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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/804/2020

ATAS/1211/2020 du 15.12.2020 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/804/2020 ATAS/1211/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 décembre 2020

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à THÔNEX

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Par demande déposée le 28 février 2017 et reçue le 14 mars suivant par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC, le service ou l'intimé), Monsieur A______ (ci-après : l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1994, a sollicité de cette autorité des prestations complémentaires à l'AVS/AI (ci-après : PC).

2.        Le SPC a reçu de l'intéressé, le 20 mars 2018, une attestation d'immatriculation à la Haute école de gestion (HEG) établie le 19 février 2018 et, le 14 juin 2018, un ordre de marche pour le service militaire en Suisse pour la période du 25 juin au 26 octobre 2018.

3.        À compter du 1er juillet 2018, des prestations complémentaires fédérales
(ci-après : PCF) et des prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC) ont été versées à l'assuré.

4.        Par décision du 8 février 2019, le SPC, indiquant avoir appris que celui-ci n'était plus titulaire d'une rente AVS/AI, a interrompu le versement de ses PC dès le 30 juin 2018, et, considérant que des prestations, consistant en des PCF et des PCC, lui avaient été versées en trop entre le 1er juillet 2018 et le 28 février 2019, a exigé de lui le remboursement de la somme totale de CHF 5'674.- résultant d'un décompte.

Par décision du 11 février 2019, le service, considérant que des subsides d'assurance-maladie avaient été versés indûment selon un décompte en 2018 et 2019, a réclamé à l'intéressé le remboursement du montant total de CHF 3'779.50.

À la fin de chacune de ces décisions était mentionnée la possibilité d'une demande de remise.

5.        Par lettre du 25 mai 2019, l'intéressé, « après avoir essayé de joindre [le SPC] à de multiples reprises sans succès », a demandé à celui-ci de s'entretenir avec le responsable de son dossier, au motif qu'il ne comprenait pas les motifs des factures qui lui avaient été adressées.

6.        Le 19 août 2019, l'assuré a été reçu en entretien par le SPC, lors duquel il a notamment déclaré se retrouver avec une dette envers ce service pour laquelle des rappels de paiement lui avaient été envoyés. Le collaborateur du service lui a entre autres dit que les prestations avaient continué à lui être versées car la rente de l'assurance-invalidité (ci-après : AI) l'avait aussi été, et qu'à ce jour, la seule solution pour l'intéressé serait d'écrire un courrier au SPC avec une demande d'arrangement afin de payer la somme réclamée, un formulaire lui étant à cette fin remis.

7.        Par écrit du 26 août 2019 adressé au SPC, l'assuré a formé « opposition » au sujet du remboursement des prestations versées en trop, estimant qu'une remise pour le montant de sa dette s'élevant à plus de CHF 10'000.- devait lui être accordée.

Selon lui, en juin 2018, c'est-à-dire à la fin de ses études, il avait envoyé par courrier son ordre de marche au SPC, le but étant de stopper les versements en sa faveur étant donné qu'il n'était plus étudiant et qu'il partait pour le service militaire. Or, malgré cela, les paiements n'avaient pas cessé. Il avait essayé à de multiples reprises de joindre le service par téléphone, en vain. Dès lors, étant dans l'incompréhension totale, il avait décidé de lui envoyer un courrier pour obtenir un rendez-vous. Il avait eu la chance de s'entretenir avec un collaborateur afin d'échanger de vive voix sur sa situation. Lors de cet entretien, il avait appris que le service se basait en quelque sorte sur les informations que l'AVS/AI transmettait et que, vu qu'il recevait encore des rentes, il était légitime que les prestations du SPC continuent de lui être versées. Il avait alors pris l'initiative d'adresser à l'AVS/AI sa convocation au service militaire, mais les versements avaient continué. La condition de la bonne foi était donc manifestement remplie.

Etait ensuite décrite sa situation financière, avec notamment les allégations qu'il effectuait actuellement son service civil et percevait le strict minimum, soit un peu plus de CHF 2'500.- par mois, et qu'il était également en train de rembourser petit à petit les rentes AVS/AI perçues. Le remboursement d'un montant rétroactif total de CHF 9'553.50 (au 21 mai 2019) mettrait sans aucun doute, sa famille et lui-même dans une situation très difficile. Partant, la condition de la situation difficile pour bénéficier de la remise était aussi à l'évidence réalisée.

8.        Par pli du 12 septembre 2019, le service a accusé réception de cet écrit et a indiqué procéder à un nouvel examen de son dossier.

9.        Par décision « sur demande de remise » rendue le 3 janvier 2020, le SPC, constatant que la demande de remise, formée le 26 août 2019, soit un peu plus de cinq mois après la notification le 11 février 2019 des décisions de restitution des 8 et 11 février 2019, était tardive, a déclaré ladite demande irrecevable.

10.    Par opposition du 9 janvier 2020, l'intéressé a expliqué les raisons du retard de « [sa] réponse (courrier du 26 août 2019) », de la manière suivante.

À la réception du courrier du SPC du mois de février 2019, il ignorait tout des procédures qu'une telle décision nécessitait. Terminant tout juste sa formation, il avait été passablement choqué et déstabilisé par la somme trop importante qui lui était demandée. Il avait dès lors formulé une demande d'entretien afin d'en savoir plus et d'expliquer sa situation de vive voix. Lors de l'entretien, le collaborateur du SPC l'avait informé de la possibilité d'effectuer une opposition, ce qu'il avait aussitôt fait.

11.    Par décision sur opposition du 7 février 2020, le SPC a rejeté cette opposition formée le 9 janvier 2020 et a confirmé sa décision du 3 janvier 2020.

À la date à laquelle l'assuré s'était manifesté auprès du service, il était hors délai pour contester les décisions de restitution des 8 et 11 février 2019, lesquelles avaient donc acquis de par la loi force de chose décidée.

Aucun motif valable de restitution de délai n'était invoqué.

Cependant, la lettre de l'intéressé du 9 janvier 2020 était transmise à la division des finances afin qu'elle examine si les conditions d'une « mise en irrécouvrable de sa créance » de CHF 9'453.30 étaient remplies. Si tel était le cas, un arrangement de payer adapté à sa situation économique lui serait proposé.

12.    Par acte expédié le 4 mars 2020 au greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), l'assuré a formé recours contre cette décision sur opposition, réitérant sa demande de remise, reprenant ses allégations et arguments passés et indiquant que lors de l'entretien susmentionné, le collaborateur du SPC l'avait informé qu'il lui était possible de formuler une demande de remise en adressant un courrier.

13.    Dans sa réponse du 28 avril 2020, le SPC a conclu au rejet du recours.

14.    Par écrit du 4 juin 2020, le recourant a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

15.    Par pli du 28 mai 2020, la chambre de céans a écrit à l'assuré que, de la lecture de sa demande de remise du 26 août 2019, de son opposition du 9 janvier 2020 et de son recours du 4 mars 2020, il ne ressortait pas clairement s'il alléguait avoir, après réception des décisions du SPC des 8 et 11 février 2019 lui demandant le remboursement de prestations qui lui avaient été versées et avant l'entretien du 19 août 2019, eu des entretiens téléphoniques (et pas seulement des tentatives d'appel) et/ou écrit un ou des courriers au SPC en plus de celui du 25 mai 2019. Si tel était le cas, il lui appartenait, dans un délai imparti, d'indiquer le contenu de ces éventuels entretiens téléphoniques et/ou courriers s'ils portaient sur la question de la remise et du délai pour la solliciter, en produisant aussi toutes éventuelles pièces utiles à sa disposition.

16.    Par écriture du 5 septembre 2020, le recourant a répondu avoir, comme indiqué dans ses précédents courriers, essayé à plusieurs reprises de contacter le service, mais malheureusement en vain. En effet, avant son entretien du 19 août 2019, ses appels ainsi que son passage dans les locaux de l'intimé n'avaient pas été concluants. Il lui était donc très compliqué de pouvoir attester de ses tentatives et donc de présenter d'éventuelles pièces. Il sollicitait toutefois la prise en considération de sa bonne foi et de sa situation dans l'arrêt à rendre.

17.    Par pli du 8 septembre 2020, la chambre des assurances sociales a informé les parties que, s'agissant de la suite de la procédure, soit un arrêt au fond serait rendu, soit une mesure d'instruction complémentaire serait mise en oeuvre.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), ainsi que - même si l'art. 134 LOJ ne l'indique pas - sur celles prévues à l'art. 36 de la loi (genevoise) d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA [loi applicable par renvoi de l'art. 1 LPC pour les PCF et l'art. 1A al. 1 let. b LPCC pour les PCC] ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à
l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 et 43B let. c LPCC ;
art. 36 LaLAMal).

3.        Le litige porte sur la question de savoir si l'intimé était en droit de déclarer irrecevable, pour tardiveté, la demande de remise formée le 26 août 2019 par le recourant.

4.        a. À teneur de l'art. 25 al. 1 LPGA, intitulé « restitution », les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.

L'art. 24 al. 1 LPCC reprend le contenu de cet alinéa.

La demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force. La remise et son étendue font ainsi l'objet d'une procédure distincte (arrêts du Tribunal fédéral des assurances P 63/06 du 14 mars 2007 consid. 3 et C 264/05 du 25 janvier 2006 consid. 2.1 ; ATAS/669/2020 du 18 août 2020 consid. 15).

b. En vertu de l'art. 4 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), intitulé « remise », la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). La demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard trente jours à compter de l'entrée en force de la décision de restitution (al. 4). La remise fait l'objet d'une décision (al. 5).

Le texte de l'art. 4 al. 4 OPGA est repris par l'art. 15 al. 2 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03).

Selon la jurisprudence, le délai des art. 4 al. 4 OPGA et 15 al. 2 RPCC-AVS/AI constitue un délai d'ordre et non de péremption (ATF 132 V 42 consid. 3 ;
ATF 110 V 25 ; ATAS/835/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9). Le dépassement de ce délai est dès lors sans conséquences (par analogie, ATF 100 Ia 53 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_580/2018 du 7 novembre 2018 consid. 2 et 1C_501/2015 du 5 octobre 2015 consid. 2).

Sur la base de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, le Tribunal cantonal des assurances sociales, devenu la chambre des assurances sociales, a, dans un cas où les décisions de restitution avaient été notifiées à fin mars 2005, considéré que la demande de remise présentée le 14 juin 2005 n'était pas tardive, de sorte que l'intimé ne pouvait pas se borner à déclarer la demande tardive, mais devait statuer au fond (ATAS/301/2007 du 21 mars 2007 consid. 8).

5.        En l'espèce, le délai de trente jours prévu par les art. 4 al. 4 OPGA et
15 al. 2 RPCC-AVS/AI pour présenter une demande de remise étant un délai d'ordre, c'est à tort que l'intimé a déclaré irrecevable pour tardiveté la demande de remise formée le 26 août 2019 par le recourant à la suite de la notification des décisions des 8 et 11 février 2019, quand bien même ce délai de trente jours à compter de l'entrée en force desdites décisions de restitution a été dépassé d'environ cinq mois.

Rien ne s'opposait à la recevabilité de la demande de remise. Au demeurant, aucun éventuel abus de droit de la part de l'assuré en lien avec le dépassement dudit délai d'ordre ne ressort du dossier.

En conséquence, le service ne pouvait pas se borner à déclarer la demande de remise tardive, mais devait statuer au fond.

6.        Vu ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la cause renvoyée à l'intimé pour instruction puis décision au fond sur la demande de remise.

7.        Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, n'est pas représenté, de sorte qu'aucune indemnité de dépens ne lui sera accordée (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

8.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.      Annule la décision sur opposition de l'intimé du 7 février 2020.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction puis décision au fond sur la demande de remise du recourant.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le