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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1599/2022

ATA/967/2022 du 27.09.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;FONCTIONNAIRE;POLICE;RÉSILIATION;PRESTATION(SENS GÉNÉRAL);MOTIF;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPol.19.al1.letB; RGPPol.31; LPAC.21.al3; LPAC.22; RPAC.20; RPAC.21.letc
Résumé : Rejet du recours d’un agent de sécurité publique 2 (ASP 2) déposé contre la décision de résiliation de ses rapports de service prononcée au motif que, dans le cadre d’une enquête menée par la brigade de stupéfiants sur un trafic de stupéfiants, il était apparu que le dealer mis en cause fournissait l’épouse du recourant, également ASP2. Le recourant avait ensuite admis être lui aussi un consommateur de cocaïne.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1599/2022-FPUBL ATA/967/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1976, est en couple avec Madame B______ depuis « plus de 20 ans ». Ils se sont mariés le 19 septembre 2020. Ils n’ont pas d’enfant.

2) M. A______ a été engagé au sein du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département ou le DSPS) le 1er juin 2018 en qualité d’agent de sécurité publique 2 (ci-après : ASP2) à 100 % à la « centrale routière H24 ».

Il avait précédemment travaillé du 23 février 1998 au 31 août 2017 pour C______ où il a obtenu de bons certificats de travail.

3) M. A______ a été nommé fonctionnaire le 10 juin 2020.

4) Le compte rendu de l’entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après EEDP) du 28 mai 2020 était bon.

5) Dans le cadre d’investigations menées par la brigade des stupéfiants sur un trafic de cocaïne, les enquêteurs ont découvert que le dealer concerné fournissait Mme A______, également ASP2.

Entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, M. A______ a reconnu, le 15 janvier 2021, consommer de la cocaïne avec son épouse. Il en avait aussi pris avec une collègue, également ASP2, lors de soirées, à trois ou quatre reprises.

Entendu en qualité de prévenu le 25 janvier 2021, l’intéressé a persisté dans ses déclarations.

6) Par ordonnance pénale du 15 mars 2021, M. A______ a été déclaré coupable d’infraction à l’art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et condamné à une amende de CHF 500.-.

Il avait consommé de la cocaïne occasionnellement à Genève, entre les mois de mars 2018 et début janvier 2021, à raison d’une à deux boulettes par mois, puis régulièrement dès le mois de juin 2021 [recte : 2020], à raison de deux boulettes par mois.

7) Le 28 mai 2021, M. A______ a été libéré de son obligation de travailler avec effet immédiat par la commandante de la police.

8) Par pli du 31 mai 2021, Mme et M. A______ ont présenté leurs excuses à la commandante de la police pour leur comportement. Ils avaient commis une erreur, pendant leur temps libre toutefois. Celle-ci n’avait jamais eu d’impact négatif sur leur travail ou sur leurs relations avec leurs collègues ou les cadres. Ils regrettaient leurs actes.

Ils détaillaient les raisons qui les avaient poussés à consommer de la cocaïne, de façon occasionnelle et pendant une durée de plusieurs mois. En février 2018, ils avaient appris que leur rêve de pouvoir fonder une famille ne pourrait jamais se réaliser. En février 2020, ils avaient perdu un membre très proche de leur famille. Le confinement qui avait suivi n’avait pas aidé à surmonter cette épreuve. En mars 2020, un second membre de leur famille proche était décédé, cette fois du
Covid-19. Ils avaient alors, à tort, pensé que la consommation de cocaïne les aiderait « à tenir ». Une hospitalisation d’urgence du père de Mme A______ avait suivi. Il avait frôlé la mort. À la sortie de l’hôpital de ce dernier, le couple avait dû reprendre la gestion des comptes des parents de Mme A______, ceux-ci n’étant pas en état de le faire. Depuis le mois de janvier 2021, ils avaient pris conscience de l’erreur commise. Ils n’avaient plus eu recours à des stupéfiants. Ils s’étaient mis au sport, quotidiennement, et avaient sollicité l’aide de leur entourage et de leurs médecins.

Ils avaient pleinement coopéré à l’enquête menée par la brigade des stupéfiants. Ils étaient conscients de leur devoir d’exemplarité. Ils imploraient toutefois la clémence de la commandante de la police et sollicitaient une seconde chance, souhaitant éviter un licenciement. Ils étaient prêts à être testés pendant l’année à venir pour prouver qu’ils avaient changé.

9) Un entretien de service s’est tenu le 15 juin 2021 aux fins d’entendre l’intéressé au sujet de sa consommation de cocaïne.

10) Dans ses observations après l’entretien de service, M. A______ a relevé que, lors de ses auditions à la police, aucune question n’avait été posée sur les motifs de sa consommation. Elles s’étaient focalisées sur la quantité de drogue achetée par le couple, la fréquence des achats et une demande d’estimation de leur consommation réelle.

Sa consommation, avant l’été 2020, consistait en une boulette d’un gramme par an, partagée avec sa compagne. Dans la mesure où cette correction ne changeait rien à la sanction qui lui avait été infligée, il n’avait pas fait opposition à l’ordonnance pénale. Il s’agissait d’une contravention et non d’un crime ou d’un délit. Le couple avait consommé de la cocaïne pour la première fois dans le cadre d’une fête privée chez des amis il y avait environ six ans. Par la suite, ils avaient consommé uniquement à leur domicile et jamais sur leur lieu de travail. Par ailleurs, la consommation avait lieu uniquement le premier jour de congé ou lors de vacances. La quantité consommée n’excédait pas 1g et était toujours partagée avec son épouse, voire parfois avec des amis. Jusqu’à l’été 2020, cette consommation était dite « festive » et avait lieu au maximum une fois par année. Depuis le début de leur consommation, il leur arrivait de ne rien consommer certaines années. La consommation était toutefois devenue régulière dans les mois précédant le début de l’année 2021, en raison des événements traumatiques vécus en 2020. Le 14 mars 2021, Mme A______ avait appris le décès, rapide et soudain, de sa tante. L’hospitalisation, l’intubation, le coma artificiel et l’arrêt cérébral de son père avaient impliqué une incapacité de travail de Mme A______ de mars à mai 2020. Il avait été très affecté par la situation. L’audition du couple par la police le 15 janvier 2021 avait été un électrochoc. Ils avaient pris conscience de leur erreur et avaient arrêté de consommer. Depuis le mois de juillet 2021, ils suivaient une psychothérapie de couple.

Il produisait des résultats des analyses faites par un laboratoire attestant de l’abstinence totale de toute consommation de cocaïne. Il s’était de même soumis à une expertise complète auprès du service des automobiles et de la navigation à la fin du mois de juillet 2021.

La résiliation des rapports de service était disproportionnée. Son comportement avait été irréprochable pendant dix-huit ans auprès de Protectas, ce qui lui avait permis d’évoluer au sein de la société. Grâce à sa solide expérience et à la maîtrise de toutes les techniques de surveillance et de sécurité, il avait été engagé au département. Si, certes, il avait commis une erreur de parcours, dans une période de grande souffrance personnelle, celle-ci n’avait jamais influencé la qualité de son travail ni ses compétences. Il avait pris conscience de son erreur et tout mis en œuvre pour trouver des solutions à ses problèmes personnels. Il s’en était ouvert de manière très sincère auprès de la commandante de la police et avait présenté ses excuses. Il ne pouvait dès lors pas être conclu qu’il était indigne de rester en fonction.

Il devait être renoncé à une résiliation des rapports de services et lui être donné acte de son accord de se soumettre à des contrôles inopinés pour justifier son abstinence totale et pérenne à toute consommation de cocaïne.

11) Par décision incidente du 8 octobre 2021, le conseiller d’État en charge du département a ouvert une procédure de reclassement.

12) Selon le compte rendu de l’entretien de fin de procédure de reclassement du 5 janvier 2022, les démarches n’ont pas abouti.

M. A______ n’a pas fait valoir d’observations suite à cet entretien.

13) Par décision du 28 mars 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État en charge du DSPS a résilié les rapports de services de M. A______ pour motif fondé, à savoir l’inaptitude à remplir les exigences du poste, avec effet au 30 juin 2022.

L’exercice d’une profession, quelle qu’elle soit, et a fortiori celle d’ASP, dont le rôle consistait notamment à soutenir les policières et les policiers dans leur travail opérationnel, reposait sur un ensemble de principes et de valeurs dont le respect et l’exemplarité étaient les fondements de la relation de confiance entre l’employeur et les membres du personnel, tout comme entre ces derniers et la population avec laquelle ils interagissaient. L’absence alléguée de conséquences sur l’exercice de ses fonctions n’était pas recevable, la consommation de stupéfiants étant incompatible avec l’exercice d’une fonction d’autorité telle que celle qu’il occupait.

En entretenant personnellement des contacts avec un trafiquant de drogue dans le but de s’approvisionner, M. A______ avait démontré bien peu d’égards et de respect envers son employeur ainsi que du travail de ses collègues, dont le rôle consistait précisément à appréhender ces trafiquants.

Il avait implicitement accepté que sa consommation de cocaïne puisse nuire à sa santé au point de ne plus permettre d’exercer convenablement son travail, ce qui ne s’était fort heureusement pas produit.

Sous l’angle déontologique, ce n’était pas tant la quantité consommée qui importait que l’acte illégal et répété qu’il avait commis, et l’impact potentiel de celui-ci sur l’image de la police et de la fonction publique dans son ensemble.

Le fait que la condamnation s’apparentait à une contravention et non à un crime ou un délit importait peu dans la mesure où la procédure avait été initiée en raison des faits en cause et non de la nature même de la condamnation.

Les appréciations périodiques satisfaisantes à son égard n’enlevaient rien au constat que, par son comportement, dont sa hiérarchie n’avait pas connaissance lors de ses dernières évaluations, il avait non seulement failli à son devoir d’exemplarité, mais porté atteinte à la confiance qu’il était censé inspirer à ses collègues et à sa hiérarchie.

Si la situation qu’il avait traversée avec son épouse avait été particulièrement éprouvante et pouvait expliquer son comportement, elle ne pouvait néanmoins pas l’excuser.

S’il avait pris note des regrets exprimés auprès de la commandante de la police, ainsi que des moyens mis en œuvre pour solutionner les problèmes personnels, il était regrettable que la prise de conscience soit intervenue seulement à la suite de son interpellation du 15 janvier 2021.

Les motifs invoqués par sa hiérarchie lors de l’entretien de services du 18 juin 2021 justifiaient la résiliation des rapports de services.

14) Par acte du 16 mai 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de licenciement et a conclu à son annulation.

Il a repris les explications formulées après l’entretien de service. Sa consommation n’avait jamais eu d’influence sur son travail. Le problème, passager et circonstanciel, était définitivement réglé depuis près d’un an et demi. Il était totalement apte à remplir les exigences du poste. En tout état, la décision querellée était manifestement disproportionnée. Sa longue expérience, ses excellentes compétences professionnelles et ses valeurs humaines avaient été relevées. Il n’avait fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire jusqu’alors. Par sa prise de conscience et ses actions, il avait démontré être digne de sa fonction. Un blâme respecterait le principe de la proportionnalité.

15) Le département a conclu au rejet du recours.

La consommation de stupéfiants était particulièrement incompatible avec l’exercice d’une fonction d’autorité telle que celle d’ASP, fonction dans le cadre de laquelle le recourant assistait les membres du personnel ayant pour fonction d’appréhender les trafiquants de drogue et de saisir des substances illégales. Or, M. A______ avait personnellement entretenu des contacts avec le milieu en question aux fins de s’approvisionner en cocaïne. Les motifs invoqués à l’appui de la résiliation étaient dûment établis et constitutifs d’un motif fondé de résiliation.

16) Dans sa réplique, M. A______ a contesté avoir eu des contacts personnels avec un trafiquant de drogue. Il ne pouvait lui être reproché une prise de conscience tardive compte tenu de sa situation personnelle très difficile. Son arrestation avait été un électrochoc.

Il n’avait pas accepté implicitement que son travail soit influencé par sa consommation. Le département faisait fi de la dimension humaine et de ses efforts importants pour ne plus trébucher.

Il avait reçu un certificat de travail élogieux le 30 juin 2022 qui confirmait la qualité de son travail et notamment le fait qu’il avait donné entière satisfaction dans la délivrance des prestations qui lui avaient été confiées.

Les résultats d’analyse des prélèvements sanguins effectués les 28 juin, 10 août, 20 octobre 2021 et 6 juillet 2022 démontraient qu’il était durablement abstinent de toute consommation de stupéfiants. Disproportionnée, la mesure prise par le DSPS devait être annulée.

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la résiliation des rapports de service du recourant prononcée par décision du département du 28 mars 2022.

3) À teneur de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4) En qualité d’ASP 2, le recourant fait partie du personnel de la police (art. 19 al. 1 let. b de la loi sur la police du 9 septembre 2014 - LPol - F 1 05). Selon
l'art. 19 al. 3 LPol, le statut des ASP fait l'objet d'un règlement du Conseil d'État, lequel n'existe toutefois pas à ce jour. En fonction des tâches qui leur sont dévolues, les ASP se répartissent en quatre catégories : assistants de sécurité publique (niveau 1) ; assistants de sécurité publique spécialisés (niveau 2) ; assistants de sécurité publique armés (niveau 3) ; assistants de sécurité publique armés spécialisés (niveau 4 - art. 31 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 - RGPPol - F 05.07).

En outre, la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et ses dispositions d'application s'appliquent au personnel de la police, sauf disposition contraire de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 let. c LPAC).

5) a. À teneur de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé.

Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations
(let. a) ; l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c). Le motif fondé, au sens de l'art. 22 LPAC, n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (
ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012
consid. 6.3.2 ; ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7b et les références citées).

Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

b. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC).

c. Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

d. Le Tribunal fédéral retient qu'un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance. Sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État, en particulier à la confiance du public dans l'intégrité de l'administration et de ses employés, et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l'employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention (arrêts du Tribunal fédéral 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2).

Les exigences liées au comportement d'un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l'autorité de l'État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d'assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_252/2018 précité et les références citées).

Les policiers sont soumis à des exigences particulièrement élevées s'agissant de leur comportement en dehors du service, car ils incarnent encore plus que les autres fonctionnaires la puissance publique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5).

e. Le Tribunal fédéral a confirmé la révocation d'un policier dont l'attitude au travail n'était pas mise en cause, seules ses prises de position émises à titre privé sur les réseaux sociaux l'étant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018).

Il a de même confirmé une résiliation ordinaire, avec préavis de trois mois, d’un gardien de prison (surveillant-chef adjoint de piquet) qui n’avait pas signalé une bagarre à la relève. Dans le contexte professionnel d’un établissement pénitentiaire, les manquements revêtaient une gravité particulière. Les conditions de renvoi étaient réunies sans qu’un avertissement préalable soit nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2013 du 3 décembre 2013).

De même, le licenciement, avec un préavis de trois mois, d’un agent de police municipale qui avait porté une accusation grave et infondée à l’encontre de son supérieur hiérarchique, a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 8C_615/2012 du 25 septembre 2012).

Le Tribunal fédéral a confirmé qu'il était douteux qu'un avertissement fût nécessaire compte tenu du refus catégorique d’un fonctionnaire d'accepter un déplacement. Outre la menace que contenait son dernier courriel, sa tentative de suicide, par la prise de médicaments et d'alcool, dans les locaux du collège en présence de ses collègues, constituait un manquement grave aux devoirs de sa charge. Même si ce geste pouvait être interprété comme un appel à l'aide, il n'en demeurait pas moins qu'il était de nature à rompre le lien de confiance et à justifier un licenciement sans avertissement préalable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2018 du 19 mars 2019 consid. 6.7).

f. La chambre de céans a considéré que le fait pour un conducteur de bus de présenter, alors qu'il était en service, un taux de THC supérieur à 1,5 µg/l constituait un motif dûment justifié de licenciement au sens du Statut du personnel des Transports publics genevois (ci-après : TPG) du 1er janvier 1999. Les TPG ayant proposé et encadré le recourant dans sa tentative de sevrage, ils avaient respecté le principe de la proportionnalité. Le recourant n'ayant pas tenu ses engagements, ils n'avaient notamment pas à tenter un reclassement au sein de l'entreprise, avant de le licencier (ATA/576/2014 du 29 juillet 2014).

Dans le cas d’un policier, expérimenté et gradé, qui avait soustrait deux plants de cannabis, pièces à conviction saisies par ses collègues, la chambre de céans avait retenu qu’il avait porté atteinte tant à leur travail qu'au bon déroulement de l'enquête pénale et de la justice. En prenant, puis en enfermant dans son armoire personnelle, des stupéfiants issus d'une saisie, le recourant avait, en outre, porté atteinte à l'image de la police. Il avait, par ailleurs, adopté un comportement contraire à celui attendu d'un représentant des forces de l'ordre dont le rôle consistait, entre autres, à préserver la sécurité et l'ordre publics des dangers émanant du commerce et de la consommation de stupéfiants (art. 1 let. d LStup). La faute commise par le recourant était grave. Elle devait toutefois être mise en relation avec son parcours professionnel de trente ans au sein du corps de police. Le prononcé d'une sanction moins sévère qu’une révocation était apte, d'une part, à faire prendre conscience au recourant de la gravité de son acte et, d'autre part, à réparer l'image de la police, la faible quantité et la qualité du stupéfiant subtilisé permettant de nuancer l'atteinte portée à la réputation du corps de police au regard de son parcours professionnel. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la révocation prononcée consacrait un abus et un excès du pouvoir d'appréciation par l'intimé (ATA/826/2020 du 27 août 2020 consid. 8b).

6) L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 138 I 331 consid. 7.4.3.1).

7) En l’espèce, le recourant a été déclaré coupable d’infraction à l’art. 19a
ch. 1 LStup et condamné à une amende de CHF 500.- par ordonnance pénale du Ministère public du 15 mars 2021 pour avoir consommé de la cocaïne occasionnellement à Genève, entre les mois de mars 2018 et le début janvier 2021, à raison d’une à deux boulettes par mois, puis régulièrement dès le mois de juin 2021 [recte : 2020] à raison de deux boulettes par mois.

Le recourant ne conteste pas avoir commis une faute, ni son obligation d’être exemplaire compte tenu de son poste.

Il invoque les difficultés rencontrées dans sa vie privée, le fait que la consommation se serait déroulée exclusivement dans un cadre privé, qu’elle n’avait jamais eu d’incidences sur la qualité de son travail, qu’elle était occasionnelle, sa prise de conscience dès son arrestation et son abstinence actuelle.

Le recourant a été engagé au DSPS le 1er juin 2018. Selon ses propres déclarations, il consommait de la cocaïne depuis cinq à sept ans au moment de ses déterminations en août 2021. Le début de la prise « festive » de drogues peut ainsi être située vers l’année 2015 environ. Le recourant a consommé de la cocaïne à plusieurs reprises. Sa consommation s’étend sur plusieurs années. Son engagement à l’État n’a pas induit de changement de comportement, pas même le fait d’intégrer le corps de police. Sa prestation de serment, puis sa nomination n’ont pas impliqué de prise conscience de l’illicéité de son comportement, ce qui est grave. Si le fait que le projet du couple de fonder une famille ne puisse se réaliser a pu l’affecter, la gestion du problème par la prise de stupéfiants ne pouvait pas être considérée comme satisfaisante, ce que le recourant se devait de constater. De même, la réaction à la perte et l’hospitalisation de proches ne sauraient excuser l’infraction, commise pendant plusieurs années, avec une intensité grandissante. À juste titre, le département relève que la prise de conscience a été tardive.

Par ailleurs, l’employeur a indiqué de façon claire les raisons pour lesquelles le comportement du fonctionnaire a ébranlé le rapport de confiance, notamment le fait que l’exercice de la profession d’ASP repose sur un ensemble de principes et de valeurs dont le respect et l’exemplarité sont les fondements tant entre l’employeur et les membres du personnel, qu’entre ces derniers et la population, que le recourant avait démontré peu de respect vis-à-vis de son employeur et du travail de ses collègues dont l’activité consistait à appréhender les trafiquants de drogues ainsi que la tardiveté de la prise de conscience. Il a indiqué de façon tout aussi claire que la gravité de la faute ne permettait plus la poursuite de la relation de travail. Or, conformément à la jurisprudence, il jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration.

C'est dès lors de manière conforme au droit que le département a constaté l'existence d'un motif fondé de résiliation des rapports de service du recourant pour inaptitude à remplir les exigences du poste. Pour le surplus, le licenciement est apte à assurer le bon fonctionnement de la fonction publique, nécessaire pour ce faire, notamment au vu du poste concerné, du respect du travail des collègues et de la nécessité que le public conserve la confiance en ses agents. Au vu de la jurisprudence précitée, de la répétition des actes, pendant plusieurs années, de la fonction au sein de la police, de la carrière relativement courte au sein de l’État, du fait qu’il s’agit d’un licenciement ordinaire et du caractère aisément reconnaissable de l’inadéquation du comportement adopté, le sous-principe de la proportionnalité est aussi respecté. L’absence d’antécédents ne suffit pas à modifier la conclusion précitée.

Ce faisant, le département n'a pas violé le principe de proportionnalité, déjà concrétisé par la procédure de reclassement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.3) laquelle ne souffre d’aucune critique de la part du recourant et apparaît avoir été effectuée de manière conforme au droit compte tenu des circonstances , l'intérêt public à la bonne marche du service, au vu des manquements reprochés, commandant de mettre un terme aux rapports de service.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera octroyée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du
28 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :