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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1750/2019

ATA/968/2019 du 04.06.2019 sur JTAPI/451/2019 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1750/2019-MC ATA/968/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2019

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14  mai 2019 (JTAPI/451/2019)


EN FAIT

1) Le 5 décembre 2014, Monsieur A______, né en ______ 1980 et ressortissant de Géorgie, a déposé une première demande d'asile en Suisse sur laquelle l'autorité fédérale compétente, devenue depuis lors le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), n'est pas entrée en matière, par décision du
2 février 2015, en vertu de l'art. 31a al. 1 let. b de la loi sur l'asile (LAsi ;
RS 142.31).

2) M. A______ a été condamné, par ordonnances pénales du Ministère public, le 24 janvier 2015 à trente jours-amende pour vol (art. 139 ch. 1 code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et recel (art. 160 ch. 1
al. 1 CP), le 17 février 2015 à quinze jours-amende pour violation de domicile (art. 186 CP) et à une amende de CHF 200.- pour vol d'importance mineure
(art. 139 ch. 1 CP cum 172ter CP) et consommation d'héroïne (art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 - LStup - RS 812.121), le 24 mars 2015 à nonante jours-amende pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du
16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr) et à une amende de CHF 100.- pour consommation d'héroïne (art. 19a ch. 1 LStup).

3) Le 6 mai 2015, l'intéressé est rentré dans son pays d'origine.

4) Revenu en Suisse, M. A______ a, le 7 septembre 2015, été condamné par ordonnance pénale du Ministère public à une peine privative de liberté de cent quatre-vingts jours en raison d'un cambriolage commis à Genève le 21 avril 2015, soit pour vol (art. 139 ch. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et violation de domicile (art. 186 CP).

5) Le 18 novembre 2015, M. A______ a déposé une seconde demande d'asile en Suisse.

6) Le 20 décembre 2015, l'intéressé a été interpellé par le service de sécurité d'un magasin à Genève, pour avoir volé plusieurs bouteilles de champagne. Aucune condamnation consécutive à cette interpellation n'a été versée à la présente procédure.

7) Le 22 décembre 2015, M. A______ a été arrêté et prévenu pour une tentative de cambriolage.

Lors de son audition, il a admis avoir tenté de cambrioler un appartement. Il souffrait d'une hépatite C et de fibrose. Il consommait de la méthadone. S'agissant de sa situation personnelle, son épouse et son fils se trouvaient dans un foyer dans le canton de Genève. Il était au bénéfice d'une admission provisoire. À part l'aide sociale qu'il touchait à concurrence de CHF 400.- par mois et
CHF 120.- pour l'enfant, il n'avait aucune autre source de revenu.

8) Il ressort du dossier que l'épouse de M. A______, née en ______ 1980 et originaire de Géorgie, ainsi que leur enfant commun, prénommé B______, né en ______ 2015 et aussi originaire de Géorgie, ont déposé une demande d'asile en Suisse en automne 2015 et ont fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse rendue le 31 août 2018 par le SEM, contre laquelle ils ont interjeté recours devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) qui l'a rejeté le 12 novembre 2018, à la suite de quoi ils ont formé le 14 décembre 2018 une demande de réexamen auprès du SEM, en cours d'examen par ladite autorité.

9) Par jugement du 28 novembre 2016, le Tribunal correctionnel a reconnu
M. A______ coupable de dommages à la propriété (art. 144 CP), tentative de violation de domicile (art. 22 cum 186 CP), tentative de vol (art. 22
cum 139 CP), tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a LStup), et l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de trois ans.

10) Par arrêt du 31 mars 2017, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a rejeté l'appel interjeté par M. A______ à l'encontre du jugement du Tribunal correctionnel précité.

La faute de l'appelant était grave. Il avait, le 20 décembre 2015, porté atteinte à l'intégrité corporelle et au patrimoine du plaignant. Il n'avait pas hésité à se présenter chez lui, en tentant de pénétrer dans son appartement, sans vérifier s'il était présent, ce qui aurait permis d'éviter un risque de confrontation potentiellement violente, lequel s'était d'ailleurs réalisé. Le prévenu avait frappé la victime à la tête avec un tournevis. Celle-ci avait tout juste pu détourner la tête et ainsi éviter in extremis de le recevoir de face. Il avait assuré sa fuite, sans aucun égard pour l'intégrité corporelle de sa victime, et avait ainsi pris le risque de lui causer des lésions corporelles graves. Son mobile, égoïste, relevait de l'appât du gain et de la volonté de fuir.

En outre, ses antécédents étaient mauvais et spécifiques et on pouvait observer une gradation dans la gravité des actes commis, dans la mesure où les infractions retenues contre lui dans la procédure étaient plus graves que celles pour lesquelles il avait été condamné par le passé, ce qui démontrait que le prévenu n'avait pas su tenir compte des avertissements sérieux reçus. Au contraire, il avait récidivé dans le délai d'épreuve de la libération conditionnelle et des sursis accordés.

Aussi précaire qu'elle soit, sa situation personnelle de requérant d'asile et de toxicomane ne pouvait justifier de tels actes.

La collaboration avait été médiocre et le comportement de l'intéressé durant toute la procédure ne laissait pas apparaître une réelle forme de prise de conscience et de regrets sincères à l'égard de la victime, contre laquelle il avait bien plutôt tenté de rejeter la faute.

11) Par jugement du 15 janvier 2019, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de
M. A______.

S'agissant du pronostic, l'intéressé se présentait sous un jour fort défavorable au vu de ses antécédents, cinq condamnations en deux ans, et du fait qu'il avait déjà bénéficié d'une libération conditionnelle avec récidive ensuite. De plus, il adoptait un comportement jugé insatisfaisant en détention qui allait en empirant au lieu de s'améliorer. Aucun versement n'était fait en faveur des victimes ou des frais de justice malgré ses quelques moyens.

Sa situation personnelle demeurait inchangée depuis le dernier examen de sa libération conditionnelle. Le détenu ne respectait pas les règles prévues par le plan d'exécution de la sanction et le pronostic de l'analyse criminologique était mauvais. Aucun projet concret et étayé n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations. En effet, il voyait son avenir en Suisse alors qu'il était interdit de séjour, preuve supplémentaire qu'il n'avait nullement l'intention de respecter l'ordre juridique suisse. En l'état, rien n'indiquait qu'il saurait mettre davantage à profit une nouvelle libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé.

12) Le 20 janvier 2019, les services de police genevois ont rempli le formulaire d'inscription de swissREPAT pour la réservation d'un vol de ligne, avec escorte policière individuelle.

13) Par décision du 21 janvier 2019, le SEM a rejeté la demande d'asile de
M. A______, a prononcé son renvoi de Suisse et en a ordonné l'exécution. Eu égard au caractère manifestement infondé de sa demande et à son comportement et vu l'intérêt public prépondérant à son départ immédiat, il a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours contre ladite décision.

Sous l'angle du droit à la protection de la vie privée et familiale, le SEM a relevé avoir rejeté les demandes d'asile de l'épouse et du fils de M. A______ en date du 31 août 2018 par une décision entrée en force.

14) À sa sortie de prison, le 22 janvier 2019, M. A______ a été remis en mains des services de police.

15) À teneur d'un courriel du 22 janvier 2019 d'un médecin du service de médecine pénitentiaire, M. A______, convoqué à deux reprises afin de remplir le rapport médical nécessaire dans la procédure de renvoi, avait refusé d'y donner suite.

16) Le même jour, à 14h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI renvoyant à
l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI, considérant qu'il faisait l'objet d'une décision fédérale de renvoi de Suisse et que son comportement aussi bien criminel que violent constituait une menace sérieuse et un grave danger pour la vie et l'intégrité corporelle d'autres personnes.

Quelques minutes auparavant, au commissaire de police, M. A______ avait déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Géorgie. Il avait refusé de signer le procès-verbal d'audition.

17) Entendu le 24 janvier 2019 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a déclaré qu'il était toujours opposé à retourner en Géorgie. Il avait peur que dès son arrivée dans ce pays, on le mette directement en prison. Le procureur était le père de son beau-frère. Il craignait une arrestation non seulement en lien avec son activité pendant la période du gouvernement Saakashvili, mais aussi parce que le frère de son épouse lui reprochait de ne pas s'être occupé de ses enfants en raison de son incarcération.

Il avait séjourné auparavant en France où il avait été soigné pour son hépatite C avant de venir en Suisse. Depuis, ses (sic) enfants avaient grandi. Il était très reconnaissant que son traitement coûteux de l'hépatite ait été pris en charge, mais il craignait aujourd'hui une cirrhose du foie. Il devait faire l'objet de tests réguliers qui devaient contrôler l'évolution de cette maladie. Depuis qu'il était à l'établissement fermé de la Brenaz, il n'avait eu qu'un seul test dont les résultats qu'il venait de connaître étaient mauvais. Il se plaignait d'un manque de suivi médical qui pourrait avoir de graves conséquences pour lui et qui était contraire aux promesses qui lui avaient été faites. Il contestait avoir refusé de voir un médecin à l'établissement fermé de la Brenaz. Il prenait toujours quotidiennement 60 mg de méthadone et 30 mg de tranxilium.

Lorsqu'il avait bénéficié d'une période de liberté de quelques mois, il avait voulu passer du temps avec ses (sic) enfants. Il souhaitait également retrouver du travail. Il allait partir à l'étranger pour en trouver. Les conditions de sa dernière détention avaient été très dures, et il avait subi plusieurs agressions au cours de ces dernières années. Il souhaitait voir ses (sic) enfants avant d'être « déporté » hors de Suisse. De toute manière, il reviendrait dans un pays européen.

18) Par jugement du 24 janvier 2019, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 22 janvier 2019 à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au
22 mars 2019.

19) Par acte expédié le 4 février 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à l'annulation de ce dernier, ainsi qu'à la levée de l'ordre de mise en détention administrative.

20) Le 5 février 2019, M. A______ s'est vu notifier une décision d'interdiction d'entrée en Suisse rendue le 24 janvier 2019 par le SEM et valable immédiatement et jusqu'au 23 janvier 2029, en application de
l'art. 67 al. 2 let. c LEI.

21) Le même jour, soit le 5 février 2019, le TAF a, par ordonnance - non motivée - de mesures superprovisionnelles, suspendu provisoirement l'exécution du renvoi de l'intéressé.

22) Par arrêt du 14 février 2019 (ATA/145/2019), la chambre administrative a rejeté le recours.

Les conditions d'une mise en détention administrative étaient remplies. M. A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi, et l'ordonnance rendue par le TAF ne faisait pas obstacle à une détention en vue de renvoi. Son passé pénal avait pour conséquences que les conditions d'application de
l'art. 76 al. 1 let. b LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI étaient remplies.

La chambre administrative n'avait pas à se prononcer sur le fond des décisions du SEM en matière d'asile ou de renvoi sur la base desquelles la mise en détention avait été ordonnée, ce d'autant moins en l'occurrence que la situation du recourant venait d'être examinée par le SEM et qu'un recours était pendant devant le TAF.

Sous l'angle du principe de la proportionnalité, au regard de l'ensemble des circonstances, l'intérêt privé du recourant à être libéré ne saurait primer l'intérêt public à son maintien en détention en vue d'assurer l'exécution de son renvoi.

En outre, la durée de la détention administrative litigieuse, fixée à deux mois, apparaissait nécessaire compte tenu notamment des démarches à effectuer pour l'organisation du refoulement, et était proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce.

Enfin, les autorités genevoises avaient, peu après le prononcé de l'ordre de mise en détention administrative, inscrit le recourant en vue de la réservation d'un vol vers son pays d'origine, respectant ainsi leur devoir de célérité.

23) Par requête du 14 février 2019, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté, exposant très mal supporter l'enfermement et en particulier l'éloignement d'avec sa femme et son enfant.

24) Lors de sa comparution du 26 février 2019 devant le TAPI, M. A______ a insisté sur les résultats de ses dernières analyses médicales. Son état de santé s'était aggravé depuis 2016, car il n'avait pas reçu les soins nécessaires. Les médecins évoquaient aujourd'hui un fibrome le concernant. Depuis qu'il était en détention administrative, il n'avait fait l'objet que d'une seule analyse, soit celle qui ressortait du rapport du 8 février 2019. Sa femme et leur enfant pouvaient lui rendre visite à Frambois à raison d'une fois par semaine. Malgré sa demande, il n'avait pas pu bénéficier d'un suivi psychiatrique à Frambois. Il ignorait si sa femme et leur enfant avaient reçu des informations du SEM quant à leur demande de réexamen de la décision de renvoi les concernant.

L'intéressé a conclu à sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement, son assignation à résidence dans un foyer pour requérants d'asile, idéalement celui dans lequel résidaient actuellement sa femme et son enfant, devait être ordonnée en lieu et place de sa détention administrative. Plus subsidiairement encore, sa femme et son fils devaient être autorisés à lui rendre quotidiennement visite à Frambois.

25) Par jugement du 26 février 2019, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté et a confirmé en tant que de besoin, l'ordre de mise en détention jusqu'au 22 mars 2019. La pénibilité de la détention n'était pas un motif pouvant conduire à sa levée. La légalité de la détention, ainsi que sa durée, avaient déjà été examinées et confirmées par la chambre administrative dans son arrêt du 14 février 2019.

26) Par décision incidente du TAF D-555/2019 du 27 février 2019, la demande de restitution de l'effet suspensif a été rejetée et les mesures superprovisionnelles ordonnées le 5 février 2019 ont été révoquées.

27) Par requête motivée du 12 mars 2019, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 22 mai 2019 conformément à l'art. 79 al. 1 LEI.

Les mesures superprovisionnelles empêchant le renvoi avaient été révoquées par le TAF. Un vol DEPA en direction de la Géorgie était en cours d'organisation. Cette mesure était l'unique moyen de mener à terme le rapatriement de l'intéressé dans son pays d'origine. La durée de la détention était proportionnée.

28) Le 15 mars 2019, une demande de soutien à l'exécution du renvoi selon l'art. 71 LEI a été déposée auprès du SEM. Un entretien de départ avait eu lieu le 22 janvier 2019 avec l'intéressé.

29) Par courriel du 18 mars 2019, le SEM a accusé réception de la demande de réadmission de l'intéressé laquelle a été transmise au Ministère de l'Intérieur de Géorgie avec la demande de soutien.

30) Lors de l'audience du 19 mars 2019 par-devant le TAPI, M. A______ a confirmé qu'il était ressortissant géorgien. Il était souffrant et désirait être soigné en Suisse avant de retourner dans son pays. Il souffrait d'une fibrose et d'une cirrhose du foie ainsi que d'une hépatite C. Les résultats médicaux ne lui avaient pas été transmis.

Il n'avait pas de formation. Il effectuait parfois quelques travaux dans le bâtiment.

Il ne possédait pas de documents qui lui permettaient de séjourner dans un pays de l'Union européenne. Il contestait pouvoir être convenablement soigné en Géorgie. Les traitements médicaux qui lui avaient été donnés en Suisse se chiffraient à CHF 75'000.-. Il existait un risque que le virus de l'hépatite C qui l'affectait se réactive.

31) Par jugement du 19 mars 2019, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 22 mai 2019.

32) Par acte déposé le 29 mars 2019, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation ainsi qu'à sa remise en liberté immédiate.

Le jugement attaqué violait le principe de la proportionnalité, puisqu'une mesure moins incisive que la détention permettait tout aussi bien d'atteindre l'objectif visé. Il était malade et toxicomane, et l'accès aux soins et à de la méthadone lui étaient indispensables, de même que la fréquentation de sa femme et de son jeune fils, si bien qu'une assignation territoriale était suffisante.

Le principe de célérité était violé. Le TAF avait rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif le 27 février 2019, et ce n'était que le 18 mars 2019 que le SEM avait transmis aux autorités géorgiennes sa demande de réadmission.

33) Par arrêt du 8 avril 2019 (ATA/378/2019), la chambre administrative a rejeté le recours.

Les conditions de la mise en détention administrative avaient été admises par la chambre de céans. Les circonstances n'avaient à cet égard pas changé - à ceci près que la procédure d'exécution du renvoi n'était plus bloquée depuis la nouvelle décision du TAF du 27 février 2019 -, et le recourant ne contestait d'ailleurs plus leur réalisation, si bien qu'il n'y avait pas lieu d'y revenir.

Sous l'angle du principe de la proportionnalité, au regard de l'ensemble des circonstances, notamment de son passé pénal, dont une tentative de lésions corporelles graves, et de l'importante menace qu'il représentait pour l'ordre et la sécurité publics, l'intérêt privé du recourant à être libéré ne saurait primer l'intérêt public à son maintien en détention en vue d'assurer l'exécution de son renvoi.

S'agissant du sous-principe de nécessité, les arguments mis en avant par le recourant ne permettaient pas de retenir qu'une autre mesure que la détention, comme une assignation territoriale, serait de nature à assurer sa présence le jour prévu de l'exécution du renvoi. En effet, ses seules attaches personnelles avec le canton de Genève étaient sa femme et son fils qui y résidaient dans un foyer de requérants d'asile, et qui pourraient dès lors eux-mêmes accompagner le recourant si celui-ci décidait d'entrer dans la clandestinité, dès lors qu'ils n'avaient pas davantage d'attaches en Suisse que lui. Quant aux soins donnés au recourant et à sa prise d'opiacés de substitution, ils ne sauraient garantir sa présence au jour prévu pour son retour en Géorgie, retour qu'il avait exclu à de nombreuses reprises.

Quant au principe de célérité, les autorités de renvoi s'étaient montrées inactives uniquement entre le 27 février, jour où le TAF avait levé l'obstacle juridique provisoire à l'exécution du renvoi du recourant, et le 15 mars 2019, date à laquelle l'OCPM avait demandé l'appui du SEM, qui avait alors contacté les autorités géorgiennes et obtenu la réadmission de l'intéressé. Il s'agissait dès lors d'une période de seize jours, bien inférieure aux deux mois jugés inadmissibles par le Tribunal fédéral, et qui rentrait dans les limites de ce qui était admissible.

34) Le 16 avril 2019, M. A______ a refusé le vol DEPA devant le ramener dans son pays d'origine.

35) Par requête motivée du 9 mai 2019, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois. Un vol spécial à destination de la Géorgie était en cours d'organisation. Il devait intervenir dans les trois prochains mois.

36) Lors de l'audience devant le TAPI, M. A______ ne s'est pas présenté au motif qu'il ne se sentait pas bien. Son conseil l'a représenté.

À la demande du TAPI, l'OCPM lui a transmis la demande d'inscription sur un vol spécial adressée au SEM par courriel du 17 avril 2019.

37) Par jugement du 14 mai 2019, le TAPI a rejeté le recours.

Contrairement à ce qu'avait soutenu le recourant, rien ne permettait de conclure que l'exécution du renvoi dans le délai de trois mois indiqué par l'OCPM ne puisse avoir lieu. La demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ était admise pour une durée de trois mois soit jusqu'au 22 août 2019.

38) Par acte du 27 mai 2019, M. A______ a interjeté recours contre le jugement précité auprès de la chambre administrative.

Il a conclu à l'annulation dudit jugement, au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative, à ce que celle-ci soit levée et qu'il soit immédiatement remis en liberté.

Le 8 avril 2019, il avait effectué un fibroscan dans le cadre de son suivi hépatique. Cet examen suggérait la présence d'une fibrose du foie. Il avait effectué des analyses de sang le 21 mai 2019 dont les résultats n'avaient pas encore été rendus. Une biopsie hépatique avait été évoquée. Enfin, il avait entamé une grève de la faim le 19 mai 2019.

Le principe de la proportionnalité était violé. La situation personnelle du recourant limitait considérablement le risque qu'il tente de se soustraire aux autorités le moment venu en vue de son départ de Suisse. Sa femme et son fils étaient domiciliés à Genève dans l'attente de la décision de réexamen de leur demande d'asile. Son épouse était mère de deux autres enfants, scolarisés à Genève. Il avait des attaches à Genève, lesquelles réduisaient le risque qu'il quitte le territoire. Dans l'intervalle de son renvoi, il pourrait solliciter l'aide d'urgence afin de ne pas être dénué de moyens de subsistance. Le risque qu'il faisait courir à l'ordre public était ainsi relatif à l'instar de la commission de nouvelles infractions. En effet, celles qu'il avait commises l'avaient été en grande partie en lien avec sa toxicomanie. Or, il se voyait prescrire de la méthadone, ce qui avait stabilisé son état.

S'agissant de son état de santé, il devait bénéficier d'un suivi médical régulier. Son hépatite C chronique pouvait en tout temps se réveiller faute de contrôles réguliers, d'un traitement adéquat ou en cas de rechute dans la consommation de stupéfiants. L'état du foie suggérait une fibrose. Les soins médicaux nécessaires réduisaient considérablement le risque qu'il se soustraie aux autorités. Les autorités auraient dû réexaminer des solutions alternatives à la détention administrative.

Le principe de diligence avait été violé. Aucun document émis par SwissREPAT ou le SEM n'avait été produit afin de confirmer l'organisation effective du départ. Seul un courriel évoquait l'organisation d'un vol spécial dans un délai de trois mois. Il ne s'agissait que d'allégations. Le jugement querellé ne pouvait tenir pour établi que ledit vol interviendrait dans le délai annoncé.

39) L'OCPM a conclu au rejet du recours. Le vol spécial était en cours d'organisation. Il était prévu pour la période entre fin juin et mi-juillet 2019.

40) Le recourant a persisté dans ses conclusions.

41) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile - c'est-à-dire dans le délai de dix jours - devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 27 mai 2019 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) Les conditions de la mise en détention administrative ont été admises par la chambre de céans, la dernière fois le 8 avril 2019. Les circonstances n'ont à cet égard pas changé, à l'exception du fait que le recourant a refusé, depuis ledit arrêt, de monter à bord du vol du 16 avril 2019.

Le recourant ne conteste d'ailleurs pas leur réalisation. Il n'y a pas lieu d'y revenir.

4) Le recourant se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité et conteste que la mise en détention soit nécessaire, une assignation à un territoire étant suffisante.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2014, n. 38, n. 126, n. 137 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 226 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018, n. 552 ss).

Lorsqu'il examine le risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic, en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du renvoi le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3).

b. En l'espèce, le recourant a plusieurs fois indiqué qu'il n'entendait pas rentrer dans son pays. Le TAPEM a relevé qu'il voyait son avenir en Suisse alors qu'il était interdit de séjour, preuve supplémentaire qu'il n'avait nullement l'intention de respecter l'ordre juridique suisse. La chambre de céans a déjà retenu que la présence en Suisse de sa femme et son fils, contrairement à ce que soutenait le recourant, n'était pas de nature à assurer sa présence lors de son renvoi. Par ailleurs, le recourant s'est soustrait à son renvoi lors du vol du 16 avril 2019, prouvant sa détermination à refuser de partir.

S'agissant de la situation médicale, le recourant allègue la nécessité d'un suivi et une péjoration de son état. Il serait dans l'attente de résultats. Toutefois, sa situation a fait l'objet de récentes décisions, notamment du SEM, le 21 janvier 2019, puis du TAF, sur mesures superprovisionnelles le 5 février 2019, puis provisionnelles le 27 février 2019. Son état de santé est globalement bien connu des différentes autorités. De surcroît, l'intéressé est médicalement suivi au centre de détention et son état de santé doit en tous les cas faire l'objet d'un examen avant le renvoi par avion.

Enfin, le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2). En l'espèce, l'argument avancé n'a pas d'influence sur la détention mais sur l'éventuel bien-fondé du renvoi, pour lequel la chambre de céans n'est pas compétente (ATA/508/2018 consid. 6b du 24 mai 2018). Soutenir qu'au vu de ses traitements médicaux le recourant ne pourra pas fuir ne convainc pas. Ce seul élément ne garantit pas qu'il sera présent au moment de son départ au vu de la détermination, plusieurs fois affirmée et démontrée, de l'intéressé à refuser son renvoi.

Par ailleurs, la détermination du recourant de mener une grève de la faim et de la soif n'est pas de nature à rendre la détention administrative litigieuse incompatible avec l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ATA/184/2017 du 15 février 2017 consid. 10a ; ATA/228/2016 du 14 mars 2016).

En conséquence, seule la détention administrative permet d'assurer la présence de l'intéressé au moment de son renvoi.

Le grief de violation du principe de la proportionnalité n'est pas fondé.

5) Le recourant se plaint d'une violation du principe de la célérité.

a. À teneur de l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder.

Le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n'est plus accomplie en vue de l'exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui du recourant lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Dans l'appréciation de la diligence des autorités, il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du renvoi. Il faut en tous les cas se demander si la détention prononcée dans le cas d'espèce et sa durée demeurent nécessaires et restent dans une mesure proportionnée par rapport au but poursuivi (arrêt 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2).

b. En l'espèce, les autorités avaient entrepris les démarches nécessaires pour qu'un vol DEPA soit organisé le 16 avril 2019. L'intéressé a refusé de monter à bord. Les autorités ont entrepris d'organiser un vol spécial dès le lendemain. Celui-ci devrait pouvoir intervenir d'ici fin juin voire début juillet selon les informations de l'autorité intimée. Le principe de célérité n'est pas violé.

6) Vu ce qui précède, le jugement querellé, confirmant la prolongation pour deux mois de l'ordre de mise en détention administrative, est en tous points conforme au droit, et le recours sera rejeté.

La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87
al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mai 2019 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

 

 

 

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :