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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4254/2017

ATA/838/2018 du 21.08.2018 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4254/2017-FPUBL ATA/838/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2018

 

dans la cause

 

Madame A_____
représentée par Me Emilie Conti Morel, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) Madame A_____ est née le ______ 1963.

2) Elle a été engagée par la direction de l’enseignement primaire du département de l’instruction publique, devenu depuis lors le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), en 1988 en qualité de maîtresse suppléante en rythmique.

3) Mme A_____ a été nommée à la fonction de maîtresse de discipline spéciale de l’enseignement primaire à 50 % le 8 septembre 1993.

4) Le compte rendu d’entretien d’évaluation et de développement personnel (ci-après : EEDP) du 29 juin 2009 était positif.

5) Le compte rendu de l’EEDP du 30 octobre 2013 mentionnait plusieurs points insuffisants que Mme A_____ a contestés dans ses observations ultérieures.

6) Un entretien de service s’est déroulé le 28 mars 2014 qui a abouti à un avertissement le 9 juillet 2014. Les griefs, contestés par l’intéressée, portaient sur des problèmes de collaboration avec l’équipe et des arrivées tardives.

7) Mme A_____ a été en incapacité totale de travailler à compter du 10 juin 2014.

8) Le 17 novembre 2014, Monsieur B_____, responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) au suivi santé de la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après DGEO), a formulé une « demande dans le cadre du processus de retour au travail » auprès du service santé du personnel de l’État (ci-après : SPE) en faveur de Mme A_____.

Il était fait référence à l’EEDP de 2013 et à l’avertissement.

9) Par réponse du 9 décembre 2014, le SPE a précisé que l’intéressée avait été reçue par Madame C_____, conseillère sociale en santé-travail. Il n’était en l’état pas possible de donner une date de reprise. Le suivi auprès du SPE était à reprendre après une consultation chez le Docteur D_____, médecin-conseil.

10) Le 15 décembre 2014, M. B_____ a conseillé à Mme A_____ de déposer une demande de prestations d’assurance-invalidité (ci-après : AI).

11) Par préavis médical du 25 février 2015, le Docteur E_____, médecin-associé en santé du travail au SPE, a préconisé une reprise du travail de Mme A_____ sur son poste habituel « probablement rentrée scolaire août 2015 » à 100 %. Des aménagements étaient à entrevoir : compte tenu des difficultés professionnelles mentionnées dans la demande d’évaluation, un stage thérapeutique avant la fin de l’année scolaire était une mesure qui permettrait d’apprécier l’adéquation entre la stabilisation de l’état de santé et la fonction. Les difficultés professionnelles pouvaient éventuellement être en partie expliquées par une problématique médicale. Néanmoins, le pronostic était complexe à établir pour la suite.

12) Il ressort de notes prises par Mme C_____ lors de l’entretien du 13 avril 2015 avec Mme A_____ que le Docteur F_____, spécialiste FMH en psychiatrie, médecin traitant de l’intéressée, avait diagnostiqué un burnout avec épuisement. Des problématiques somatiques s’ajoutaient (pied, main, dos, déchirure du tendon d’Achille). Mme A_____ acquiesçait à la proposition de reprise thérapeutique évoquée par Mme C_____, celle-là la qualifiant de « bonne transition ».

13) Dans une note d’entretien du 15 juillet 2015 avec Mme A_____ et M. B_____, Mme C_____ a indiqué que celle-là souffrait d’un épisode dépressif sévère, d’un déficit de l’attention avec hyperactivité et était régulièrement suivie. L’entretien avait été très difficile. Les motifs étaient détaillés. Il apparaissait : « clairement qu’elle ne [pouvait] pas reprendre un poste dans l’enseignement ».

14) Par préavis médical du 21 octobre 2015 dans le cadre du processus de retour au travail, le Dr E_____ a répondu au DIP que :

« À votre demande, voici les éléments que nous pouvons vous transmettre en regard des éléments médicaux obtenus et après appréciation de la situation :

1. L’état de santé de Mme A_____ ne permet plus une reprise de son métier d’enseignante en milieu scolaire. Sauf avis contraire, cette inaptitude est définitive.

2. Afin de mieux réorienter la poursuite d’une très éventuelle réinsertion professionnelle et si son état de santé l’autorise, Mme A_____ devrait bénéficier initialement d’un stage organisé par le biais de l’AI.

3. À terme, le pronostic reste néanmoins réservé et, le cas échéant, la situation serait dès lors à considérer sous l’angle d’une rente. »

15) Le 16 février 2016, M. B_____ a informé Mme A_____ que son droit au traitement prendrait fin le 27 avril 2016.

16) Mme A_____ a perçu des rentes provisoires d’invalidité de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : CPEG) dès le 28 avril 2016.

Le Dr E_____ avait confirmé, le 24 mai 2016, qu’il estimait que Mme A_____ remplissait les conditions d’octroi d’une rente complète de l’AI.

17) Le 24 juillet 2017, l’office cantonal de l’assurance invalidité (ci-après : l’OCAI) a soumis à Mme A_____ un projet de décision.  

Dès le 1er janvier 2015, sa capacité de travail était de 80 % dans toute actiH_____. Cette capacité de travail était supérieure à son taux habituel. La rente d’invalidité et les mesures professionnelles étaient refusées.

18) Par courrier du 27 juillet 2017, la CPEG a annoncé la suspension, dès le 1er août 2017, du versement des prestations provisoires d’invalidité.

19) Un entretien s’est déroulé le 6 septembre 2017 réunissant M. B_____, Mme A_____, Madame G_____, enseignante retraitée accompagnant Mme A_____, et le président de la société pédagogique genevoise (ci-après : SPG), syndicat des enseignants primaires genevois.

Personne n’ayant été sollicité pour tenir un procès-verbal, des notes ont été prises à la demande de Mme A_____. Un compte rendu est versé au dossier, signé de Mmes A_____, G_____ et Monsieur H_____.

20) Le 14 septembre 2017, le conseiller d’État en charge du DIP a mis fin aux rapports de service pour le terme du 31 décembre 2017 pour disparition durable d’un motif d’engagement.

21) Par acte du 19 octobre 2017, Mme A_____ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision, à sa réintégration avec effet immédiat, mais au plus tard au 1er janvier 2018, à ce qu’il soit ordonné au DIP de procéder conformément aux prescriptions de l’art. 139 al. 2 et 3 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10). Subsidiairement, en cas de refus de la réintégration, une indemnité de CHF 136'625.- avec intérêts à 5 % l’an devait lui être allouée. Les conclusions étaient prises sous « suite de frais et dépens ».

Le département n’était pas en droit de résilier les rapports de service pour disparition durable d’un motif d’engagement au sens de l’art. 141 LIP. Il devait procéder en application de l’art. 139 LIP relatif au cas d’invalidité. Il existait un parallélisme entre l’art. 139 LIP et la mise à l’invalidité réglementaire mise en place par la CPEG. Toutes les tentatives de reclassement devaient avoir échoué, l’incapacité de remplir ses fonctions devait être reconnue d’un commun accord par le Conseil d’État, la CPEG et l’intéressée. Le système voulait que des fonctionnaires incapables de travailler pour des raisons de santé ne soient pas privés de revenus. L’employeur payait le salaire pendant les sept cent trente premiers jours d’incapacité de travail. Dans l’attente que l’AI statue sur le droit à la rente, la CPEG versait des prestations provisoires d’invalidité. Si l’AI refusait le droit à la rente, l’intéressée pouvait demander la mise à l’invalidité réglementaire à la CPEG. Dans ce cas, soit la CPEG reconnaissait l’invalidité, malgré le refus de l’AI, auquel cas l’employeur pouvait résilier les rapports de service et l’intéressée être mise au bénéfice d’une rente invalidité réglementaire de la CPEG, soit la CPEG ne reconnaissait pas l’invalidité, estimant que l’intéressée disposait d’une certaine capacité de travail, auquel cas l’employeur ne pouvait pas résilier les rapports de service et devait s’efforcer de réintégrer l’intéressée dans son ancienne fonction ou dans une autre fonction adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Si l’employeur pouvait se prévaloir de la disparition durable d’un motif d’engagement au sens de l’art. 141 LIP pour résilier les rapports de service d’un fonctionnaire durablement incapable de travailler pour des raisons de santé, l’édifice susmentionné devenait obsolète. L’art. 139 LIP constituait une lex specialis par rapport à l’art. 141 LIP.

En l’absence de motif fondé, la chambre administrative devait ordonner sa réintégration et sommer le DIP de procéder, conformément à l’art. 139 LIP.

22) Par décision du 13 novembre 2017, l’OCAI a refusé une rente invalidité et les mesures professionnelles à Mme A_____. Il se référait à son projet de décision.

23) Par courrier du 30 novembre 2017, la CPEG a refusé le versement de prestations d’invalidité réglementaire compte tenu du recours interjeté par l’intéressée contre la décision AI.

24) Le 12 décembre 2017, le DIP a conclu au rejet du recours. Il n’était pas contesté qu’il n’avait pas été procédé à un reclassement. Selon la jurisprudence, l’autorité administrative était dispensée de l’obligation d’ouvrir une procédure de reclassement préalable à un licenciement si le médecin-conseil constatait que le fonctionnaire n’était pas médicalement apte à reprendre un emploi quelconque au sein de l’État de Genève à court et moyen terme.

L’application de l’art. 141 LIP était fondée. Les travaux préparatoires indiquaient que la disparition durable d’un motif d’engagement était aussi un motif fondé. Ils citaient expressément que l’état de santé faisait partie des conditions d’engagement. Si la situation perdurait sans qu’un remède n’y soit apporté ou ne puisse y être apporté, le motif fondé était acquis. Tel était le cas en l’espèce.

Le procès-verbal versé au dossier de la réunion du 6 septembre 2017 n’avait pas été validé par M. B_____ qui en avait discuté les principes avec M. H_____ par téléphone, exposant que « la démarche était étrange, ne s’agissant pas d’un entretien de service, mais d’une recherche de solution en lien avec les problématiques, notamment d’allocations familiales et d’assurance-invalidité soulevées. » Le contenu du document était contesté.

25) Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions. Le département se référait au mémento des instructions de l’OPE (ci-après : MIOPE) pour justifier l’application de l’art. 141 LIP plutôt que 139 LIP. Cette fiche n’existait plus.

Quand bien même le médecin traitant de la recourante et du SPE attestaient d’une incapacité totale de travailler, ils laissaient une porte ouverte à l’exercice de certaines activités. Ainsi, lors de l’entretien du 25 février 2015, il avait été fait mention d’un éventuel stage thérapeutique, puis lors de l’entretien suivant, d’une reprise thérapeutique. En septembre 2015, le médecin traitant avait fait état de la possibilité de reprendre une activité accessoire à raison de quelques heures par semaine. Cette « fenêtre » aurait dû être exploitée par le DIP avant la résiliation des rapports de service.

La recourante avait toujours fait part de son souhait de reprendre une activité professionnelle.

Depuis la cessation de prestations de la CPEG, la recourante dépendait de l’Hospice général.

26) Le 12 février 2018, après production par le DIP de la fiche MIOPE concernée (n° 02.02.2017 Droit au traitement en cas de maladie ou d’accident, mise à jour du 2 août 2016) et de son annexe au ch. 3, intitulée « droit au traitement durent les 730 jours civils sur une période de 1095 jours civils en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie et/ou d’accident non professionnel », la recourante a persisté dans ses conclusions.

27) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

28) À la demande du juge délégué, le DIP a versé à la procédure la copie de la convocation de Mme A_____ à l’entretien du 6 septembre 2017 : celle-ci s’étant plainte par courriel du 26 juillet 2017 de sa situation financière, administrative et de l’absence de réponse de son employeur à ses questions écrites, M. B_____ avait, par courriel, proposé de la recevoir « pour apporter réponse à toutes [ses] questions ».

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En vertu de l’art. 61 LPA, le recours peut être formé : a. pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ; b. pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1) ; les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante pour disparition durable d’un motif d’engagement.

4) a. La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) s’applique aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l’administration cantonale (art. 1 let. a). Les fonctions qui relèvent de la LIP font l’objet d’une réglementation particulière (art. 1 al. 2 let. a LPAC).

b. La LIP s’applique aux membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire B de l’instruction publique (art. 1 al. 4 LIP).

Selon l’art. 141 LIP, intitulé « Résiliation des rapports de service pour motif fondé – Corps enseignant nommé », le Conseil d’État peut, pour motif fondé, résilier les rapports de service d’un membre du corps enseignant. Il peut déléguer cette compétence au conseiller d’État chargé du département agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État. La décision est motivée (al. 1). L’autorité compétente est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé. Les modalités sont définies par règlement (al. 2). Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration scolaire, soit notamment en raison de l’inaptitude à remplir les exigences du poste (al. 3 let. b) ou la disparition durable d’un motif d’engagement (al. 3 let. c). Le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d’un mois (al. 4).

Cet article a la même teneur que l’art. 64 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04) et 22 LPAC.

c. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (ATA/347/2016 du 26 août 2016 consid. 5e ; ATA/1343/2015 du
15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 précité consid. 11).

5) a. À teneur de l’art. 64A RStCE, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 141 al. 2 LIP est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1) ; des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2) ; en cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

b. Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/1343/2015 précité ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015).

L’État a l’obligation préalable d’aider l’intéressé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service d’un agent public au bénéfice d’une nomination : il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. (…) Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes. À titre d’exemples, on pense au certificat de travail intermédiaire, au bilan de compétences, à un stage d’évaluation, aux conseils en orientation, aux mesures de formation et d’évolution professionnelles, à l’accompagnement personnalisé, voire à « l’outplacement » (MGC 2005-2006/XI A 10421).

c. Selon la jurisprudence, l’autorité administrative est dispensée de l’obligation d’ouvrir une procédure de reclassement préalable à un licenciement si le
médecin-conseil constate que le fonctionnaire n’est pas médicalement apte à reprendre un emploi quelconque au sein de l’État de Genève à court et moyen terme, même si le fonctionnaire concerné est prêt à collaborer à la mise en place de cette mesure alors que le délai de protection de la résiliation des rapports de service pour temps inopportun est échu (ATA/1299/2015 du 8 décembre 2015 consid. 9c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/783/2014 du 7 octobre 2014).

6) a. Le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction (art. 5 RStCE).

b. Le législateur, considérant que l'état de santé fait partie des conditions d'engagement (art. 5 RPAC et 26 LPAC), a estimé que, si une absence pour cause de maladie ou d’accident perdure sans qu'un remède n'y soit apporté ou ne puisse y être apporté, le motif fondé de la disparition durable d’un motif d’engagement est acquis (ATA/589/2018 du 12 juin 2018 consid. 24b ; ATA/1323/2017 du 26 septembre 2017 consid. 6c ; MGC 2005-2006/XI A 10437).

7) En l’espèce, la décision résiliant les rapports de service de la recourante pour le 31 décembre 2017, prise le 14 septembre 2017, respecte le délai légal de congé de trois mois, ce qu’elle ne conteste au demeurant pas.

8) La recourante conteste en revanche le congé en tant qu’il serait contraire à la loi, en particulier du fait de l’absence d’un motif fondé de licenciement. Elle reproche aussi au DIP de ne pas avoir entrepris de procédure de reclassement.

9) a. Il ressort du dossier que la recourante a été en incapacité totale de travailler depuis le 10 juin 2014, attestée mensuellement par le médecin traitant de l’intéressée.

Une « reprise thérapeutique » a été envisagée, d’entente avec l’intéressée, le 13 avril 2015, pour la rentrée scolaire d’août 2015. Cette hypothèse a été écartée, le 15 juillet 2015 lors d’un entretien réunissant la conseillère sociale en santé-travail du SPE, M. B_____ et l’intéressée. Le certificat médical du médecin traitant mentionne, en septembre 2015, qu’indépendamment de l’incapacité de travail à 100 %, sa patiente pourrait reprendre une petite activité accessoire dans le domaine de la musique, dans un cadre associatif, à raison de quelques heures par semaine.

Le préavis médical du médecin conseil de l’État du 21 octobre 2015 fait état de l’incapacité de la recourante à pouvoir reprendre son activité professionnelle. Sauf avis contraire, cette inaptitude était définitive.

L’inaptitude à exercer son métier a été confirmée lors d’un entretien le 13 novembre 2015 en présence d’un représentant de l’AI.

Tant le médecin traitant de la patiente que le médecin conseil du SPE s’accordaient à retenir une totale incapacité de travail sur toute la période. Dans ces conditions, le motif d’engagement, à savoir être en bonne santé pour exercer ses fonctions, ne subsistait plus, l’aptitude de la recourante à exercer correctement son activité d’enseignante et, ainsi, que le bon fonctionnement de sa classe soit assuré, ayant été niée par le SPE.

b. Il ressort toutefois aussi du dossier qu’au moment du licenciement, le 14 septembre 2017, l’OCAI avait rendu, le 24 juillet 2017, un projet de décision niant toute invalidité et reconnaissant à l’intéressée une pleine capacité de travail.

L’intéressée ne bénéficiait plus, depuis le 1er août 2017, des prestations provisoires de la CPEG pour invalidité.

Vu les circonstances, on peut regretter l’absence de procès-verbal de l’entretien du 6 septembre 2017. Le compte rendu d’entretien, cosigné par Mmes A_____, G_____ et M. H_____, mentionne le projet de refus de rente de l’OCAI. Même à écarter ce document, le DIP en contestant la teneur, sans préciser ce qui, de son point de vue, serait inexact dans la restitution des propos des participants, il ressort des écritures de l’autorité intimée que celle-ci était au courant du projet de refus de l’OCAI.

c. Selon la lettre de licenciement, celui-ci n’est fondé que sur la disparition d’un motif durable d’engagement. Ladite correspondance mentionne en effet, le préavis médical du 21 octobre 2015, la fin du droit au traitement le 27 avril 2016, « un suivi régulier des dernières années » avec M. B_____, l’entretien du 13 novembre 2015 en présence de Mme I_____ et l’entretien du 6 septembre 2017 « au cours duquel son licenciement lui avait été annoncé ». À la consultation des pièces versées à la procédure par l’autorité intimée à l’appui de ses écritures, et du dossier complet de la recourante produit par l’intimée à la demande du juge délégué, aucun élément postérieur au préavis médical du SPE n’a été versé au dossier, à l’exception, en mai 2016, du soutien du Dr E_____ à la demande de prestations AI de la CPEG. À compter de cette date, le dossier n’a plus été actualisé.

Dans ces circonstances, l’autorité intimée ne pouvait se fonder, de bonne foi, le 14 septembre 2017, sur un préavis médical qui datait de deux ans auparavant pour considérer, que la disparition d’un motif durable d’engagement était réalisée alors même qu’elle savait que l’OCAI considérait l’intéressée apte à travailler à 80%, soit un taux supérieur au taux d’activité exercé par l’intéressée, et ce, indépendamment du fait que le prononcé de l’AI n’était, en l’état, que sous forme de projet de décision.

À ce titre, la jurisprudence mentionnée par l’autorité intimée à l’appui de son argumentation n’est pas pertinente, s’agissant de cas où le délai entre le dernier préavis du SPE et le licenciement n’est que de quelques semaines.

L’autorité intimée se réfère pour le surplus à la directive MIOPE. Or, celle-ci n’appréhende pas la présente situation. L’échéance des sept cent trente jours était, en l’espèce, le 27 avril 2016, selon le courrier de l’autorité intimée du 16 février 2016. Or, aucune résiliation n’est intervenue, conformément à ce que préconisait la directive, dans les douze mois qui ont suivi.

En conséquence, l’autorité intimée étant au courant, en septembre 2017, du fait que l’OCAI considérait l’intéressée comme apte à travailler, c’est à tort que celle-là s’est fondée sur le préavis du SPE du 21 octobre 2015 pour considérer comme établie la « disparition durable d’un motif d’engagement ». Le licenciement du 14 septembre 2017 a été prononcé en l’absence d’un motif fondé.

10) Au vu de ce qui précède, en l’absence d’une invalidité établie au moment de la décision litigieuse, il n’est pas nécessaire d’examiner l’articulation entre les art. 139 et 141 LIP.

11) Selon l’art. 147 LIP, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ou le non-renouvellement ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l’autorité compétente la réintégration (al. 1).

Dans son arrêt du 27 mars 2018 (ATA/287/2018), la chambre administrative avait détaillé le contexte de cette obligation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire.

En l’espèce, il ressort du dossier des éléments contradictoires sur la capacité de travail de l’intéressée au moment de la décision litigieuse. Aucun reclassement n’a été effectué par l’autorité intimée, ce qu’elle ne conteste pas. L’avis de 2015 du SPE ne faisait état, sous ch. 1) que de l’inaptitude en qualité d’enseignante. Une réintégration professionnelle n’était pas exclue bien que, à l’époque, conditionnée à plusieurs éléments.

La recourante est âgée de 55 ans, période difficile pour chercher un nouvel emploi. Elle était au service de l’État depuis 1998 et semble avoir toujours travaillé à temps partiel. Elle n’avait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Les reproches qui lui avaient, à l’époque, été adressés n’ont pas été repris dans le cadre de la procédure de licenciement. Elle indique dans ses écritures avoir régulièrement proposé de reprendre une activité professionnelle.

En conséquence, en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce, la décision de résiliation des rapports de service de la recourante sera annulée et sa réintégration au sein de la fonction publique ordonnée. Il reviendra à l’État de Genève de lui trouver un nouveau poste, si elle ne devait pas être réintégrée dans son ancien poste de travail, voire d’entreprendre les démarches nécessaires, notamment auprès du SPE, s’il devait s’avérer qu’elle ne soit pas apte à travailler.

12) Les conclusions de la recourante en paiement du rétroactif du traitement sont exorbitantes au litige, celui-ci étant circonscrit au prononcé, le 14 septembre 2017, du licenciement de la recourante. Elles ne sont en conséquence pas recevables.

13) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure de CHF 1’500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 19 octobre 2017 par Madame  A_____ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 septembre 2017 ;

annule la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 septembre 2017 ;

ordonne la réintégration de Madame A_____ au sein de l’administration cantonale au sens des considérants ;

dit qu’aucun émolument n’est perçu ;

alloue à Madame A_____ une indemnité de procédure de CHF 1’500.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Emilie Conti Morel, avocate de la recourante ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Cramer, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :