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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1113/2017

ATA/678/2017 du 20.06.2017 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE ET IMPARTIALE ; GARANTIE DE PROCÉDURE ; DÉCISION INCIDENTE ; RÉCUSATION ; AUTORITÉ
Normes : Cst.29.al1 ; LPA.15.al1.letd ; LPA.15B.al1
Résumé : Récusation d'un enquêteur interne nommé par la Ville de Genève afin de procéder à une enquête administrative. La possibilité de nommer des enquêteurs internes, dont dispose la ville dans son statut est de nature à augmenter le risque qu'une apparence de partialité soit créée, dont le corollaire devrait être l'exigence que les enquêteurs portent une attention toute particulière au déroulement serein de l'enquête et fassent preuve dans la conduite de celle-ci de la plus grande neutralité avec pour seul but d'établir les faits visés par celle-ci. En l'espèce, toutefois, le comportement répété de l'enquêteur lors des auditions et les incidents qui ont émaillé celles-ci ne donnent pas cette apparence, ce qui suffit à retenir l'existence d'un motif de récusation à son encontre, ce qui aurait dû être reconnu par la Ville de Genève.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1113/2017-FPUBL ATA/678/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2017

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Diane Schasca, avocate

contre

VILLE DE GENèVE



EN FAIT

1) Madame A______ a été engagée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) le 1er mai 2013 en qualité d’adjointe de H______ (ci-après : H______). Depuis le 1er octobre 2015, sont taux d’activité est de 90 %.

2) Dans sa séance du 13 décembre 2016, le Conseil administratif de la ville a décidé l’ouverture d’une procédure d’enquête administrative à l’encontre de Mme A______ pour violation grave des devoirs généraux de l’employée.

L’enquête était confiée à Monsieur B______, directeur général adjoint, et à Madame C______, juriste au service juridique de la ville.

Au titre de mesure provisionnelle, l’employée était suspendue de son activité jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction ou d’un licenciement.

3) Par envoi du 16 décembre 2016, la ville a notifié à Mme A______ sa décision d’ouverture d’une procédure d’enquête administrative au motif que le Conseil administratif aurait été informé qu’à réitérées reprises, l’intéressée aurait adopté un comportement inapproprié à l’égard de sa hiérarchie, de ses collègues et de tiers. Elle aurait également des difficultés de communication et ne transmettrait pas systématiquement les informations en sa possession à sa hiérarchie, ce qui nuirait fortement à la conduite stratégique de la H______. Elle contesterait les instructions provenant de sa hiérarchie, ne se conformerait pas aux instructions reçues et de manière générale, n’adopterait pas l’attitude attendue d’une adjointe de direction.

4) Le 16 décembre 2016, Mme A______ a déposé une plainte interne en diffamation auprès de la direction des ressources humaines de la ville, à l’encontre de plusieurs personnes.

5) Le 12 janvier 2017, lors de son audition par les enquêteurs, Mme A______ n’a fait état d’aucun motif de récusation.

6) Des audiences d’enquêtes ont eu lieu les 17, 24, 31 janvier, 6 et 21 février 2017 lors desquelles plusieurs témoins ont été entendus.

7) Le 23 février 2017, Mme A______ a requis de la ville la récusation des enquêteurs.

Plusieurs incidents avaient été à déplorer lors des auditions de témoins. Les 24 et 31 janvier 2017, les témoins Messieurs D______ et E______ s’étaient présentés avec certaines pièces de son dossier dont notamment le courrier d’ouverture de l’enquête administrative contenant les griefs qui lui étaient reprochés ainsi que différents courriels faisant partie du dossier d’enquête. Malgré les requêtes faites par son mandataire cet état de fait n’avait pas été porté au procès-verbal. Le 6 février 2017, le témoin M. E______ avait indiqué qu’il avait préparé son témoignage avec sa direction. L’enquêteur avait refusé de porter la question et la réponse au procès-verbal. Lors d’une audition le 21 février 2017, son mandataire avait insisté afin d’avoir une réponse claire du témoin. Sur quoi l’enquêteur, M. B______, s’était emporté et dans un langage grossier avait indiqué qu’il avait mal dormi et que le témoin ayant répondu, il fallait en rester là. Il avait répondu au conseil, qui s’offusquait de son langage, qu’il parlait comme il voulait et avait refusé de porter l’incident au procès-verbal.

Au cours de l’ensemble des auditions effectuées, Mme C______ avait influencé des témoins en leur soumettant des pièces à charge de manière à ce que ces derniers puissent donner des exemples de leurs griefs quand ils n’arrivaient pas à justifier leurs appréciations. Celle-ci démontrait ainsi ne pas respecter l’impartialité dont devaient faire preuve les enquêteurs.

L’ordre de passage des témoins était également peu loyal, des témoins à charge avaient été entendus après ceux auditionnés à sa demande.

M. B______ avait participé à un séminaire de plusieurs jours auquel avait participé la quasi-totalité des protagonistes de la présente affaire. En sa qualité de cadre supérieur de l’administration de la ville, il était en contact direct et régulier avec ces mêmes protagonistes.

Elle concluait à la récusation des enquêteurs, à la nomination d’une commission externe à l’administration municipale pour poursuivre la procédure d’enquête, ainsi qu’à l’annulation de l’audition du témoin Madame F______ du 21 février 2017 et à la destruction du procès-verbal y relatif.

8) Le 24 février 2017, Mme A______ a demandé à la ville la suspension de la procédure jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa requête en récusation.

9) Des audiences d’enquêtes ont eu lieu les 9 et 13 mars 2017.

10) Le 14 mars 2017, par décision déclarée exécutoire nonobstant recours, la ville a rejeté la demande de récusation dont les conditions n’étaient pas remplies en l’espèce.

11) Le 15 mars 2017, avant réception de la décision du 14 mars 2017, Mme A______ a réitéré sa demande de suspension.

12) Par envoi mis à la poste le 27 mars 2017, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le refus de récusation, en concluant à la restitution de l’effet suspensif au recours, à ce qu’il soit interdit aux enquêteurs de procéder à tout nouvel acte d’instruction jusqu’à droit jugé sur la requête en récusation, à l’annulation des audiences prévues les 6 et 10 avril 2017, et principalement, « sous suite de frais et dépens », à l’annulation de la décision de la ville du 14 mars 2017, à la récusation des enquêteurs, à la nomination d’une commission externe à l’administration municipale pour poursuivre la procédure d’enquête, à l’annulation de l’audition du témoin Mme F______ du 21 février 2017.

La recourante reprenait en détail les faits déjà exposés dans sa requête en récusation du 24 février 2017, s’agissant des liens entretenus par M. B______ avec les protagonistes de l’affaire et du comportement des enquêteurs.

L’ensemble de ces éléments fondait des doutes quant à l’impartialité des enquêteurs, de sorte qu’ils devaient être récusés et l’audition du témoin du 21 février 2017 annulée.

13) Par décision du 30 mars 2017, le juge délégué a fait interdiction aux enquêteurs visés par la demande de récusation de procéder à tout acte d’instruction.

14) Le 13 avril 2017, la ville a répondu au recours en concluant à son rejet, à la levée des mesures du 30 mars 2017 ainsi qu’à l’autorisation de poursuivre l’instruction de l’enquête administrative.

Ni les propos reprochés, ni les autres faits dont se prévalait l’intéressée ne suffisaient à fonder la demande de récusation, les enquêteurs n’avaient ni commis d’erreurs procédurales, ni manifesté une opinion préconçue à l’égard de la recourante.

15) Le 13 avril 2017, M. B______ s’est déterminé.

En qualité d’enquêteur, il lui incombait d’assurer la police de l’audience et notamment d’intervenir lorsqu’un avocat persistait, malgré de multiples avertissements, à poser et reposer la même question avec insistance à un témoin pour tenter d’obtenir de ce dernier une réponse qui le satisfasse ou à demander que soit portée au procès-verbal une réponse qu’il disait ou croyait avoir entendue dans la bouche d’un témoin dont les propres dénégations ne suffisaient pas à dissuader ses efforts. Sa réaction, vu la multiplicité des incidents, était justifiée même si elle était un peu leste. Les accusations de partialité étaient parfaitement infondées.

16) Le 13 avril 2017, Mme C______ s’est déterminée. La demande de récusation était infondée.

Aucune demande de modification formelle d’un procès-verbal n’avait été faite par la recourante.

L’ordre de convocation des témoins était choisi librement par les enquêteurs mais c’était d’un commun accord à l’issue des auditions de M. D______ et de Mme G______ qu’un délai avait été fixé à la recourante pour qu’elle remette sa liste de témoins.

Les pièces soumises aux témoins permettaient de corroborer leurs déclarations et devaient être expliquées, voire confirmées par les témoins. La mandataire de la recourante avait d’ailleurs procédé de manière identique. Cela n’avait rien d’un comportement partial.

17) Le 26 avril 2017, Mme A______ a déposé un échange de courriers avec les enquêteurs des 3, 20 et 26 avril 2017 concernant la plainte déposée auprès de la direction des ressources humaines. Elle faisait état de soupçons quant à l’influence qu’exerceraient les enquêteurs sur la procédure de plainte et sur les informations qu’ils recevaient.

18) Le 12 mai 2017, Mme A______ a répliqué en persistant dans les conclusions prises dans son recours.

19) Le 16 mai 2017, les enquêteurs ont contesté les allégations faites par Mme A______ dans son courrier du 26 avril 2017 concernant la plainte déposée.

EN DROIT

1) Les décisions portant sur la récusation qui sont notifiées séparément présentent un caractère préjudiciel et peuvent faire l’objet d’un recours nécessitant d’être tranché immédiatement, c’est-à-dire avant ou parallèlement au jugement – ou à la décision – portant sur le fond de l’affaire (art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/237/2017 du 28 février 2017 ; ATA/214/2017 du 2 février 2017).

Interjeté devant la juridiction compétente et en temps utile, selon les formes prévues par la loi, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3, 62 al. 1 let b. et 65 LPA).

2) La demande de récusation vise les enquêteurs nommés par le Conseil administratif de la ville, soit M. B______ et Mme C______, employés de la ville et responsables de l’instruction de l’enquête administrative ouverte contre la recourante.

3) En vertu de l’art. 15 al. 1 let. d LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité. La demande de récusation doit être formée sans délai (art. 15 al. 3 LPA).

En l’espèce, la demande de récusation a été déposée le 23 février 2017. Le dernier incident sur lequel elle se fonde s’est déroulé lors de l’audience d’enquête du 21 février 2017. La demande est également fondée sur des incidents qui s’étaient déroulés lors des audiences des 24, 31 janvier et 6 février 2017, qui auraient pu être évoqués antérieurement. Toutefois, vu l’accumulation des incidents ayant émaillé la procédure, celui du 21 février 2017 n’étant que le dernier en date, il apparaît conforme à l’art. 15 al. 3 LPA de retenir que la demande de récusation des enquêteurs a été faite sans délai.

4) a. Découlant de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la garantie d’impartialité d’une autorité administrative ne se confond pas avec celle d’un tribunal (art. 30 Cst.) dans la mesure où la première n’impose pas l’indépendance et l’impartialité comme maxime d’organisation d’autorités gouvernementales, administratives ou de gestion (ATF 125 I 209 consid. 8a ; 125 I 119 ; ATA/52/2011 du 1er février 2011 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 242
ch. 2.2.5.2). Il y a toutefois équivalence de motifs de récusation entre instances administratives et judiciaires lorsqu'existe un motif de prévention, supposé ou avéré, qui commande d’écarter une personne déterminée de la procédure en raison de sa partialité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_389/2009 du 19 janvier 2010 ; ATA/237/2017 précité et les références citées).

b. L’obligation d’impartialité de l’autorité découlant de l'art. 29 al. 1 Cst. permet – indépendamment du droit cantonal – d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur impartialité. Cette protection tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du membre de l'autorité est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions purement individuelles des personnes impliquées ne sont pas décisives (arrêt du Tribunal fédéral 1C_389/2009 précité ; ATF 142 III 521 consid. 3.1.1 ; 131 I 24 consid. 1.1 ; 127 I 196 consid. 2b ; 125 I 209 consid. 8a ; 125 I 119 consid. 3b).

Les soupçons de prévention peuvent être fondés sur un comportement ou sur des éléments extérieurs, de nature fonctionnelle ou organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 5.1 ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2014, n. 33 ad art. 34 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

c. Les art. 15 et 15A LPA sont calqués sur les art. 47 ss du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; ATA/58/2014 du 4 février 2014 consid. 7 ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), ces derniers, tout comme les art. 56 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), avec lesquels ils sont harmonisés, étant calqués, à l'exception de quelques points mineurs, sur les art. 34 ss LTF, si bien que la doctrine, et la jurisprudence rendue à leur sujet, valent en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss, spéc. 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

d. Le Tribunal fédéral a rappelé que la procédure de récusation n’a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l’instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. Même dans ce cadre, seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne sera pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3). D’autres motifs doivent donc exister pour admettre que le juge ne serait plus en mesure d'adopter une autre position, de sorte que le procès ne demeure plus ouvert
(ATF 133 I 1 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 du 7 janvier 2009 consid. 3.2, in SJ 2009 I 233).

5) En l’espèce, certains griefs de la recourante concernent les deux enquêteurs et le déroulement de l’enquête.

S’agissant notamment du témoignage de M. E______, le grief n’est pas établi puisque celui-ci a déclaré avoir reçu la demande de témoigner de sa direction mais ne pas avoir discuté avec elle de la teneur de son témoignage (audition du 6 février 2017 p. 2). Quant aux témoins qui auraient été en possession de pièces du dossier d’enquête, dont la décision de la ville d’ouvrir un enquête à l’encontre de la recourante, il faut relever que M. D______ est le supérieur hiérarchique de la recourante et que M. E______ est adjoint de la direction. Ces faits ne sont donc pas susceptibles, en eux-mêmes, de donner une apparence de prévention des enquêteurs. Quant à l’ordre de passage des témoins, il est difficile d’y voir une preuve de prévention, une requête complémentaire d’audition de témoins pouvant être faite par la recourante.

6) D’autres griefs concernent l’enquêtrice uniquement.

La recourante fonde sa demande de récusation de l’enquêtrice sur le fait que lors de l’audition de certains témoins, celle-ci les aurait influencés en leur soumettant des pièces à charge, de manière à ce qu’ils puissent donner des exemples de leurs griefs et justifier leurs appréciations.

Sauf à accuser les témoins de faux témoignages, la présentation de documents aux témoins faite par l’enquêtrice, dans le but de corroborer les déclarations ou de demander des explications à leur sujet, n’est pas de nature en soi à faire suspecter la partialité de l’enquêtrice, au sens de l’art. 15 LPA.

Aucun autre grief n’a été soulevé à l’égard de l’enquêtrice par la recourante. La demande de récusation a donc été rejetée à juste titre par la ville dans sa décision en tant qu’elle concernait l’enquêtrice.

7)S’agissant de la demande de récusation de l’enquêteur, M. B______, elle vise principalement les refus réitérés de ce dernier de noter certains faits et incidents de procédure au procès-verbal ainsi que son comportement à l’égard du conseil de la recourante.

Ces éléments ne constituent pas uniquement des critiques quant à la manière dont l’enquêteur mène son enquête mais sont propres, s’agissant notamment du refus de faire figurer au procès-verbal des questions posées, des réponses ou des incidents, en dépit des demandes réitérées et formelles du conseil de la recourante, à donner une apparence de prévention malgré l’absence de demande écrite de modification des procès-verbaux qui aurait été faite par la recourante.

Cette conclusion s’impose d’autant plus que l’enquêteur occupe le poste de directeur général adjoint à la direction générale de l’administration municipale et qu’en cette qualité, son indépendance peut plus facilement être sujette à caution, étant en contact direct et régulier avec les protagonistes de l’affaire.

À cet égard, la possibilité de nommer des enquêteurs internes, dont dispose la ville dans son statut (art. 97 al. 1 du Statut du personnel de la Ville de Genève du 29 juin 2010 – LC 21 151 – ci-après : le statut), est de nature à augmenter le risque qu’une apparence de partialité soit créée, dont le corollaire devrait être l’exigence que les enquêteurs portent une attention toute particulière au déroulement serein de l’enquête et fassent preuve dans la conduite de celle-cide la plus grande neutralité avec pour seul but d’établir les faits visés parcelle-ci. Dans le contexte d’un enquêteur interne à l’administration, la chambre administrative a déjà eu l’occasion d’examiner la dépendance directe ou indirecte de celui-ci à l’égard du directeur général de l’administration municipale, pour conclure que celle-ci ne permettait pas, en l’absence d’autres indices, de douter par principe de son objectivité (ATA/657/2015 du 23 juin 2015).

En l’espèce, toutefois, le comportement répété de M. B______ lors des auditions et les incidents qui ont émaillé celles-ci ne donnent pas cette apparence, ce qui suffit à retenir l’existence d’un motif de récusation à son encontre, ce qui aurait dû être reconnu par la ville.

8) Les opérations auxquelles à participé une personne tenue de se récuser sont annulées si une partie le demande au plus tard cinq jours après avoir eu connaissance du motif de récusation (art. 15B al. 1 LPA).

En l’espèce, la demande de récusation formée le 23 février 2017 comportait également la demande d’annulation d’une audition de témoin du 21 février 2017, donc antérieure de moins de cinq jours et lors de laquelle l’un des principaux actes reprochés à l’enquêteur est survenu, ainsi qu’une demande de suspension de l’enquête.

En conséquence, l’audition du 21 février 2017 sera annulée ainsi que les actes d’instruction ultérieurs auxquels M. B______ a procédés.

9) Finalement, la recourante conclut à la nomination d’un ou plusieurs enquêteurs externes à l’administration municipale.

Seul l’un des deux enquêteurs ayant été récusé, il n’y a pas lieu de nommer d’autres enquêteurs, le statut n’exigeant pas la nomination de plus d’un enquêteur (art. 97 al. 1 statut).

10) a. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, dans la mesure où il porte sur la révocation de M. B______ et sur l’annulation des actes d’instruction auxquels celui-ci a procédé le 21 février 2017 et ultérieurement.

b. Le prononcé du présent arrêt rend la demande de restitution de l’effet suspensif sans objet.

11) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l’intimée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 mars 2017 par Madame A______ contre la décision de la Ville de Genève du 14 mars 2017 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la Ville de Genève du 14 mars 2017 en tant qu’elle refuse la récusation de l’enquêteur, Monsieur B______ ;

admet la demande de récusation formée à l’encontre de Monsieur B______ ;

annule les actes d’instruction auxquels Monsieur B______ a procédé le 21 février 2017 et ultérieurement ;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Madame A______ à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par
les art. 113 ss LTF, s’il porte sur des décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire qui ne touchent pas la question de l’égalité des sexes ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au
Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Diane Schasca, avocate de la recourante ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Dumartheray, Verniory, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :