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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2833/2006

ATAS/902/2010 du 03.09.2010 ( ARBIT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2833/2006 ATAS/902/2010

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

Chambre 7

du 3 septembre 2010

En la cause

ASSURA SA, sise Avenue C.-F. Ramuz 70, 1009 Pully

AUXILIA, sise Seidenhofstrasse 6, 6003 Lucerne

AVANEX VERSICHERUNG AG, sise c/o Helsana-Gruppe, Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf

AVENIR ASSURANCES, sise c/o Groupe Mutuel, Rue du Nord 5, 1920 Martigny

CAISSE-MALADIE DE LA FONCTION PUBLIQUE, sise c/o Groupe Mutuel, Rue du Nord 5, 1920 Martigny

CONCORDIA, Hauptsitz, sise Bundesplatz 15, 6003 Luzern

KPT CAISSE-MALADIE, sise Tellstrasse 18, 3014 Bern

 

CSS ASSURANCE, sise Droit & Compliance, Tribschenstrasse 21, 6005 Luzern

HELSANA ASSURANCES COMPLEMENTAIRES SA, Gestion clientèle, sise Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf

HERMES CAISSE MALADIE ET ACCIDENTS, sise c/o Groupe Mutuel, Rue du Nord 5, 1920 Martigny

INTRAS, sise Société du Groupe CSS, Droit & Compliance, Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne

LA CAISSE VAUDOISE, sise c/o Groupe Mutuel, Rue du Nord 5, 1920 Martigny

MUTUEL ASSURANCES, sise c/o Groupe Mutuel, Rue du Nord 5, 1920 Martigny

PHILOS CAISSE MALADIE -ACCIDENT, sise Rue du Nord 5, 1920 Martigny

PROGRES ASSURANCES SA, sise c/o Groupe Mutuel, Rue du Nord 5, 1920 Martigny

SANITAS ASSURANCE-MALADIE, sise Lagerstrasse 107, 8021 Zürich

SWICA, sise Römerstrasse 38, 8401 Winterthur

SANTESUISSE GENEVE, sise Chemin des Clochettes 12-14, 1206 Genève

EGK CAISSE-MALADIE, sise Brislachstrasse 2, 4242 Laufen

SUPRA CAISSE-MALADIE, sise Chemin de Primerose 35, 1007 Lausanne

VIVAO SYMPANY /OEKK BASEL, sise Spiegelgasse 12,
4001 Basel

AQUILANA CAISSE-MALADIE, sise Bruggerstrasse 46,
5401 Baden

ASSURA SA - ASSURANCE-MALADIE ET ACCIDENTS, sise Avenue C.-F. Ramuz 70, 1009 Pully

ATUPRI KRANKENKASSE, sise Zieglerstrasse 29, 3007 Bern

AVANEX, sise Droit des assurances, Chemin de la Colline 12, 1007 Lausanne

MOVE SYMPANY AG, sise Jupiterstrasse 15, 3015 Bern

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS, sise Bundesplatz 15, 6002 Luzern

CSS VERSICHERUNG, Tribschenstrasse 21, 6005 Luzern

E.G.K. GESUNDHEITSKASSE, sise Brislachstrasse 2,
4242 Laufen

GALENOS ASSURANCE-MALADIE ET ACCIDENTS, sise Militärstrasse 36, 8023 Zürich

GROUPE MUTUEL, sis Rue du Nord 5, 1920 Martigny

HELSANA VERSICHERUNGEN AG, sise Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf

INTRAS, sise Société du Groupe CSS, Droit & Compliance, Tribschenstrasse 21, 6005 Luzern

KOLPING KRANKENKASSE AG, sise Ringstrasse 16,
8600 Dubendorf

KPT/CPT CAISSE-MALADIE, sise Tellstrasse 18, 3014 Bern

OKK SCHWEIZ, sise Rue Hans-Fries 2, 1700 Fribourg,

PROGRES ASSURANCES SA, Droit des assurances Suisse romande, sise Case postale 839, 1001 Lausanne

PROVITA GESUNDHEITSVERSICHERUNG AG, sise Brunngasse 4, 8401 Winterthur

SANATOP ASSURANCES SA, sise Case postale 49,
1000 Lausanne 3

SANITAS KRANKENVERSICHERUNG, sise Lagerstrasse 107, 8021 Zurich

SANSAN, sise Rue de Versailles 6, 1009 Pully

SUPRA CAISSE-MALADIE, sise Chemin de Primerose 35, 1003 Lausanne

SWICA GESUNDHEITSORGANISATION, sise Römerstrasse 38, 8401 Winterthur

WINCARE VERSICHERUNGEN, sise Konradstrasse 14,
8401 Winterthur

SANTÉSUISSE GENEVE, sise Chemin des Clochettes 12-14, 1206 Genève

Toutes représentées par SANTÉSUISSE Genève, sise chemin des Clochettes 12-14, 1206 Genève et comparant avec élection de domicile en l'étude de Me Mario-Dominique TORELLO

demanderesses

 

contre

Madame C__________, domiciliée à Chêne-Bougeries, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Flavien VALLOGGIA

 

défenderesse


EN FAIT

Madame C__________ (ci-après la défenderesse), spécialiste FMH en médecine générale, a été autorisée à pratiquer la profession de médecin par arrêté du Conseil d'Etat du 10 avril 1985. Elle exploite un cabinet médical à titre permanent, sis à Genève.

Le 19 septembre 2000, divers assureurs-maladie regroupés au sein de la Fédération genevoise des assureurs-maladie (ci-après FGAM) ont déposé une demande auprès du Tribunal arbitral concluant à ce que la défenderesse soit condamnée au paiement des sommes de 391'841 fr. avec intérêts à 5 % dès le 10 décembre 1999 et de 380'114 fr. avec intérêts à 5 % dès le 5 septembre 2000, en raison d'une pratique jugée non économique pour les années 1998, respectivement 1999.

Par décision du 28 juillet 2004, le Tribunal arbitral a admis partiellement la demande et condamné la défenderesse à payer aux demanderesses, représentées par la FGAM, les sommes de 373'530 fr. 40 avec intérêts à 5 % dès le 10 décembre 1999 et de 380'114 fr. avec intérêts à 5 % dès le 5 septembre 2000 (cf. cause A/1048/2000 ARBIT - ACOM/72/2004). Le recours interjeté par la défenderesse auprès du Tribunal fédéral des assurances a été déclaré irrecevable par arrêt du 14 décembre 2004, au motif que la recourante n'avait pas versé les sûretés demandées, soit 14'000 fr., dans le délai imparti.

Entre-temps, le 24 juillet 2003, la caisse-maladie VISANA (ci-après VISANA) a saisi le Tribunal arbitral d'une demande à l'encontre de la défenderesse visant à la condamnation de la praticienne à restituer la somme 8'942 fr. 60 avec intérêts à 5 %.

Par décision du 4 octobre 2004, le Tribunal arbitral, considérant que la praticienne n’avait pas respecté le principe de l’économicité, a condamné la défenderesse à payer à VISANA la somme de 5'622 fr. 50 avec intérêts à 5 % dès le 14 juillet 2003 (cause A/1280/2003 ARBIT - ACOM/101/2004). Cette décision, non contestée, est entrée en force.

Le 28 juillet 2006, vingt-trois caisses-maladie, représentées par SANTÉSUISSE - Genève, ont saisi par l’intermédiaire de leur conseil le Tribunal de céans d'une demande en paiement, concluant à ce que la défenderesse soit condamnée à leur restituer la somme de 177'095 fr., au motif qu'elle avait contrevenu, en ce qui concerne l'année 2004, au principe de l'économicité (polypragmasie). Les demanderesses exposent que la défenderesse présente, depuis de nombreuses années, des indices de coûts directs par patient nettement plus élevés que la moyenne de 100 des confrères de sa spécialité, avec, pour l’année 2004, un indice de coûts directs de 264. Les demanderesses ont de plus proposé au Tribunal de céans de prononcer l'exclusion temporaire de la défenderesse de toute activité à charge de l'assurance-obligatoire des soins. A l’appui de leur demande, les caisses-maladie font valoir que la défenderesse ne s'est pas conformée aux jugements du Tribunal arbitral, entrés en force, et qu’elle a tout fait pour se soustraire à ses obligations, allant jusqu'à se défaire, dans le courant de l'année 2004, du bien immobilier dont elle était propriétaire jusqu'en 2003, prétendant ne gagner qu'à peine 1'500 fr. par mois, alors que les factures remboursées par les caisses-maladies s'élèvent à plusieurs centaines de milliers de francs par année. C’est ainsi que suite à la réception le 30 mai 2006 d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens pour un montant de 985'797 fr. 50, SANTÉSUISSE s’est vue contrainte de déposer plainte auprès de la Commission de surveillance des poursuites et des faillites, où une procédure était pendante.

Après échec de la tentative obligatoire de conciliation, les parties ont désigné leur arbitre et le Tribunal arbitral a été constitué.

Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 14 novembre 2006, la défenderesse a exposé que toutes les factures étaient établies sous son code créancier, qu'elle déléguait cependant la psychothérapie à M. Philippe D__________, psychologue, récemment décédé, qui pratiquait dans son cabinet et auquel elle rétrocédait deux tiers des honoraires, selon ce qui était convenu entre eux. Elle a déclaré que M. D__________ avait un accès direct à tous ses comptes, par le biais de l'informatique, que sa fille et l'amie de ce dernier se partageaient le secrétariat du cabinet médical. La défenderesse a expliqué qu'elle ne s'occupait pas du tout de l'établissement des factures et qu'elle avait beaucoup de peine actuellement à penser et à lire des documents.

Le représentant de SANTÉSUISSE a confirmé que dans les statistiques 2004 sont comprises toutes les factures établies sous le code créancier de la défenderesse. Il a expliqué qu'avant l'introduction du TARMED, un médecin psychiatre ou un généraliste pouvait déléguer une psychothérapie à un tiers dans son propre cabinet. En revanche, depuis l'entrée en vigueur du TARMED, la réglementation est plus détaillée, le médecin doit bénéficier des droits acquis ou d'une attestation de formation continue. En l'occurrence, SANTÉSUISSE n'avait pas connaissance d’une autorisation dont la défenderesse aurait bénéficié pour pratiquer une psychothérapie déléguée, que ce soit avant l’entrée en vigueur du TARMED ou après. Il fallait une formation spécifique et une charte avait été rédigée dans le cadre de la Commission mixte, qui précisait la procédure en matière de psychothérapie déléguée. Le médecin qui délègue la psychothérapie doit toujours avoir un contrôle et un suivi des cas.

La défenderesse a précisé qu'à sa connaissance, avant la charte établie par la Commission mixte en 2003 ou 2004, il n'y avait rien d'écrit. Elle a exposé qu’elle pratiquait la psychothérapie déléguée depuis 1985 à son cabinet ; elle faisait beaucoup de psychothérapie, car tous les patients qui viennent la voir vivent dans un monde de stress. Selon la défenderesse, ils sont tous malades de peur et de désarroi, ils ne savent plus ce qui arrive. Tout le monde est victime et les patients ne peuvent plus payer leur assurance-maladie. C'est pour cela qu'elle avait pris la décision, depuis deux ans, de vivre à son cabinet. On lui réclame de l'argent qu'elle ne peut pas rembourser. Elle a expliqué que ses patients paient ce qu'ils peuvent, mais qu'elle n'a jamais mis personne en recouvrement. Elle a en effet toujours refusé de mettre ses patients aux poursuites. Madame C__________ a ensuite émis plusieurs considérations à propos d'un monde "zombifié", de camisole de force électromagnétique, etc. (cf. procès-verbal de comparution personnelle des parties du 14 novembre 2006).

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti à la défenderesse un délai au 30 novembre 2006 pour produire les chiffres exacts relatifs aux montants restitués en 2004 à M. D__________ ainsi qu'un éventuel agrément relatif à la psychothérapie déléguée.

Par décision incidente du 14 novembre 2006, la Présidente du Tribunal de céans a signalé le cas de la défenderesse au Tribunal tutélaire, relevant que depuis plusieurs années la défenderesse mettait ses intérêts financiers, voire ceux de tiers, en péril et que lors de l'audience de comparution personnelle, le Tribunal a pu se convaincre qu’elle était incapable de gérer ses affaires et de soutenir valablement un procès, dès lors qu'elle rencontrait de toute évidence des difficultés d'ordre psychologique. Le Tribunal a considéré qu'il se justifiait par conséquent d’en informer le Tribunal tutélaire, afin que ce dernier prenne, le cas échéant, toutes les dispositions nécessaires et désigne en particulier un représentant à la défenderesse aux fins de sauvegarder ses droits dans la présente procédure. L’instance a été suspendue jusqu’à droit jugé par le Tribunal tutélaire.

Par ordonnance du 22 mars 2007, le Tribunal tutélaire a désigné M. E__________, juriste titulaire de mandats auprès du Service des tutelles d'adultes à Genève, aux fonctions de curateur de Madame C__________, aux fins de gérer et administrer ses biens, d'encaisser ses revenus et ses rentes et de pourvoir à leur gestion et de la représenter à l'égard de ses créanciers.

Par ordonnance du 20 avril 2007, le Tribunal arbitral a repris l'instance, communiqué l'ordonnance du 22 mars 2007 du Tribunal tutélaire aux demanderesses et octroyé à la défenderesse un délai au 8 mai 2007 afin de consulter le dossier.

Le Tribunal de céans a convoqué les parties en audience de comparution personnelle en date du 10 septembre 2007, à laquelle la défenderesse ne s'est pas présentée. Son curateur a déclaré qu'il ignorait les raisons pour lesquelles sa pupille était absente à l'audience. Il a ajouté que, de son point de vue, la défenderesse avait les moyens de mandater un avocat privé, car ses revenus mensuels ascendaient à près de 12'000 fr. Le curateur a précisé qu’il s’agissait d'indemnités journalières et a informé le Tribunal que la défenderesse avait cessé de pratiquer depuis la fin de l'année 2006. A sa connaissance, l'Autorité de surveillance des professionnels de la santé n'avait pas pris de décision à l'encontre de Madame C__________ ; il s'agissait plutôt d'un consensus. Pour le surplus, il n'avait pas le détail de la comptabilité de sa pupille, mais avait demandé au comptable de sa pupille un état complet de la comptabilité du cabinet de la défenderesse pour toutes les années litigieuses.

Les demanderesses ont précisé qu’une action révocatoire à l'encontre de la défenderesse devait être prochainement déposée, concernant le bien immobilier qu’elle avait transféré à sa mère après l'arrêt du Tribunal arbitral.

A l'issue de l'audience, un délai au 15 octobre 2007 a été accordé à la partie défenderesse afin qu'elle produise les factures relatives aux soins dispensés à ses patients toxicomanes en traitement en 2004, le cas échéant l'autorisation qui lui aurait été accordée pour déléguer la psychothérapie, ainsi que pour communiquer les montants restitués à M. D__________ durant l'année 2004. Dans le même délai, SANTÉSUISSE était invitée à produire les statistiques complètes du groupe 53 (depuis 2004 : médecins praticiens sans spécialisation) et du groupe 0 (avant 2004 : médecins généralistes sans radiologie). Un délai au 15 novembre 2007 a été en outre accordé à la partie défenderesse pour déposer sa réponse.

Le 19 septembre 2007, répondant à la requête du Tribunal de céans, la Dresse L__________, médecin cantonale déléguée, a indiqué que pour l’année 2004, la défenderesse était au bénéfice de dix autorisations pour la dispense de traitements de stupéfiants à des patients toxicomanes.

Le 15 octobre 2007, le curateur de la défenderesse a indiqué que s’agissant de la psychothérapie déléguée, il apparaît qu’aucune autorisation n’était requise, la loi n’ayant pas appréhendé cette question. Enfin, la comptabilité de sa pupille laissait apparaître un montant de 54'654 fr. 80 en faveur de Monsieur et D__________ et de 13'441 fr. 50 en faveur de Madame F__________.

Par décision du 29 octobre 2007, le Vice-Président du Tribunal de première instance a refusé le bénéfice de l’assistance juridique à la défenderesse pour la présente procédure.

Par courrier du 8 novembre 2007, le Tribunal a interpellé le curateur de la défenderesse afin qu'il verse à la procédure toutes les pièces justificatives concernant les montants reversés à Monsieur D__________ et à Madame F__________. S'agissant des patients toxicomanes, il en a requis la liste ainsi que les factures relatives aux soins dispensés en 2004. Un délai au 26 novembre 2007 lui a été imparti à cet effet.

Le 2 janvier 2008, les demanderesses ont produit un chargé complémentaire comportant les statistiques des deux groupes de médecins.

Par décision du 22 janvier 2008, le Vice-Président du Tribunal de première instance, faisant suite à la décision du Président de la Cour de Justice, a mis la défenderesse au bénéfice de l’assistance juridique dans le cadre de la présente procédure, limité à la première instance. Il a au surplus subordonné l’octroi de l’assistance juridique au paiement d’une contribution mensuelle de 100 fr., dès le 1er février 2008.

Par courrier du 6 février 2008, Me Flavien VALLOGGIA a informé le Tribunal de céans qu’il assurait désormais la défense des intérêts de Madame C__________ et a sollicité un délai pour répondre.

Dans sa réponse du 29 février 2008, la défenderesse expose qu’elle a pratiqué une médecine de proximité à fort caractère social, recevant tous les patients, en particulier les plus nécessiteux. Sa patientèle était composée essentiellement de personnes présentant des dépendances aux stupéfiants et des conduites addictives. Au vu de sa formation - quatre années d’études post-grade de psychiatrie, trois années passées à la clinique psychiatrique de Bel-Air et une année dans le service de psychiatrie de l’Hôpital de Loëx - la défenderesse explique qu’elle s’est rapidement spécialisée dans le suivi de patients toxicomanes, aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychique. A cet effet, elle s’est adjointe la collaboration de deux psychologues-psychothérapeutes, le Dr D__________, licencié en psychologie au bénéfice d’un post-grade en psychologie sociale avec une large expérience en France et aux USA notamment, et la Dresse M__________, psychologue et psychothérapeute licenciée, remplacée par la suite par la Dresse F__________, diplômée en psychologie de l’Université de Genève, auxquels elle déléguait des traitements de psychothérapie dans son cabinet, sous son contrôle et sous sa responsabilité. La défenderesse soutient qu’elle était habilitée à pratiquer la psychothérapie déléguée et à la facturer selon le tarif des soins donnés par un médecin, dès lors que dans les années 80 - 90, aucun diplôme ou reconnaissance n’était requis. Sur le fond, elle conteste en substance les chiffres retenus par les demanderesses s’agissant de son chiffre d’affaires, qui s’élèverait selon elle à 198'199 fr. 70 pour l’année 2004, ainsi que l’utilisation de la méthode statistique. Selon la défenderesse, la composition atypique de sa patientèle ainsi que sa formation sont des particularités à prendre en considération, qui justifieraient par ailleurs une comparaison avec les médecins psychiatres. Elle conclut préalablement à la mise sur pied d’une expertise analytique et, quant au fond, au déboutement des demanderesses. Concernant enfin la proposition de l’exclure de toute activité à la charge de l’assurance-maladie obligatoire des soins, la défenderesse relève qu’elle n’a actuellement plus d’activité professionnelle et que son droit d’exercer va vraisemblablement lui être retiré prochainement, de sorte qu’elle n’a manifestement plus d’objet.

Une nouvelle audience de comparution personnelle des parties a été fixée le 25 avril 2008. La défenderesse a déclaré que le gros de sa clientèle souffrait de troubles psychiatriques ou psychologiques et qu’ils venaient chez elle parce qu’ils savaient qu’ils n’étaient pas soumis à la pression de la facturation et du recouvrement. Elle disait aux patients de payer ce qu’ils pouvaient. Elle a cependant contesté avoir incité qui que ce soit à ne pas payer les factures ou à venir la consulter. Elle a confirmé qu’elle avait commencé à travailler avec Monsieur D__________ en 1985, puis Madame F__________ les a rejoints : elle leur rétrocédait deux-tiers de ses honoraires de psychothérapie. Monsieur D__________ s’occupait de la facturation, avec sa secrétaire. Il était en effet au courant de la législation, elle-même ne suivait pas du tout. Sur question du Tribunal, la défenderesse a confirmé qu’elle était toujours au bénéfice de l’autorisation de pratiquer, laquelle reste valable, selon ce qu’elle avait appris, après la cessation d’activité.

Le conseil de la défenderesse a indiqué qu’une partie des dossiers des patients avait été transférée au Dr N__________. Il a réitéré sa demande de production, par SANTÉSUISSE, des statistiques du groupe 10, dans la mesure où sa mandante pratiquait la psychothérapie déléguée, ce qui a fait exploser les coûts par patient. Le mandataire a déclaré que postérieurement à 2004, il existait un grand flou et il n’est pas sûr qu’une attestation de la FMH dont fait état SANTÉSUISSE était requise pour bénéficier des droits acquis. Il a confirmé que sa cliente ne pratiquait plus du tout depuis fin 2006.

Les demanderesses ont fait valoir que l’attitude de la défenderesse avait contribué à attirer une certaine patientèle et incité à une surconsommation. Elles se sont opposées à la production des statistiques du groupe 10, dès lors que la défenderesse n’est pas médecin psychiatre. Cela étant, SANTÉSUISSE a déclaré qu’elle avait informé le médecin cantonal de la situation de la défenderesse et qu’elle a été entendue par la commission idoine. A leur connaissance, ladite commission a constaté que la défenderesse devait se faire soigner.

La défenderesse a contesté avoir été entendue par la commission. Elle a été entendue par le médecin cantonal, qui n’a pas eu de décision à prendre la concernant, puisqu’elle s’est mise en arrêt de travail. Elle a ajouté qu’en l’état, elle n’avait pas envie de reprendre son activité de médecin, pour toutes les raisons avouées ou inavouées du système. Pour elle, « le but était de la saboter ».

A l’issue de l’audience, un délai au 13 juin a été imparti à la défenderesse afin qu’elle produise les factures concernant les neuf patients toxicomanes traités en 2004.

Le conseil de la défenderesse a informé le Tribunal par courrier du 13 juin 2008 que sa mandante n’avait pas été en mesure de retrouver les factures émises en 2004 pour les patients toxicomanes qu’elle suivait en traitement et a sollicité que les demanderesses les produisent, de même que les statistiques relatives au groupe 10 (médecins psychiatres).

Le 24 juin 2008, les demanderesses se sont opposées à la requête de la défenderesse, dès lors qu’il ne leur est pas possible de retrouver, à partir des statistiques, toutes les factures de la défenderesse et qu’il incombe avant tout à cette dernière de conserver ses éléments de comptabilité, pendant en tout cas cinq ans. Quant aux statistiques du groupe 10, la prétention de la défenderesse est infondée puisque n’étant pas psychiatre, elle ne saurait être comparée à ce groupe de médecins.

Le 9 juillet 2008, le Dr O__________, président du Groupe genevois des praticiens en médecine de l’addiction (ci.-après GPMA), a communiqué au Tribunal de céans la Convention concernant la prise en charge médico-pharmaco-psychothérapeutique des patients pharmacodépendants, signée le 19 avril 2004 par le GPMA et SANTÉSUISSE. Sur quoi, les demanderesses ont informé le Tribunal que la défenderesse n’avait jamais fait partie du groupe GPMA et n’avait jamais adhéré à ladite Convention.

Par acte du 23 juillet 2008, vingt caisses-maladies, représentées par SANTÉSUISSE Genève, ont déposé une nouvelle demande par-devant le Tribunal de céans, concluant à la condamnation de la défenderesse à leur restituer le montant de 275'305 fr., subsidiairement 173'808 fr., en raison d’une pratique non économique pour l’année 2006. Selon les statistiques, la défenderesse présentait un indice ANOVA coûts totaux de 220 pour l’année 2006, l’indice RSS coûts directs et indirects étant de 175. La cause a été enregistrée par le greffe du Tribunal de céans sous le numéro A/2797/2008.

Après échec de la tentative obligatoire de conciliation du 8 septembre 2008, le Tribunal a procédé à la jonction de la cause A/2797/2008 avec la cause précédente, sous le numéro de cause A/2833/2006 et fixé un délai à la défenderesse pour déposer sa réponse.

Le 30 septembre 2008, le Vice-Président du Tribunal de première instance a mis la défenderesse au bénéfice de l’assistance juridique en complément à la décision du 22 janvier 2008.

Dans son mémoire responsif du 28 novembre 2008, la défenderesse s’est opposée aux prétentions des demanderesses. Elle fait valoir qu’elle bénéficiait d’un accord tacite avec les caisses-maladies pour pratiquer la psychothérapie déléguée, dont elles ont d’ailleurs remboursé les factures. L’exercice de la psychothérapie déléguée n’a jamais été remis en cause par une décision de justice. Quant au nombre de patients qui ont fait l’objet de remboursements en 2006 et au chiffre d’affaires, les chiffres avancés par les demanderesses sont invérifiables. Elle conteste l’utilisation de la méthode statistique, le groupe de comparaison retenu et la non-prise en compte par les demanderesses des particularités liées à sa clientèle et à sa pratique. Elle conclut notamment à la mise en œuvre d’une expertise analytique.

Lors de l’audience de comparution des mandataires du 30 janvier 2009, le conseil de la défenderesse a déclaré que depuis six mois, il n’avait plus de contact avec sa cliente. Il s’était rendu à l’ancien cabinet médical, avec la secrétaire de l’époque, et avait constaté que les programmes informatiques n’étaient plus utilisables. Il n’avait rien pu en tirer et le comptable n’avait pas conservé de documents.

Le conseil des demanderesses a quant à lui déclaré que l’action révocatoire était toujours en cours et qu’une solution transactionnelle pourrait éventuellement être trouvée pour les précédents litiges. Il a rappelé que SANTÉSUISSE a requis le Tribunal de prononcer l’interdiction définitive de la défenderesse de pratiquer à charge de l’assurance obligatoire des soins.

Par ordonnance du 4 février 2009, la Présidente du Tribunal de céans a suspendu l’instruction de la cause, d’accord entre les parties. L’instance a été reprise le 22 avril 2010, puis suspendue à nouveau.

Le 5 mai 2010, le conseil de la défenderesse a sollicité la reprise de l’instruction et requis la production par SANTÉSUISSE de l’intégralité des factures démontrant la réalité de son chiffres d’affaires tel qu’allégué par les demanderesses. Il a émis le souhait que le litige soit tranché.

Par ordonnance du 11 mai 2010, l’instruction a été reprise et une nouvelle audience de comparution personnelle des parties a été appointée au 25 juin 2010.

La défenderesse n’a pas comparu à l’audience du 25 juin 2010. Son mandataire a déclaré qu’elle n’avait plus de domicile, qu’il était sans contact avec elle depuis plus d’un an et qu’il adressait ses courriers au Service des tutelles.

Le mandataire des demanderesses a déclaré que la défenderesse résidait à ce jour officiellement à Chêne-Bougeries. Le médecin cantonal, auquel les demanderesses avaient signalé la situation de Madame C__________, avait fait suivre le dossier auprès de l’Autorité de surveillance des professionnels de la santé. Cette dernière n’a finalement pas statué, au regard de l’état de santé psychique de la défenderesse et du fait qu’elle s’était mise en arrêt de travail. Concernant l’action révocatoire, l’audience de plaidoirie avait eu lieu la veille et la cause a été gardée à juger. Toutefois, si l’action révocatoire devait aboutir et le bien réalisé au profit des créanciers, le produit de la vente ne couvrirait probablement pas l’intégralité de leur créance. Au nom des demanderesses, le mandataire a conclu à ce que le Tribunal prononce l’exclusion définitive de la défenderesse de pratiquer à charge de l’assurance-obligatoire des soins, compte tenu de la récidive. Dans cette hypothèse, les demanderesses renonceraient à leurs conclusions en paiement.

Concernant l’exclusion, le conseil de la défenderesse s’en est rapporté à justice.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

 

 

EN DROIT

a) Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

b) En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal) de la défenderesse n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est également acquise ratione loci, dans la mesure où le cabinet de la défenderesse y est installé à titre permanent.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Les demandes des 28 juillet 2006 et 23 juillet 2008 respectent les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA), de sorte qu’elles sont recevables.

a) Aux termes de l'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après LPGA), le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 579 p. 582 consid. 4.1).

Il s'agit d'une question qui doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATFA non publié du 24 avril 2003, cause K 9/00, consid. 2). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153, consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.

Selon celle-ci, les délais de la disposition précitée constituent des délais de péremption (ATF 119 V 433, consid. 3a). L'expiration de ce délai est empêché lorsque les assureurs-maladie introduisent une demande, dans le délai d'une année à partir de la connaissance des statistiques, par devant l'organe conventionnel, l'instance de conciliation légale ou le Tribunal arbitral (RAMA 2003, p. 218, consid. 2.2.1). Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié du 16 juin 2004, cause K 124/03, consid. 5.2).

b) En l'espèce, les statistiques de SANTÉSUISSE concernant l'année 2004 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt le 29 juillet 2005, date qui correspond au lendemain de la préparation des données figurant sur ces statistiques. Quant à celles de l’année 2006, elles ont été préparées le 23 juillet 2007. Dans la mesure où les demandes ont été déposées le 28 juillet 2006, respectivement le
23 juillet 2008, il sied de constater que celles-ci respectent le délai légal d'une année.

L’objet du litige consiste à déterminer si la défenderesse doit être condamnée à restituer aux demanderesses les montants de 177'095 fr. et 275'305 fr. pour avoir contrevenu au principe de l’économicité durant les années 2004 et 2006 et, d’autre part, s’il convient de prononcer son interdiction de pratiquer à charge de l’assurance-maladie obligatoire des soins.

Cependant, dans leurs dernières conclusions, les demanderesses ont proposé que la défenderesse soit définitivement exclue de pratiquer à charge de l’assurance-obligatoire des soins, auquel cas elles renonceraient à leur demande en paiement.

Il convient par conséquent d’examiner en premier lieu la requête des demanderesses visant à ce que le Tribunal de céans prononce l’exclusion définitive de la défenderesse de pratiquer à charge de la LAMal.

Selon l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.

Aux termes de l’art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations prévues dans la loi (art. 56 et 58) ou dans un contrat font l’objet de sanctions. Celles-ci sont :

l’avertissement ;

la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée ;

l’amende ;

en cas de récidive, l’exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

Le Tribunal arbitral au sens de l’art. 89 prononce la sanction appropriée sur proposition d’un assureur ou d’une fédération d’assureurs (cf. art. 59 al. 2 LAMal ; voir aussi EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 258). Il sied en effet de rappeler que les assureurs-maladie sont tenus, de par la loi, à veiller eux-mêmes à ce que les prestations allouées soient efficaces, appropriées et économiques (cf. François-X. DESCHENAUX, Le précepte de l'économie du traitement dans l'assurance-maladie sociale, en particulier en ce qui concerne le médecin, in : Mélanges pour le 75ème anniversaire du Tribunal fédéral des assurances, Berne 1992, p. 537).

A teneur de l’art. 59 al. 3 LAMal, constituent notamment des manquements aux exigences légales ou contractuelles visées à l’al. 1 :

le non respect du caractère économique des prestations au sens de l’art. 56 al. 1 ;

l’inexécution ou la mauvaise exécution du devoir d’information au sens de l’art. 57 al. 6 ;

l’obstruction aux mesures de garantie de la qualité prévue à l’art. 58 ;

le non-respect de la protection tarifaire visé à l’art. 44 ;

la non-répercussion d’avantages au sens de l’art. 56 al. 3 ;

la manipulation frauduleuse de décomptes ou la production d’attestations contraires à la vérité.

En l’espèce, les demanderesses proposent au Tribunal de céans de prononcer l’exclusion définitive de la défenderesse de toute activité à charge de l’assurance-obligatoire des soins, motif pris qu’elle a contrevenu de manière répétée au principe de l’économicité.

Il résulte des pièces du dossier que depuis de nombreuses années la défenderesse a présenté des indices de coûts par patient sensiblement plus élevés que la moyenne de 100 de ses confrères et supérieurs à l’indice de 130 (marge de tolérance comprise) à partir duquel il y a présomption d’un cas de polypragmasie. On peut mentionner à cet égard les chiffres suivants, tels qu’ils ressortent des statistiques :

- année 1998 : indice coûts directs par malade 342, indice coûts totaux 241

- année 1999 : 359 255

année 2000 : 313 211

année 2002 : 348 226

année 2003 : 306 211

année 2004 : 248 179

année 2005 : 269 178

année 2006 : 237 175

C’est le lieu de relever que la défenderesse a déjà été condamnée à deux reprises par le Tribunal arbitral à restituer aux demanderesses des montants considérables pour non respect du caractère économique des prestations au sens de l’art. 56 al. 1 LAMal, pour les années 1998 et 1999, montants dont elle ne s’est jamais acquittée. Bien plus, il apparaît que la défenderesse a tout fait pour échapper à ses créanciers, allant jusqu’à se dessaisir d’un bien immobilier au profit de sa mère après sa condamnation par le Tribunal de céans. Les poursuites intentées par les demanderesses à son encontre s’étant soldées par la délivrance, le 30 mai 2006, d’un acte de défaut de biens pour le montant de 985'797 fr. 50, les demanderesses ont dû intenter une action révocatoire, dont la procédure est toujours en cours.

Ensuite, toujours au mépris des jugements rendus, la défenderesse n’a pris aucune disposition en vue de respecter le principe de l’économicité des prestations prescrit par la LAMal et a persisté à pratiquer une médecine dispendieuse, ne laissant d’autre choix aux demanderesses que de déposer de nouvelles demandes en paiement pour un montant total de 452'400 fr. Les statistiques ont en effet démontré que durant les années 2004 et 2006, les coûts de la défenderesse se sont révélés toujours plus élevés que la moyenne de ses confrères, avec un indice des coûts directs largement supérieur à 200 et un indice des coûts totaux égal ou supérieur à 175.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que la défenderesse a, de manière récurrente, commis des manquements graves et répétés au détriment de l’assurance sociale au sens de l’art. 59 al. 3 let. a LAMal, de sorte qu’une sanction s’impose.

La défenderesse objecte qu’une sanction n’a plus d’objet, dès lors qu’elle a cessé son activité de médecin à la fin de l’année 2006 pour des raisons de santé. Le Tribunal de céans relève cependant qu’en l’état, son droit de pratique ne lui a pas été retiré par l’autorité compétente, ce qui laisse subsister un doute quant à l’hypothèse d’une reprise éventuelle de son activité de médecin et par conséquent d’une pratique non-conforme au principe de l’économicité. Il s’agit de prévenir de tels agissements, eu égard à l’importance du préjudice déjà subi par les demanderesses.

Dans ces circonstances, la récidive étant indéniablement établie en ce qui concerne le non respect du caractère économique des prestations, le Tribunal de céans considère que l’exclusion définitive de la défenderesse de toute pratique à la charge de l’assurance obligatoire des soins constitue la sanction appropriée.

Par conséquent, le Tribunal de céans donnera suite à la proposition des demanderesses et prononcera l’exclusion définitive de la défenderesse de pratiquer à charge de l’assurance obligatoire des soins, en application de l’art. 59 al. 1 let. d LAMal.

Pour le surplus, il sera donné acte aux demanderesses de ce qu’elles renoncent à leurs prétentions fondées sur l’art. 56 al. 1 LAMal pour les années 2004 et 2006.

La défenderesse, qui succombe, sera condamnée à verser aux demanderesses, prises conjointement, une indemnité de 4'000 fr. à titre de dépens.

Pour le surplus, il ne sera pas perçu d’émolument et les frais du Tribunal arbitral (cf. art. 46 loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 29 mai 1997-(LaLAMal; RS J 3 05), par 7'920 fr., seront laissés à la charge de l’Etat.

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES

Statuant

A la forme :

Déclare la demande recevable.

Au fond :

Prononce l’exclusion définitive de Madame C__________ de toute pratique à charge de l’assurance-obligatoire des soins.

Ceci fait :

Donne acte aux demanderesses de ce qu’elles renoncent à leurs prétentions en paiement à l’encontre de la défenderesse pour les années 2004 et 2006.

Les y condamne en tant que de besoin.

Condamne la défenderesse à payer aux demanderesses, créancières solidaires, la somme de 4'000 fr. à titre de dépens.

Renonce à percevoir un émolument et laisse les frais du Tribunal arbitral, par 7'920 fr., à la charge de l’Etat.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Maryse BRIAND

 

La présidente

 

 

 

Juliana BALDE

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le