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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2454/2018

ATAS/1043/2020 du 03.11.2020 ( ARBIT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 17.12.2020, rendu le 31.01.2022, PARTIELMNT ADMIS, 9C_774/2020
En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2454/2018 ATAS/1043/2020

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 3 novembre 2020

En la cause

ASSURA-BASIS SA, sise avenue. C.-F. Ramuz 70, PULLY

ATUPRI GESUNDHEITSVERSICHERUNG, sise Zieglerstrasse 29, BERNE

AVANEX VERSICHERUNGEN AG, sise Zürichstrasse 130, 8600 DÜBENDORF

AVENIR ASSURANCES MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS SA, sise Bundesplatz 15, LUCERNE

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG, Droit & Compliance, sise Tribschenstrasse 21, LUCERNE

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

HELSANA ASSURANCE SA, sise Zürichstrasse 130, DÜBENDORF

 

INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA, sise avenue de Valmont 41, LAUSANNE

KLUG KRANKENVERSICHERUNG, sise Gubelstrasse 22, ZUG

KPT CAISSE-MALADIE SA, sise Wankdorfalle 3, BERNE

MOOVE SYMPANY AG, sise c/o Stiftung Sympany, Peter Merian-Weg 4, BÂLE

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

OKK KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG, sise Bahnhofstrasse 9, LANDQUART

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

PROGRES ASSURANCES SA, sise Zürichstrasse 130, DÜBENDORF

SANAGATE SA, sise Tribschenstrasse 21, LUCERNE

SANA24 AG, sise Weltpoststrasse 19, BERNE

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Jägergasse 3, ZÜRICH

SUPRA-1846 SA, sise avenue de la Rasude 8; LAUSANNE

SWICA GESUNDHEITSORGANISATION, sise Römerstrasse 38, WINTERTHUR

VISANA ASSURANCES SA, sise Weltpoststrasse 19, BERNE

WINCARE ASSURANCE SA, sise Jägergasse 3, ZÜRICH

Toutes comparant avec élection de domicile en l'étude de Me Yves BONARD, avocat

demanderesses

contre

Monsieur A______, domicilié ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Aurélie MOYAL-AZRA

 

défendeur


EN FAIT

1.        Le docteur A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur), né en 1940, exploite depuis 1993 un cabinet de médecine générale et de radiologie à Genève.

2.        Le 12 novembre 1998, la Commission mixte de l'Association des médecins du canton de Genève (AMG) et de la Fédération genevoise des assureurs-maladie (FGAM), membre du Concordat des assureurs-maladie suisses (ci-après: CAMS, aujourd'hui: SANTÉSUISSE), avait informé le praticien que ses factures d'honoraires dépassaient très sensiblement les valeurs moyennes de celles de ses confrères de même spécialité et lui avait réclamé le remboursement de montants facturés en 1996 et 1997, jugés excessifs.

Vingt-trois caisses-maladie, toutes regroupées au sein de la FGAM, avaient saisi le Tribunal arbitral des assurances (ci-après: le Tribunal arbitral) par demande du 18 septembre 2000, concluant au paiement, par le médecin, de la somme de CHF 488'701.-, avec intérêts à 5% dès le 17 avril 2000 (pour l'année statistique 1998) et de CHF 347'805.-, avec intérêts à 5% dès le 5 septembre 2000 (pour l'année statistique 1999), au titre de violation du principe du caractère économique des prestations. Les prétentions étaient fondées sur la différence entre les honoraires moyens tels qu'ils ressortaient des statistiques CAMS de 1998 et 1999 et la moyenne des honoraires facturés par le médecin au cours de ces deux années.

Dans son premier arrêt du 16 septembre 2004 (ACOM/91/2004), le Tribunal arbitral avait partiellement admis la demande.

Saisi d'un recours du médecin, le Tribunal fédéral des assurances (TFA), par arrêt du 2 décembre 2005 (K 148/04), l'a admis et a renvoyé la cause au Tribunal arbitral pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. Sans remettre en cause la méthode statistique, le TFA a considéré, s'agissant de la comparaison avec le groupe des médecins généralistes, que l'intéressé ne pouvait rien tirer en sa faveur de la différence de formation qu'il avait acquise (spécialisation en diabétologie et endocrinologie) par rapport à ses confrères généralistes. En effet, il se limitait à affirmer, de manière générale, qu'il ne saurait être assimilé à ceux-ci en raison de ses qualifications particulières, sans toutefois indiquer concrètement en quoi sa situation serait différente. Au demeurant, le groupe 50 comprenait en principe aussi des praticiens ayant bénéficié d'une formation spécifique dans un domaine médical particulier qui prenaient de ce fait en charge une catégorie de patients nécessitant des mesures diagnostiques et thérapeutiques s'écartant de celles prodiguées en règle générale par un médecin généraliste. L'argument du défendeur relatif à une clientèle atypique pour un généraliste - nombre important de patients souffrant de diabètes - ne constituait pas non plus un critère qui justifierait d'opérer une comparaison avec un autre groupe de médecins. En effet, on ne pouvait déduire des éléments invoqués que les prestations de son cabinet, prises dans leur ensemble, divergeaient de manière fondamentale de celles des cabinets de ses confrères auxquels il a été comparé (K 148/04 consid. 5.2). Le TFA a toutefois jugé que le Tribunal arbitral n'avait pas motivé sa décision pour admettre une marge supplémentaire de 10 % et qu'il ne pouvait tenir pour établies les particularités invoquées par l'intéressé sans procéder à quelques vérifications. Au surplus, il a jugé que l'octroi d'intérêts moratoires était contraire au droit fédéral (K 148/04 consid. 5.3 à 5.5 et consid. 6).

3.        Le Tribunal arbitral avait repris l'instruction de la cause, désormais enregistrée sous le numéro A/30/2006, et procédé à des enquêtes. Par arrêt du 21 novembre 2006 (ATAS/1126/2006), il avait partiellement admis la demande du 18 septembre 2000 et condamné le médecin à restituer aux demanderesses (du groupe I) CHF 488'701.- pour l'année 1998 et CHF 347'805.- pour l'année 1999, considérant que les particularités dont avait fait état le défendeur - seul point litigieux - étaient déjà comprises dans la marge de tolérance de 30%, une marge supplémentaire à l'indice de 130 ne se justifiant pas.

4.        Par arrêt du 23 juillet 2007 (K 5/07), le TFA a admis le recours interjeté par le défendeur et annulé l'arrêt du 21 novembre 2006 rendu par le Tribunal arbitral, lui renvoyant la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. Le TFA a reproché au Tribunal arbitral d'avoir comparé la situation du défendeur du point de vue de sa clientèle avec celle des endocrinologues, pour en nier la spécificité. Il a à cet égard confirmé que la comparaison de la pratique du défendeur devait se faire avec celle du groupe des médecins généralistes (en l'occurrence le groupe 50), et rappelé que ce groupe, une fois défini, restait le même, que ce soit pour l'analyse des coûts ou l'examen de la pratique médicale (K 5/07 consid. 3.2.3). Ainsi, notre Haute Cour a confirmé que le seul point litigieux restait la question de savoir si le défendeur pouvait se prévaloir de particularités liées à sa pratique médicale qui justifieraient un coût moyen plus élevé et, partant, l'admission d'une marge supplémentaire ajoutée à la marge de tolérance de 130% (K 5/07 consid. 3.2). Le TFA a également reproché au Tribunal arbitral d'avoir omis de préciser s'il admettait ou non les données fournies par le défendeur selon lesquelles 45,5% de sa clientèle en 1998 souffraient de troubles du métabolisme et de ne s'être pas déterminé sur le fait que les patients diabétiques nécessitent davantage de consultations et sur le nombre élevé de patients étrangers, alors que ces éléments pouvaient, à certaines conditions, justifier un coût moyen plus élevé.

5.        Entretemps, de nouvelles actions ont été introduites devant le Tribunal arbitral à l'encontre du défendeur pour les années 2004, 2005 et 2006.

6.        Elles ont été jointes à celles déjà enregistrées sous le no de cause A/30/2006.

7.        Le Tribunal arbitral, conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral du 23 juillet 2007, a ordonné une expertise analytique de la pratique médicale du défendeur et mandaté la doctoresse B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, avec formation complémentaire en homéopathie et en pratique du laboratoire au cabinet. Dans son rapport du 1er mars 2010, l'experte a constaté que le défendeur pratiquait la médecine générale et non la diabétologie comme il le prétendait. Concernant les conseils diététiques, elle n'avait trouvé que des indications lacunaires dans les dossiers et relevé que le temps de consultation était toujours très court. Selon l'experte, le défendeur surfacturait le temps de la consultation et de l'urgence et pratiquait une multiplicité d'examens, d'analyses et de gestes thérapeutiques inutiles, voire refacturés. L'experte n'avait pas trouvé chez le défendeur de pratique particulière, ni de patientèle spécifique pour justifier un surcoût par rapport au groupe de référence et avait conclu à une pratique non économique.

Se fondant, notamment, sur ce rapport d'expertise, le Tribunal arbitral, par arrêt du 8 mars 2013 (ATAS/243/2013), a admis partiellement les demandes et condamné le défendeur à payer aux demanderesses les sommes de CHF 482'977.20 pour l'année 1998, CHF 347'805.- pour l'année 1999, CHF 276'179.- pour l'année 2004, CHF 259'800.- pour l'année 2005 et CHF 405'212.30 pour l'année 2006.

8.        Par arrêt du 31 août 2013 (9C_282/2013), le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours interjeté par le défendeur. Pour l'année 1998, le Tribunal fédéral a jugé que faute de production par les demanderesses de la liste nominative des médecins figurant dans le groupe de comparaison, les conditions de validité au recours de la méthode statistique n'étaient pas réalisées et que ce moyen de preuve ne pouvait être utilisé valablement pour fonder le caractère non économique des traitements par le médecin. Pour le reste, le Tribunal fédéral a confirmé que le recourant n'était pas porteur d'un titre de spécialisation de la FMH, reconnu la valeur probante de l'expertise ordonnée par le Tribunal arbitral et rejeté le recours pour les années 1999 et 2004 à 2006.

9.        Dans l'intervalle, vingt-six caisses-maladies, représentées par SANTÉSUISSE, ont encore ouvert action le 6 juillet 2009 à l'encontre du défendeur, concluant au paiement de la somme de CHF 835'816.- pour l'année 2007. L'indice ANOVA des coûts totaux relatifs à l'année 2007 était toujours largement supérieur à l'indice moyen de son groupe de comparaison (234). Subsidiairement, les demanderesses ont conclu au paiement de la somme de CHF 779'342.- sur la base de l'indice RSS (222). L'instruction de la cause a été suspendue jusqu'à droit connu dans la cause A/30/2006, laquelle a donné lieu à l'ATAS/243/2013.

10.    Suite à l'arrêt du Tribunal fédéral du 31 août 2013, l'instruction de la cause a été reprise le 7 octobre 2013, puis suspendue à nouveau le 14 février 2014, d'accord entre les parties.

Le 10 février 2015, les demanderesses ont demandé la reprise de l'instruction.

Par écriture du 2 mars 2015, le défendeur s'y est opposé et a communiqué au Tribunal de céans copie d'un accord intervenu entre les parties le 15 janvier 2014 concernant les années 1999 et 2004 à 2006.

11.    Par arrêt incident du 29 janvier 2016 (ATAS/71/2016), le Tribunal arbitral a rejeté la requête de suspension déposée par le défendeur.

12.    Par arrêt du 19 mai 2017 (ATAS/388/2017), le Tribunal arbitral a déclaré recevable la demande déposée par SANTÉSUISSE le 6 juillet 2009 au nom et pour le compte des caisses-maladies, et l'a admise partiellement. Il a constaté que tous les indices de l'année 2007 étaient supérieurs à 130 et a, partant, admis que le défendeur s'était rendu coupable de polypragmasie. Il a nié l'existence de spécificités justifiant un coût moyen plus élevé que ce seuil de tolérance de 130%. Il a précisé qu'il s'était fondé sur les statistiques des factureurs RSS, dans la mesure où la validité des statistiques ANOVA n'avait pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral, et dès lors que sur le plan scientifique, il ne lui était pas possible de déterminer si cette méthode était correcte ou non (ATAS/243/2013, ATAS/273/2014). Il a ainsi constaté, que selon les statistiques RSS de 2007, le cabinet du défendeur comptait 700 malades, que l'indice de ses coûts directs était de 170, soit un coût direct total par malade de CHF 906.59, que la moyenne des coûts directs par malade du groupe de comparaison (indice 100) était quant à elle de CHF 533.28 (906.59 / 170 x 100). Il a ainsi établi le calcul de la polypragmasie à CHF 485'285.-, soit CHF 373'296.- (facturation selon le coût moyen 700 x 533.28) + CHF 111'989.- (30% marge de tolérance). Le chiffre d'affaires du défendeur sur la base de l'indice de 170 étant de CHF 634'613.- (906.59 x 700), il a chiffré le montant à rembourser à CHF 149'328.- (634'613 - 485'285).

Cet arrêt est entré en force.

13.    Par courriers des 29 juin et 13 juillet 2015, 31 mars, 23 mai et 1er juillet 2016, et 7 avril 2017, SANTÉSUISSE a constaté que les statistiques 2013, 2014 et 2015 présentaient toujours un indice RSS coûts totaux et ANOVA coûts totaux dépassant celui du groupe de comparaison, et a proposé au défendeur plusieurs entretiens, sans que celui-ci ne réagisse.

14.    Par courrier du 4 mai 2017, le défendeur a indiqué avoir « compris que ma spécialité de nutrition et maladies de métabolisme n'est pas encore reconnue en Suisse et que je dois changer ma manière de facturer (de ne pas facturer l'enseignement nutritionnel et les régimes personnalisés en obésité et diabète, etc.) et que les attestations signées par 500 de mes malades quant à la qualité de l'enseignement n'ont pas de valeur. À partir de janvier 2017, je facture en qualité de médecine générale avec le diplôme de formation continue endocrinologie / diabétologie (...). Compte tenu du fait que je ne facture plus la nutrition et malgré le fait que ma manière de pratiquer est la même depuis 50 ans, ma facturation est dans la moyenne des généralistes de Suisse romande. Je vous prie donc encore une fois de faire débuter l'analyse de l'économicité au 1er janvier 2017 et non en juillet 2015 ».

15.    Les statistiques 2016 présentant un indice des coûts directs RSS de 198 et un indice des coûts directs ANOVA de 176, SANTÉSUISSE, agissant au nom et pour le compte des assureurs-maladie « mentionnés en page de garde » et faisant élection de domicile en l'étude de Me Yves BONARD, a déposé le 12 juillet 2018 auprès du Tribunal arbitral une nouvelle demande visant à ce que le défendeur soit condamné à lui verser, pour l'année 2016, la somme de CHF 131'818.50 selon les coûts directs ANOVA, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2016, et subsidiairement, la somme de CHF 173'210.80 selon les coûts directs RSS. Elle conclut également à ce que le Tribunal arbitral prononce l'exclusion définitive du défendeur de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins en application de l'art. 56 let. d LAMal.

SANTÉSUISSE rappelle que le Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger et de confirmer que le défendeur avait violé le principe du caractère économique des prestations pour les années 1999, 2004, 2005 et 2006 (arrêt du Tribunal fédéral 9C 282/2013 du 31 août 2013 et ATAS/243/2013 du 8 mars 2013). Le Tribunal arbitral a également admis l'existence de polypragmasie pour l'année 2007 (ATAS/388/2017 du 19 mai 2017).

Elle relève que le défendeur présente des indices de coûts par patient sensiblement plus élevés que la moyenne de 100 de ses confrères à l'indice de 130 (marge de tolérance comprise) depuis près de vingt ans.

S'agissant de sa demande d'exclusion, elle souligne également que le défendeur n'a à ce jour toujours pas remboursé le montant de CHF 149'328.- dû selon l'arrêt du Tribunal de céans du 19 mai 2017 (ATAS/388/2017). Elle ajoute que le défendeur a formé opposition au commandement de payer à lui notifié dans le cadre de la poursuite n° 17 263959 B.

La cause a été enregistrée sous le numéro A/2454/2018.

16.    Par courrier du 11 janvier 2019, se référant expressément à celui du 4 mai 2017, le défendeur a fait valoir que depuis, il avait « agi de manière conciliante, sans reconnaissance de responsabilité aucune », raison pour laquelle il avait été surpris d'apprendre que SANTÉSUISSE avait déposé contre lui une demande en rétrocession. Il relève ainsi qu'« il me semble que ce qui a été discuté et convenu lors de notre entretien de juillet 2016, malgré mes propres efforts, a été ignoré. En outre, depuis lors, le prix moyen de mes prestations (consultations, laboratoire, radiologie) est inférieur à la moyenne de SANTÉSUISSE de CHF 182.- pour les généralistes en cabinet individuel de Suisse romande ». Il souligne enfin que son exclusion définitive de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire aurait pour lui des conséquences financières extrêmement graves.

17.    Le 19 février 2019, le Tribunal arbitral a constaté l'échec de la tentative obligatoire de conciliation dans la cause A/2449/2018 (recte A/2454/2018).

18.    Les demanderesses ont désigné Madame C______ pour arbitre le 26 février 2019, et le défendeur, Monsieur D______, le 20 mars 2019.

19.    Par mémoire de réponse du 29 avril 2019, le défendeur a conclu, préalablement, à ce qu'il soit ordonné aux demanderesses de produire la liste des médecins formant le groupe de comparaison auquel il a été comparé, les données relatives à la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, anonymisées cas échéant et les données relatives à la répartition des coûts différenciés pour chaque poste de facturation, facturation de médecine générale, de diabétologie et d'endocrinologie, sur la base des valeurs intrinsèques agréées par la FMH, du laboratoire, radiologie, Doppler, électrocardiogramme, pour lui-même et pour chaque médecin du groupe de comparaison, anonymisées cas échéant, et, principalement, à ce que les demanderesses soient déboutées de toutes leurs conclusions.

Il considère que les demanderesses, au nombre de 23, n'ont pas la légitimation active. Il constate que SANTÉSUISSE ne dispose d'aucun pouvoir de représentation pour CSS Krankenversicherung, INTRAS Assurance-maladie SA et Sanagate SA, qui ne sont pas membres de SANTÉSUISSE et n'ont signé aucune procuration en sa faveur.

Il relève également que Helsana Assurances SA et Avanex Assurances SA n'ont pas remboursé de coût direct en 2016, selon le document Datenpool produit par SANTÉSUISSE. Enfin, aucune facture n'a été produite à l'appui des chiffres avancés dans le Datenpool, de sorte qu'il ne peut vérifier l'exactitude des chiffres évoqués.

Il invoque le manque de fiabilité des statistiques de SANTÉSUISSE, qui ne sont à ce jour ni incontestées, ni établies par un organisme indépendant, raison pour laquelle le Conseil fédéral est en train de créer un groupe d'experts chargé d'étudier la question de l'établissement de statistiques fiables par un organisme indépendant.

S'agissant de la nouvelle méthode dite de régression convenue dès 2017, elle viendrait précisément démontrer l'absence de fiabilité des statistiques de SANTÉSUISSE, dont les chiffres au surplus représentent le chiffre d'affaires et non le revenu des médecins.

Le défendeur ajoute que si, par impossible, le Tribunal arbitral devait considérer que les statistiques de SANTÉSUISSE s'appliquent, il entend que soient produites la liste de médecins formant le groupe de comparaison auquel il a été comparé, ainsi que les données relatives à la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, anonymisées cas échéant. Il considère que sa comparaison au groupe des médecins généralistes ne permet pas de dissocier de ses coûts directs les coûts de radiologie, de laboratoire, ainsi que les coûts relatifs aux traitements de diabétologie et d'endocrinologie notamment. Il sollicite également la production par SANTÉSUISSE des données relatives à la répartition des coûts différenciés le concernant et concernant les médecins auxquels il est comparé, en dissociant les coûts de médecine générale, de diabétologie et d'endocrinologie, ceux facturés sur la base des valeurs intrinsèques agréées par la FMH de laboratoire, radiologie, Doppler et électrocardiogramme.

Selon lui, sans les éléments dont il demande la production, il ne peut se déterminer sur le groupe de comparaison ni sur la répartition des coûts de chacun. Il considère quoi qu'il en soit que les statistiques retenues par les demanderesses ne permettent pas de prendre en considération les spécificités de sa pratique.

Il persiste à contester l'application à son cas du groupe de comparaison 53. Il allègue que si par impossible, ce groupe devait être considéré comme adéquat, les coûts relatifs aux traitements d'endocrinologue-diabétologue effectués pour ses patients devraient être soustraits de ses coûts directs, dès lors qu'il les effectue lui-même. Les coûts relatifs aux examens de radiologie, de laboratoire, doppler et d'électrocardiogramme devraient également être déduits de ses coûts directs, son cabinet étant pourvu des équipements nécessaires pour qu'ils soient réalisés sur place. Il a sur cette base calculé que son coût par consultation ne dépasserait pas CHF 139.-.

Les statistiques ignorent également les patients atteints de diabète notamment qui nécessitent un traitement et un suivi régulier et plus important. Rappelant que SANTÉSUISSE avait fixé le coût moyen d'un médecin par consultation en 2016 à CHF 186.- dans un cabinet individuel, le défendeur en conclut qu'il se trouve bien en-dessous de ce coût et qu'il ne viole partant pas le principe de l'économicité.

Il s'oppose enfin à son exclusion, aux motifs que

- sa pratique devrait être jugée économique pour l'année 2016.

- il n'a pas été condamné pour polypragmasie depuis 2007.

- quand bien même il considérait que les statistiques de SANTÉSUISSE le concernant étaient erronées, il avait déclaré qu'il était prêt à modifier sa manière de facturer au 1er janvier 2017 et avait confirmé par écrit à SANTÉSUISSE qu'il avait mis en pratique son intention, déléguant notamment à des tiers certains examens qu'il effectuait jusque-là lui-même.

Il se réfère au courrier qu'il a adressé à SANTÉSUISSE le 4 mai 2017, aux termes duquel notamment « j'ai compris que ma spécialité de nutrition et maladies de métabolisme n'est pas encore reconnue en Suisse et que je dois changer ma manière de facturer (de ne pas facturer l'enseignement nutritionnel et les régimes personnalisés en obésité et diabète, etc.) et que les attestations signées par 500 de mes malades quant à la qualité de l'enseignement n'ont pas de valeur ».

- il a toujours pris soin d'expliquer au Tribunal arbitral les spécificités de sa pratique, qui justifient les coûts engendrés.

- il n'est pas de mauvaise foi lorsqu'il ne peut rembourser le montant auquel il a été condamné, mais manque de moyens.

Il en conclut qu'une exclusion constituerait pour lui une double sanction, « pour les cas de polypragmasie retenus contre lui pour son activité d'il y a plus de dix ans ». Il est par ailleurs atteint d'un cancer du foie et son seul moyen de subsistance est dorénavant la part non saisie de son revenu de médecin indépendant.

20.    M. D______, arbitre, ayant informé le Tribunal de céans le 28 mars 2019 qu'il se récusait, le défendeur a désigné le 29 mai 2019 Monsieur E______ pour le remplacer.

21.    a. Dans sa réplique du 12 juin 2019, SANTÉSUISSE a persisté dans ses conclusions. Elle considère que la qualité pour agir et la légitimation active des demanderesses sont établies conformément au Datenpool 2016 et aux procurations.

b. Elle rappelle que le groupe de comparaison 53 s'applique dans le cas d'espèce, dès lors que le défendeur n'a jamais été reconnu comme spécialiste FMH. Le défendeur exerce en tant que médecin généraliste et non comme spécialiste. Il ne dispose d'aucune spécialisation FMH de diabétologie ou endocrinologie certifiée par diplôme. L'expertise analytique de 2010 avait du reste établi qu'il s'agissait bien d'une pratique de médecine générale. SANTÉSUISSE considère en conséquence qu'il n'y a pas lieu d'analyser la dissociation de prétendus coûts relatifs aux traitements de diabétologie et d'endocrinologie, voire en nutrition, par rapport aux coûts relatifs à sa pratique généraliste.

SANTÉSUISSE considère qu'il y a polypragmasie dès lors que tous les indices de l'année 2016 sont supérieurs à 130, notamment l'indice des coûts par malade qui est de 198.

c. Les demanderesses maintiennent leur demande en exclusion. Elles relèvent que le fait que le défendeur ait décidé de modifier sa pratique au 1er janvier 2017 vient prouver qu'il ne se conformait pas à la facturation exigée pour des consultations de médecine générale, dans la mesure où il reconnaît lui-même exercer de manière non économique en 2016. Il est ainsi erroné d'affirmer qu'il n'a plus réalisé de cas de polypragmasie depuis dix ans. Enfin, l'allégation relative à son mauvais état de santé ne l'empêche pas, semble-t-il, de travailler.

22.    Dans sa duplique du 12 août 2019, le défendeur a repris ses conclusions.

Il prend bonne note de ce que SANTÉSUISSE a produit les procurations manquantes, mais rappelle que Sana 24 AG et Avanex Assurances SA n'ont remboursé aucun coût direct en 2016, selon le document Datenpool produit par SANTÉSUISSE.

Il maintient que la méthode statistiques manque de fiabilité. Il rappelle que lors de la procédure ayant porté sur son activité de l'année 2007, le Tribunal arbitral avait ordonné la production par SANTÉSUISSE de la liste des médecins formant le groupe de comparaison en respect du droit d'être entendu du défendeur, et confirme dès lors ses conclusions visant à la production par SANTÉSUISSE de la liste des médecins formant le groupe de comparaison, des données relatives à la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison et des données relatives à la répartition des coûts différenciés le concernant et concernant les médecins auxquels il est comparé, en dissociant les différents coûts, pour l'année 2016.

Il persiste également à demander à ce que les spécificités de sa pratique soient prises en considération.

Il fait enfin valoir qu'une exclusion définitive serait totalement disproportionnée et se réfère à cet égard à un arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 20 avril 2017 (9C_776/2016 consid. 3.4).

23.    Le 8 janvier 2020, le mandataire des demanderesses s'est enquis auprès du Tribunal arbitral de la date à laquelle serait rendu un arrêt dans la présente cause.

Celui-ci lui ayant répondu que la cause était gardée à juger, le défendeur, le 23 janvier 2020, s'est montré surpris de ce qu'il n'y aurait ni audience, ni autre mesure d'instruction.

Il a produit copie d'un courrier de SANTÉSUISSE, qu'il avait reçu courant décembre 2019, selon lequel une nouvelle méthode de contrôle de l'économicité de la pratique médicale, la « méthode de régression », était dorénavant appliquée. Il constate ainsi que son indice de régression 2018 est nettement moins élevé que l'indice ANOVA et près de la moitié moins élevé que l'indice RSS, de sorte qu'en développant une nouvelle méthode, SANTÉSUISSE reconnaît elle-même l'inadéquation et la désuétude des méthodes RSS et ANOVA qu'elle entend malgré tout lui appliquer pour 2016.

Il relève par ailleurs que SANTÉSUISSE ne lui a toujours pas donné les informations demandées quant à la composition du groupe de comparaison pour 2016 et la répartition des coûts pour chaque médecin de ce groupe et qu'il n'a dès lors pas pu faire valoir son droit d'être entendu.

24.    Les demanderesses ont, le 18 février 2020, expliqué que

« SANTÉSUISSE et Curafutura, d'une part, et la FMH, d'autre part, ont mandaté la société Polymania AG pour procéder à l'examen, à la validation et au développement d'une nouvelle méthode de sélection (méthode dite de « régression ») visant à repérer les médecins dont les coûts sont hors normes, selon la LAMal.

Les assureurs-maladie précités et la FMH ont signé une convention en 2018, qui prévoit expressément que cette nouvelle méthode s'appliquera à partir de l'année statistique 2017 (cf. art. 2). Elle est donc généralisée à tous les médecins à compter de cette date et n'a aucun effet rétroactif ».

Elles rappellent que la méthode ANOVA est une technique statistique dûment reconnue par le Tribunal fédéral et par le Tribunal de céans pour l'évaluation du caractère économique ou non des prestations de médecins, en relation avec la restitution des honoraires, en raison d'une pratique ambulatoire non-économique.

Elles relèvent que les trois premières pages de la pièce, intitulée « statistique-factureurs 2014-2018» produite par le défendeur, concernent les statistiques RSS et ANOVA en vigueur jusqu'en 2016, et que les pages suivantes ont trait à la méthode de régression, applicable dès 2017.

Elles ont par ailleurs produit la liste des médecins composant le groupe de comparaison et les données les concernant, sous forme anonymisée, relative à l'année 2016, tout en relevant que le défendeur était déjà en leur possession sous une autre forme.

25.    Le 2 mars 2020, le défendeur a pris acte de ce que les demanderesses « ont finalement produit les documents qu'il sollicitait depuis le début de la procédure ».

26.    Un délai au 30 mars 2020 lui a été accordé, à sa demande, pour se déterminer sur la composition du groupe de comparaison et les données concernant les médecins de ce groupe.

Ce délai a été reporté en raison de la crise sanitaire liée au COVID 19.

27.    Le 13 mai 2020, le défendeur a répété que l'activité des médecins du groupe de comparaison ne correspondait pas à la sienne, d'abord parce que ceux-ci ne disposent pas d'un service de radiologie, ensuite parce qu'ils ne sont pas en mesure d'effectuer eux-mêmes les examens de laboratoire et les dopplers, enfin parce qu'ils ne pratiquent pas l'endocrinologie et la diabétologie.

Il relève également que des médecins figurant sur la liste de comparaison ne sont pas généralistes, ne pratiquent pas en cabinet médical individuel ou encore n'exercent pas à Genève, ce qui viendrait démontrer le peu de crédibilité de cette liste.

Il constate enfin de grandes différences dans le nombre de consultations effectuées par les médecins du groupe de comparaison, certains d'entre eux n'en assurant même aucune, alors qu'« il s'agit de l'essence même de l'activité » du défendeur.

Le défendeur en conclut qu'il n'est pas comparé à des médecins travaillant dans des conditions semblables et sur des bases de comparaison identiques, de sorte que les statistiques de SANTÉSUISSE ne lui sont pas applicables.

28.    Le 17 juin 2020, SANTÉSUISSE s'est à son tour déterminée.

Elle rappelle que le Tribunal arbitral et le Tribunal fédéral ont admis que le groupe 53 était adéquat et que le défendeur n'avait pas été reconnu comme spécialiste par le Tribunal fédéral. Elle relève qu'en 2016, les coûts de radiologie facturés par le défendeur n'étaient que de CHF 20'332.-, ce qui ne saurait être à l'origine de ses indices (si l'on en tenait compte, le coût moyen par malade passerait de CHF 937.24 à CHF 893.-, ce qui donnerait un indice RSS de 188 restant supérieur aux médecins du groupe).

Elle considère en conséquence que le groupe auquel a été comparé le défendeur est parfaitement adéquat.

29.    Ce courrier a été transmis au défendeur pour information et la cause gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.        a. Selon l'art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l'assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l'assureur représente, à ses frais, l'assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

b. En l'espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal) du défendeur n'est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est également acquise ratione loci, dans la mesure où le cabinet du défendeur y est installé à titre permanent.

c. La présidente du Tribunal de céans a constaté, lors de l'audience du 19 février 2019, l'échec de la tentative obligatoire de conciliation, et des arbitres ont été désignés. Le Tribunal a ainsi été constitué.

d. Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        La demande des demanderesses respecte les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA).

Leur demande est dès lors recevable.

3.        Le litige porte sur la question de savoir si la pratique du défendeur pendant l'année statistiques 2016 est ou non contraire au principe de l'économicité, et dans l'affirmative, si et dans quelle mesure, les demanderesses sont habilitées à lui réclamer le trop-perçu.

4.        Aux termes de l'art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.

5.        a. L'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après LPGA) prévoit que le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 p. 582 consid. 4.1).

Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATFA non publié du 24 avril 2003, cause K 9/00, consid. 2). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153, consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.

Selon celle-ci, les délais de la disposition précitée constituent des délais de péremption (ATF 119 V 433, consid. 3a). L'expiration de ce délai est empêchée lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande, dans le délai d'une année à partir de la connaissance des statistiques, par devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral (RAMA 2003, p. 218, consid. 2.2.1). Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié du 16 juin 2004, cause K 124/03, consid. 5.2).

b. En l'espèce, les statistiques de SANTÉSUISSE concernant l'année 2016 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt le 17 juillet 2017, date qui correspond à celle de la préparation des données figurant sur ces statistiques. Dans la mesure où la demande a été déposée le 12 juillet 2018, il sied de constater que celle-ci respecte le délai légal d'une année.

6.        Le défendeur conteste la qualité pour agir des demanderesses.

a. Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1; ATF non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46; cf. ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131; cf. ATF 126 III 59 consid. 1 et ATF 125 III 82 consid. 1a).

b. Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE - peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19; ATF 127 V 281 consid. 5d p. 286 s.).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêt non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 4.7 ; arrêt non publié 9C_167/2010 du 14 janvier 2011, consid. 2.2). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (arrêt non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000, consid. 4.c).

c. En l'occurrence, l'action en justice est conduite par SANTÉSUISSE, représentant 23 caisses-maladie agréées pour la Suisse. On ne saurait exiger de chaque assureur qu'il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que SANTÉSUISSE est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b.a ; ATAS/150/2016 consid. 9b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/16 consid. 6).

Il y a lieu de relever que les demanderesses ont produit un document nommé « Datenpool » pour l'année 2016, lequel décompose les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour l'année en cause, que pour les coûts directs. Ce document permet de savoir quelles assurances ont pris en charge des soins pour l'année concernée et quelles assurances ne l'ont pas fait.

Il résulte de ce document, lequel a valeur probante (cf. notamment ATAS/27/2020), que les demanderesses mentionnées dans l'intitulé de la demande ont toutes remboursé des coûts directs, à l'exception de AVANEX VERSICHERUNGEN AG et SANA24 AG.

Partant, le Tribunal de céans admet la qualité pour agir des 21 autres demanderesses, celles-ci étant membres de SANTÉSUISSE ou ayant produit une procuration et ayant remboursé des coûts directs selon le Datenpool de l'année 2016.

7.        Le défendeur conteste l'application des statistiques de SANTÉSUISSE à son cas.

8.        a. Pour établir l'existence d'une polypragmasie, le Tribunal fédéral des assurances admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (consid. 6.1 non publié de l'ATF 130 V 377, ATF 119 V 453 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d'examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (arrêts du Tribunal fédéral op. cit.).

b. La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (ATFA K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé. Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse-maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b et les références).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1 et les références; SVR 1995 KV p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (arrêt non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 4.3).

c. Le Tribunal fédéral a réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (cf. par exemple ATF non publiés 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 et 9C_649/2007 du 23 mai 2008; ATFA non publiés K 130/06 du 16 juillet 2007, K 46/04 du 25 janvier 2006, K 93/02 du 26 juin 2003 et K 108/01 du 15 juillet 2003) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, cf. notamment ATFA non publiés K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.3 et K 9/99 du 29 juin 2001, consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2012 ; V. JUNOD, op. cit., p. 140 ss). Enfin, la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2).

Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé: une clientèle composée d'un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d'un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 152/98 du 18 octobre 1999) ou le fait que le médecin s'est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 150/03 du 18 mai 2004). Constitue une particularité de la pratique médicale toute caractéristique des prestations qui est plus souvent présente que dans la majorité des cabinets du groupe de comparaison et qui engendre un besoin de prestations plus élevé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 142/05 du 1er mars 2006).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 50/00, résumé dans PJA 2005 p. 1099). D'une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). D'autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b).

d. Lors de l'examen de la question de l'économicité, l'indice de l'ensemble des coûts est en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3). Lorsque ces coûts se situent dans la marge de tolérance de 30, le principe de l'économicité est respecté. Dans la négative, il sied d'examiner si l'indice des coûts directs dépasse la marge de tolérance. Si tel est le cas, une violation de ce principe est présumée. L'obligation de restituer en application de l'art. 56 al. 2 LAMal n'englobe toutefois que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui; ATF 137 V 43 consid. 2.5.6).

L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution ne modifie en rien la pratique selon laquelle l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire sur la base d'une vision d'ensemble, au sens de la jurisprudence publiée aux ATF 133 V 37, et qu'une part plus importante que la moyenne de prestations directement délivrées par le médecin par rapport aux prestations déléguées peut s'expliquer par une pratique médicale spécifique pouvant justifier des surcoûts (consid. 2.5.6).

e. Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (JUNOD, op. cit., p. 137). Lorsque le tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s).

Le tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 6 et 7; ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007, consid. 5 ; (ATF C_282/13) ; V. JUNOD, op. cit., p. 138).

9.        Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). À cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par SANTÉSUISSE ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données SANTÉSUISSE »).

10.    Il convient de prendre en considération pour l'examen de l'économicité l'indice de l'ensemble des coûts, à savoir aussi bien les coûts de traitement directs que de traitements indirects (coût des médicaments et autres coûts médicaux occasionnés par le médecin auprès d'autres fournisseurs de prestations), lorsque l'ensemble des coûts est inférieur aux coûts directs. Toutefois, lorsqu'il existe des indices concrets que les coûts inférieurs dans un domaine sont dus à des circonstances extérieures sans lien de causalité avec la façon de pratiquer du médecin, il n'y a pas lieu de procéder à une prise en compte de l'ensemble des coûts (ATF 133 V 39 ss consid. 5.3.2 à 5.3.5).

11.    On ajoutera qu'en vertu de l'art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations qui sont prévues dans la loi (art. 56 et 58 LAMal) ou dans un contrat font l'objet de sanctions, dont notamment la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée (let. b). Bien qu'elle soit désignée sous le terme de "sanction", l'obligation de restitution des honoraires ne présuppose aucune faute de la part du fournisseur de prestation (ATF 141 V 25 consid. 8.4 p. 29). Le Tribunal arbitral au sens de l'art. 89 LAMal prononce la sanction appropriée sur proposition d'un assureur ou d'une fédération d'assureurs (art. 59 al. 2 LAMal). 

12.    Enfin, le Tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal).

La preuve d'un traitement non économique doit être apportée selon le degré de la vraisemblance prépondérante (TFA K 23/03 consid. 5). La comparaison arithmétique des valeurs moyennes n'est pas seulement un indice d'une prestation non économique au sens de l'art. 56 LAMal, mais en est la preuve intégrale, selon la jurisprudence constante (ATF 136 V 415 consid. 6.2 ; RSKV 1970 65 82 consid. 4). Lorsque la valeur du traitement du médecin en cause est supérieure à la moyenne du groupe de comparaison, marge de tolérance en sus, la preuve que sa pratique n'est pas économique est établie. Il appartient au médecin statistiquement hors norme de réfuter, en établissant les particularités de sa pratique, cette présomption de polypragmasie.

13.    a. En l'occurrence, le défendeur fait valoir que de nombreuses critiques se sont élevées contre le contrôle de l'économicité tel que le pratiquent les assureurs. Il met ainsi en cause la fiabilité des statistiques de SANTÉSUISSE. Il en veut pour preuve qu'une nouvelle méthode dite de régression a été mise en place.

b. La Fédération des médecins suisses (FMH), SANTÉSUISSE et Curafutura ont en effet, en collaboration avec Polynomics SA, affiné la méthode ANOVA en une analyse de régression en deux étapes. L'analyse de régression inclut ainsi non plus seulement les critères de morbidité, de l'âge et du sexe, mais également les critères « franchise à option », « séjour dans un hôpital ou dans un établissement médico-social l'année précédente », ainsi que les « PCG ». Ces critères représentent le profil clinique des patients. Dans ce cadre, ce n'est pas l'effet d'un critère individuel sur les coûts de traitement d'un médecin qui est déterminant, mais l'addition de leurs influences indépendantes les unes des autres. L'analyse de régression constitue ainsi le développement de la méthode ANOVA.

Les parties contractantes se sont toutefois engagées à adopter et appliquer cette nouvelle méthode, en remplacement de la méthode ANOVA, la première fois pour l'année statistique 2017 (9C_558/2018 consid. 7.1). Elle n'a pas d'effet rétroactif, de sorte que la question de son application au cas d'espèce - portant sur l'année statistiques 2016 - ne se pose pas.

c. En revanche, les statistiques établies par SANTÉSUISSE le sont pour 2016. Leur valeur probante a été expressément reconnue par le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral admet depuis longtemps le recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (cf. chronologiquement les arrêts du Tribunal fédéral des assurances K 24/69 du 31 décembre 1969 consid. 4, in RJAM 1970 p. 82; K 56/78 du 25 avril 1980 consid. 3a, non publié in ATF 106 V 40; ATF 119 V 448 consid. 4c p. 454; K 148/04 du 2 décembre 2005 consid. 3.3.1) et n'entend pas modifier sa pratique (ATF 136 V 415).

Il a jugé que seules les statistiques RSS fournissaient les données qui permettaient une comparaison valable entre les différents fournisseurs de prestations et ainsi de se prononcer sur le respect ou la violation du principe de l'économicité (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03 consid. 6.4.2). De surcroît, la jurisprudence a développé des moyens pour compenser les défauts des statistiques RSS (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03 consid. 6.4.1).

d. Il résulte de ce qui précède que le défendeur ne peut valablement soutenir qu'il n'y a pas de méthode scientifique fiable et validée pour établir l'existence d'une polypragmasie.

Du reste, dans son arrêt du 23 juillet 2007 (K 5/07) concernant précisément le défendeur, le Tribunal fédéral a confirmé l'application des statistiques RSS pour établir l'existence d'une polypragmasie.

14.    a. Le défendeur reproche à SANTÉSUISSE de prendre en considération des données représentant son chiffre d'affaires et non son revenu, de sorte que les chiffres d'exploitation ne sont pas pris en considération.

b. Il y a toutefois lieu de rappeler que l'analyse effectuée par SANTÉSUISSE est fondée sur le coût moyen par patient, et non pas sur le chiffre d'affaires.

Les statistiques ne sont en effet pas établies sur le chiffre d'affaires du cabinet de l'année en cause, ni sur le nombre des patients qui ont consulté le médecin, mais sur la base des factures remboursées par les assureurs aux patients. Le chiffre d'affaires pris en considération dans les statistiques est ainsi déterminé par l'addition du montant des factures transmises par les assurés à leurs caisses-maladie pendant une année, ainsi que le nombre des patients faisant l'objet de ces factures. Il convient ainsi de considérer qu'il est dans la logique des choses que le chiffre d'affaires et le nombre des patients soient inférieurs aux chiffres ressortant de la comptabilité du cabinet, dans la mesure où certaines factures ne parviennent pas à l'assureur, notamment lorsque leur montant est inférieur à la franchise contractée.

c. Aussi le grief soulevé par le défendeur quant au chiffre d'affaires ne peut-il être retenu.

15.    a. Le défendeur conteste l'application à son cas du groupe 53 qui ne comprend que les praticiens sans spécialisation. Il considère qu'il devrait plutôt être comparé au groupe de médecins endocrinologues et diabétologues.

b. Il convient de rappeler que dans son arrêt du 23 juillet 2007 (K 5/07), le Tribunal fédéral a jugé que le défendeur devait être comparé au groupe des médecins généralistes avec radiologie, soit le groupe 50, pour les années 1998 et 1999. Depuis 2004, SANTÉSUISSE a changé la répartition des groupes. Celui des médecins généralistes avec radiologie n'existe plus et le défendeur a été classé dans le groupe 53, à savoir celui des médecins praticiens sans spécialisation FMH, pour les années 2004 à 2006. Le classement du défendeur dans ce groupe a été confirmé par le Tribunal de céans le 8 mars 2013 (ATAS/243/2013) et par le Tribunal fédéral le 31 août 2013 (9C_282/2013).

Il sied au surplus de rappeler que le médecin, dont la pratique fait l'objet d'un examen pour polypragmasie, doit être comparé avec un groupe de contrôle présentant des caractéristiques similaires. Or, seule la spécialité acquise au terme d'une formation universitaire reconnue par la FMH est admise. Il n'est pas tenu compte de la formation continue que peut avoir suivi le médecin (K 148/04 consid. 52). Si une formation spéciale amène le médecin à traiter une clientèle sensiblement différente de celle de ses collègues du groupe de référence, ce fait peut en revanche être pris en compte comme particularité de sa pratique médicale (K 108/01 consid. 11.1).

c. Or, il résulte de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 31 août 2013 (9C_282/2013 consid. 5.1) que le défendeur n'est précisément pas porteur d'un titre de spécialisation de la FMH. Le Tribunal fédéral a considéré que le fait que le recourant disposerait d'une formation solide et "unique" en maladies du métabolisme et de la nutrition et que ses spécialisations seraient reconnues en Suisse ne changeait rien à la circonstance qu'il n'était pas porteur d'un titre de spécialisation de la FMH, de sorte que le groupe de comparaison déterminé correspond bel et bien à son statut effectif. Il n'avait pas été établi que la FMH aurait reconnu ses « titres ». Selon le Tribunal fédéral, le recourant ne peut rien tirer non plus en sa faveur de « droits acquis » apparemment définis par la FMH au moment de l'entrée en vigueur de la Convention TARMED, dès lors que ceux-ci concernent les modalités de facturation des médecins et non l'attribution d'un titre professionnel. Il a ajouté que le fait que ce groupe comprenait aussi des praticiens ayant bénéficié d'une formation spécifique dans un domaine médical particulier et qui prenaient en conséquence en charge une catégorie de patients nécessitant des mesures diagnostiques et thérapeutiques s'écartant de celles prodiguées en règle générale par un médecin généraliste montrait précisément que le groupe de comparaison était adéquat.

Le Tribunal de céans rappellera enfin que selon l'expertise analytique du 1er mars 2010 (ATAS/243/2013), à laquelle le Tribunal fédéral a reconnu toute valeur probante, le défendeur pratique la médecine générale et non la diabétologie.

d. Force est, au vu de ce qui précède, de confirmer l'application au défendeur du groupe de comparaison 53, étant toutefois précisé que la spécialité en radiologie, de même que la formation dans les domaines de la nutrition et des maladies du métabolisme peuvent éventuellement constituer une particularité permettant de s'écarter d'une marge de tolérance supérieure à 130%.

16.    a. Le défendeur fait valoir que les examens de radiologie constituent une part importante de ses coûts et sont injustement retenus dans ses coûts directs, alors que ses confrères généralistes du groupe de comparaison, qui ne sont pas en mesure d'effectuer eux-mêmes ces examens, les délèguent et voient, partant, ces coûts comptabilisés dans leurs coûts indirects. Il considère dès lors que les coûts relatifs aux examens de radiologie et de laboratoire et aux dopplers, devraient être dissociés. Il explique avoir du reste établi des modèles de factures qui permettent précisément de différencier les coûts selon le type d'examen et de traitements dispensés.

b. Il est vrai qu'il y a lieu de tenir compte du fait que le médecin qui génère des coûts directs supérieurs à la moyenne, mais des coûts totaux (directs et indirects) moyens ou éventuellement inférieurs à la moyenne, agit également en conformité avec l'exigence d'efficacité économique car il effectue lui-même de nombreux traitements que d'autres médecins sous-traitent à des tiers (ATF 133 V 37 ; ATF 133 V 37). Le principe d'économicité ne peut en effet être considéré comme ayant été violé si l'indice des coûts globaux (directs et indirects) reste dans la marge de tolérance (ATF 137 V 43 ; K 5/07).

Il importe de rappeler à cet égard que le coût des prestations médicales effectuées en plus par rapport aux autres cabinets du groupe de comparaison est pris en considération dans les coûts indirects. Ceux-ci sont ainsi, le cas échéant, diminués d'autant, puisque les patients n'ont pas à être adressés à d'autres fournisseurs de prestations (ATAS/27/2020).

c. Les coûts totaux du défendeur dépassent toutefois la moyenne du groupe de comparaison. L'indice des coûts totaux par patient est en effet de 293 pour RSS et de 249 pour Anova, soit des chiffres se situant largement au-delà de l'indice de 130, marge de tolérance y comprise.

Ces équipements ne peuvent, partant, pas non plus expliquer un coût moyen par patient supérieur à la moyenne.

17.    En conclusion, rien ne s'oppose en principe à l'utilisation des statistiques RSS dans le cas présent, étant ajouté que le groupe de comparaison sur lequel les demanderesses se sont à juste titre fondées, soit le groupe 53, comprend plus de 233 médecins - ce nombre permet le cas échéant d'atténuer l'éventuelle influence sur les résultats que pourrait avoir le fait que certains d'entre eux seraient, ainsi que l'allègue le défendeur, non généralistes, ne pratiqueraient pas en cabinet médical individuel ou encore n'exerceraient pas à Genève - et que la comparaison porte sur l'année 2016, durant laquelle les indices du défendeur étaient toujours plus élevés que ceux de la moyenne du groupe de comparaison, de sorte que la violation du principe de l'économicité est présumée pour cette année-là.

18.    Il convient à ce stade de déterminer si la pratique médicale du défendeur présente des particularités permettant de justifier un coût moyen par patient plus élevé, et, partant, l'admission d'une marge supplémentaire ajoutée à la marge de tolérance de 130% (K 5/07 consid. 3.2).

Constitue une particularité de la pratique médicale toute caractéristique des prestations qui est plus souvent présente que dans la majorité des cabinets du groupe de comparaison et qui engendre un besoin de prestations plus élevé (K 142/05).

En présence de particularités liées à la pratique médicale du médecin pouvant justifier un coût moyen plus élevé, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 50/00). Une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable ou les particularités en question sont quantifiées au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis le montant correspondant soustrait des coûts totaux découlant des statistiques.

19.    a. Le défendeur fait valoir qu'il soigne beaucoup de patients diabétiques pour lesquels le traitement et le suivi sont réguliers et particulièrement importants.

b. Dans son arrêt du 23 juillet 2007 (K 5/07), le TFA a admis que le fait pour le défendeur d'avoir des patients diabétiques nécessitant davantage de consultations et un nombre élevé de patients étrangers, peut, à certaines conditions, justifier un coût moyen plus élevé (K 5/07 consid. 3.2.3). Considérant que le Tribunal arbitral avait procédé à une constatation lacunaire des faits à cet égard, il a annulé le jugement cantonal et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire et nouveau jugement. Le Tribunal arbitral a alors mandaté la Dresse B______ pour expertise analytique, avec pour mission d'analyser la pratique médicale du défendeur et d'en déterminer les éventuelles particularités, qui permettraient de s'écarter de la marge de tolérance de 130%.

Or, dans son rapport du 1er mars 2010 - que le Tribunal arbitral a qualifié de probant dans son arrêt du 8 mars 2013 (ATAS/243/2013), ce qu'a confirmé le TF dans son arrêt du 31 août 2013 (9C_282/2013) -, l'experte a constaté que le défendeur pratique la médecine générale et non la diabétologie comme il le prétend. Concernant les conseils diététiques, elle n'a trouvé que des indications lacunaires dans les dossiers et considéré que le temps de consultation était toujours très court. Selon l'experte, le défendeur surfacture le temps de la consultation et de l'urgence et pratique une multiplicité d'examens, d'analyses et de gestes thérapeutiques inutiles, voire refacturés. L'expert n'a pas trouvé chez le défendeur de pratique particulière, ni de patientèle spécifique pour justifier un surcoût par rapport au groupe de référence et a conclu à une pratique non économique.

c. La composition de la clientèle du défendeur ne saurait en conséquence justifier l'application d'un indice supérieur à 130%. C'est du reste ce qu'a déjà jugé le Tribunal arbitral dans son arrêt du 8 mars 2013 (ATAS/243/2013). Il a en effet constaté que « l'expertise confirme tant une pratique de la médecine constitutive de polypragmasie, comme l'avaient déjà révélée les statistiques CAMS et RSS, que l'absence de spécificités dans la pratique de la médecine du défendeur par rapport à son groupe de comparaison qui autoriseraient à s'écarter de la marge de tolérance de 130%. Cette marge est au demeurant suffisamment large pour couvrir les particularités du défendeur, limitées, selon les conclusions de l'experte, au constat que le défendeur suit un nombre de diabétiques de type II et de dyslipidémies légèrement supérieur à la moyenne de son groupe de comparaison ».

Il n'a du reste pas été allégué que la situation en 2016 serait différente à celle qui avait cours durant les années précédentes.

20.    a. Le défendeur souligne qu'il dispose dans son cabinet d'un matériel de radiologie et d'un électrocardiogramme.

b. Il apparait toutefois qu'en 2016, les coûts de radiologie facturés par le défendeur ne dépassaient pas le montant de CHF 20'332.-. Ils ne peuvent dès lors justifier, à eux seuls, que le coût moyen des prestations du défendeur, comparé à celui des médecins du groupe 53, soit si important.

c. S'agissant de la formation du défendeur en matière d'endocrinologie et de diabétologie par rapport à ses confrères généralistes qui pourrait être prise en considération à titre de particularité de sa pratique médicale, il convient de relever que le groupe des généralistes comprend en principe aussi des praticiens qui ont bénéficié d'une formation spécifique dans un domaine médical particulier et traitent de ce fait une catégorie de patients nécessitant des mesures diagnostiques et thérapeutiques s'écartant de celles prodiguées en règle générale par un médecin généraliste (K 148/04 consid. 5.2). Ainsi, le recourant ne saurait rien déduire en sa faveur de la différence de formation acquise.

Le défendeur tente d'expliquer le fait que ses coûts indirects sont plus élevés en se référant aux traitements médicamenteux des personnes souffrant de diabète. Or, SANTÉSUISSE a procédé à la comparaison des chiffres du défendeur et constaté qu'ils dépassaient non seulement la moyenne du groupe de comparaison, mais étaient même supérieurs à ceux des endocrinologues-diabétologues exerçant à Genève.

d. Le défendeur relève enfin de grandes différences dans le nombre de consultations effectuées par les médecins du groupe. Il allègue que les multiples consultations nécessaires dans le cas des patients diabétiques plus particulièrement ne sont pas prises en compte par les chiffres et faussent ses coûts directs.

Cet argument ne saurait toutefois être retenu, dans la mesure où les indices sont établis sur la base du coût moyen par patient et non pas sur le nombre de consultations, et étant rappelé que c'est l'indice de l'ensemble des coûts qui est déterminant lorsque la question de l'économicité est examinée.

21.    Le Tribunal de céans estime, au vu de ce qui précède, qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de la marge de tolérance appliquée de 130.

22.    Les coûts élevés par patient du défendeur ne pouvant être justifiés par les particularités de sa pratique médicale, reste à déterminer quelle méthode statistique doit être utilisée pour calculer le montant de la somme à restituer.

Selon l'art. 56 al. 6 LAMal, entré en vigueur le 1er janvier 2013, les fournisseurs de prestations et les assureurs conviennent d'une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations. La disposition transitoire relative à cette modification prescrit que le Conseil fédéral fixe pour les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35 al. 2 let. a LAMal la méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations, si les assureurs et les fournisseurs de prestations ne sont pas convenus d'une méthode dans un délai de 12 mois suivant l'entrée en vigueur de la présente modification.

Le 27 décembre 2013 / 16 janvier 2014, les fournisseurs de prestations, par l'intermédiaire de la Fédération des médecins suisses (FMH), et les assureurs-maladie, représentés par SANTÉSUISSE et Curafutura, ont conclu un accord, aux termes duquel le contrôle de l'économicité de la pratique médicale est effectué sur la base de la méthode ANOVA. Le Tribunal fédéral a jugé que cet accord n'était pas contraire à la loi.

Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur l'application du modèle d'analyse de variance (méthode ANOVA) pour le contrôle du caractère économique des prestations en relation avec la restitution des honoraires en raison d'une pratique non économique. Il a admis que l'accord des fournisseurs de prestations et des assureurs (FMH ainsi que SANTÉSUISSE et curafutura) sur la méthode ANOVA pour ledit contrôle ne pouvait pas être qualifié d'illégal (ATF 144 V 79), malgré la critique exprimée par une partie de la doctrine à ce sujet (cf. les références dans l'arrêt 9C_267/2017 du 1er mars 2018 consid. 6.2 in fine; cf. aussi Gebhard Eugster, KVG: Baustelle statistische Wirtschaftlichkeitsprüfung, Jusletter du 27août 2012 n° 13 s., 61 et 80 s.) et les possibilités d'améliorer le système prévu (arrêt 9C_517/2017 du 8 novembre 2018 consid. 5.2 et les références). 

La méthode ANOVA n'a ainsi pas à être remise en cause, ni en relation avec la base de données statistiques RSS (Rechnungssteller-Statistik), ni en tant que modèle mathématique (arrêt 9C_150/2020 ; ATF 144 V 79 consid. 5 ; ATAS/27/2020).

Le trop-perçu des prestations doit en conséquence être établi sur la base de la méthode ANOVA.

23.    Sur la base de cette méthode statistique, il appert que l'indice des coûts directs du défendeur en 2016 est de 176 points et dépasse ainsi de 46 points le seuil de la marge de tolérance de 130. Compte tenu d'un chiffre d'affaires de CHF 504'349.- en 2016, les prestations dépassant cette marge s'élèvent à CHF 131'818.50 [504'349 x (46 : 176)].

Au vu de ce qui précède, la demande sera entièrement admise et le défendeur condamné au paiement aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, de CHF 131'818.50.

Les demanderesses concluent au paiement d'intérêts moratoires de 5% l'an. Le tribunal de céans rappelle cependant que la LAMal ne prévoit pas le paiement d'intérêts moratoires sur le montant réclamé en restitution au titre d'une pratique non économique (cf. arrêt K 148/04). Les conclusions des demanderesses seront par conséquent rejetées sur ce point.

24.    SANTÉSUISSE a également conclu à ce que le Tribunal de céans prononce l'exclusion définitive du défendeur de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins en application de l'art. 59 al. 1 let. d LAMal. Elle souligne que le défendeur n'a à ce jour toujours pas remboursé le montant de CHF 149'328.- dû selon l'arrêt du Tribunal de céans du 19 mai 2017 (ATAS/388/2017), et relève qu'il a de surcroît formé opposition au commandement de payer à lui notifié dans le cadre de la poursuite n° 17 263959 B.

25.    Aux termes de l'art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de qualité des prestations prévues dans la loi (art. 56 et 58) ou dans un contrat font l'objet de sanctions. Celles-ci sont :

a. l'avertissement ;

b. la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée ;

c. l'amende ;

d. en cas de récidive, l'exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Le Tribunal arbitral au sens de l'art. 89 prononce la sanction appropriée sur proposition d'un assureur ou d'une fédération d'assureurs (cf. art. 59 al. 2 LAMal ; voir aussi EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 258). Il sied en effet de rappeler que les assureurs-maladie sont tenus, de par la loi, à veiller eux-mêmes à ce que les prestations allouées soient efficaces, appropriées et économiques (cf. François-X. DESCHENAUX, Le précepte de l'économie du traitement dans l'assurance-maladie sociale, en particulier en ce qui concerne le médecin, in : Mélanges pour le 75ème anniversaire du Tribunal fédéral des assurances, Berne 1992, p. 537). S'agissant de la mesure de la sanction, il convient d'appliquer le principe de proportionnalité (ATF 120 V 481 consid. 4 ; ATF 106 V 43 consid. 5c).

L'art. 59 al. 3 LAMal précise que constituent notamment des manquements aux exigences légales ou contractuelles visées à l'al. 1 :

a. le non-respect du caractère économique des prestations au sens de l'art. 56 al. 1 ;

b. l'inexécution ou la mauvaise exécution du devoir d'information au sens de l'art. 57 al. 6 ;

c. l'obstruction aux mesures de garantie de la qualité prévue à l'art. 58 ;

d. le non-respect de la protection tarifaire visé à l'art. 44 ;

e. la non-répercussion d'avantages au sens de l'art. 56 al. 3 ;

f. la manipulation frauduleuse de décomptes ou la production d'attestations contraires à la vérité.

26.    a. Selon le Tribunal fédéral, l'exclusion consacre la rupture du lien de confiance, lequel doit nécessairement exister entre les caisses et le médecin pratiquant à charge de la LAMal. Lorsque le médecin trahit par son comportement son mépris des principes d'économicité, la poursuite des rapports avec les assureurs-maladie ne peut plus être exigée (K 45/04 ; ATF 120 V 481 ; ATF 106 V 40).

Le médecin doit être conscient qu'il risque l'exclusion s'il est à nouveau établi que sa pratique a été polypragmasique ; un avertissement formel n'est toutefois pas nécessaire. La sanction de l'exclusion se veut sanction ultime.

Dans une affaire portant sur l'application de l'art. 43 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (arrêt 2C_500/2012 consid. 3.3 et les références), le Tribunal fédéral a jugé que les mesures disciplinaires infligées à un membre d'une profession libérale soumise à la surveillance de l'Etat ont principalement pour but de maintenir l'ordre dans la profession, d'en assurer le fonctionnement correct, d'en sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l'amener à adopter à l'avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci. En ce sens, les sanctions disciplinaires se distinguent des sanctions pénales. De plus, le principe de la proportionnalité doit être examiné à l'aune des intérêts publics précités. 

b. Dans un arrêt du 25 janvier 2006 (K 45/04), le TFA a confirmé une exclusion de deux ans à l'encontre d'un médecin ayant fréquemment pratiqué de manière polypragmasique entre 1976 et 2001 et ayant fait l'objet d'une demi-douzaine d'arrêts.

Comparant les circonstances à l'origine de l'arrêt K 45/04 avec celles d'un cas qu'il a eu à traiter en 2016, le Tribunal fédéral a confirmé la suspension du droit de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins d'une durée de six mois. Il a considéré qu'une telle sanction n'apparaissait aucunement disproportionnée, en particulier si on tenait compte de la pratique dispendieuse de la recourante, aussi bien dans sa durée que dans son importance, ainsi que l'attitude de celle-ci qui n'entendait pas changer sa méthode de travail contraire au principe de l'économicité des prestations pour laquelle elle avait précédemment été condamnée et qui, de manière tout aussi désinvolte, s'est désintéressée du procès en renonçant à collaborer à l'instruction de la cause (refus de se présenter à l'audience de conciliation et de désigner son arbitre, absence de dépôt d'une réponse à la demande) (9C_776/2016).

Dans un arrêt rendu en 2010, après avoir constaté que de 2000 à 2006, le médecin avait présenté des indices de coûts par patient sensiblement plus élevés que la moyenne de 100 de ses confrères et supérieurs à l'indice de 130 (marge de tolérance comprise), qu'il avait déjà été condamné à deux reprises par le Tribunal arbitral à restituer aux assureurs des montants considérables pour non-respect du caractère économique des prestations au sens de l'art. 56 al. 1 LAMal, montants dont il ne s'est jamais acquitté, qu'il avait tout fait pour échapper à ses créanciers, qu'il n'avait pris aucune disposition en vue de respecter le principe de l'économicité des prestations prescrit par la LAMal et avait persisté à pratiquer une médecine dispendieuse, ne laissant d'autre choix aux assureurs que de déposer de nouvelles demandes en paiement pour les années suivantes, le Tribunal arbitral a prononcé l'exclusion définitive du médecin de pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins, en application de l'art. 59 al. 1 let. d LAMal (ATAS/902/2010).

27.    En l'espèce, le défendeur s'oppose à son exclusion, aux motifs que

- sa pratique devrait être jugée économique pour l'année 2016.

- il n'a pas été condamné pour polypragmasie depuis 2007.

- quand bien même il considérait que les statistiques de SANTÉSUISSE le concernant étaient erronées, il avait déclaré qu'il était prêt à modifier sa manière de facturer au 1er janvier 2017 et avait confirmé par écrit à SANTÉSUISSE qu'il avait mis en pratique son intention, déléguant notamment à des tiers certains examens qu'il effectuait jusque-là lui-même.

- il a toujours pris soin d'expliquer au Tribunal arbitral les spécificités de sa pratique, qui justifient les coûts engendrés.

- il n'est pas de mauvaise foi lorsqu'il ne peut rembourser le montant auquel il a été condamné, mais manque de moyens.

- une exclusion définitive serait disproportionnée.

28.    a. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que, depuis de nombreuses années, le défendeur a présenté des indices de coûts par patient sensiblement plus élevés que la moyenne de 100 de ses confrères et supérieurs à l'indice de 130 (marge de tolérance comprise) à partir duquel il y a présomption d'un cas de polypragmasie. La polypragmasie a été admise par le Tribunal de céans, et confirmée par le Tribunal fédéral pour les années statistiques 1999 et 2004 à 2006 (9C_282/2013 ; ATAS/243/2013).

En dernier lieu, soit le 19 mai 2017, le défendeur a été condamné par le Tribunal de céans (ATAS/388/2017 entré en force) à restituer aux demanderesses la somme totale de CHF 149'328.- pour non-respect du caractère économique des prestations au sens de l'art. 56 al. 1 LAMal, pour l'année 2007, montant dont il ne s'est pas acquitté. Bien plus, il apparaît qu'il a fait opposition à la poursuite y relative dirigée par les demanderesses contre lui.

Force est ainsi de constater que le défendeur n'a pas respecté les exigences relatives au caractère économique prévues dans la loi, ce de manière répétée, de sorte qu'une sanction s'impose au sens de l'art. 59 al. 1 let. d LAMal.

b. Cette sanction doit rester proportionnée.

Il convient à cet égard de rappeler que les indices de coûts directs par patient ont été les suivants :

Année statistique

Indice RSS coûts directs par patient

Indice RSS coûts totaux par patient

Indice ANOVA coûts directs par patient

Indice ANOVA coûts totaux par patient

2007

170

222

190

234

2008

198

250

217

263

2009

189

244

199

248

2010

160

231

169

226

2011

182

271

176

246

2012

182

279

166

234

2013

177

288

161

242

2014

180

269

166

236

2015

191

283

178

253

2016

198

293

176

249

 

Certes le défendeur n'a-t-il fait l'objet d'aucune nouvelle condamnation pour polypragmasie depuis l'année statistique 2007.

Par courriers des 29 juin et 13 juillet 2015, 31 mars, 23 mai et 1er juillet 2016, et 7 avril 2017 toutefois, SANTÉSUISSE a constaté que les statistiques 2013, 2014 et 2015 présentaient toujours un indice RSS coûts totaux et ANOVA coûts totaux dépassant celui du groupe de comparaison, et a proposé au défendeur plusieurs entretiens, sans que celui-ci ne réagisse.

Il y a ainsi lieu de tenir compte de la durée du comportement incriminé (depuis 1996) et de l'attitude du défendeur, qui a persisté à ne pas remettre en cause sa pratique dispendieuse durant plusieurs années.

Il est vrai qu'il a expressément déclaré, par courrier du 4 mai 2017, être prêt à le faire à compter du 1er janvier 2017 et a plus particulièrement reconnu qu'il devait changer sa manière de facturer.

Il a ce faisant démontré qu'il avait pris conscience de ce que sa pratique avait été constitutive de polypragmasie. Il a du reste établi des modèles de factures qui permettent de différencier les coûts selon le type d'examen et de traitements dispensés et a concrètement réduit le prix moyen de ses prestations.

Le Tribunal de céans renonce dans ces conditions à prononcer une exclusion définitive de toute pratique à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour considérer qu'une exclusion temporaire de deux ans constitue une mesure appropriée.

29.    La procédure devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 LaLAMAL, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d'écriture), ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMAL).

En l'occurrence, la totalité de l'émolument de justice de CHF 3'000.- et les frais du Tribunal de céans de CHF 4'047.50 seront mis intégralement à la charge du défendeur.

Le défendeur qui succombe sera en outre condamné à verser aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, la somme de CHF 5'000.- à titre de dépens.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant

À la forme :

1.        Déclare recevable la demande déposée par SANTÉSUISSE pour le compte des caisses-maladies.

Au fond :

2.      L'admet, sauf s'agissant de AVANEX VERSICHERUNGEN AG et SANA24 AG qui n'ont pas la qualité pour agir.

3.      Condamne le défendeur à verser à SANTÉSUISSE, à charge pour elle de répartir ce montant en faveur des demanderesses, la somme de CHF 131'818.50.

4.      Prononce une exclusion de deux ans du défendeur de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

5.      Met un émolument de justice de CHF 3'000.- et les frais du Tribunal de CHF 4'047.50 à la charge du défendeur.

6.      Condamne le défendeur à payer à SANTÉSUISSE la somme de CHF 5'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

7.      Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le