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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1883/2004

ATA/916/2004 du 23.11.2004 ( VG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : LOGEMENT SOCIAL; ALLOCATION; SUPPRESSION
Normes : RLLVG.14
Résumé : Le TA est compétent pour connaître des recours contre la décision de la Ville de supprimer une aide personnalisée.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1883/2004-VG ATA/916/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 novembre 2004

dans la cause

 

Madame M_______ et Monsieur S_______
représentés par Me Irène Buche, avocate

contre

GERANCE IMMOBILIERE MUNICIPALE DE LA VILLE DE GENEVE


 

 


1. Madame M_______ et Monsieur S_______ étaient locataires d’un appartement de 4 pièces situé dans un immeuble _, rue Jean-Jacques de Sellon, propriété de la Ville de Genève (ci-après : la Ville). Le bail a pris effet le 1er août 1994. Le loyer annuel était de CHF 13'980.- par an sans les charges. A la conclusion du bail, une aide personnalisée leur ayant été octroyée compte tenu de leur revenu, le montant dû par eux au titre de loyer ne s’élevait qu’à CHF 7'896.- par an, charges non comprises. Le bail a été renouvelé tacitement d’année en année.

2. Suite à différents conflits de voisinage, la Ville a résilié le contrat de bail des intéressés par avis du 13 janvier 2000 pour le 31 juillet 2000. Ce congé a été déclaré valable par la commission de conciliation en matière de baux et loyers, par le Tribunal des baux et loyers et en dernier lieu par la Chambre d’appel en matière des baux et loyers par arrêt du 9 février 2004, devenu définitif.

Il résulte, en substance, de ces différentes décisions judiciaires que les locataires avaient bénéficié d’une unique prolongation de leur bail pendant 3 ans et qu’à dater du 1er août 2003, ils n’étaient plus en possession d’aucun titre juridique leur permettant de continuer à habiter dans ce logement.

3. L’aide personnalisée apportée par la Ville à ces locataires a été réadaptée au fil des ans : au début du bail, elle s’élevait à CHF 508.- par mois. Du 1er mars 1996 au 31 décembre 2002 elle s’est élevée à CHF 582.- par mois. Jusqu’au 31 juillet 2003, elle était de CHF 505.- par mois.

4. Par lettre-signature du 30 avril 2004, le service de la gérance immobilière municipale (ci-après : GIM) a signifié à Mme M_______ et M. S_______ qu’ils occupaient illicitement depuis le 1er août 2003 l’appartement précité ; la subvention qui leur était versée était donc supprimée dès cette date. Ils étaient ainsi priés de rembourser à la GIM d’ici au 15 mai 2004 un total de CHF 4'545.- représentant les subventions indûment perçues du 1er août 2003 à fin avril 2004 (9 mois à CHF 505.-).

Ce courrier ne comportait aucune voie de droit.

5. Le 17 mai 2004, le conseil de Mme M_______ et de M. S_______ a fait part de l’opposition de ces derniers à la décision précitée. Aucun des règlements successifs de la Ville ne prévoyait la suppression de la subvention dans une telle situation. Ce courrier valait réclamation en tant que de besoin. La Ville était priée d’indiquer la base légale sur laquelle elle se fondait pour prendre cette décision. Dans l’immédiat, les intéressés continueraient à payer le loyer qu’ils versaient jusqu’à ce jour.

6. Par courrier du 1er juin 2004, la GIM a répondu que les intéressés n’étaient plus titulaires d’un contrat de bail, de sorte que le règlement fixant les conditions de location des logements de la Ville de Genève ne leur était pas applicable. Même en l’absence d’un contrat de bail valablement conclu, une indemnité pour occupation illicite, équivalente au montant du loyer, pouvait être réclamée par la bailleresse. Cette indemnité ne pouvait être diminuée d’une quelconque subvention.

7. Le 1er juillet 2004, le conseil des intéressés a sollicité une « attitude bienveillante » de la part de la GIM et prié celle-ci de bien vouloir notifier une décision formelle avec indication des voies de recours s’agissant de sa décision de porter « le loyer au montant maximum », depuis le 1er août 2003.

8. Le 19 juillet 2004, la Ville a réitéré les termes de son courrier du 1er juin 2004, l’arrêt de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers étant définitif.

9. Le 29 juillet 2004, le même conseil a sollicité à nouveau une décision formelle avec indication des voies de droit.

10. Le 6 août 2004, la GIM a informé par pli simple le conseil des intéressés que la voie de recours était le Tribunal administratif dans les 30 jours dès réception dudit courrier.

11. Par acte posté le 10 septembre 2004, Mme M_______ et M. S_______ ont recouru auprès du Tribunal administratif contre cette dernière décision du 6 août 2004, reçue le 10 août 2004. Ils ont conclu préalablement à ce qu’ils soient autorisés à répliquer et principalement à l’annulation de la décision de la GIM de supprimer avec effet au 1er août 2003 la subvention qui leur avait été allouée. Ils ont de plus conclu à l’octroi d’une indemnité de procédure.

12. La Ville s’est déterminée le 14 octobre 2004 en contestant la compétence du Tribunal administratif s’agissant du montant du loyer réclamé aux intéressés. En revanche, le Tribunal administratif était compétent pour statuer sur sa demande de remboursement et sur le recours y relatif en raison de la clause générale de compétence de l’art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ – E 2 05).

La Ville a conclu préalablement à l’octroi d’un délai pour répliquer et principalement au rejet de toutes les conclusions des recourants.

13. Sur quoi, une audience de comparution personnelle a été convoquée le 5 novembre 2004.

a. Les recourants ont indiqué qu’ils logeaient toujours à la même adresse et continuaient à payer le loyer dont ils bénéficiaient jusqu’au 31 juillet 2003 alors qu’ils recevaient encore une aide personnalisée de CHF 505.- par mois. Ils avaient saisi le Tribunal administratif conformément à l’indication que la Ville leur avait donnée dans le courrier adressé par la GIM à l’Asloca le 6 août 2004. Le tribunal de céans était compétent car la décision attaquée était une décision au sens de l’article 4 LPA d’une part et que d’autre part, le nouveau règlement du 27 septembre 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, prévoyait la compétence du Tribunal administratif en cas de recours contre les décisions sur réclamation relatives à l’octroi ou au calcul de l’aide personnalisée.

Enfin, la Ville n’avait pris aucune conclusion s’agissant de la recevabilité du recours.

Ils étaient dans l’incapacité de rembourser les montants qui leur étaient réclamés. Ils n’avaient pas recouru au Tribunal fédéral contre l’arrêt de la Cour de Justice précité.

b. Le représentant de la GIM a indiqué qu’à la date de la comparution personnelle, le total réclamé aux recourants s’élevait à CHF 8'851,55. De plus, la Ville avait déposé une requête en évacuation le 14 juin 2004 et celle-ci était toujours pendante devant le Tribunal des baux et loyers.

Enfin, la GIM contestait la compétence du Tribunal administratif. Le courrier adressé aux recourants le 30 avril 2004 n’était pas une décision. Si elle avait bien indiqué le 6 août 2004 à l’Asloca, sur l’insistance de celle-ci, que la voie de droit était le Tribunal administratif dans les trente jours dès réception de ce courrier, il s’agissait-là d’une réponse toute générale. De plus, l’article 56B alinéa 3 litt a LOJ excluait le recours en matière de subventions et l’allocation personnalisée en était une. Enfin, le bail au bénéfice duquel se trouvaient les recourants était régi par l’ancien règlement du 12 juin 1989 lequel ne prévoyait pas la compétence du Tribunal administratif.

14. A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger en l’état, le juge délégué ayant refusé d’ordonner un second échange d’écritures comme les recourants le demandaient.

1. Le courrier de la GIM du 30 avril 2004 est une décision au sens des articles 1 et 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), prise par un service d’une administration communale, au sens de l’article 5 litt. f LPA. Elle est motivée mais ne comporte aucune disposition légale, n’indique pas de voie ni de délai de recours, en violation de l’article 46 alinéa 1 LPA. De plus, elle a été expédiée sous pli simple, de sorte que l’autorité est dans l’incapacité d’établir sa date de réception par le destinataire.

2. Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

3. Sur l’insistance de l’Asloca, la GIM a précisé par courrier du 6 août 2004 – envoyé sous pli simple également – qu’un recours était ouvert au Tribunal administratif, dans les 30 jours dès réception de ce pli.

Se fiant de bonne foi à cette indication, Mme M_______ et M. S_______ ont saisi le Tribunal administratif par acte posté le 10 septembre 2004, soit dans les 30 jours précités, contre cette décision du 30 avril 2004.

Les délais de recours sont fixés par la loi et sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 26 al 1 1ère phrase LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est pas le législateur lui-même (SJ 1989, p. 418).

En l’espèce, la question de savoir si l’autorité pouvait faire partir un nouveau délai de recours par son courrier du 6 août, de même que celle d’une éventuelle tardiveté du recours, pourront cependant demeurer ouvertes, vu l’issue du litige.

4. Quelles que soient les tergiversations de la GIM au sujet de la recevabilité du présent recours, cette question doit être examinée d’office par l’autorité saisie (art. 11 al. 2 LPA).

5. Le règlement fixant les conditions de location des logements de la Ville du 12 juin 1989 (LC 21 531) était applicable au bail des recourants au moment où celui-ci a été conclu, soit en 1994. Ce règlement ne prévoyait aucune voie de recours.

Ce texte a été remplacé par un nouveau règlement du 27 septembre 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, dont le chapitre IV, intitulé « Dispositions de procédure » et plus particulièrement l’article 14 prévoyant l’instance de recours, sont d’application immédiate, selon un principe général du droit et conformément à une jurisprudence constante (ATA/31/2004 du 13 janvier 2004).

A teneur de l’article 14 précité, « les décisions rendues par la GIM concernant l’octroi ou le calcul de l’aide personnalisée sont susceptibles de réclamation auprès du service dans les 30 jours dès leur notification.

Le recours contre les décisions rendues sur réclamation par la GIM en matière d’octroi ou de calcul de l’aide personnalisée est régi par les articles 56A et suivants de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 et par la LPA ».

En l’espèce, la décision attaquée n’est certes pas une décision d’octroi mais de suppression de l’aide personnalisée. De plus, la GIM n’a pas rendu de décision sur réclamation.

6. La situation des recourants est particulière puisqu’ils ne sont plus locataires mais occupants illicites de ce logement depuis le 1er août 2003 selon l’arrêt, définitif et exécutoire, de la Chambre d’appel des baux et loyers du 9 février 2004.

Partant, la Ville leur réclame non un loyer mais une indemnité pour occupation illicite, équivalant au montant du loyer. Cette indemnité ne peut être diminuée d’une quelconque subvention, ainsi que l’intimée l’a expressément signifié au mandataire des intéressés par courrier du 1er juin 2004.

Les recourants, sous le coup d’une requête en évacuation, ne sont plus au bénéfice d’un titre quelconque leur permettant de rester dans ce logement. Ils ne sauraient se prévaloir du règlement ni prétendre la poursuite du versement d’une allocation personnalisée, celui-ci ayant pris fin de plein droit au 31 juillet 2003.

Faute d’un intérêt actuel et direct (art. 60 litt b LPA), les recourants n’ont ainsi pas qualité pour agir devant le Tribunal administratif (ATA/548/2004 du 15 juin 2004 ; ATA/655/2002 du 5 novembre 2002).

7. Pour ce dernier motif, le recours sera déclaré irrecevable.

Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité.

* * * * *

déclare irrecevable, le recours interjeté le 10 septembre 2004 par Madame M_______ et Monsieur S_______ contre la décision de la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève du 30 avril 2004 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Maître Irène Buche, avocate des recourants ainsi qu'à la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :