Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3654/2016

ATAS/255/2017 (3) du 30.03.2017 ( CHOMAG ) , REJETE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : AC ; DROIT CANTONAL ; MESURE RELATIVE AU MARCHÉ DU TRAVAIL ; PRESTATION D'ASSURANCE(AC) ; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL) ; RÉSILIATION ; JUSTE MOTIF
Normes : CO.337.1; LMC.48B.1;
Résumé : D'après l'art. 32 al. 2 LMC, si l'employeur met un terme au contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure au sens de l'art. 35, il est tenu de restituer à l'Etat la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'art. 337 CO (al. 2). Selon la jurisprudence de la chambre de céans, lorsque l'employeur ne licencie pas son employé concrètement sur la base de l'art. 337 CO, il renonce à se prévaloir d'un licenciement pour justes motifs, de sorte que des justes motifs au sens de l'art. 337 ne peuvent en principe pas être retenus. Cette jurisprudence est précisée dans le sens que sont réservés les cas, a priori rares, dans lesquels il est manifeste que l'employé a été licencié matériellement en raison d'un juste motif, immédiatement après le manquement reproché, quoiqu'à terme mais en étant libéré de l'obligation de travailler pendant le délai de congé. Dans une telle hypothèse (comme au demeurant dans celle, inverse, dans laquelle un licenciement immédiat formellement présenté comme tel apparaîtrait manifestement abusif), il pourrait se justifier que la chambre de céans vérifie, à titre préjudiciel, l'existence de justes motifs de licenciement pour juger de la validité d'une révocation ex tunc de l'ARE et de l'obligation de principe faite à l'employeur de restituer les ARE perçues.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3654/2016 ATAS/255/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mars 2017

 

 

En la cause

A______ SA, sise à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Albert J GRAF

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Par demande du 16 mars 2015, A______ SA (ci-après : l’employeur, puis la recourante) a requis l’octroi d’allocations de retour en emploi (ARE) en faveur de Monsieur  B______ (ci-après: l'employé) pour une durée de 24 mois à compter du 8 avril 2015. Selon le contrat de travail daté du 18 mars 2015, l’employé était engagé en qualité de technicien d’exploitation pour une durée indéterminée, avec un temps d’essai de trois mois. Il est par ailleurs précisé dans la demande d’ARE que l’employeur s’engage à rembourser les ARE si le contrat de travail est résilié avant la fin de la durée totale de la mesure ou dans les trois mois suivants, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un licenciement pour justes motifs au sens de l’art. 337 du Code des obligations (CO). L'employeur s'engageait également à informer l’autorité compétente de toute modification du contrat ARE et de l’échec de l’ARE avant un éventuel licenciement.

2.        Par décision du 27 mai 2015, l’office cantonal de l’emploi (OCE) a octroyé à l’employeur les ARE requises pour la période du 1er juin 2015 au 31 mai 2017.

3.        Par courrier du 20 avril 2016, l’employeur a résilié le contrat de travail pour le 31 mai 2016, en se référant à un entretien du même jour. Il a par ailleurs libéré l’employé de l'obligation de travailler durant le délai de congé.

4.        Par décision du 8 juin 2016, l’OCE a révoqué l’octroi des ARE et a demandé la restitution des sommes d’ores et déjà versées à ce titre de CHF 42'900.-. Cette décision est motivée par la résiliation du contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure, sans que des justes motifs de résiliation ne soient invoqués.

5.        Par acte du 6 juillet 2016, l’employeur a formé opposition à cette décision, par l’intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation. Il a fait valoir que le conseiller de l’OCE qu’il avait rencontré avant d’engager son employé, ne l’avait jamais informé de l’obligation de rembourser les ARE en cas de licenciement anticipé. S’il avait su, il n’aurait jamais accepté de conclure le contrat de travail en cause, dès lors qu’il ne savait pas si l’employé présentait les compétences nécessaires pour le poste. Il s’était par ailleurs rapidement avéré que l'employé était complètement incompétent et ainsi totalement inutile pour l’entreprise, indépendamment du fait qu’il ne montrait strictement aucune motivation. Il s’était constamment trompé et avait laissé passer des erreurs flagrantes sur les chantiers, ce qui mettait en péril la réputation et l’avenir de l’entreprise. A quatre reprises, il avait été averti oralement, la dernière fois une semaine avant le licenciement. Il n’avait notamment pas respecté son cahier des charges, à savoir le contrôle des chantiers avant la pose de la cuisine. Ses innombrables oublis et nombreuses erreurs à des endroits de pose pour l’axe d’écoulement, les prises électriques et les tuyaux de ventilation avaient eu pour conséquence des arrêts de chantiers et des retards avec des coûts supplémentaires conséquents. Il n’avait pas non plus contrôlé les chantiers après la pose ou seulement superficiellement. Il avait été incapable de suivre le planning de poses et les lieux d’intervention des monteurs. Lors de la coordination des travaux sur le chantier « Allaman », il avait notamment commis une faute grave en omettant de se rendre au rendez-vous de chantier pour suivre l’évolution de celui-ci, de sorte que l’employeur avait livré les cuisines, alors que les fenêtres n’avaient même pas encore été posées. L’employeur avait dû laisser la livraison en gardiennage spécial dans des containers avec des frais importants. Le licenciement était dès lors inévitable pour la bonne marche et la survie de l’entreprise. L’employeur a également fait valoir que le remboursement le mettrait dans une situation financière difficile, étant précisé que la société employait dix personnes.

6.        Par décision du 23 septembre 2016, l’OCE a rejeté l’opposition, considérant qu’il s’agissait d’un licenciement moyennant un délai de congé légal ordinaire et que l’employeur avait été informé des conditions d’octroi des ARE, lesquelles figuraient sur le formulaire pré-imprimé relatif à la demande qu’il avait signée le 16 mars 2015.

7.        Par acte du 25 octobre 2016, l’employeur a recouru contre cette décision, par l’intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation sous suite de dépens. La recourante a mis en exergue avoir rencontré le conseiller de l’intimé avant de consentir à engager l'employé. Or, ce conseiller n’avait jamais évoqué l’obligation éventuelle de remboursement des ARE en cas de licenciement nécessaire et anticipé. Dans ces conditions, elle n’aurait pas accepté de l’engager, dès lors que l'employé n’avait qu’une formation dans le nettoyage, alors que la recourante installait des cuisines. Rapidement après son emploi, il s’était avéré que l'employé était complètement incompétent pour le poste engagé et ainsi inutile à l’entreprise, nonobstant un salaire confortable. Il manquait également de toute motivation, se trompait constamment et laissait des erreurs flagrantes passer sur tous les chantiers, mettant en péril la réputation et l’avenir de l’entreprise. A quatre reprises, il avait été averti oralement par Monsieur C______, une dernière fois une semaine avant le licenciement. La recourante a enfin rappelé les nombreux manquements évoqués dans son opposition. Ainsi, le licenciement s’imposait et il n’y avait pas lieu de pénaliser la recourante du fait qu’elle n’avait pas mis à la porte l'employé séance tenante, comme elle aurait été en droit de le faire. Par ailleurs, le remboursement de la somme requise la mettrait dans une situation financière difficile et provoquerait le licenciement des dix employés.

8.        A l'appui de son recours, la recourante a annexé les notes relatives aux entretiens avec "D______" en dates des 29 février et 15 mars 2016.

La note du 29 février 2016 a la teneur suivante:

"Content qu'il trouve la paix dans sa vie privée, du coup plus agréable au bureau et s'investi (sic) plus

Ok

Important pour moi lorsque tu parles surtout à E______, de parler propre sans monter le ton, en général langage vulgaire me dérange, ainsi que les couinements

Par content mais c'est dit

Bureau sera peut-être déplacé

Approuvé et ok avec le fait qu'pas (sic) besoin d'ordinateur Il enverra les photos des chantier par WhatsApp aux filles

L'aider pour les prises de côtes, je vais t'accompagner pour te montrer. Demande-moi si tu désires des explications ou des éclaircissements

Ok j'irai avec lui sur les prochains chantiers lui expliquer encore une fois comment faire des relevés

Gestion du temps

Comme indiqué sur cahier des charges:

Entretien chantiers avec le bureau 11 à 12h00 et 1600 (sic) et 17h00 Arrêter les interruptions

J'espère qu'il a compris qu'il fallait respecter cette marche à suivre pour ne pas déranger les filles à tous moments

Arrêter les entretiens de tout et rien à longeur de journée

Ok, j'espère qu'il a bien compris"

 

La note afférente à l'entretien du 15 mars 2016 est libellée comme suit:

"Mail 29-eme

Relevé écoulement à 800

Avancée meuble de40 mn (sic)

Finalement écoulement ok

 

1.      Erreur au relevé?

2.      Commande erronée 40 mm Combien mesure un Geberit?

3.      Commande coûteuse/spéciale Armoire et PT

4.      Pas de contrôle de chantier Puisque écoulement finalement ok mais pas de changement ! pas d'info

5.      Pas de préoccupation livraison armoire rentre pas dans la cuisine?

6.      Problème survenu mercredi et on s'inquiète en passant contrôler jeudi après-midi alors que E______ pause jeudi matin Poseur sans information de la situation !?

7.      Je me déplacer (sic) et constate que tout est normal

°Chantier Petit Sen ! Hotte de ventilation

 

°Livraison Montoie - Pas aux normes-dangereux ! avisé personne décision délibérée!"

9.        Dans sa réponse du 14 novembre 2016, l’intimé a conclu au rejet du recours. La recourante ne pouvait ignorer les conséquences d’un licenciement anticipé, dans la mesure où c’était précisé sur le formulaire pré-imprimé relatif à la demande d’ARE qu’elle avait signé. Les motifs avancés par la recourante ne constituaient par ailleurs pas de justes motifs de licenciement au sens de la loi. Au demeurant, peu importait qu’il y avait des justes motifs ou non, dans la mesure où l’employé avait été licencié moyennant un délai de congé d’un mois. On se demandait par ailleurs pourquoi la recourante n’avait pas mis fin aux rapports de travail durant la période d’essai de trois mois, alors même que, selon ses propres dires, l’employé s’était avéré totalement incompétent au poste pour lequel il avait été engagé. Quant à la remise de l’obligation de restituer, cette question devait être tranchée dans une procédure distincte et ne faisait pas l’objet de la présente procédure.

10.    Dans sa réplique du 8 décembre 2016, la recourante a persisté dans ses conclusions. Le libellé du formulaire pré-imprimé pour demander les ARE était pour le moins insolite et difficile à comprendre pour un employeur qui ne pensait être lié que par les règles du droit du travail. Cette clause aurait dû être mise en avant en gras. A cela s’ajoutait que le conseiller de l’intimé la passait systématiquement sous silence, sachant que les employeurs potentiels renonceraient à signer une clause aussi contraignante. Cette clause était ainsi nulle. Par ailleurs « rapidement après la prise d’emploi » ne signifiait pas « dans le temps d’essai ». La recourante était un employeur bienveillant qui mettait la mauvaise exécution du travail sur le compte d’erreurs de débutant et qui donnait un droit à l’adaptation. Ainsi, ce n’est qu’après le temps d’essai qu’elle s’était rendu compte de l’incompétence et de l’absence de motivation crasse de son employé, rendant toute collaboration impossible, sans mettre en péril l’entreprise.

11.    Lors de son audition en date du 2 février 2017, M. C______ a représenté la recourante et a déclaré ce qui suit:

"Je ne me rappelle plus en quel mois l’erreur sur le chantier Allaman s’était produite.

Nous avons résilié le contrat de travail le 20 avril 2016 en raison du fait que M. B______ avait commis de nouvelles erreurs et ne s’était absolument pas amélioré, en dépit des avertissements."

"Concernant l’entretien du 29 février 2016, je précise que M. B______ passait plus de temps à parler avec les employées qu’à travailler, au point qu’il était question de déplacer son bureau.

Par ailleurs, nous lui avons donné deux tranches horaires pendant lesquelles il pouvait téléphoner au bureau, au lieu de déranger les collaborateurs sans cesse.

L’entretien du 15 mars 2016 met en évidence que cet employé n’avait pas contrôlé le chantier, notamment pas l’emplacement de l’écoulement qui était à l’opposé de l’endroit où il l’avait prévu. S’il est indiqué dans le procès-verbal « écoulement finalement ok », cela signifie que nous avons pu déplacer l’écoulement. Il y avait aussi un problème avec une armoire qui n’entrait pas dans la cuisine, ce dont notre employé ne s’était absolument pas préoccupé.

Il ressort aussi de ce procès-verbal que le monteur de la cuisine n’avait pas été avisé du problème avant son arrivée. Par exemple, l’armoire ne passait même pas par la porte de la cuisine.

Concernant « chantier Petit Sen ! Hotte de ventilation », M. B______ n’avait pas contrôlé la ventilation de la maison, de sorte que la hotte ne pouvait pas être installée en raison d’un tuyau qui gênait.

Pour la livraison à Montoie, l’employé n’avait pas avisé les monteurs que la cuisine à installer dans un appartement en attique était uniquement accessible par une échelle branlante, l’escalier n’ayant pas encore été posé. Il était impossible dans ces conditions d’installer la cuisine.

Cet employé n’avait aucune prise de conscience et ne réfléchissait sur rien.

C’est à la suite de ces erreurs répétées que nous avons décidé de le licencier en le libérant de l’obligation de travailler durant le délai de congé.

M. B______ aurait en principe dû avoir les compétences nécessaires pour faire le travail pour lequel il avait été engagé. En effet, il sortait d’une entreprise où il devait contrôler 300 personnes. Son travail pour nous consistait dans le contrôle des chantiers et de la pose des cuisines, ainsi que le contrôle des employés.

Par ailleurs, le travail lui avait été expliqué par les monteurs et moi-même à plusieurs reprises. Finalement, ses erreurs devenaient tellement graves que nous avions peur de ça finisse mal.

Nous n’avons pas licencié M. B______ plus tôt alors même qu’il ne nous donnait pas satisfaction depuis un certain moment, pour des questions d’humanité et pour lui laisser une chance. Nous avions par ailleurs absolument besoin de quelqu’un à ce poste qui est un poste clé dans notre entreprise. Je me rappelle d’avoir eu un entretien avec cet employé encore dix jours avant son licenciement. Rien n’avait changé suite à cet entretien. Il ne contrôlait pas les monteurs et cela devenait de pire en pire, ce qui explique que nous l’avons libéré de l’obligation de travailler durant le délai de congé. Nous ne pouvions en effet plus le supporter, indépendamment du fait que ce manque de contrôle était dangereux et pouvait engager la responsabilité de l’entreprise.

J’ignorais que j’aurais pu licencier cet employé sans respecter le délai de congé, s’il y a des justes motifs. Il me semble que je ne pouvais pas faire autrement que respecter ce délai de congé."

L'intimé n'a pas contesté, lors de cette audience, que l'employé avait commis des erreurs dans l'accomplissement de ses tâches.

12.    Le 6 février 2017, l'intimé a transmis à la chambre de céans la dernière version des décisions d'octroi des ARE, sur laquelle est indiquée à la fin, avant la mention des voies de droit, sous la mention en gras "Informations importantes", l'engagement de l'employeur de rembourser les ARE si le contrat est résilié après la période d'essai mais avant la fin de la durée totale de la mesure ou dans les trois mois suivants, pour autant qu'il ne s'agisse pas d'un licenciement pour justes motifs.

13.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 49 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (cf. art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.        Est litigieuse en l’espèce la question de savoir si la recourante est tenue de rembourser les ARE reçues pendant la durée d'engagement de son employé.

4.        La loi genevoise en matière de chômage vise à favoriser le placement rapide et durable des chômeurs dans le marché de l'emploi et à renforcer leurs compétences par l'octroi de mesures d'emploi, de formation et de soutien à la réinsertion. Elle institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale (art. 1 let. b à d LMC).

Les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales peuvent ainsi bénéficier d'une ARE, s'ils retrouvent un travail salarié auprès d'une entreprise active en Suisse (art. 30 LMC).

A teneur de l’art. 32 LMC, l’octroi de la mesure est subordonné à la production, avant la prise d'emploi, d’un contrat de travail à durée indéterminée (al. 1). Si l'employeur met un terme au contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure au sens de l'art. 35, il est tenu de restituer à l'Etat la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'art. 337 CO (al. 2).

5.        Dans la mesure où le droit des assurances sociales fait référence à des notions du droit civil, celles-ci doivent en principe être comprises en fonction de ce droit (cf. ATF 121 V 127 consid. 2c/aa et les arrêts cités). Sauf disposition contraire, on présume que, lorsqu’il fixe des règles relatives, par exemple, aux effets du mariage, de la filiation ou aux droits réels, le législateur, en matière d’assurances sociales, a en vue des institutions organisées par les divers domaines du droit civil à considérer (ATFA non publié du 25 avril 2002, P 41/9, consid. 2).

Selon l'art. 337 al. 1 CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande.

Aux termes de l'alinéa 2 de cette disposition, sont notamment considérés comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail.

Conformément à l'alinéa 3 de cette disposition, le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tels le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler.

L'art. 337 al. 1 CO est une mesure exceptionnelle. La résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l'abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382). Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l'équité déterminants selon l'art. 4 CC, si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). A cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354; arrêt du Tribunal fédéral A4_137/2014 du 10 juin 2014).

Les justes motifs doivent être invoqués sans tarder sous peine de forclusion (ATF 112 II 41; ATF 123 III 86).

6.        Selon la jurisprudence de la chambre de céans, lorsque l’employeur ne licencie pas son employé concrètement sur la base de l’art. 337 CO, il renonce à se prévaloir d’un licenciement pour justes motifs, de sorte que des justes motifs au sens de l’art. 337 ne peuvent pas être retenus (ATAS/505/2016 du 28 juin 2016 consid. 6c ; ATAS/376/2016 du 17 mai 2016 consid. 6a ; ATAS/61/2016 du 26 janvier 2016 consid. 11 ; ATAS/102/2016 du 4 février 2016 consid. 7 ; ATAS/158/2016 du 1er mars 2016 consid. 13).

L'art. 32 al. 2 LMC¸ selon lequel sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'art. 337 CO (al. 2), pourrait être interprété différemment dans le sens que qu'il n'est pas exigé que la résiliation soit intervenue formellement pour justes motifs, pourvu que cela soit le cas matériellement, en s'inspirant de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant les allocations d’initiation de travail (AIT) réglées par les art. 65 s. de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0). Notre Haute Cour a jugé qu'il n’est pas exclu de considérer une résiliation comme étant survenue pour de justes motifs, même si cela n’est pas mentionné dans la lettre de résiliation, pour autant que les motifs invoqués par la suite fassent apparaître comme non exigible la continuation des rapports de travail (ATF 126 V 42 consid. 3 p. 46 s. ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales C_15/05 du 23 mars 2006 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales C_14/02 du 10 juillet 2002 consid. 4). Il faut toutefois que les justes motifs invoqués après la résiliation soient en étroite corrélation avec les motifs figurant dans la lettre de licenciement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales C_14/02 op. cit. 4.2). Dans les arrêts cités, notre Haute Cour n’a cependant pas admis que les motifs invoqués dans les cas particuliers constituaient des justes motifs au sens de l’art. 337 CO.

Il y a toutefois une différence entre les AIT et les ARE, dès lors que la révocation ex tunc de la mesure et, partant, l’obligation des restituer les montants reçus, en cas de résiliation sans justes motifs, résulte pour les ARE de la loi elle-même (art. 32 al. 2 LMC), en plus de figurer dans le formulaire de demande d’une ARE et, depuis récemment, dans la décision d’octroi de l’ARE, alors cette obligation est stipulée pour les AIT uniquement dans une clause accessoire contractuelle entre l'employeur et l'OCE (ATAS/40/2015 du 20 janvier 2015 consid. 7 à 8).

Par ailleurs, les justes motifs de licenciement doivent être invoqués sans délai ; on ne voit pas pourquoi, de façon générale, l’employeur pourrait le faire ultérieurement, devant la chambre de céans, pour contester la révocation des ARE octroyées et la demande de restitution des ARE versées ; le risque d’invocation abusive ou opportuniste de tels motifs ne serait pas négligeable. En outre, l’employeur requérant des ARE s’engage à contacter l’OCE avant tout licenciement d’un salarié pour lequel des ARE sont versées, ce qui doit lui permettre d’obtenir de l'OCE l’accord de licencier le salarié et, en conséquence, l’assurance de n’avoir pas à restituer les ARE perçues, dans des cas limite et compte tenu des circonstances concrètes.

Pour ces raisons, la chambre de céans, réunie en plénum, décide de maintenir sa jurisprudence, sur le plan du principe. Elle réserve cependant les cas, a priori rares, dans lesquels il est manifeste que l'employé a été licencié matériellement en raison d'un juste motif, immédiatement après le manquement reproché, quoiqu’à terme mais en étant libéré de l'obligation de travailler pendant le délai de congé. Dans une telle hypothèse (comme au demeurant dans celle, inverse, dans laquelle un licenciement immédiat formellement présenté comme tel apparaîtrait manifestement abusif), il pourrait se justifier que la chambre de céans vérifie, à titre préjudiciel, l’existence de justes motifs de licenciement pour juger de la validité d’une révocation ex tunc de l’ARE et de l’obligation de principe faite à l’employeur de restituer les ARE perçues.

7.        Aux termes de l'art. 48B al. 1 LMC, en cas de violation de la loi, de son règlement d’exécution ou des obligations contractuelles mises à charge du bénéficiaire de la mesure, de l’entité utilisatrice ou de l'employeur, l’autorité compétente peut révoquer sa décision d’octroi et exiger la restitution des prestations touchées indûment.

Elle peut renoncer à exiger la restitution sur demande de l’intéressé lorsque celui-ci est de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation financière difficile (art. 48B al. 2 LMC).

8.        En l’occurrence, la recourante était au bénéfice des ARE du 1er juin 2015 au 31 mai 2017. Elle a résilié le contrat de travail le 20 avril 2016 pour le 31 mai suivant, tout en libérant l’employé de l'obligation de travailler durant le délai de congé. Dans sa lettre de résiliation, elle n’a pas indiqué de motif et s’est référée uniquement à un entretien du même jour.

Cela étant, il appert que la recourante n’a pas respecté la loi, en résiliant le contrat de travail avant la fin de la mesure.

9.        En premier lieu, la recourante reproche à l’intimé de ne pas l’avoir rendue attentive à l’obligation de restituer les ARE en cas de résiliation du contrat avant la fin de la mesure.

Il convient de relever en premier lieu que cette sanction est prescrite par la loi. Par ailleurs, dans la demande signée par la recourante le 16 mars 2015, il est expressément indiqué que l’employeur s’engage à rembourser les ARE sur décision de l’autorité compétente, si le contrat de travail est résilié avant la fin de la durée totale de la mesure ou dans les trois mois suivants, à moins qu’il ne s’agisse d’un licenciement pour justes motifs au sens de l’art. 337 CO. L’employeur s’engage également dans cette demande à informer l’autorité compétente de l’échec de l’ARE avant un éventuel licenciement.

Partant, il sied d’admettre que la recourante a été rendue attentive à l'obligation légale de garder l'employé durant la durée de la mesure et les trois mois suivants et qu'elle a également été avertie des sanctions liées à une résiliation anticipée du contrat.

Ce grief est ainsi infondé.

10.    L’employé ayant en l’espèce été licencié à terme, le 20 avril 2017 pour le 31 mai 2016, la chambre de céans – en vertu de sa jurisprudence précitée, confirmée sur le plan du principe – n’a à examiner si la recourante avait de justes motifs de le licencier au sens de l’art. 337 CO qu’en présence de circonstances exceptionnelles, telles qu’évoquées ci-dessus. Or, de telles circonstances ne sont pas remplies.

En effet, contrairement à la jurisprudence précitée de la chambre de céans, l'employeur n’a pas invoqué les justes motifs dans sa lettre de licenciement, de sorte qu'il n'appartient en principe pas à la chambre de céans d'examiner si de tels motifs sont réalisés in casu.

Qui plus est, la recourante n’a pas satisfait à son obligation d’informer l'OCE avant le licenciement. Si elle avait agi conformément aux instructions, l’autorité compétente aurait pu lui indiquer la marche à suivre pour éviter tout problème en termes d’ARE (ATAS/1258/2014).

Il n'y a pas non plus lieu de permettre à la recourante de se prévaloir exceptionnellement d'un juste motif de résiliation, Enfin, même si elle a libéré son employé de l'obligation de travailler durant le délai de congé, il n'est pas manifeste qu’elle disposait, matériellement, d’un motif de licenciement immédiat, dès lors qu'aucun manquement particulièrement grave, comme sur les chantiers Allaman, Petit-Sen et Montoie, ne s'était produit juste avant le licenciement. L'instruction de la cause n'a pas non plus permis d'établir quelle était l'erreur précise reprochée à l'employé, immédiatement avant son licenciement. Á cela s'ajoute qu'il n'est pas non plus prouvé que la recourante ait menacé l'employé d'une résiliation avec effet immédiat lors des précédents manquements. Des notes d'entretien, il résulte uniquement que l'employé a commis des erreurs et mal exécuté son travail, mais non pas qu'une résiliation avec effet immédiat lors du prochain manquement lui avait été annoncée.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que l’ARE octroyée a été révoquée ex tunc et que la restitution de l’ARE a été réclamée, étant précisé – sans préjuger de la question – qu’une remise de l’obligation de restituer peut faire fait l’objet d’une procédure distincte (art. 48B al. 2 LMC).

11.    Le recours sera par conséquent rejeté.

12.    La procédure est gratuite.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le