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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3162/2015

ATAS/102/2016 du 04.02.2016 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3162/2015 ATAS/102/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 février 2016

3ème Chambre

 

En la cause

RESTAURANT LE A______, Madame B______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael LAVERGNAT

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis, rue des Gares 16, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Le 23 janvier 2014, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a reçu de la part du restaurant Le A______ (ci-après : le restaurant ou l’employeur) une demande d’allocation de retour en emploi (ci-après : ARE) en faveur de Monsieur  C______ (ci-après : l’employé), pour une durée de douze mois et une activité de serveur à plein temps, rémunérée CHF 4'500.- par mois.

2.        Le formulaire de demande d’ARE rempli et signé par l’employeur précisait en son point 5 :

«  L’employeur s’engage à

-            conclure avec l’employé un contrat de travail à durée indéterminée et, dans le cas où une période d’essai est prévue, à la limiter si possible à un mois. A l’issue de la période d’essai, si le contrat de travail est résilié avant la fin de la durée totale de la mesure ou dans les 3 mois suivants, rembourser les allocations sur décision de l’autorité compétente, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un licenciement pour justes motifs au sens de l’art. 337 CO.

-            informer l’autorité compétente de toute modification du contrat ARE et de l’échec de l’ARE avant un éventuel licenciement (…) ».

3.        Par décision du 30 mai 2014, le service des emplois de solidarité de l’OCE a, sur préavis favorable de la Commission tripartite, accédé à la demande du restaurant pour la période allant du 29 mai 2014 au 28 mai 2015.

4.        Par courrier du 11 novembre 2014, le restaurant a résilié le contrat de travail de l’employé avec effet au 31 décembre 2014.

5.        Par courriel du 12 novembre 2014, l’employeur avait notamment expliqué que l’employé n’avait pas respecté les horaires de travail, malgré de nombreux avertissements, et qu’il avait en outre pris des congés non accordés en se faisant porter malade.

6.        Par décision du 28 mai 2015, le service des emplois de solidarité de l’OCE a révoqué sa décision du 30 mai 2014 et sollicité de l’employeur la restitution de CHF 20'812.30, montant reçu au titre de l’ARE de mai à décembre 2014.

7.        Le 2 juin 2015, l’employeur s’est opposé à cette décision en alléguant en substance avoir agi dans le cadre d’une résiliation pour justes motifs.

Pour l’employeur, Madame B______ a notamment indiqué que l’assuré n’avait pas respecté ses horaires de travail, qu’il avait pris des commandes sans y être autorisé, qu’il avait tardé à servir des clients, qu’il ne supportait aucun ordre, qu’il lui avait fait perdre des clients par ses absences et son arrogance et qu’il avait passé son temps sur son téléphone portable. Au surplus, l’intéressé s’était prévalu d’un arrêt maladie lorsqu’un jour de congé lui avait été refusé.

À bout de patience, Mme B______ s’était renseignée auprès d’un collaborateur de la convention collective nationale de travail (CCNT) qui lui avait conseillé d’attendre que l’assuré revienne à son poste pour trouver un arrangement à l’amiable. Mais à son retour, l’intéressé avait refusé toute discussion, était retombé malade et ne s’était plus présenté sur son lieu de travail. Malgré plusieurs tentatives, elle n’était jamais parvenue à rentrer en contact avec lui. La situation étant devenue intenable, elle l’avait licencié moyennant un délai de congé d’un mois.

8.        Par décision du 24 août 2015, l’OCE a rejeté l’opposition et confirmé la décision du 28 mai 2015.

L’OCE a convenu que l’employeur disposait d’un juste motif pour résilier avec effet immédiat les rapports de travail mais a constaté qu’il avait malgré tout choisi la voie du licenciement ordinaire, renonçant ainsi à se prévaloir d’un licenciement pour justes motifs, de sorte que le service des emplois de solidarité était fondé à révoquer sa décision d’octroi d’ARE et à en demander le remboursement.

9.        Par écriture du 16 septembre 2015, l’employeur a interjeté recours contre cette décision en concluant à son annulation avec suite de frais et dépens.

En substance, le recourant s’étonne que l’intimé persiste à lui réclamer la restitution du montant litigieux alors qu’il admet qu’il existait bel et bien de justes motifs pour licencier l’employé (retards récurrents, refus persistant de se conformer aux instructions, congés pris unilatéralement et recours à des certificats de complaisance, attitude inadéquate vis-à-vis de la clientèle).

Pour le surplus, le recourant rappelle que l’autorité compétente peut renoncer à exiger la restitution lorsque l’intéressé est de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation financière difficile, ce qui est son cas.

Le recourant invoque enfin l’ambiguïté du formulaire de demande d’ARE. Selon lui, on peut comprendre que le contrat ne peut être résilié dans les trois mois suivant l’engagement (et non pas la fin de la mesure).

10.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 14 octobre 2015, a conclu au rejet du recours.

L’intimé relève que l’employeur aurait pu prendre contact avec le service des emplois de solidarité pour se renseigner avant de procéder à la résiliation des rapports de travail.

Il fait remarquer qu’il n’est pas lié par les informations fournies à l’employeur par les organes de la CCNT, ce d’autant plus que l’ARE n’a semble-t-il pas été évoquée.

S’agissant du formulaire de demande d’ARE, l’intimé considère que le libellé du point 5 ne prête pas à controverse.

Pour le reste, il rappelle que les questions relatives à la bonne foi et à la situation financière difficile de l’employeur n’ont pas à être abordées au stade de la décision en restitution mais pourront l’être à un stade ultérieur, dans le cadre de l’examen de la remise de l’obligation de restituer, question relevant de la compétence du service des emplois de solidarité.

11.    Par écriture du 23 octobre 2015, l’employeur a indiqué ne rien avoir à ajouter.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 3 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 49 al. 3 de la loi en matière de chômage, du 11 novembre 1983, en matière de prestations cantonales complémentaires (LMC ; J 2 20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LMC ne contenant aucune norme de renvoi à la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), cette dernière n'est pas applicable (art. 1 et 2 LPGA).

3.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA ; E 5 10]).

4.             La loi genevoise en matière de chômage vise à favoriser le placement rapide et durable des chômeurs dans le marché de l'emploi et à renforcer leurs compétences par l'octroi de mesures d'emploi, de formation et de soutien à la réinsertion. Elle institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale (art. 1 let. b à d LMC).

Les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales peuvent ainsi bénéficier d'une allocation de retour en emploi (ARE), s'ils retrouvent un travail salarié auprès d'une entreprise active en Suisse (art. 30 LMC).

A teneur de l’art. 32 LMC, l’octroi de la mesure est subordonné à la production, avant la prise d'emploi, d’un contrat de travail à durée indéterminée (al. 1). Si l'employeur met un terme au contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure au sens de l'art. 35, il est tenu de restituer à l'Etat la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'art. 337 CO (al. 2).

5.             Dans la mesure où le droit des assurances sociales fait référence à des notions du droit civil, celles-ci doivent en principe être comprises en fonction de ce droit (cf. ATF 121 V 127 consid. 2c/aa et les arrêts cités). Sauf disposition contraire, on présume que, lorsqu’il fixe des règles relatives, par exemple, aux effets du mariage, de la filiation ou aux droits réels, le législateur, en matière d’assurances sociales, a en vue des institutions organisées par les divers domaines du droit civil à considérer (ATFA non publié du 25 avril 2002, P 41/9, consid. 2).

Selon l'art. 337 al. 1 CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande.

Selon l'al. 2 de cette disposition, sont notamment considérés comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail.

Selon l'al. 3 de cette disposition, le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tels le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler.

L'art. 337 al. 1 CO est une mesure exceptionnelle. La résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l'abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382). Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l'équité déterminants selon l'art. 4 CC, si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). A cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354; arrêt du Tribunal fédéral A4_137/2014 du 10 juin 2014).

Les justes motifs doivent être invoqués sans tarder sous peine de forclusion (ATF 112 II 41; ATF 123 III 86).

6.             Aux termes de l'art. 48B al. 1 LMC, en cas de violation de la loi, de son règlement d’exécution ou des obligations contractuelles mises à charge du bénéficiaire de la mesure, de l’entité utilisatrice ou de l'employeur, l’autorité compétente peut révoquer sa décision d’octroi et exiger la restitution des prestations touchées indûment.

Elle peut renoncer à exiger la restitution sur demande de l’intéressé lorsque celui-ci est de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation financière difficile (art. 48B al. 2 LMC).

7.             En l'espèce, il est établi que l'employeur a résilié le contrat de travail pour le 31 janvier 2014, soit avant l'échéance de la période d'ARE, qui intervenait le 11 février 2014.

Le recourant allègue n’avoir pas compris les termes de son engagement tels que rappelés au point 5 du formulaire de demande d’ARE, dont il allègue qu’il serait ambigu.

Cet argument ne saurait convaincre. En effet, le point 5 en question précise clairement que le contrat de travail ne peut être résilié  « avant la fin de la durée totale de la mesure ou dans les 3 mois suivants ». Les termes employés - plus particulièrement le fait que la durée totale de la mesure est évoquée - ne laissent aucune place à l’ambiguïté.

Qui plus est, obligation est également faite à l’employeur d’informer l’autorité compétente avant un éventuel licenciement, ce que n’a pas fait l’employeur. Au lieu de cela, il s’est tourné vers la CCNT. S’il avait agi conformément aux instructions, l’autorité compétente aurait pu lui indiquer la marche à suivre pour éviter tout problème en termes d’ARE (ATAS/1258/2014).

Le recourant invoque le fait qu'il avait de justes motifs pour résilier le contrat de l'employé avant l'échéance de l'ARE et qu'il ne serait, de ce fait, pas tenu de restituer les allocations touchées.

Peu importe qu’il existe ou non de justes motifs en l’occurrence dans la mesure où, quoi qu'il en soit, l'employé n'a concrètement pas été licencié sur la base de l'art. 337 CO. Force est de constater que, dans les faits, l'employeur a renoncé à se prévaloir d'un licenciement pour justes motifs, dont on rappellera qu’ils doivent être invoqués sans tarder sous peine de forclusion.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que la restitution de l’ARE a été réclamée, étant précisé que la question de la remise de l’obligation de restituer fait l’objet d’une procédure distincte. L’intimé prendra soin de faire suivre la demande d’ores et déjà formulée par le recourant à l’autorité compétente afin que cette dernière se détermine une fois la décision en restitution entrée en force.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'Etat à l'économie par le greffe le