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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2997/2010

ATA/847/2010 du 30.11.2010 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2997/2010-AIDSO ATA/847/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 novembre 2010

1ère section

dans la cause

 

Monsieur G______
représenté par le Centre social protestant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Monsieur G_____, né en 1968, est de nationalité suisse et domicilié à Genève. Il dispose de formations de piano, comptabilité et agent de voyages.

2. Au chômage depuis le mois de janvier 2008 et parvenu en fin de droit le 25 septembre 2009, il est inscrit aux mesures cantonales depuis le mois d’octobre 2009.

3. Ayant exercé un emploi temporaire entre le 11 novembre 2009 et le 28 février 2010, il n’a bénéficié d’aucune mesure cantonale pendant cette période.

4. A l’échéance de son contrat, il a sollicité auprès du service des mesures cantonales (ci-après : SMC) l'octroi d'un poste à 50 % dans le cadre du programme cantonal d’emploi et de formation (ci-après : PCEF).

Il souhaitait pouvoir exercer son piano et faire de la musique deux jours et demi par semaine.

5. En mars 2010, le SMC lui a proposé un PCEF d'une durée de six mois auprès du service de la main-d’œuvre étrangère (ci-après : SME) pour y effectuer du classement.

Cet emploi devait débuter le 15 mars 2010 à 08h30.

6. Le 11 mars 2010, après avoir rencontré le SMC, M. G_____ a informé son placeur que ce PCEF ne correspondait pas à ses compétences et ne lui permettait pas de gagner sa vie. Si aucun poste dans l’un de ses domaines d’activité ne pouvait lui être proposé, il préférerait effectuer des travaux physiques, même pénibles ou de force.

Il avait par ailleurs obtenu un rendez-vous chez l'entreprise Adecco pour le lundi 15 mars 2010 à 11h00. Il souhaitait privilégier cette opportunité, plutôt que de se rendre au SME. Il avait omis de faire part de ce rendez-vous à ce dernier.

7. A cette occasion, son placeur l'a enjoint de se présenter au SME le matin du 15 mars 2010, lui garantissant que ce service le libérerait pour son rendez-vous.

8. Le lundi 15 mars à 09h15, M. G_____ a téléphoné au SME pour l’informer qu’il ne se présenterait pas à cet emploi.

Il souhaitait rediscuter avec son placeur de la nature de l’occupation temporaire qui lui serait proposée. Par ailleurs, il avait obtenu un entretien avec l’entreprise Adecco et espérait y décrocher un emploi.

9. Il a ensuite téléphoné au SMC pour lui faire part de ces éléments.

10. Par une décision du 18 mars 2010, le SMC a informé M. G_____ qu’il ne lui accorderait pas une nouvelle mesure cantonale.

En ne se présentant pas auprès du SME, l'intéressé avait refusé un PCEF sans motif valable. Il n’avait, en conséquence, plus droit à aucune autre proposition, ni à aucune autre mesure cantonale au sens de l’art. 36 du règlement d’exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC - J 2 20.01).

11. Le 23 mars 2010, M. G_____ a sollicité une aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice), informant ce dernier qu'une demande d’emploi temporaire dans le cadre de l’assurance chômage était en cours.

12. Le même jour, il a signé un document aux termes duquel il s’engageait auprès de l’hospice à faire valoir tous les droits auxquels il pourrait prétendre en matière d’assurance sociale et à tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation financière, notamment en recherchant activement une activité rémunérée.

13. Le 12 avril 2010, M. G_____ a formé opposition à la décision du SMC du 18 mars 2010.

Le poste qui lui avait été proposé ne correspondait pas à ce que son placeur lui avait présenté. Il avait demandé alors à ce dernier de pouvoir bénéficier d’une alternative. Il s'était dit prêt à accepter des travaux lourds (déménagement, chantier, etc.) mais ne souhaitait pas faire du classement.

Lors de son entretien téléphonique du 15 mars 2010 avec le SMC, ce service avait refusé de lui accorder un nouveau rendez-vous et l’avait prié de signer une fiche de refus de mesures cantonales, ce qu’il avait refusé.

Lorsque l’emploi temporaire au SME lui avait été proposé, son placeur ne l’avait pas informé des conséquences définitives que son refus pourrait avoir. Il ignorait que la « proposition » de ce service était en réalité une assignation d’emploi. On avait profité de son ignorance pour le pousser à la faute.

14. Par décision du 15 avril 2010, l’hospice a alloué à M. G_____ une aide financière mensuelle de CHF 1'686,65 à compter du mois d’avril 2010.

15. Le 27 avril 2010, cette autorité a décidé de réduire au barème minimum le montant de ces prestations pour la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2010. Elle a prononcé parallèlement la suppression totale « des prestations circonstancielles et autres prestations circonstancielles ».

Elle avait pris connaissance par M. G_____ de la suppression du droit de ce dernier à un PCEF et, par voie de conséquence, à un éventuel droit à un revenu minimum cantonal d’aide sociale (ci-après : RMCAS). Or, l'aide sociale était subsidiaire aux mesures cantonales.

En ne se présentant pas à son poste le 15 mars 2010, M. G_____ avait violé son engagement et ses obligations découlant des art. 9 et 19 de la loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (ci-après : LASI), lui imposant de tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, notamment en recherchant activement une activité rémunérée.

Cette décision constituait une sanction prise en application de l’art. 35 al. 2 (recte : 35 al. 3) du règlement d’exécution de la LASI du 25 juillet 2007 (RASI - J 4 04.01).

16. Le 28 mai 2010, M. G_____ a formé une réclamation auprès de l’hospice contre cette décision. Il a conclu à son annulation pour des motifs qui seront exposés ci-après.

17. Le traitement de cette réclamation a été suspendu par l’hospice dans l’attente de droit jugé sur la réclamation formée par M. G_____ contre la décision du SMC du 18 mars 2010.

18. Le 31 mai 2010, le service juridique de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a rejeté ladite réclamation.

Lors de l'entretien du 11 mars 2010 avec la conseillère en personnel du SMC, M. G_____ avait exprimé sa satisfaction d’avoir pu obtenir une mesure cantonale. Son rendez-vous chez Adecco était d'ores et déjà prévu et le SMC avait enjoint M. G_____ de se présenter à l'heure au SME avant de s'y rendre. L'ignorance dans laquelle l'intéressé se trouvait quant à l’impossibilité de choisir un PCEF dans un domaine qui lui agréait ne justifiait pas une réforme de la décision, car lors d’un précédent entretien du 22 décembre 2009, le SMC lui avait exposé la difficulté de trouver un tel emploi à temps partiel dans ses domaines d'activité et indiqué quel type d’emploi à mi-temps pouvait lui être proposé sous la forme d’un PCEF. L'emploi proposé tenait compte, en outre, du désir de l'intéressé d'effectuer son 50 % sur deux jours et demi par semaine pour pouvoir exercer son piano.

Dans ces conditions, il fallait considérer que M. G_____ avait refusé une mesure cantonale sans faire valoir de motifs valables.

19. Par décision du 3 août 2010, l’hospice a rejeté la réclamation de l'intéressé formée contre sa décision de réduction des prestations du 15 avril 2010.

En refusant un PCEF sans motifs valables, M. G_____ avait fautivement renoncé à un droit auquel l’aide sociale était subsidiaire, au sens de l’art. 35 al. 1er let. b LASI. Conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif, la perte fautive d’un droit aux mesures cantonales constituait une faute grave. La sanction respectait ainsi le principe de la proportionnalité.

20. Par acte du 6 septembre 2010, M. G_____ a recouru au Tribunal administratif contre cette décision en concluant à son annulation, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

La sanction était dépourvue de base légale. En effet, l’art. 35 al. 1er let. b LASI ne réprimait pas les comportements antérieurs au dépôt de la requête d'aide financière. Il avait pour but d'obliger le bénéficiaire d'un droit à des prestations subsidiaires, nées postérieurement à cette demande, à les faire valoir sans délai et à tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation financière. Cette disposition ne pouvait ainsi servir à punir une personne pour un droit qu’il avait perdu avant de demander l’aide sociale.

Une interprétation contraire reviendrait à exclure du droit à l’aide sociale les personnes tombées dans le dénuement par paresse, mauvaise volonté, alcoolisme ou toxicomanie pour ne retenir que celles ayant une raison « honorable » de solliciter l'aide sociale. Une telle approche était complètement contraire à la vision moderne de l’assistance publique et s’éloignait de la pratique consacrée par les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : CSIAS). En effet, selon celles-ci, les autorités pouvaient réduire les prestations d’aide sociale lorsqu’elles constataient un manque de coopération ou une insuffisance d’effort d’intégration, lorsque des paiements à double avaient été nécessaires par suite de comportement fautif du bénéficiaire ou lorsque l’aide avait été obtenue de manière illégale (normes CSIAS A.8.1). En cas de réduction de prestations, il y avait lieu de vérifier si les exigences et les directives des organismes d’aide sociale avaient été raisonnables, si la personne concernée avait été auparavant dûment informée de manière à pouvoir se rendre compte des conséquences de ses actes, si la réduction était proportionnelle aux manquements constatés et, par conséquent à la faute, si la personne concernée pouvait elle-même, en modifiant son attitude, faire en sorte que la cause de la diminution disparaisse, si la réduction pouvait être annulée ultérieurement et enfin, s’il avait été dûment tenu compte des intérêts légitimes d’enfants ou d’adolescents (normes CSIAS A.8.2).

La vérification de ces conditions n’était pas possible dans le cas où l’autorité sanctionnait un comportement antérieur à la demande d’aide sociale.

M. G_____ avait tout mis en œuvre pour faire valoir ses droits aux mesures cantonales, en les sollicitant d’abord, puis en s’opposant à la décision du SMC du 18 mars 2010.

Le 29 avril 2010, le Conseil d’Etat avait déposé un projet de loi qui avait pour but, selon cette autorité, de consolider la base légale permettant à l’hospice de réduire, à titre de sanction, les prestations financières d’aide sociale en cas de suspension du droit à l’indemnité de chômage (PL 10656). Il était prévu d’introduire à l’art. 35 al. 1er LASI une lettre g prévoyant que « le bénéficiaire subit ou a subi immédiatement avant le dépôt de la demande prévue à l’art. 31 LASI, une suspension de son droit à l’indemnité de chômage », ainsi qu’une lettre h disposant que « le bénéficiaire a, immédiatement avant le dépôt de la demande prévue à l’art. 31 LASI, refusé, sans motifs sérieux et justifiés, ou perdu fautivement un emploi dans le cadre du programme cantonal d’emploi (…) ». Dans son exposé de motifs, le Conseil d’Etat avait exposé la nécessité de consolider le dispositif légal permettant de réduire les prestations des personnes ayant subi une suspension de leur droit aux indemnités de chômage en adoptant une base légale claire à ce sujet, une telle réduction devant être prévisible pour les personnes concernées.

Le dépôt de ce projet de loi démontrait le défaut de base légale actuelle, le terme « consolider » employé par le Conseil d’Etat dans son exposé des motifs étant un euphémisme.

Si la sanction devait toutefois être confirmée quant à son principe, il convenait de la réduire en application du principe de la proportionnalité, le fait d’avoir manqué un rendez-vous ne pouvant constituer une faute grave.

21. L’hospice a déposé ses observations le 15 octobre 2010 et conclu au rejet du recours.

Par son renvoi à l’art. 9 al. 2 LASI, l’art. 35 al. 1 let. b de ladite loi permettait de réduire les prestations d’un bénéficiaire qui, par sa faute, avait perdu son droit à une mesure cantonale avant le dépôt de sa demande d’aide sociale. Le projet de loi signalé par le recourant ne visait, comme l’avait indiqué le Conseil d’Etat, qu’à consolider et non à créer la base légale existante et à clarifier la situation pour les bénéficiaires potentiels du droit aux mesures cantonales.

Il serait par ailleurs contraire au principe de l’égalité de traitement de traiter différemment la personne qui renonçait à faire valoir un droit après le dépôt de sa demande d’aide sociale de celle qui y aurait renoncé auparavant.

S’agissant de la proportionnalité, la faute reprochée au recourant n’était pas simplement d’avoir manqué un rendez-vous de travail mais d'avoir, en omettant d’aller à ce rendez-vous et en ne prévenant que très tardivement son employeur, perdu un emploi et, consécutivement, un droit aux mesures cantonales. La jurisprudence récente rendue par le Tribunal administratif dans des cas très similaires, avait qualifié une telle faute de grave et validé une sanction du même degré et de même durée.

La sanction était ainsi justifiée tant dans son principe que dans sa quotité.

22. Le 4 novembre 2010, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A et suivants de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en-dessous du seuil minimum découlant de cette disposition constitutionnelle mais qui peuvent aller au-delà (ATF 136 I 254 consid. 4.2 ; ATF 134 I 214 consid. 5.7.3).

3. En droit genevois, ce principe constitutionnel est concrétisé par la LASI et le RASI qui sont entrés en vigueur le 19 juin 2007.

4. La LASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel en fournissant une aide sous forme d'accompagnement social et de prestations financières (art. 1 al. 1 et 2 LASI).

5. Ont droit à des prestations d'aides financières les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 LASI). Les conditions financières donnant droit aux prestations d'aide financière sont déterminées aux art. 21 à 28 LASI.

6. Les prestations d'aide sociale sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie, composé de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré et des enfants à charge (art. 13 al. 1 et 2 LASI).

7. Selon l'art. 35 al. 1er let. b LASI, les prestations d'aide financière peuvent être réduites, notamment, lorsque le bénéficiaire « renonce » à faire valoir des droits auxquels les prestations d'aide financière sont subsidiaires. Cette "renonciation" n'est pas limitée, selon la lettre claire de la loi, aux cas survenus après le dépôt de la demande d'aide sociale ; il suffit qu'elle conduise à l'absence de paiement de prestations auxquelles l'aide sociale est subsidiaire.

8. L'art. 35 al. 1er let. b LASI comporte, en outre, un renvoi à l'art. 9 al. 2 LASI. Aux termes de cette disposition, le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l'aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière. Les prestations d'aide financière versées en vertu de la LASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, en particulier aux prestations d'assurances sociales fédérales et cantonales (art. 9 al. 1er LASI).

9. Le Tribunal fédéral a admis qu'un bénéficiaire potentiel de prestations d'aide sociale pouvait voir ces dernières réduites en cas d'omission d'entreprendre toute démarche que l'on pouvait attendre de lui pour avoir accès à des prestations auxquelles l'aide sociale est subsidiaire (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002). En application de cette jurisprudence, le tribunal de céans a jugé que les prestations initiales pouvaient être réduites au sens de l'art. 35 LASI lorsque le bénéficiaire précédemment au chômage a, par sa faute, perdu son droit à une mesure cantonale (ATA/413/2010 du 15 juin 2010 ; ATA/809/2005 du 29 novembre 2005).

La loi et la jurisprudence ci-dessus exposées subordonnent la réduction des prestations à la commission d'une faute par commission ou par omission.

10. Selon l'art. 36 al. 2 RMC (en relation avec l'art. 48A de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 - LACI - RS 837.0), le chômeur qui, sans motifs sérieux et justifiés, refuse un programme cantonal d'emploi et de formation n'a droit à aucune autre proposition, ni à aucune autre mesure cantonale. L'autorité compétente peut toutefois, exceptionnellement et sur demande écrite, proposer une nouvelle affectation au bénéficiaire du programme cantonal d'emploi et de formation s'il ne répond pas aux exigences du poste pour des raisons qui ne lui sont pas imputables.

11. En l'espèce, M. G_____ ne s'est pas présenté à son emploi alors que le 11 mars 2010, le SMC lui avait rappelé la difficulté de lui trouver un PCEF à 50 % dans l'un de ses domaines d'activité. Ce dernier lui avait par ailleurs garanti que le SME le libérerait pour son rendez-vous chez Adecco.

Alors qu'il était chômeur en fin de droit, M. G_____ ne pouvait ignorer le caractère ultime de la proposition qui lui était faite, ni imposer de nouvelles exigences quant à l'activité et à la rémunération proposée, alors que le SMC avait tenu compte de son souhait de ne travailler qu'à 50 %, à raison de deux jours et demi par semaine, pour pouvoir exercer son piano. Dans ce contexte et dès lors que ses objections se limitaient à de pures convenances personnelles, il aurait dû se présenter à l'emploi proposé, ce qui ne l'empêchait pas de tenter de renégocier son affectation. Bien que le SMC l'ait informé de ce devoir par téléphone le matin du 15 mars 2010, M. G_____ n'a pas obtempéré.

En refusant de se rendre à son poste alors qu'il y était enjoint, le recourant a commis une faute.

Il découle cependant des écritures des parties et des décisions rendues dans la cause ayant opposé M. G_____ au SMC que ce dernier service, tout en enjoignant le recourant à se rendre à son PCEF, ne l'a pas informé du fait qu'il perdait, par son refus, tous ses droits à une mesure cantonale. Or, l'art. 36 RMC indique qu'un tel refus, fondé sur des motifs valables (dont fait partie l'inadéquation des exigences du poste par rapport à la formation), peut donner lieu à l'octroi d'un nouveau PCEF. En l'absence d'une information claire donnée par le SMC à ce sujet, l'existence d'une faute grave ne peut être retenue.

En outre, M. G_____ a signalé à l'hospice, dans sa demande de prestations d'aide sociale, l'existence d'une demande « en cours » de PCEF, alors même que la décision de refus avait déjà été prononcée. Il avait alors formé opposition, tentant de faire valoir ses droits. On ne peut lui reprocher, en conséquence, d'avoir voulu tromper l'autorité ou de ne pas avoir tenté de faire reconnaître la validité des motifs allégués, au sens de l'art. 36 al. 3 RMC. Ceux-ci n'étaient pas complètement incongrus, puisqu'ils tenaient compte du fait qu'aucun PCEF ne pourrait être trouvé dans les domaines de compétence de M. G_____, qui s'était déclaré prêt à exécuter des travaux physiques, même pénibles ou de force. L'intéressé a par ailleurs appelé le SME aux alentours de 9h00 le jour où il était attendu à son PCEF, pour l'informer de son absence, en lui explicitant ses motifs, ce qui laisse présumer de sa bonne foi quant à son ignorance des conséquences de son refus et du fait qu'il pensait pouvoir obtenir un PCEF dans un domaine plus physique.

Le manquement de M. G_____ doit ainsi être qualifié de « simple » au sens de l'art. 35 al. 2 RASI.

12. Selon cette dernière disposition, les prestations d’aide financière peuvent être réduites dans les cas visés à l’art. 35 LASI pendant une durée maximale de 12 mois (al. 1er). En cas de manquement simple aux devoirs imposés par la loi, le forfait pour l’entretien de la personne fautive est réduit de 15 % et toutes ses prestations circonstancielles sont supprimées, à l'exception de la participation aux frais médicaux et aux frais dentaires, au sens de l'art. 9 al. 2 à 4 RASI (al. 2). En cas de manquement grave, le forfait pour l'entretien de la personne fautive est réduit aux montants définis par l’art. 19 RASI avec la même exception qu'en cas de manquement simple (al. 3). Le degré de réduction est fixé en tenant compte des circonstances du cas d’espèce.

Cette disposition concrétise le principe de la proportionnalité, qui impose que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins incisives. Ce principe interdit en outre toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246 ; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A.112/2009 du 7 mai 2009 consid. 2 ; ATA/9/2004 du 6 janvier 2004).

En l'espèce, la faute du recourant ne pouvant être qualifiée de grave pour les raisons exposées ci-dessus, la réduction des prestations doit être prononcée sur la base de l'art. 35 al. 2 RASI. Au vu de l'ensemble des circonstances et en application du principe de la proportionnalité, il convient de réduire le forfait de l'entretien de l'intéressé à 15 % pour une durée de six mois, avec la suspension des prestations circonstancielles pour la même période (pour une comparaison de la jurisprudence, voir ATA/413/2010 du 15 juin 2010 ; ATA/809/2005 du 29 novembre 2005).

13. Le recours sera partiellement admis. La décision querellée sera annulée en tant qu'elle confirme une réduction des prestations d'aide financière à l'encontre de M. G_____ du 1er avril au 30 septembre 2010. En lieu et place, une réduction du forfait de l'entretien de l'intéressé à 15 %, avec une suspension des prestations circonstancielles, sera prononcée pour une durée de six mois. La décision ayant déjà été exécutée, l'hospice devra verser au recourant le solde des prestations financières indûment retenues, avec intérêt à 5 % dès le 1er avril 2010.

14. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'hospice. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée au recourant qui a pris des conclusions dans ce sens, à charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 septembre 2010 par Monsieur G_____ contre la décision du 3 août 2010 de l'Hospice général ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de la direction de l'Hospice général du 3 août 2010 en ce qu'elle confirme la décision de l'Hospice général du 27 avril 2010 réduisant au barème minimum pour une durée de six mois les prestations financières versées à Monsieur G_____ ;

dit que le forfait d'entretien de M. G_____ du 1er avril au 30 septembre 2010 est réduit de 15 % pour une durée de six mois à compter du 1er avril 2010 et que les prestations circonstancielles sont suspendues pendant cette période ;

condamne l'Hospice général à verser à M. G_____ le solde des prestations correspondant à la différence entre les montants versés et les prestations auxquelles il a droit, avec intérêts à 5 % dès le 1er avril 2010 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’Hospice général ;

alloue à M. G_____ une indemnité de CHF 2'000.- à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au centre social protestant, mandataire du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :