 31 janvier 2011, mais à cette date, la créance de la caisse était déjà prescrite, de sorte que la compensation était prohibée par l'art. 120 al. 3 CO.

La caisse de pension aurait donc dû reprendre le versement des rentes dès janvier 2011, toute compensation étant désormais interdite.

b) La défenderesse le conteste en invoquant notamment l'arrêt non publié 9C_697/2008 du 16 décembre 2009. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a accepté la compensation d'une créance en réparation du dommage de l'art. 52 LPP, d'un montant de 3'690'750 CAD, avec la valeur capitalisée de la rente, d'un montant total de 939'465 fr. (réserve mathématique). Cependant, force est de constater que, dans cet arrêt, ne se posait que la question du droit de compenser le droit exigible d'un organe à une rente de vieillesse de la LPP avec une créance en réparation du dommage de l'art. 52 LPP existant à son encontre et non celle de la prescription. Les faits n'étant pas similaires et la question de la prescription n'ayant pas été abordée dans l'arrêt précité, ce denier ne saurait trouver application dans le cas d'espèce, d'autant que le cas soumis au Tribunal fédéral portait sur la responsabilité d'un organe, situation bien différente de celle d'un simple assuré.

On relèvera d'ailleurs que, dans un arrêt non publié B 55/05 du 16 octobre 2010, également invoqué par la défenderesse, le Tribunal fédéral est arrivé à la même conclusion que la Cour de céans - à savoir que la compensation n'était plus possible à compter de l'acquisition de la prescription, les rentes dues postérieurement à cette date n'étant pas encore exigibles - et que ce principe a été confirmé dans un arrêt non publié 9C_79/2011 du 25 août 2011, dans lequel le Tribunal fédéral a encore précisé, en se référant à l'ATF 115 II 42, que ni le texte de l'art. 120 al. 3 CO ni le sens et le but de l'institution juridique de la compensation ne permettaient de considérer qu'un ayant-droit pouvait attendre pendant des années avant de faire valoir son droit alors qu'il connaissait le débiteur et l'étendue de son dommage.

Quant à l'art. 131 al. 2 CO, également cité par la défenderesse dans ses écritures, il ne modifie en rien l'appréciation précitée. En effet, cette disposition vise en réalité le droit de percevoir des rentes comme tel, qui ne revêt pas de caractère périodique, et qui, jusqu'au 31 décembre 2004, se prescrivait par dix ans conformément à l'art. 41 al. 1 aLPP : si un assuré faisait valoir sont droit à une rente de la prévoyance professionnelle plus de dix ans après sa naissance, son droit était prescrit. Par contre, dans le cas d'une rente de la prévoyance professionnelle, telle qu'une rente d'invalidité, chacun des arrérages se prescrit par cinq ans dès l'exigibilité, conformément à l'art. 130 al. 1 CO (voir ATF non publié 9C_701/2010 du 31 mars 2011, consid. 4.2).

c) Force est donc de constater, au vu de ce qui précède, que le délai de prescription de la créance en restitution de l'indemnité versée en novembre 2008 est venu à échéance le 31 décembre 2010, qu'au-delà, aucune compensation n'était plus possible, et que la défenderesse aurait donc dû reprendre le versement de la rente à la demanderesse à compter de janvier 2011.

13.    Il convient à présent de revenir sur la période antérieure au 31 décembre 2010 - durant laquelle la compensation était théoriquement possible - afin de vérifier que ladite compensation n'a pas entamé le minimum vital de la demanderesse.

a) En raison de la nature des créances en cause et compte tenu de l'art. 125 ch. 2 CO, une créance d'une institution de sécurité sociale ne peut être compensée avec une prestation due à un assuré si, de ce fait, les ressources de celui-ci descendent au-dessous du minimum vital (ATF 128 V 50 consid. 4a), étant précisé que la notion du minimum vital est celle qui ressortit au droit de la poursuite et de la faillite (RCC 1983, p. 69). Plus spécifiquement, l'art. 125 ch. 2 CO stipule que les créances dont la nature spéciale exige le paiement effectif entre les mains du créancier, telles que des aliments et le salaire absolument nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille ne peuvent être éteintes par compensation contre la volonté du créancier. La notion d'aliments recouvre les prestations ayant pour but de permettre au créancier de se procurer nourriture, soins, vêtements et logement convenables. Lesdites prestations trouvent notamment leur origine dans la loi, telles les rentes AVS ou AI ou dans des contrats, telles les prestations (rente ou capital) de la prévoyance. Le créancier en aliments qui entend s'opposer à la compensation doit établir que ces prestations sont absolument nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (JEANDIN in Commentaire romand, 2012, n° 7 et 8 ad art. 125 CO). Il a ainsi été jugé, en matière de prestations complémentaires, que la protection du minimum vital n'entrait en ligne de compte que si l'assuré ne disposait d'aucune fortune (voir notamment ATFA non publié P 77/01 du 16 mai 2002, consid. 6). Dans le même ordre d'idées, il a été jugé, en matière de prévoyance professionnelle, que la compensation contre la volonté du destinataire est inadmissible lorsque celui-ci ainsi que sa famille dépendent de la prestation de la prévoyance professionnelle pour couvrir leur entretien (VETTER-SCHREIBER, BVG - Kommentar, n° 8 ad art. 39 LPP). En effet, le but de l'art. 125 CO - comme d'ailleurs de l'art. 93 LP - est uniquement d'empêcher qu'une personne soit effectivement poussée dans le dénuement en raison de la compensation (voir notamment ATF non publié 9C_1015/2010 du 12 avril 2011, consid. 2.2).

b) En l'espèce, la défenderesse a compensé sa créance en restitution avec les rentes dues à la demanderesse. Conformément à la jurisprudence, il y a lieu de déterminer si, depuis le 8 décembre 2009 - date de la déclaration de compensation - le minimum vital de la demanderesse a été entamé du fait de cette compensation.

La rente d'orphelin servie par l'AVS est versée directement au représentant légal de l'enfant (VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants et de l'assurance-invalidité, 2011, n° 868). Puisqu'il en va assurément de même en matière de prévoyance professionnelle obligatoire, ces rentes constituent des ressources à prendre en considération.

Par ailleurs, les frais d'abonnement de bus ne peuvent être pris en compte, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'agit d'une dépense indispensable à l'exercice d'une profession (cf. normes d'insaisissabilité applicables).

c) En 2009 et 2010, la situation financière de la demanderesse a été la suivante :

revenus 2009 :

 

 

rente de veuve AVS1

1'824.00

(pièce 39, déf.)

rente d'orphelin AVS1

912.00

(pièce 39, déf.)

rente d'orpheline LPP2

277.35

(pièces 40 et 41, déf.)

salaire brut3

328.00

(pièce 48, dem.)

allocations familiales

250.00

(pièce 48, dem.)

total

3'591.35

 

 

 

 

charges 2009 :

 

 

montant de base dem.

1'350.00

(E 3.60.04 valable pour l'année 2009)

montant de base fille

600.00

(E 3.60.04 valable pour l'année 2009)

loyer

2'060.00

(pièce 51, dem.)

assurance-maladie dem.

339.40

(pièce 53, dem.)

assurance maladie fille.

0.00

(pièce 56, dem.)

total

4'349.40

 

différence

758.05

 

1 Par décision du 4 juin 2010, la rente de survivant et la rente d'orpheline ont été modifiées. La différence a été versée le 11 juin 2010 de sorte qu'il y a lieu d'en tenir compte immédiatement.

2 Il ressort des écritures de la défenderesse du 17 janvier 2012 que la rente d'orpheline LPP a été versée le 26 octobre 2011. Cette allégation n'ayant pas été contestée par la demanderesse, le montant de la rente en question sera intégré dans le calcul du minimum vital.

3 Selon l'avis de taxation relatif à l'année 2009, la demanderesse a reçu un salaire brut de 4'500 fr., dont à déduire 270 fr. (cotisations sociales) et 292 fr. (cotisations LPP), ce qui conduit à un revenu annuel net de 3'937 fr.

revenus 2010 :

 

 

rente de veuve AVS1

1'824.00

(pièce 39, déf.)

rente d'orphelin AVS1

912.00

(pièce 39, déf.)

rente d'orpheline LPP 2

277.35

(pièces 40 et 41, déf.)

allocations familiales

250.00

(pièce 49, dem.)

total

3'263.35

 

 

 

 

charges 2010 :

 

 

montant de base dem.

1'350.00

(E 3.60.04 valable pour l'année 2010)

montant de base fille

600.00

(E 3.60.04 valable pour l'année 2010)

loyer

2'060.00

(pièce 51, dem.)

assurance-maladie dem.

274.20

(pièce 54, dem.)

assurance maladie fille3

0.00

(pièce 57, dem.)

total

4'284.20

 

différence

1'020.85

 

1 Par décision du 4 juin 2010, la rente de survivant et la rente d'orpheline ont été modifiée. La différence a été versée le 11 juin 2010 de sorte qu'il y a lieu d'en tenir compte immédiatement.

2 Il ressort des écritures de la défenderesse du 17 janvier 2012 que la rente d'orpheline LPP a été versée le 26 octobre 2011. Cette allégation n'ayant pas été contestée par la demanderesse, le montant de la rente en question sera intégré dans le calcul du minimum vital.

3 Selon la taxation fiscale relative à l'année 2010, la demanderesse aurait perçu des subsides de l'assurance-maladie d'un montant annuel de 1'000 fr. pour sa fille. Dès lors que ce montant correspond, à 70 centimes près, au montant de la prime d'assurance-maladie, il y a lieu de le déduire de la prime d'assurance-maladie.

La demanderesse disposait en outre d'une fortune de 112'686 fr. 60 au 31 décembre 2008, de 2'164 fr. 90 au 31 décembre 2009 et de 5'789 fr. au 31 décembre 2010 (cf. avis de taxation 2010), fortune dans laquelle elle a à l'évidence puisé pour combler la différence non couverte par les rentes qu'elle percevait.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il apparaît cependant manifeste que le minimum vital de la demanderesse n'a pas été entamé par la compensation opérée par la défenderesse puisque l'intéressée a été capable d'assumer ses dépenses absolument nécessaires en puisant dans sa fortune sans avoir à solliciter l'Hospice général et que sa fortune s'est même accrue entre décembre 2009 et décembre 2010, ce qui permet de conclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la demanderesse n'a pas fait état de tous ses avoirs ni de tous ses comptes bancaires, ce que confirme les faits suivants : les extraits produits concernent tous un compte ouvert au nom de T__________ après le décès de l'époux de cette dernière ; or, les relevés produits ne font état que du virement de 1'760 fr. d'allocations familiales le 22 juillet 2010 alors qu'il ressort des avis de taxation des années 2009 et 2010 que 3'000 fr. ont été versé à ce titre à la demanderesse, de sorte qu'on peut légitimement penser que le solde a été versé sur un autre compte, hypothèse étayée par le fait que, selon l'extrait produit par la demanderesse, le solde du compte déclaré était négatif au 31 décembre 2010, (- 30 fr. 38) alors que l'avis de taxation 2010 fait état d'une fortune mobilière de 5'789 fr. ; enfin, comme le soulève à juste titre la défenderesse, les relevés mettent en évidence des ordres de virement importants (5'000 fr. le 9 décembre 2008, 10'020 fr. le 26 juin 2009) en faveur d'un compte ouvert au nom de TA__________. Les explications de la demanderesse à cet égard (elle allègue que ces virements étaient destinés à indemniser sa famille au Brésil qui l'avait hébergée plusieurs semaines) ne convainquent pas à la lumière des faits suivants : à l'aéroport, la demanderesse a également prélevé avant de partir 2'000 fr. en décembre 2008 et 3'000 fr. en juin 2009 ; par la suite, entre le 12 décembre 2008 et le 20 janvier 2009, elle a encore prélevé 10'084 fr. 90 et, entre le 25 juin et le 8 septembre 2009, 11'940 fr. 75 ; or, il paraît peu vraisemblable qu'un séjour au Brésil, même de plusieurs semaines, ait coûté autant à la demanderesse.

d) En conclusion :

-        l'institution de prévoyance était autorisée à compenser, avec sa créance en restitution de l'indemnité indûment versée (83'625 fr.), un montant total de 21'628 fr. 10 (26 x 831 fr. 85), correspondant aux rentes dues du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2010 ;

-        la défenderesse n'était par contre plus autorisée à compenser le solde de sa créance en restitution de l'indemnité indûment versée à compter du 1er janvier 2011, en raison de la prescription de sa créance.

14.    Enfin, la demanderesse conclut au paiement d'intérêts moratoires à compter du 1er novembre 2008.

Selon la jurisprudence, un intérêt moratoire est dû, en matière de rente de prévoyance professionnelle, dès le jour du dépôt de la demande en justice, conformément à l'art. 105 al. 1 CO (ATF 119 V 131 consid. 4 c). A défaut de disposition réglementaire topique, le taux d'intérêt moratoire est de 5% (art. 104 al. 1 CO; ATF 130 V 421 consid. 5.1, 119 V 131 consid. 4d, 115 V 37 consid. 8c).

En l'espèce, les statuts ne contiennent aucune disposition à ce sujet de sorte qu'un intérêt moratoire de 5% ne peut être dû, au plus tôt, que dès le 23 décembre 2010, date du dépôt de la demande en justice.

Cependant, dès lors que la défenderesse ne doit verser aucune rente antérieurement au 1er janvier 2011, l'intérêt moratoire ne peut être fixé au 23 décembre 2010, soit avant que les rentes ne soient exigibles. Partant, la défenderesse sera condamnée au paiement de 20'796 fr. 25 (montant capitalisé des rentes minimales dues de janvier 2011 à janvier 2013 inclus) avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2012, date moyenne.

15.    Compte tenu des considérations qui précèdent, la demande du 23 décembre 2010 sera partiellement admise au sens des considérants.

La demanderesse, représentée par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, la défenderesse sera condamnée à lui verser une indemnité 2'000 fr., à titre de participation à ses frais et dépens (art. 89H al. 3 LPA ; ATAS/737/2008). Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

A la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Constate que la compensation avec les rentes dues de novembre 2008 à décembre 2010 est valable.

4.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse le montant de 20'796 fr. 25 (montant capitalisé des rentes minimales dues de janvier 2011 à janvier 2013 inclus), avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2012.

5.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse la rente mensuelle de 831 fr. 85 dès le 1er février 2013.

6.        Rejette la demande pour le surplus.

7.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.

8.      Dit que la procédure est gratuite.

9.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La Présidente

 

 

Juliana BALDE

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le