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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3362/2019

ATAS/430/2022 du 12.05.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3362/2019 ATAS/430/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 mai 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CHÂTELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Agrippino RENDA

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le recourant), né en ______ 1975, est un ressortissant tunisien arrivé en Suisse en date du 29 mars 2002. Il a épousé, en ______ 2002, Madame B______, de nationalité suisse, avec laquelle il a eu un enfant, C______, né en ______ 2002.

b. Suite à son mariage, l'intéressé a obtenu une autorisation de séjour.

c. Au mois d'août 2004, le couple s'est séparé. Par jugement du 15 mai 2008, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux A______ et B______. Ce dernier a été confirmé par la chambre civile de la Cour de justice en date du 16 janvier 2009. L'enfant a été confié à la mère, avec un droit de visite en faveur du père.

d. Suite à un accident, datant du 7 mai 2007, la SUVA a décidé, en date du 13 mars 2009, de verser à l'intéressé une rente d'invalidité estimée à 13 %, avec effet au 1er août 2008.

e. En date du 1er octobre 2011, l'intéressé a subi une agression physique dans le cadre de son travail d'agent de sécurité ; il a été frappé à la tête avec un instrument contondant. L'assurance-accidents de l'employeur, BÂLOISE ASSURANCES SA, a pris en charge le paiement des indemnités journalières.

f. En 2012, l'intéressé a demandé l'octroi d'un permis d'établissement, subsidiairement le renouvellement de son autorisation de séjour.

g. Le 23 décembre 2012, l'intéressé a agressé une personne. Condamné dans un premier temps pour lésions corporelles simples et lésions corporelles graves par négligence, il a vu sa peine alourdie en appel et a été condamné, pour lésions corporelles graves, à une peine privative de liberté de trente-six mois, dont dix-huit mois avec sursis, par arrêt de la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice en date du 9 août 2016 (P/18046/2012). Les faits constitutifs d'infraction ont eu lieu en décembre 2012, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, des dispositions pénales sur l'expulsion obligatoire ou facultative. L'intéressé a exécuté le solde de la peine privative de liberté du 19 novembre 2018, jusqu'au 13 septembre 2019.

h. Dans l'intervalle, en date du 6 février 2019, l'intéressé a déposé une demande de prestations complémentaires.

B.            a. Par décision du 22 février 2019, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé) a rendu une décision de refus d'entrer en matière sur la demande de prestations complémentaires, au motif que l’intéressé ne remplissait pas la condition d'être au bénéfice d'une autorisation de séjour valable en Suisse.

b. Après opposition de l'intéressé, le SPC a demandé des pièces complémentaires afin de clarifier la question du sort de la demande de renouvellement du permis de séjour déposée par l'intéressé.

c. Par décision du 11 juin 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de l'intéressé et a prononcé son renvoi en lui impartissant un délai au 31 juillet 2019 pour quitter la Suisse. L'OCPM a motivé sa décision en déclarant que compte tenu de l'ensemble de son comportement, et plus particulièrement de sa lourde condamnation pénale à une peine privative de liberté de trois ans, la poursuite de son séjour en Suisse représentait une menace importante et constante pour l'ordre et la sécurité publics suisses, si bien que sa présence était devenue indésirable. Les conditions de révocation de son titre de séjour étaient réalisées et l'intérêt public à son éloignement l'emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse. Au surplus, il n'apparaissait pas que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

d. L'intéressé a fait recours contre cette décision pour violation du droit d'être entendu, ce qui a conduit l'OCPM à annuler ladite décision, en date du 31 juillet 2019, et à l'inviter à faire ses observations sous quinze jours.

e. Par décision du 15 juillet 2019, le SPC a rendu une décision sur opposition de refus d'entrer en matière sur la demande de prestations complémentaires dès lors que l'intéressé n'avait pas pu établir qu'il était au bénéfice d'une autorisation de séjour valable en Suisse.

f. Par décision du 26 août 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM, reprenant en substance les arguments développés à l'appui de sa décision du 11 juin 2019, a refusé, à nouveau, de renouveler l'autorisation de séjour de l'intéressé et a prononcé son renvoi en lui impartissant un délai au 30 octobre 2019 pour quitter la Suisse.

C. a. Par acte du 12 septembre 2019, le conseil de l'intéressé a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision du SPC du 15 juillet 2019. À l'appui de son recours, il a notamment allégué que la décision de refus de renouvellement de l'autorisation de séjour rendue par l'OCPM n'était pas définitive. Concluant principalement à l'annulation de la décision du SPC, il a également demandé la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu sur le sort de la procédure de recours contre la décision de l'OCPM de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour.

b. Dans l'intervalle, l'intéressé a déposé un recours contre la décision de non-renouvellement de l'autorisation de séjour rendue par l'OCPM et a demandé l'octroi de l'effet suspensif à son recours. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a refusé, par décision incidente du 1er octobre 2019, la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles. Ce refus a été annulé, le 19 novembre 2019, par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : CJCA) pour violation du droit d'être entendu, et la cause renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

c. Dans sa réponse du 18 octobre 2019, le SPC a confirmé sa position, soit que l'absence d'autorisation de séjour valable en Suisse motivait le refus de prestations, mais il ne s'est pas prononcé sur la demande de suspension de la présente procédure.

d. Le recourant a - quant à lui - confirmé par courrier du 9 décembre 2019 sa requête de suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu sur le sort de sa demande de renouvellement de son autorisation de séjour.

e. Le 16 janvier 2020, le SPC a déclaré maintenir ses conclusions. Il a précisé qu'une suspension de la procédure ne lui semblait, au demeurant, pas justifiée.

f. Par arrêt incident du 25 août 2020, la chambre de céans a suspendu la présente instance, en application de l’art. 14 LPA, jusqu’à droit connu dans la procédure concernant le refus de l’OCPM de renouveler l’autorisation de séjour du recourant. Non contesté, l’arrêt incident du 25 août 2020 est entré en force et la procédure a été suspendue.

g. Par courrier du 2 septembre 2021, la chambre de céans a interpellé les parties et leur a demandé de lui fournir des détails sur le stade de la procédure concernant le recours contre le refus de renouveler l’autorisation de séjour du recourant.

h. Par réponse du 14 septembre 2021, le SPC a informé la chambre de céans qu’il ne disposait d’aucune information complémentaire concernant le sort de la procédure de renouvellement de l’autorisation de séjour.

i. Par courrier du 16 septembre 2021, le conseil du recourant a informé la chambre de céans que la procédure concernant l’autorisation de séjour du recourant était toujours en cours.

j. Relancé par courrier du 1er octobre 2021, le conseil du recourant a informé la chambre de céans qu’il avait cessé d’occuper dans le cadre de la procédure concernant le renouvellement de l’autorisation de séjour ; néanmoins, il était en mesure de confirmer que ladite procédure avait fait l’objet d’un arrêt de la CJCA, daté du 29 juin 2021, contre lequel un recours au Tribunal fédéral avait été déposé.

k. Par courrier du 25 janvier 2022, la chambre de céans a relancé le conseil du recourant afin de savoir si le recours était toujours pendant par-devant le Tribunal fédéral, ce à quoi le conseil du recourant a demandé un délai complémentaire d’un mois, soit au 7 mars 2022, pour répondre à sa demande.

l. Par courrier du 28 mars 2022, le conseil du recourant a informé la chambre de céans qu’il ne disposait d’aucune information, s’agissant de l’issue de la procédure par-devant le Tribunal fédéral, et a demandé un délai complémentaire au 8 avril 2022 pour répondre plus précisément.

m. En l'absence de réponse dans le délai accordé, la chambre de céans a interpellé l’OCPM, par courrier du 14 avril 2022, en se fondant sur l’art. 25 al. 1 LPA traitant de l’entraide administrative, et a demandé des informations sur l’issue de la procédure et notamment si le Tribunal fédéral avait rendu un arrêt concernant la décision de refus de renouvellement de l’autorisation de séjour et si la décision de non-renouvellement de l’autorisation de séjour était désormais entrée en force.

n. Par courriel du 28 avril 2022, l’OCPM a transmis à la chambre de céans plusieurs documents en réponse à l’interpellation du 14 avril 2022. La chambre de céans a ainsi pu constater que le recourant avait pu obtenir du Tribunal fédéral l’octroi de l’effet suspensif à son recours puis que, par arrêt du 20 décembre 2021, la 2ème cour de droit public du Tribunal fédéral avait déclaré irrecevable le recours constitutionnel subsidiaire déposé par le recourant, et rejeté le recours en matière de droit public de ce dernier, dans la mesure où il était recevable. Il résultait de cet arrêt que la décision de l’OCPM de non-renouvellement de l’autorisation de séjour du recourant était confirmée. Était également jointe aux documents transmis par l’OCPM, une décision de cet office, datée du 14 mars 2022, par laquelle le recourant était informé que la décision du 26 août 2019 de refus de renouvellement de l’autorisation de séjour était désormais exécutoire et qu’il lui était imparti un délai au 30 avril 2022 pour quitter la Suisse.  

o. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 3 mai 2022.

p. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             Dans la mesure où elle porte sur un droit à des prestations antérieures à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, des modifications des 22 mars, 20 décembre 2019 et 14 octobre 2020, la demande de prestations complémentaires (ci-après : PC) du recourant est soumise à l’ancien droit. Les dispositions légales seront donc citées, ci-après, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

5.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

6.             Le présent litige porte sur le droit du recourant à des PC, au vu, en particulier, de son statut d’étranger non-ressortissant de l’Union européenne ou d’un État de l’Association européenne de libre-échange et de la décision de non- renouvellement de son autorisation de séjour.

7.              

7.1 Le droit aux PC, tant fédérales que cantonales, suppose notamment que le bénéficiaire ait, cumulativement, son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève, en plus de remplir d'autres conditions qui ne sont pas l'objet de la présente espèce.

7.2 Cette exigence de domicile et de résidence habituelle est posée, pour les PCF, par l'art. 4 al. 1 LPC et, en tant qu'elles doivent être versées par le canton de Genève, par l'art. 1 al. 2 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20). Pour les PCC, elle l'est par l'art. 2 al. 1 let. a LPCC.

Cette condition est interprétée de façon identique pour les PCF et les PCC, pour des motifs de sécurité juridique et d'harmonisation des pratiques administratives (ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 3b ; ATAS/748/2017 du 31 août 2017 consid. 7a et 8), que fonde au demeurant la volonté du législateur genevois d'appliquer aux PCC, en cas de silence de la LPCC, les dispositions de la LPC et de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC).

Des conditions supplémentaires s'appliquent pour les ressortissants étrangers, dont des délais de carence, soit une durée minimale de séjour en Suisse et dans le canton de Genève, durant un certain nombre d'années avant le dépôt de la demande de PC (art. 5 al. 1 et 2 LPC ; art. 2 al. 2 et 3 LPCC).

7.3 Le recourant étant de nationalité tunisienne, il n’est pas utile de mentionner ici ce qu'il en est, à cet égard, des ressortissants d'un État de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre-échange (cf. art. 32 LPC et art. 2 al. 2 LPCC ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 1 ss ad art. 5 et n. 1 ss ad art. 32).

Par ailleurs, il n’existe à l’heure actuelle aucune convention bilatérale entre la Suisse et la Tunisie dont le recourant pourrait se prévaloir, soit en matière de séjour et d’établissement, soit en matière de sécurité sociale.

7.4 Le Tribunal fédéral a précisé que seule la présence effective et conforme au droit valait résidence habituelle (Michel VALTERIO, op. cit., n. 2 ad art. 5). Il ne serait pas admissible, sous peine d'avantager celui qui passe outre l'obligation de quitter la Suisse au détriment de celui qui se soumet à cette exigence, de retenir le séjour effectif, lorsque ce séjour n'est pas conforme aux autorisations délivrées par l'autorité compétente, et ce indépendamment du fait que l'étranger résidant illégalement en Suisse ait le cas échéant été tenu de verser des cotisations aux assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3 ; ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 4 ; ATAS/748/2017 de principe du 31 août 2017 ; ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016 consid. 2c i.f.). Les directives de l'office fédéral des assurances sociales (OFAS) concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC) prévoient, de même, à leur n° 2320.01, que seule la présence effective « et conforme au droit » vaut résidence habituelle et précisent que les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour.

Cette interprétation a trouvé une consécration dans la LPC elle-même, puisque, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2018 (issue d'une modification apportée à la LPC par la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]), elle prévoit explicitement, à son art. 5 al. 1, que les étrangers n'ont droit à des PC que s'ils séjournent de manière légale en Suisse.

Comme la chambre de céans l'a relevé dans l'ATAS/748/2017 précité (consid. 6e) en citant le Message du Conseil fédéral du 4 mars 2016 relatif à cette modification législative (FF 2016, p. 2835 ss), la mise en œuvre des art. 121a et 197 ch. 11 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) sur la gestion de l’immigration, acceptés par le peuple et les cantons le 9 février 2014, impliquait de prévoir un échange de données relatif à la perception de PC et à la révocation des autorisations de séjour et fournissait ainsi l’occasion « d’exclure de manière explicite le versement de prestations complémentaires aux étrangers sans titre de séjour en Suisse » (Message, p. 2839). Le commentaire selon lequel la nouvelle disposition proposée devait permettre « de ne plus octroyer des prestations complémentaires lorsque l’étranger séjourn(ait) en Suisse de manière illégale » (Message, p. 2891) ne devait pas être compris comme l’admission, jusque-là, d’une prise en compte des périodes de séjour illégal en Suisse dans le calcul du délai de carence prévu par l’art. 5 LPC. En effet, comme le retenait déjà une ancienne jurisprudence fédérale (soit l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales P 42/90 du 8 janvier 1992, cité in ATF 118 V 79 consid. 4b), « les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée du séjour » (Message, p. 2891) ; il s’agissait de supprimer l’état de fait résultant de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’AI (par exemple l’arrêt I 486/00 du 30 septembre 2004 précité), en vertu de laquelle « la perte du droit de séjour n’entraîn(ait) pas nécessairement et automatiquement la perte du domicile suisse, ce dernier perdur(ant) tant que l’étranger séjourn(ait) en Suisse et manifest(ait) sa volonté d’y rester », avec l’effet que « malgré le fait que l’étranger ne soit plus au bénéfice d’une autorisation de séjour, la résidence en Suisse (était) reconnue par l’art. 4 al. 1 LPC » (Message, p. 2891). Ainsi que le Conseil fédéral l’a indiqué, la modification proposée de l’art. 5 al. 1 LPC visait à ce qu’il ne soit plus possible « de percevoir des prestations complémentaires une fois qu’une autorisation de séjour ou de courte durée aura(it) été révoquée » (Message précité, p. 2866), ce qui supposait qu’une telle autorisation avait préalablement été accordée.

7.5 Ainsi, l'exigence d'une résidence habituelle en Suisse prévue par l'art. 4 al. 1 LPC pour les PCF et par l'art. 2 al. 1 let. a LPCC pour les PCC suppose, pour des étrangers, que ceux-ci y séjournent légalement.

8.              

8.1 Néanmoins, il ne s'ensuit pas que le versement de PC doit être refusé automatiquement ou, le cas échéant, supprimé ou interrompu durant la procédure de renouvellement ou de prolongation d'une autorisation de séjour, procédure qui s'étend fréquemment au-delà de la durée de validité formelle de l'autorisation de séjour considérée.

8.2 Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser ce point dans des affaires dans lesquelles les organes d'exécution de la législation sur les PC avaient supprimé du calcul du droit aux PC, le conjoint étranger d'un bénéficiaire étranger de PC, après que les autorités de police des étrangers avaient révoqué l'autorisation de séjour dudit conjoint, en application du nouvel art. 43 al. 1 let. e LEI, selon lequel, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2019, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, (notamment) à la condition que la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoive pas de prestations complémentaires annuelles au sens de LPC, ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (arrêts du Tribunal fédéral 9C_522/2020 du 15 janvier 2021 consid. 6.1 ; 9C_378/2020 du 25 septembre 2020 consid. 5).

8.3 L'autorisation de séjour est limitée dans le temps, mais peut être prolongée s'il n'existe aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 al. 1 LEI (art. 33 al. 3 LEI). Elle prend fin notamment lorsque l'étranger déclare son départ de Suisse (art. 61 al. 1 let. a LEI), à son échéance (art. 61 al. 1 let. c LEI) ou en cas de révocation (art. 62 LEI). La personne concernée peut cependant rester en Suisse pendant la procédure de prolongation de l'autorisation de séjour, y compris après l'échéance de cette dernière, lorsqu'elle a déposé une demande de prolongation et pour autant que l'autorité compétente n'ait pas pris, à ce propos, des mesures provisionnelles différentes ; c'est ce que prévoit explicitement l'art. 59 al. 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Le droit de séjour qui en résulte est certes de nature procédurale, mais il fait perdurer les prérogatives liées à l'autorisation de séjour au-delà de la durée de validité formelle de cette dernière.

8.4 Sous réserve des prescriptions applicables en matière d'expulsion pénale - dont il faut rappeler qu’elles ne s’appliquent pas en l’espèce, le recourant n’ayant pas fait l’objet d’une expulsion pénale en dépit de sa condamnation - il convient d'appliquer, en matière de fin du séjour, les principes contenues dans la LEI et l'OASA.

Statuant sur un cas concernant une ressortissante d'un État membre de l'UE à laquelle la caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, agence d'assurances sociales, avait dénié le droit aux prestations complémentaires, au motif qu'elle n'avait pas de titre de séjour valable et ne remplissait dès lors pas la condition de la résidence habituelle, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a retenu qu'au vu de l'art. 59 al. 2 OASA et de la nature déclaratoire du titre de séjour UE/AELE, il fallait admettre que l'intéressée était admise à séjourner en Suisse jusqu'à l'issue de la procédure, de sorte que sa présence en Suisse valait comme résidence habituelle. L'intimée avait ainsi considéré à tort que l'intéressée, qui n'était alors au bénéfice d'aucun titre de séjour en raison de la procédure de renouvellement pendante, ne remplissait pas la condition de la résidence habituelle car seule une présence conforme au droit pouvait être admise (arrêt de la cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 10/16 - 9/2017 du 28 septembre 2017 consid. 4).

8.5 La chambre de céans a jugé que la personne ainsi admise à rester en Suisse jusqu'à l'issue de la procédure relative à la prolongation de son autorisation de séjour continuait à remplir la condition d'une résidence habituelle en Suisse posée pour avoir droit à des PC (ATAS/1058/2020 du 29 octobre 2020 consid. 8c et d et 10c ; cf. aussi l'arrêt PC 10/16 – 9/2017 du 28 septembre 2017 consid. 4 de la cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois).

Cette solution va dans le sens de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, qui retient que la personne concernée peut rester en Suisse pendant la durée de la procédure de renouvellement et donc aussi après l'expiration de l'autorisation, pour autant que l'autorité compétente ne prenne pas de décisions divergentes à titre conservatoire. Bien qu'il ne s'agisse que d'un droit de séjour procédural, les droits conférés par le permis (notamment en matière de séjour et d'activité professionnelle) continuent de s'appliquer après l'expiration de la période de validité du permis de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 9C_378/2020 du 25 septembre 2020 consid. 5.3 et 2C_1154/2016 du 25 août 2017 consid. 2.3 et les références citées).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références citées). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références citées ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

9.2 Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 469 consid. 4a ; ATF 122 III 223 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b ; ATF 122 V 162 consid. 1d).

10.         En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour valable jusqu’au 26 mai 2012.

C’est avant l’échéance de cette dernière, soit en date du 23 avril 2012, que le recourant a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour. Or, ce n’est que par décision de l’OCPM du 26 août 2019 que l’OCPM a refusé le renouvellement de l’autorisation de séjour, refus qui a fait l’objet de plusieurs recours, jusqu’à la décision finale du Tribunal fédéral, par arrêt du 20 décembre 2021 (2C_668/2021).

Durant toute cette période de plus de neuf ans, le recourant se trouvait dans la situation, visée par l'art. 59 al. 2 OASA, d'avoir déposé une demande de prolongation d'une autorisation de séjour et, partant, en l'absence de mesures provisionnelles différentes, d'être en droit de rester en Suisse.

Sa situation est différente de celle ayant donné lieu à l’arrêt de la chambre de céans du 21 juillet 2021 (ATAS/769/2021), refusant le droit aux PC à une recourante étrangère dont l’autorisation de séjour était arrivée à son terme et qui avait demandé, une année et dix mois après que son autorisation de séjour avait pris fin, l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour, car le séjour de la recourante en Suisse n’était plus autorisé mais restait toléré par l'autorité de police des étrangers.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que le recourant était en droit, jusqu’à la date de l’arrêt du Tribunal fédéral du 20 décembre 2021, de séjourner en Suisse tant que la décision de non-renouvellement de l’autorisation de séjour de l’OCPM n’était pas entrée en force et avait ainsi droit aux PC. À partir du 21 décembre 2021, son séjour en Suisse n’était plus autorisé, mais toléré, ne lui donnant ainsi plus aucun droit aux PC.

11.         Le recours sera ainsi admis, la décision du 15 juillet 2019 annulée, et la cause retournée au SPC, pour nouvelle décision au sens des considérants.

12.         Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

13.         Sous réserve d'exceptions ici non réalisées, la procédure en matière d’assurances sociales, en particulier de prestations complémentaires, est gratuite pour les parties (art. 61 let. a aLPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Préalablement

 

Reprend l’instance suspendue par l’arrêt incident du 25 août 2020 (ATAS/683/2020).

 

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision du 15 juillet 2019.

3.        Renvoie la cause à l’intimé, pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Alloue au recourant, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le