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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3051/2020

ATA/844/2021 du 24.08.2021 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3051/2020-FPUBL ATA/844/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 août 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1975, a été nommé en 2002 par la Ville de Genève (ci-après : la ville) au poste d’agent de sécurité municipal. Il a été promu en 2015 au grade de sergent-major instructeur. Entre 2003 et 2016, il a fait l’objet de cinq évaluations, positives voire très bonnes, qui préavisaient toutes la poursuite des relations de travail. En 2017, à la suite de la réorganisation de l’école de formation des agents de police municipale (ci-après : APM), il s’est vu attribuer la fonction de référent d’école municipale pour l’ensemble de la formation des APM.

2) a. Le 21 juin 2018, la direction du département de l’environnement urbain et de la sécurité de la ville (ci-après : le département) a fait part à la direction générale de l’administration municipale de ce que la cheffe de service et commandante du service de la police municipale (ci-après : SPM) avait récemment été informée de dysfonctionnements et de comportements inadaptés au sein de l’école de formation des APM et pris connaissance d’un document contenant des échanges, envoyés avec des téléphones portables professionnels, sur un groupe « WhatsApp » intitulé « Photos apm 16-17 » (ci-après : le groupe « WhatsApp »), créé par l’un des aspirants de l’école de formation des APM de la volée 2016-2017 en date du 24 mars 2017 et entre-temps dissous. Ce groupe était composé des formateurs de la police municipale, y compris M. A______, de deux formateurs de la police cantonale et de tous les aspirants de la volée. Il ressortait du contenu de ces échanges (captures d’écran) que les termes et réflexions échangés étaient inappropriés et déplacés, certains ayant des connotations potentiellement racistes, d’autres clairement sexistes et/ou à caractère sexuel.

Dans ce cadre, M. A______ avait failli à son devoir en tant qu’employé de la ville et responsable hiérarchique des instructeurs. Alors que sa mission était d’encadrer les aspirants et d’être la personne de référence, il avait manqué de réaction face à ces échanges « WhatsApp », qu’il avait également encouragés et alimentés par des propos particulièrement choquants compte tenu de son devoir d’exemplarité. Son comportement était totalement en inadéquation avec la fonction d’autorité de la police municipale et il était inconcevable de le maintenir à son poste actuel ou dans une autre fonction en ville. Un licenciement pour motif objectivement fondé ainsi qu’une suspension avec effet immédiat étaient demandés.

b. Était annexée la discussion du groupe « WhatsApp » en date du 24 mars 2017, dont il ressort notamment ce qui suit :

À 19h50 et 37 secondes, M. A______ est intervenu pour la première fois dans le groupe, écrivant « Et comme disait Churchill ».

En référence à l’affaire judiciaire « Théo », l’un des intervenants du groupe a publié à 20h03 et 57 secondes une photographie de Monsieur Dominique STRAUSS-KAHN où il était écrit « Il est où Théo que je l’encule ». Un aspirant a écrit deux secondes plus tard « Comme c’est trash je kiff ». À 20h04 et 27 secondes, le même intervenant qui avait publié la photographie a publié une nouvelle image montrant le dessin d’une forme humaine se faire sodomiser par une matraque, au-dessus duquel était écrit « je suis Théo ». Le même intervenant a écrit à 20h05 et 25 secondes « Fdp ». Une seconde plus tard, un autre intervenant a écrit « Fils de pute » accompagné d’un émoticone d’une main avec le majeur tendu vers le haut. À 20h05 et 27 secondes, M. A______ a écrit « Fils de pute » accompagné du même émoticone.

À 20h40 et 1 seconde, une aspirante a écrit « On vous encule à sec », accompagné sept secondes plus tard d’un émoticone montrant une main avec le majeur tendu vers le haut. Dans la même seconde, un aspirant a écrit « Oh ça promet » avec trois émoticones de visage pleurant de rire. À 20h40 et 41 secondes, un intervenant a écrit « [le nom d’une aspirante] si seulement... ». Quatre secondes plus tard, un aspirant a écrit « Bandes de rampes à fumier ». À 20h40 et 48 secondes, un autre aspirant a écrit « Les faibles partent ». Une seconde plus tard, M. A______ a envoyé « Je suis chaud ».

À 21h07 et 31 secondes, un intervenant a écrit « La chatte a ta mere ». Un aspirant a répondu à 21h07 et 51 secondes « En poster chez [le nom de cet intervenant] ». Une aspirante a écrit « Et ton père??? ». L’intervenant a répliqué « Ouai elle m a dit que ca l excitai », « T a pa vu que ton oreiller collait??? », « Elle voulais essayer des lieu. Insolite ». L’aspirante a répondu « Mon oreiller collait?? je vois pas pourquoi j’ai tout avaler ». Des aspirants ont écrit des émoticones de visage pleurant de rire, « [le nom de cette aspirante] Présidente », « Oh putain j en ai les retine qui saigne », « Ha ha ha [le nom de cette aspirante] » avec un émoticone de visage pleurant de rire. L’intervenant a écrit à 21h18 et 42 secondes « Je parlais a [l’aspirant qui avait écrit le message de 21h07 et 51 secondes] mais tu m a mis le dur [le nom de cette aspirante]!!!!!!!!!!! ». M. A______ a écrit à 21h18 et 48 secondes « Je suis vraiment chaud » avec un émoticone d’une bouche tirant la langue.

3) Par décision du 27 juin 2018, le conseil administratif de la ville (ci-après : le conseil administratif) a suspendu M. A______ de son activité avec effet immédiat, l’a informé qu’il envisageait la résiliation de son engagement pour justes motifs et lui a accordé un délai pour s’exprimer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés.

4) Dans ses observations du 16 juillet 2018, M. A______ a conclu à ce que le conseil administratif renonce à le licencier pour justes motifs et procède à sa réintégration.

Le groupe « WhatsApp », qui réunissait initialement une trentaine de participants, avait été créé par l’un de ses collègues et les échanges y figurant relevaient de la sphère privée. Il n’y était intervenu que le 24 mars 2017, soit le jour de sa création, en dehors de ses heures de travail, au moyen de sept messages seulement sur les deux cent septante messages échangés le même jour, qu’il n’avait pas tous lus. Les extraits des messages versés au dossier ne permettaient pas de cerner le contexte festif et bon enfant dans lequel ils avaient été envoyés. Tel était le cas des phrases « fils de pute » et « je suis chaud », formulées en début de soirée, qui signifiaient qu’il était partant pour passer un bon moment en présence de ses collègues et amis.

5) Par décision du 25 juillet 2018, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseil administratif a prononcé la résiliation immédiate de l’engagement de M. A______ pour justes motifs, avec effet rétroactif au 27 juin 2018.

Il avait pris part à un groupe « WhatsApp », alimenté par plusieurs membres et « apprenants » du SPM. Un fait divers relatif à une personne appartenant à une minorité impliquée dans une intervention de police y était tourné en dérision, ce qui laissait apparaître une attitude disconvenante et méprisante à ce sujet. Par ailleurs des propos déplacés, entre autres à l’égard d’une apprenante, ainsi que des termes grossiers y étaient également tenus. Bien qu’en sa qualité d’instructeur expérimenté et de son devoir d’exemplarité qu’il ne pouvait ignorer, il n’avait pas jugé bon de rappeler aux participants dudit groupe leurs devoirs ni de tout mettre en œuvre pour protéger la personnalité en particulier d’une apprenante visée par certains des échanges. Au contraire, il avait incité les membres du groupe à poursuivre leur conversation écrite, s’exprimant lui-même dans un registre tout aussi déplacé. Ce faisant, il avait gravement failli à ses obligations et n’était plus digne de la confiance qui lui avait été témoignée lors de son engagement, les règles de la bonne foi ne permettant plus la continuation des rapports de travail.

6) Par arrêt du 2 avril 2019 (ATA/349/2019), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a partiellement admis le recours interjeté par M. A______ contre cette décision, annulé celle-ci et ordonné la réintégration de l’intéressé au sein de l’administration municipale, au sens des considérants.

En publiant le 24 mars 2017 à 20h05 et 27 secondes le message inadmissible « Fils de pute » accompagné d’un émoticone d’une main avec le majeur tendu vers le haut et à 21h18 et 48 secondes le message à connotation sexuelle « Je suis vraiment chaud » avec un émoticone d’une bouche tirant la langue, M. A______ avait manqué à ses devoirs de service. Compte tenu de sa fonction au sein de l’école municipale des APM et de son engagement à faire preuve de professionnalisme et de rigueur en permanence et en toute circonstance afin de montrer l’exemple, ainsi que de son grade qui lui conférait la qualité de supérieur de la quasi-totalité des participants du groupe, il était inadmissible qu’il n’ait pas freiné ou à tout le moins essayé de calmer les intervenants dans ledit groupe.

Malgré l’indéniable gravité de ces manquements, celle-ci devait être légèrement relativisée, dès lors que M. A______ n’était pas le créateur du groupe « WhatsApp » ni l’expéditeur des messages les plus inconvenants, mais l’auteur de deux messages seulement, envoyés le même jour, l’intéressé n’ayant, ultérieurement, plus participé aux discussions. Il s’agissait d’un acte isolé, aucune plainte pénale n’ayant au demeurant été déposée. Par ailleurs, M. A______ pouvait se targuer de bons états de service et n’avait pas d’antécédents. En outre, plus d’une année séparait le déroulement des faits de la décision du 25 juillet 2018. Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, le comportement de M. A______, remis dans son contexte, n’était pas de nature à justifier un licenciement immédiat pour justes motifs, qui apparaissait disproportionné. Il en résultait que sa réintégration devait être ordonnée. Il appartenait toutefois à la ville de prendre des sanctions disciplinaires ou d’autres mesures, selon les art. 93, 94 et 41 al. 4 du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (SPVG - LC 21 151), afin de respecter le principe de proportionnalité.

7) Saisi par un recours de la ville, le Tribunal fédéral a rejeté ce dernier par arrêt du 9 juillet 2020 (8C_336/2019).

La chambre administrative avait dûment mentionné et pris en considération tous les éléments invoqués par la ville pour apprécier la gravité des manquements reprochés ; elle avait en outre dûment relevé la gravité, dans le contexte des échanges sur le groupe « WhatsApp », des deux messages inadmissibles publiés par M. A______. C’était au regard des autres mesures encore à disposition de la ville que l’annulation du licenciement immédiat ne se révélait pas arbitraire. Il existait en effet un intérêt public considérable à sanctionner les manquements de M. A______, dont la gravité était particulièrement lourde pour un cadre de la police en charge de la formation des APM.

En outre, l’autorité de la chose jugée ne faisait en principe pas obstacle à ce qu’un employeur public résilie de manière ordinaire les rapports de travail alors même que le licenciement immédiat avait préalablement été annulé judiciairement, en particulier lorsque la gravité des actes reprochés ne permettait pas de lui imposer la poursuite des rapports de travail. En l’occurrence, l’arrêt cantonal examinait la situation sous le seul angle du licenciement immédiat, si bien qu’il n’emportait pas autorité de chose jugée sur la question d’un éventuel licenciement ordinaire. Savoir si et à quelles conditions la réglementation communale permettait dans le cas d’espèce le prononcé ultérieur d’une résiliation ordinaire des rapports de travail en raison des manquements en cause n’avait toutefois pas à être tranché dans la présente procédure.

8) Par courriers des 11 août et 1er septembre 2020, M. A______ a sollicité de la ville sa réintégration ainsi que la reprise du versement de son salaire.

9) Par décision du 16 septembre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseil administratif a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______, en confiant la conduite à deux juristes internes, et prononcé sa « suspension d’activité » à titre de mesures provisionnelles.

L’arrêt de la chambre administrative du 2 avril 2019 et celui du Tribunal fédéral du 9 juillet 2020 avaient retenu un certain nombre de manquements de sa part, qualifiés d’« indéniablement graves », en particulier s’agissant de sa prise de participation active au groupe « WhatsApp », dont le contenu, à caractère raciste et sexuel, s’était aussi avéré inapproprié à l’égard notamment d’une apprenante. Malgré ses qualités de gradé, d’instructeur et de référent d’école municipale des APM, il n’avait pas tenté de décourager les propos des intervenants. Ces manquements étaient susceptibles de constituer de graves violations des devoirs généraux de l’employé, qui pouvaient conduire au prononcé d’une sanction disciplinaire à son encontre et fonder également un motif de licenciement ordinaire.

10) Par acte posté le 28 septembre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours, et principalement à l’annulation de la décision attaquée et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Le recours était recevable. La décision lui causait un préjudice irréparable, car après avoir été suspendu, il avait été réintégré, pour finalement être derechef suspendu pour les mêmes faits. Il n’y avait de surcroît pas matière à enquête administrative, puisque les messages étaient « incontestables, indépendamment de leur interprétation », de sorte que l’admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Sur le fond, la décision d’ordonner l’ouverture d’une procédure administrative violait le SPVG, puisque, d’une part, les messages étaient « incontestables » et que, d’autre part, le prononcé d’une possible sanction disciplinaire avait été évoqué dans l’ATA/349/2019, ce qui n’avait pas été jugé arbitraire par le Tribunal fédéral. Par ailleurs, le SPVG ne permettait pas de prononcer une résiliation ordinaire des rapports de service en cas d’annulation judiciaire de la résiliation immédiate. La décision litigieuse ne permettait pas non plus de garantir le bon fonctionnement du service, dans la mesure où les faits étaient anciens et isolés, que sa réintégration avait été ordonnée et qu’il avait continué à travailler après lesdits faits pendant quinze mois, à la satisfaction de sa hiérarchie.

11) À compter du mois d’octobre 2020, la ville a repris le versement du salaire de M. A______.

12) Par décision du 25 novembre 2020, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

13) Le 4 décembre 2020, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, « avec suite de frais et dépens ».

Si la validité du licenciement immédiat n’avait pas été confirmée par la justice, tant la chambre administrative que le Tribunal fédéral avaient admis que le comportement de M. A______ était grave et pouvait donner lieu à sanction, le Tribunal fédéral évoquant même la résiliation ordinaire des rapports de travail.

C’était dans ce contexte que l’ouverture d’une enquête administrative avait été ordonnée, afin de faire toute la lumière sur les publications faites par l’intéressé lors de la soirée du 24 mars 2017, que ce soit sur les circonstances l’ayant conduit à publier ses différents messages ou sur les conséquences de ses agissements au regard de sa fonction. Au demeurant, le statut exigeait la conduite d’une enquête administrative préalablement à tout licenciement ordinaire d’un employé après la période d’essai.

Pour des raisons d’image, il s’imposait que M. A______ fût suspendu pendant la durée de l’enquête. L’intéressé ne subissait de plus aucun préjudice pécuniaire, puisque la suspension ne concernait que son activité et non son traitement, qui était en l’état maintenu.

14) Le 8 décembre 2020, la chambre administrative a accordé aux parties un délai au 15 janvier 2021, prolongé au 29 janvier 2021, pour formuler toutes requêtes et observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15) La ville a persisté dans ses précédentes écritures, précisant ne pas avoir de requête complémentaire à formuler.

16) M. A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

La position de la ville était à présent en contradiction avec celle adoptée dans son courrier du 25 juillet 2018, qui indiquait que les faits étaient établis. L’enquête administrative ne pouvait au demeurant qu’être longue et coûteuse, en particulier au regard du nombre de participants au groupe « WhatsApp » qui devraient être entendus. Il n’était ainsi pas possible de se limiter à son audition et à celle de quelques témoins, ce d’autant plus que la ville entendait comprendre si ses manquements étaient le signe d’un dysfonctionnement au sein du service.

17) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La décision litigieuse ne met pas fin au litige mais ordonne l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre du recourant et prononce la « suspension d’activité » de ce dernier. Il s’agit donc d’une décision incidente qui ne peut faire l’objet d’un recours qu’aux conditions prévues à l’art. 57 let. c LPA.

3) a. Selon l’art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et doit être interprété à la lumière des principes développés par la jurisprudence en lien avec cette disposition (ATA/1206/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c et les références citées).

c. Le préjudice irréparable suppose ainsi que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a). Un préjudice ne peut être qualifié d’irréparable que s’il s’agit d’un dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 144 III 475 consid. 1.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice. En revanche, un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est pas considéré comme irréparable (ATF 144 III 475 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_923/2020 du 3 décembre 2020 consid. 3.1). Il appartient à la partie recourante d’alléguer et d’établir la possibilité qu’une décision incidente lui cause un dommage irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d’emblée aucun doute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_41/2020 du 6 février 2020 consid. 4.2).

d. La deuxième situation visée à l’art. 57 let. c LPA suppose que l’autorité judiciaire puisse mettre fin définitivement à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision incidente attaquée et rendre ainsi elle-même la décision finale. Tel n’est pas le cas si l’admission du recours conduirait au renvoi de la cause. En outre, il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s’écarte notablement des procédures habituelles. Si l’administration des preuves doit se limiter à entendre les parties, à leur permettre de produire des pièces et à procéder à l’interrogatoire de quelques témoins, un recours immédiat n’est pas justifié. Il en va différemment s’il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l’audition de très nombreux témoins ou encore l’envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2021 du 5 mai 2021 consid. 2.2 et les références citées).

4) En l’espèce, la décision litigieuse ordonne l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre du recourant, lequel a été libéré de son obligation de travailler, sans suppression de son droit au traitement.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, qui se montre restrictive en la matière, la décision d’ouvrir d’une enquête administrative n’est pas de nature à causer un préjudice irréparable (ATA/1206/2020 précité consid. 3c et 3d). Dans ce cadre, le recourant se limite à alléguer qu’il n’y aurait pas matière à enquête administrative, puisque les faits qui lui sont reprochés seraient « incontestables, indépendamment de leur interprétation ». Il perd toutefois de vue, comme l’a expliqué l’autorité intimée, que l’ouverture d’une telle enquête sert à établir les faits et le cas échéant l’existence d’un comportement fautif de sa part, l’employeur disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration, et ce dans le respect des principes constitutionnels, notamment celui de la proportionnalité, ou doivent faire l’objet d’une sanction disciplinaire (ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3d et les références citées). À cela s’ajoute que l’art. 99 al. 1 SPVG exige l’ouverture d’une enquête administrative en cas de licenciement ordinaire d’un membre du personnel. Dans ce contexte, le recourant ne saurait arguer que la réglementation communale ne permettrait pas de prononcer une résiliation ordinaire des rapports de travail en raison des manquements en cause, faisant suite à une résiliation pour justes motifs précédemment annulée. Au contraire, il ressort expressément de l’arrêt de la chambre de céans du 2 avril 2019 ainsi que de celui du Tribunal fédéral du 9 juillet 2020 que l’autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à ce que l’autorité intimée résilie de manière ordinaire les rapports de travail de l’intéressé, au regard des manquements qui lui sont reprochés.

En outre, le fait que le recourant conserve son traitement pendant la libération de l’obligation de travailler exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques (ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4), si bien que de ce point de vue également, la décision litigieuse ne lui occasionne pas de préjudice irréparable. Il en va de même de l’atteinte à sa réputation et à son avenir professionnel, puisqu’une décision finale entièrement favorable au recourant permettrait de la réparer (ATA/184/2020 précité consid. 4).

Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir de la deuxième hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA. En effet, outre le fait que l’admission du recours ne conduirait pas à une décision finale, il n’apparaît pas que l’enquête administrative, par sa durée et son coût, s’écarterait notablement des procédures habituelles. Comme l’a indiqué l’autorité intimée, les faits sont circonscrits et portent sur les seuls messages rédigés par le recourant le 24 mars 2017, et non pas sur l’entier de ceux figurant dans le groupe « WhatsApp ». De plus, même si ledit groupe, entre-temps dissous, était composé d’une trentaine de participants, rien n’indique que l’entier de ceux-ci seraient interrogés, pas plus que l’entier du service. À cela s’ajoute que ladite enquête est effectuée en interne, par des juristes de la ville, de sorte qu’elle ne devrait rien coûter au recourant.

Aucune des conditions de l’art. 57 let. c LPA n’étant réalisées, le recours est par conséquent irrecevable.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu’à l’autorité intimée, qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 28 septembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 16 septembre 2020 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu’à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Reymond, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :