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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/340/2005

ATA/809/2005 du 29.11.2005 ( HG ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/340/2005-HG ATA/809/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 novembre 2005

dans la cause

 

Monsieur C __________

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


 


1. Monsieur C __________, ressortissant suisse né en 1960, est licencié en sciences économiques de l’école des hautes études commerciales de Lausanne ; il est également titulaire d’un diplôme de technicien supérieur de gestion de l’université de Tunis.

2. a. Le 16 décembre 2003, étant au chômage, l’intéressé a signé un contrat d’employé temporaire avec le service des mesures cantonales de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE), aux termes duquel il était engagé en qualité de commis administratif au département des finances pour une durée de douze mois et un jour, soit du 5 janvier 2004 au 6 janvier 2005.

b. Le 18 mai 2004, Madame Negretti, responsable des ressources humaines au département des finances a informé l’OCE qu’un contrôle de la durée des pauses de l’intéressé avait mis en évidence des tricheries dans les pointages. Sur cinq jours, il avait indûment bénéficié de deux heures et quarante-huit minutes de crédit. L’intéressé manquait de motivation. Le travail de classement qui lui avait été confié était insatisfaisant et comportait trop d’erreurs ayant des incidences majeures pour le service. Reçu le jour même par sa hiérarchie, les constatations précitées lui avaient été communiquées. Il avait en outre été informé que la collaboration ne serait pas poursuivie, en raison du fait qu’il avait délibérément trompé sa hiérarchie en falsifiant ses temps de pause, ce qui constituait une faute grave. Il avait quitté le service à midi.

c. Le 19 mai 2004, l'OCE a licencié M. C __________ pour juste motif, avec effet immédiat. Ce licenciement entraînait notamment la perte de l'octroi d'un solde d'emploi temporaire et l'impossibilité de pouvoir bénéficier de l'aide financière du revenu minimum cantonal d'aide sociale (ci-après : RMCAS).

d. Le 26 mai 2004, M. C __________ a contesté le licenciement : son travail impliquait des déplacements dans tout le bâtiment. Dès lors, il ne se rendait pas à une place de travail précise après avoir timbré. Il n’y avait pas d’éléments tangibles permettant de le licencier. Enfin, il a insisté sur le fait qu’il était sans revenu et qu’il avait à sa charge deux enfants et son épouse, qui était malade.

e. Le 16 juin 2004, l'OCE a annulé le licenciement pour juste motif fondé sur une tricherie dans le contrôle horaire. Un nouveau licenciement a été notifié à M. C __________ pour le 31 juillet suivant, lequel retenait que l’intéressé manquait de motivation. Son travail était insatisfaisant, comportant trop d'erreurs ayant des incidences majeures pour le service dans lequel il oeuvrait.

3. M. C __________ a sollicité des prestations d’assistance auprès de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) à partir du 1er septembre 2004.

4. Par décision du 15 octobre 2004, l’hospice a informé l’intéressé qu’il lui accorderait de telles prestations, mais qu’elles seraient réduites dès le 1er septembre 2004 à hauteur des conditions minimales d’existence, au motif qu’il avait été licencié d’un emploi temporaire cantonal, ce qui impliquait qu’il ne pourrait bénéficier de l’ouverture d’un nouveau délai-cadre ni percevoir le RMCAS. Dès le 1er septembre 2004, il avait droit à CHF 2'709,95 par mois pour son entretien, celui de son épouse et de ses enfants, montant auquel il fallait ajouter une aide complémentaire mensuelle de CHF 396.-.

5. Le 25 octobre 2004, M. C __________ a élevé réclamation en exposant qu’il avait été licencié abusivement, qu’il vivait séparé de sa famille et qu’il était hébergé par un proche auquel il devait verser une participation au loyer et aux charges. Après avoir payé le loyer, les frais de transport et de recherches d’emploi, il disposait encore de CHF 300.- par mois pour vivre.

6. Le président du conseil d’administration de l’hospice a maintenu sa décision le 2 décembre 2004. Il a reproché à M. C __________ d’avoir perdu son emploi pour travail insatisfaisant (trop d’erreurs relevées) et manque de motivation. Il avait aussi perdu le droit à un solde d’emploi temporaire, au RMCAS et à l’ouverture d’un nouveau délai-cadre de chômage. Il était en bonne santé et avait de nombreuses qualifications professionnelles, de sorte que la réduction litigieuse était justifiée.

7. M. C __________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours le 11 février 2005. Il s’était inscrit au chômage. Pendant la durée de la procédure, il n’avait pas touché les prestations normales.

8. Le 17 mars 2005, l’hospice s’est opposé au recours, reprenant et développant son argumentation antérieure.

9. Le 30 juin 2005, les parties ont été entendues en comparution personnelle.

a. M. C __________ n’a pas contesté les calculs de l’hospice, mais uniquement la réduction de la prestation. Le premier licenciement avait été annulé et il n’y avait eu ni explications, ni discussions au sujet du second. Sa hiérarchie ne lui avait pas fait de remarques avant le licenciement. Il n’avait pas retrouvé d’emploi, malgré les offres qu’il faisait constamment.

b. L’hospice a souligné que la sanction était uniquement fondée sur le licenciement et ses conséquences.

10. A la demande du Tribunal administratif, l’OCE a versé à la procédure une copie de son dossier le 3 août 2005. Les faits pertinents y figurant sont repris dans le présent arrêt. Les conditions générales du contrat ont également été produites.

11. Ces pièces ont été transmises aux parties le 8 août 2005. Un délai leur a été accordé pour se déterminer à leur endroit.

M. C __________ n’a pas produit d’observations. Quant à l’hospice, il a relevé le 5 septembre 2005 que, selon les conditions générales, seule une résiliation pour justes motifs était possible. Le service des mesures cantonales avait considéré que le comportement de M. C __________ était suffisamment grave pour justifier une résiliation exceptionnelle. Ainsi, la perte fautive de l’emploi temporaire était-elle démontrée.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L’article 11 chiffre 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (Pacte I – RS 0.103.1) prévoit que les États parties reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence ; il prévoit aussi que les États prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et qu’ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie.

b. Selon l'article 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Cette disposition ne fait que consacrer, sans en étendre la portée, le droit constitutionnel non écrit à des conditions minimales d'existence qui avaient été reconnues par la jurisprudence et la doctrine ; cette jurisprudence (ATF 121 I 367 consid. 2c p. 373 ; 122 II 193 consid. 2c/dd p. 198) conserve donc son entière valeur sous l'empire de la nouvelle Constitution fédérale. Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence et laisse au législateur fédéral, cantonal ou communal, le soin d'en fixer la nature et les modalités (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 4.1 ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II Les droits fondamentaux, Berne 2000, p. 687 n. 1505-1508).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’article 12 Cst. ne garantit pas un revenu minimal ; du point de vue constitutionnel, il ne garantit que ce qui est indispensable pour une existence conforme à la dignité humaine, afin de prévenir un état de mendicité indigne de la condition humaine (ATF 121 I 367 consid. 2c p. 373 ; ATF 130 I 71 consid. 4.1 p. 75 ; arrêt du Tribunal fédéral destiné à publication 2P.318/2004 du 18 mars 2005, consid. 3.1 ; voir aussi G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, La réglementation des décisions de non-entrée en matière dans le domaine du droit d’asile – Aspects constitutionnels, PJA 2004 p. 1348-1354, spécialement p. 1349). L’article 12 Cst. vise à éviter toute lacune das le système plus général de la sécurité sociale (P. MAHON, in : J.-F. AUBERT/P. MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich 2003, n. 2 ad art. 12 Cst ; M. BIGGLER-EGGENBERGER, in : B. EHRENZELLER/P. MASTRONARDI/R.-J. SCHWEIZER/K. VALLENDER (éd.), Die Schweizerische Bundesverfassung, Zurich 2002, n. 12 ad art. 12 Cst).

Par ailleurs, le texte même de l’article 12 Cst. confirme que le principe de la subsidiarité s’applique pour l’aide en cas de détresse. Ce droit ne comprend qu’un minimum, c’est-à-dire les moyens absolument nécessaires (sous la forme de nourriture, d’habits, d’un hébergement et de soins médicaux) pour pouvoir survivre dans une situation de détresse (ATF 130 I 71 consid. 4.1 p. 75 ; arrêt du Tribunal fédéral destiné à publication 2P.318/2004 du 18 mars 2005, consid. 3.1 ; sur la notion de subsidiarité, voir U. HÄFELIN/W. HALLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 6ème éd., Zurich 2005, p. 261 n. 917 ; R. RHINOW, Grundzüge des Schweizerischen Verfassungsrechts, Bâle 2003, p. 544 n. 3095 ; J.-F. AUBERT/P. MAHON, op. cit., Zurich 2003, n. 2 ad art. 12 Cst ; M. BIGGLER-EGGENBERGER, in : B. EHRENZELLER/P. MASTRONARDI/R. SCHWEIZER/K. VALLENDER (éd.), op. cit., n. 13-18 ad art. 12 Cst. ; R. RHINOW, Wirtschafts-, Sozial- und Arbeitsverfassung, in: U. ZIMMERLI (éd.), BTJP 1999 – Die neue Bundesverfassung, Konsequenzen für Praxis und Wissenschaft, Berne 2000, p. 176).

3. a. En droit genevois, c’est la loi sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05) qui concrétise l’article 12 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1 ; ATA/377/2003 du 6 janvier 2004, consid. 5 ; G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, op. cit., p. 1351).

Selon l’article 1er alinéa 2 LAP, l’assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables.

b. L’article 1er alinéa 3 LAP prévoit encore que l’assistance publique est subsidiaire aux autres prestations sociales, fédérales, cantonales ou communales et à celles des assurances sociales; elle peut, le cas échéant, être accordée en complément.

Cette disposition consacre le principe de subsidiarité de l'aide sociale, lequel a été jugé conforme à l'article 12 Cst. (notamment ATF 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1).

Ce principe implique que l'aide sociale n'est accordée que si elle représente le seul moyen d'éliminer la situation d'indigence (F. WOLFFERS, Fondements du droit de l'aide sociale, Berne 1995, p. 141).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, rendue au sujet de la LAP, l’article 12 Cst. ne saurait donc priver les cantons de la possibilité d'exercer, à cet égard, un certain pouvoir de contrainte. Il ne saurait, en d'autres termes, leur être interdit de réduire leurs prestations d'aide sociale à l'encontre de bénéficiaires potentiels qui se refuseraient ou qui omettraient d'entreprendre toutes les démarches que l'on peut raisonnablement attendre d'eux pour avoir accès à ces autres prestations. Cela suppose toutefois que les intéressés ne se trouvent pas privés de ce fait de toute ressource, empêchés dès lors de satisfaire à leurs besoins les plus fondamentaux (nourriture et logement) (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1). Ainsi, conformément au principe de proportionnalité, un comportement fautif du bénéficiaire de l’aide sociale peut justifier la restitution des montants perçus de manière indue (ATA/843/2002 du 27 janvier 2004, consid. 2b ; G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, op. cit., p. 1352).

4. En l’espèce, le Tribunal administratif doit déterminer, d’une part si M. C __________ a perdu, par sa faute, le bénéfice d’un emploi temporaire auquel l’assistance publique est subsidiaire et, d’autre part, si cette perte peut entraîner la sanction litigieuse.

a. En ce qui concerne la première question, l’instruction menée par le Tribunal administratif permet d’admettre que la perte de l’emploi temporaire est due à un travail insuffisant et à un manque de motivation, à l’exclusion du grief de tricherie, qui n’a pas été retenu par l’administration compétente dans le licenciement prononcé.

Au vu en particulier de la formation et de la situation personnelle de l’intéressé, une telle légèreté n’est pas compréhensible, ni admissible.

Dès lors, le Tribunal administratif admettra que la perte de l’emploi temporaire constitue une faute pouvant entraîner une sanction.

b. Cette faute a pour conséquence de priver M. C __________, en premier lieu d’un emploi temporaire, au terme de ce dernier, puis du droit à un nouveau délai-cadre,. La sanction choisie par l’intimé, soit une réduction des prestations d’assistance, limitée à six mois et à l’intéressé seulement, à l’exclusion de sa famille, est dès lors proportionnée aux reproches faits à M. C __________.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA ; art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 février 2005 par Monsieur C __________ contre la décision de l'Hospice général du 2 décembre 2004 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique le présent arrêt à Monsieur C __________ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :