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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3745/2018

ATAS/31/2019 du 17.01.2019 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3745/2018 ATAS/31/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 janvier 2019

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ s’est inscrite à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) le 28 mai 2018 afin de bénéficier des indemnités journalières de chômage dès le 31 suivant. Elle a alors déclaré être actuellement malade et a produit un certificat d’arrêt maladie à 100% depuis le 24 mai 2018.

2.        Le 30 mai 2018, l’office régional de placement (ci-après : ORP) a informé l’assurée que le certificat médical limitait son incapacité totale de travail au 31 mai 2018 et qu’il lui appartiendra d’adresser cas échéant un nouveau certificat médical d’incapacité ou de reprise à partir du 1er juin 2018 audit office. Si son incapacité de travail totale devait dépasser un mois, son dossier sera fermé.

3.        Suite à la réception d’un certificat médical attestant une incapacité totale de travail jusqu’au 30 juin 2018, l’ORP a informé l’assurée le 2 juillet 2018 que son dossier avait été annulé au motif qu’elle avait présenté plus de 30 jours d’incapacité totale de travail.

4.        Le 6 juillet 2018, un arrêt de travail total jusqu’au 31 juillet 2018 a été attesté.

5.        Le 16 août 2018, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) a informé l’assurée que, dans la mesure où son arrêt de travail avait duré plus de 30 jours et excédait le droit à 44 indemnités au maximum durant un délai-cadre d'indemnisation, le versement des prestations s’interrompait. Elle lui a par ailleurs adressé un formulaire de demande de prestations cantonales en cas de maladie (ci-après : PCM).

6.        Par décision du 22 août 2018, le service des PCM a refusé à l’assurée ses prestations à compter du 2 juillet 2018 pour toute la durée de son incapacité de travail actuelle, au motif que les causes de celle-ci étaient intervenues avant son affiliation à l'assurance perte de gain.

7.        Par courrier du 29 août 2018, l’assurée a formé opposition à cette décision. Elle a mis en exergue que le refus des PCM la mettait dans une situation très précaire avec trois enfants mineurs à charge. Par ailleurs, le père de son troisième fils se trouvait également au chômage. De plus, elle n’avait pas été au courant qu’elle serait pénalisée du fait de sa maladie, à savoir un burn-out. Elle a enfin précisé que la situation chez son dernier employeur avait été insoutenable en raison de grandes pressions psychologiques.

8.        Le 31 août 2018, une incapacité de travail pour le mois d'août 2018 et une reprise de travail pour le 1er septembre suivant ont été attestées. L’assurée s’est réinscrite à l’ORP à la même date.

9.        Par décision du 12 octobre 2018, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assurée au motif qu’elle s’était retrouvée en incapacité de travail avant d’émarger à l’assurance-chômage et qu’un cas de rigueur n’était pas réalisé.

10.    Par acte posté le 24 octobre 2018, l’assurée a recouru contre la décision sur opposition, en concluant implicitement à son annulation et à l’octroi des PCM. Elle a allégué qu’elle réunissait toutes les conditions pour avoir droit à ces prestations. Depuis l’annonce de son licenciement, les conditions de travail étaient devenues insupportables avec des pressions psychologiques qui avaient provoqué une sévère dépression. Par ailleurs, depuis son inscription au chômage, personne ne l’avait informée qu’elle n’aurait pas droit aux PCM. Si elle avait su que ces prestations lui étaient refusées, elle aurait pris les mesures nécessaires afin d’éviter une telle situation. Ce n’était que deux mois après son inscription au chômage qu’elle avait appris le refus des PCM. Ce manque à gagner l’avait mise dans une situation financière très compliquée, de sorte qu’elle avait dû s’endetter. Du fait de l'absence d’informations elle se sentait lésée.

11.    Par écritures du 30 octobre 2018, l’assurée a complété son recours. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle était pénalisée, alors que son licenciement était la cause d’une sévère dépression, étant précisé que la résiliation était totalement injustifiée. Il était par ailleurs inacceptable que l’OCE ne l’eût pas informée dès le début qu’elle n’aurait pas droit aux PCM, alors qu’il était au courant de son arrêt maladie. Au contraire, on lui avait toujours confirmé que le service des PCM réglerait son cas. Cela étant, elle a requis qu’on lui expliquât pourquoi elle n’avait pas reçu les bonnes informations.

12.    Dans sa réponse du 22 novembre 2018, l’intimé a conclu au rejet du recours, tout en se référant à sa décision sur opposition quant aux motifs.

13.    Dans sa réplique postée le 18 décembre 2018, la recourante a repris ses précédents arguments et a notamment répété que, depuis le début de ses démarches d’inscription à l’OCE, aucun employé ne lui avait jamais mentionné qu’elle serait pénalisée de deux mois du fait de son incapacité de travail. Personne ne lui avait signalé qu’elle ne pourrait pas bénéficier des PCM. Du fait qu’elle avait reçu le refus des prestations seulement deux mois plus tard, elle avait été privée de deux mois de revenu. Or, elle n’avait commis aucune faute.

14.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 49 al. 3 LMC).

3.        L’objet du litige porte sur le droit de la recourante à des PCM dès le 22 juillet 2018.

4.        a. Au niveau fédéral, le droit à l'indemnité de chômage en cas d'incapacité de travail passagère est réglé à l'art. 28 LACI (ATF 126 V 127 consid. 3b). A teneur de l’alinéa 1er de cette disposition, les assurés qui, passagèrement, ne sont aptes ni à travailler, ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie (art. 3 LPGA), d’un accident (art. 4 LPGA) ou d’une grossesse et qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière fédérale s’ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité. Leur droit persiste au plus jusqu’au 30ème jour suivant le début de l’incapacité totale ou partielle de travail et se limite à 44 indemnités journalières durant le délai-cadre. L'art. 21 LACI prévoit que cinq indemnités journalières sont payées par semaine.

S’ils ne sont pas assurés à titre individuel auprès d’une assurance perte de gain privée, les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI peuvent se retrouver privés d’une compensation de leur perte de gain. C’est pourquoi, certains cantons ont institué une assurance sociale perte de gain en faveur des chômeurs, appelée à compléter les prestations servies par l’assurance-chômage (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 27 et 28 ad Art. 28, p. 287). Tel est le cas de Genève.

b. L’art. 8 LMC prescrit que peuvent bénéficier des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières fédérales pour maladie ou accident, conformément à l’art. 28 LACI.

Les prestations pour cause d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI (art. 12 al. 1 LMC). Les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’art. 28 LACI jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédéral (art. 15 al. 1 LMC). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI (art. 15 al. 2 LMC). Un délai d'attente de cinq jours ouvrables est applicable lors de chaque demande de prestations.

Il s'agit de prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale (voir art. 1 let. d LMC) qui relèvent du droit cantonal autonome et non pas du droit fédéral ou du droit cantonal d'exécution du droit fédéral (arrêt 8C_864/2012 du 26 février 2013 consid. 3).

Selon l’art. 13 LMC, le versement de prestations est exclu dans le cas où il peut être déterminé par l’autorité compétente que les causes de l’incapacité de travail sont intervenues avant l’affiliation à l’assurance, pour autant qu’elles aient été connues de l’assuré. Les cas de rigueur demeurent réservés. A noter que l’affiliation doit être interprétée comme le moment à partir duquel l’assuré est couvert par les PCM, soit depuis la date de l’ouverture du délai-cadre d’indemnisation (ATAS/81/2013 du 21 janvier 2013)

Selon l’art. 15 LMC, les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’article 28 de la loi fédérale jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédérale (al. 1). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’article 27 de la loi fédérale (al. 2).

5.        Les principes applicables en matière d’assurance privée s’appliquent à l’assurance perte de gain instaurée par la LMC (ATAS/663/2016 du 25 août 2016) ; dans ce domaine, un contrat d’assurance est nul si le risque assuré est déjà survenu avant la conclusion du contrat, conformément à l’art. 9 de la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (LCA – RS 221.229.1) ; un sinistre déjà survenu ne peut en principe pas être assuré (interdiction de l’assurance rétroactive). Si avant la conclusion du contrat, l’assuré a souffert d’une maladie pour laquelle, selon l’expérience médicale, il faut compter avec des rechutes (celles-ci apparaissant comme l’évolution normale de la maladie), le sinistre est déjà survenu, de sorte que les rechutes ne sont pas assurables. Le fait que les parties aient ou non connaissance de cette maladie au moment de la conclusion du contrat n’est pas déterminant (ATF 127 III 21 consid. 2b/aa).

6.        En l’occurrence, il n’est pas contesté que la recourante était en incapacité de travail depuis le 24 mai 2018, soit avant d’être au chômage à compter du 31 mai suivant.

Cela étant, les conditions légales pour bénéficier des PCM ne sont pas réalisées. En effet, comme cela résulte des dispositions légales précitées, ces prestations ne peuvent être versées que si la maladie survient après l’inscription au chômage. La raison en est que, comme pour toute assurance, le risque assuré (la maladie in casu) ne doit pas être réalisé avant la conclusion du contrat.

7.        La recourante reproche à l’intimé de ne pas l’avoir informée du fait qu’elle n’aurait pas droit aux PCM, alors qu’il était au courant de ce que son incapacité de travail avait commencé avant le début du chômage.

En premier lieu, il convient de relever que le droit cantonal, par lequel les PCM sont régies, ne prévoit aucun devoir d’information.

En tout état de cause, même si un tel devoir d’information existait, les employés de l’OCE n’avaient en principe aucune information à donner concernant le droit aux PCM. En effet, ils ne pouvaient savoir au départ combien de temps durerait l’incapacité de travail, celle-ci étant limitée d’abord au 31 mai 2018, puis ayant été prolongée d’un mois. Or, pendant les premiers 30 jours, les indemnités fédérales de chômage sont versées lors d'une incapacité de travail et une demande de PCM ne peut être formée qu'après l’épuisement de celles-ci.

8.        La recourante semble également reprocher à l’intimé de lui avoir causé un dommage, en omettant de l'informer sur l'absence de droit aux PCM.

a. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d’un comportement de l’administration susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6 ; ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les références citées).

 Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d’une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

b. En l’occurrence, l’intimé n’a donné aucun renseignement erroné, de sorte que les conditions de la bonne foi ne sont pas remplies.

En tout état de cause, même en cas de renseignement erroné, il est difficile de comprendre quel dommage la recourante aurait pu subir de ce fait, puisqu’elle était totalement incapable de travailler, selon ses certificats médicaux. Il ne dépendait ainsi pas de sa volonté de reprendre le travail ou pas, à moins de considérer que ses certificats d’arrêt de travail ne correspondaient pas à la réalité. De deux choses l'une: soit elle pouvait travailler, soit elle ne le pouvait pas. Par conséquent, on ne voit pas quelles mesures elle aurait pu prendre, afin d’éviter de se trouver sans prestations, si elle avait su que les PCM lui seraient refusées.

9.        La recourante met en exergue qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Toutefois, le refus des PCM ne constitue pas une sanction pour un comportement contraire aux obligations légales. Il n’en demeure pas moins que les conditions légales pour bénéficier des PCM ne sont pas réalisées en l'espèce.

10.    Enfin, un cas de rigueur permettant exceptionnellement de reconnaître un droit aux PCM, n’est pas donné. En effet, un cas de rigueur ne peut être retenu que dans des cas très exceptionnels, par exemple lorsque les assurés n’avaient pas conscience de ce que la cause de leur incapacité de travail était antérieure à l'inscription au chômage, comme dans le cas d'une grossesse, mais non pour tenir compte des difficultés financières d’un assuré (ATAS/663/2016 du 25 août 2016 consid. 11.a).

11.    Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

12.    La procédure est gratuite.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le