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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1979/2010

ATA/60/2011 du 01.02.2011 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 23.03.2011, rendu le 02.03.2012, PARTIELMNT ADMIS, 8C_220/2011, 8D_1/2011, 8D_2/2011
Descripteurs : DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; INTÉRÊT ACTUEL; FORMALISME EXCESSIF; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE; CERTIFICAT DE TRAVAIL; RÉMUNÉRATION SELON LES PRESTATIONS; ABUS DE DROIT; ACTION PECUNIAIRE; EMPLOYÉ PUBLIC ; FONCTIONNAIRE ; SALAIRE ; CLASSE DE TRAITEMENT ; FONCTION ; REFUS DE STATUER
Normes : LPA.60.letb; LPA.4.al4; Cst.9; SPAM.92 ; LPA.69.al1 ; Cst-féd.8.al1
Résumé : En ne donnant pas suite aux demandes de réévaluation de fonction du recourant, appuyées par sa hiérarchie, en lui faisant miroiter l'expectative d'une nouvelle affectation à un poste supérieur puis en lui refusant celui-ci sous des prétextes qui se sont avérés inexacts, la ville a contrevenu au principe de la bonne foi à l'égard de son employé. Ce dernier doit dès lors être rétribué correctement pour les fonctions qu'il a effectivement assumées. De même, la rémunération proposée au recourant ne repose sur aucune disposition légale ou statutaire et a conduit en l'espèce à l'arbitraire le plus total, les qualités de l'intéressé ayant été exploitées sans être reconnues par le biais d'une rémunération adéquate et sans que l'indemnité de remplacement versée n'ait été adaptée au fil du temps. Le refus de la ville de statuer sur les prétentions pécuniaires de l'intéressé doit être considéré comme un déni de justice.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1979/2010-FPUBL ATA/60/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 1er février 2011

dans la cause

 

 

Monsieur P______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1. Monsieur P______, né en 1964, a été engagé le 1er juillet 2004 en qualité de collaborateur technique au service des ressources humaines de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Le traitement annuel de base s’élevait à CHF 90'343.- et avec l’allocation de renchérissement à CHF 91'138.-. Ce salaire correspondait à la catégorie 12 de l’échelle des traitements.

2. La mission de l’intéressé consistait à :

« analyser les accidents professionnels survenant dans l’administration ;

- procéder à l’analyse des risques et participer à l’élaboration de catalogues d’actions visant à réduire ou supprimer les dangers ;

- gérer et analyser les statistiques des accidents professionnels et non professionnels ;

- mener des campagnes d’information et de sensibilisation pour la promotion de la sécurité et de la santé ».

3. D’emblée, M. P______ a fait preuve de compétences, dépassant les exigences de ce poste. Ses supérieurs lui ont donc rapidement confié de nouvelles missions, non prévues par son cahier des charges.

4. Monsieur H______, coordinateur santé et sécurité (ci-après : CSS), a réalisé le 8 mars 2005 une évaluation très positive du travail de M. P______. Ce dernier a d’ailleurs demandé que ses compétences soient validées et son rôle reconnu.

5. Le 11 mars 2005, Monsieur V______, chef de service de la direction des ressources humaines, et M. H______, ont confié à M. P______ la responsabilité d’adjoint au CSS. Derechef, M. P______ a demandé une reconnaissance de sa fonction mais n’a reçu aucune promotion.

6. L’évaluation après douze mois d’activité était très positive. Au terme de l’entretien d’évaluation du 29 novembre 2005, M. H______ lui-même a souhaité que la fonction de M. P______ soit réévaluée, vu les compétences et l’engagement de celui-ci, quand bien même il n’exerçait pas de responsabilités hiérarchiques. M. P______ a persisté dans sa requête initiale. Malgré ces requêtes conjointes, M. V______ n’a pas fait procéder à l’analyse de la fonction de M. P______.

7. Le 8 février 2006, M. H______ a été amené à remplacer le chef de service et le juriste, en incapacité de travail. M. V______ a confié à M. P______ la responsabilité complète du secteur en remplacement de M. H______ dès le 30 janvier 2006. M. V______ a suggéré que M. P______ perçoive alors une indemnité de remplacement de la fonction de M. H______ colloquée en classe 19. Cette demande a été adressée au service des ressources humaines le 8 février 2006.

8. M. P______ a été informé des conditions d’octroi et du mode de calcul des indemnités de remplacement définies par le conseil administratif lors de l’une de ses séances de juillet 2003 : l’indemnité mensuelle correspondait à 1/12 de l’annuité de la classe maximale de la fonction à remplacer, en cas de remplacement d’une durée minimale de trois jours et n’excédant pas un mois et demi. Les conditions d’un remplacement d’une durée plus longue devaient être examinées de cas en cas.

9. M. P______ a remplacé M. H______ pendant deux mois, soit en février et mars 2006, et il a perçu une indemnité de remplacement de CHF 415,60 par mois, sans que sa classe de traitement ne soit modifiée.

10. En mai 2006, après deux ans d’activité, l’évaluation de M. P______ était toujours favorable. M. H______ a une nouvelle fois relevé que la fonction de l’intéressé devrait être analysée et M. P______ a souligné à son tour que son engagement devrait être reconnu en passant par une analyse de fonction de son poste.

11. Le 21 septembre 2006, Monsieur M______, directeur général de l’administration municipale, a rédigé une note à l’intention des directeurs de département et des chefs de service concernant la prise d’effet rétroactif des promotions consécutives à une évaluation de fonction. Jusqu’ici, ces promotions prenaient effet au premier du mois suivant la date à laquelle la demande était transmise au service des ressources humaines. Or, lors de sa séance du 6 septembre 2006, le conseil administratif avait décidé que les demandes d’évaluation de fonctions déposées au service des ressources humaines à compter du 11 septembre 2006 ne bénéficieraient plus de l’effet rétroactif. Une évaluation de fonction prendrait dorénavant effet au premier du mois suivant la décision. Par ailleurs, la demande devait être traitée dans un délai maximum d’un an à compter de la réception de celle-ci par le service.

12. En avril 2007, lors de l’entretien effectué en vue de la confirmation après trente-six mois d’activité, les qualités de M. P______ ont été une nouvelle fois soulignées. Etant donné qu’il fonctionnait depuis le mois de mars 2005 dans la configuration actuelle et qu’une demande d’évaluation de sa fonction avait été déposée, M. P______ a souhaité que prochainement, une décision soit prise afin de clarifier et d’officialiser son rôle dans la structure. M. P______ a prié M. H______ de tirer sa situation au clair avant qu’il ne parte en vacances au début du mois de juin 2007. M H______ a répondu que M. V______ lui avait demandé d’établir un cahier des charges d’ici mi-juillet, ensuite de quoi l’analyse de la fonction pourrait être effectuée. Au début de l’année 2008, le nouveau cahier des charges n’avait toujours pas été établi. En février 2008, M. P______ a été amené à suppléer une nouvelle fois M. H______ dans ses fonctions de CSS, moyennant le paiement de l’indemnité de remplacement précitée, M. H______ devant quant à lui remplacer Madame G______, responsable du secteur des affaires juridiques et de la communication, absente pour cause de maladie à 100 % en février et mars 2008, puis à 50 % en avril et mai 2008 et à 25 % de juin à septembre 2008.

13. Alors qu’un rendez-vous avait été fixé le 9 avril 2008 pour qu’il soit procédé à cette analyse de fonction, Madame R______, directrice des ressources humaines, a demandé que cette séance soit reportée à fin juin 2008.

Le 25 juin 2008, Mme R______ a établi à l’intention de M. P______ un certificat de travail intermédiaire dans lequel elle relevait que l’intéressé s’acquittait des tâches qui lui étaient confiées à l’entière satisfaction de son employeur, ses facultés d’analyse et son engagement lui ayant permis de développer ses connaissances et ses compétences professionnelles.

14. Au début du mois de juillet 2008, Mme R______ a demandé à M. P______ de se soumettre à une procédure « d’assessment » afin de déterminer son aptitude à reprendre le poste de CSS qu’il assurait ad interim depuis le mois de février 2008 et que M. H______ allait laisser vacant dès le mois de janvier 2009. Elle précisait, dans un courrier du 8 juillet 2008, que cet assessment n’interférerait pas dans le processus qu’elle avait entrepris pour lui donner la possibilité d’être reconnu dans les responsabilités qu’il assumait actuellement en remplacement de M. H______. Ce processus était en cours mais elle avait encore besoin de quelques semaines pour finaliser le nouvel organigramme et le faire accepter par la conseillère administrative compétente.

15. Le 25 août 2008, X______ S.A., qui avait procédé à l’assessment en question, a déposé un rapport de quinze pages tout à fait élogieux à l’endroit de M. P______.

16. Le remplacement de M. H______ s’est prolongé. M. P______ a reçu une indemnité de remplacement mensuelle de CHF 425.-. Il a fait valoir auprès de Mme R______, le 6 octobre 2008, que son état de santé se péjorait en raison de la situation professionnelle instable à laquelle il était confronté.

17. Le 20 octobre 2008, M. M______ a envoyé au chef de service de M. P______ un courrier relatif à l’engagement d’un proche parent de celui-ci dans le même service. Depuis 1997, le conseil administratif interdisait à un fonctionnaire exerçant un poste à responsabilités d’engager un proche parent dans son propre service si un lien direct de subordination existait entre les deux personnes.

18. Parallèlement, Mme R______ poursuivait l’élaboration avec M. P______ du cahier des charges du futur CSS. Le 23 février 2009, Mme R______ a adressé à ses collègues les nouveaux projets d’organigramme.

19. Le 27 mars 2009, M. P______ a écrit un courrier recommandé à Monsieur Manuel Tornare, Maire de la Ville de Genève, pour lui exposer sa situation professionnelle puisque sa fonction n’avait toujours pas été analysée. Il demandait que sa situation professionnelle soit clarifiée et il attendait de l’administration municipale un positionnement clair ainsi qu’une réparation pour les préjudices subis. Sans proposition concrète d’ici le 10 avril 2009, il serait au regret de défendre ses droits par le biais d’un mandataire professionnellement qualifié.

Le 3 avril 2009, M. P______ a informé Mme R______ qu’il n’assumerait plus les responsabilités de CSS ad interim dès cette date.

20. Le 8 mai 2009, Monsieur B______, adjoint à la direction générale de l’administration municipale, a reçu M. P______ en assurant à ce dernier que le poste de coordinateur sécurité qui allait prochainement être mis au concours et comprenant les tâches d’adjoint au CSS lui serait attribué s’il postulait. Il n’y avait dès lors plus lieu d’effectuer une analyse de fonction. L’annonce pour le poste précité a paru dans la Tribune de Genève le 22 juillet 2009 et M. P______ a déposé sa candidature le 3 août 2009.

21. Le 5 octobre 2009, Mme R______ a rappelé par courrier électronique à M. P______ la position de Madame Sandrine Salerno, conseillère administrative responsable de ce dicastère, concernant sa candidature : celle-ci ne serait pas prise en compte tant que son épouse, Madame P______, travaillerait au service de la direction des ressources humaines.

22. Le 9 octobre 2009, M. P______ a souligné que ce procédé était contraire à la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1985 (LEg - RS 151.1) et que cet argument n’avait jamais été invoqué durant les quinze mois pendant lesquels il avait remplacé M. H______. Par ailleurs, le poste en question ne prévoyait aucun lien de subordination entre son épouse et lui-même.

23. Le 13 novembre 2009, M. P______ a appris que Monsieur I______ avait obtenu le poste en question. Mme R______ a informé M. P______ le 25 novembre 2009 que sa candidature n’avait pas été retenue.

24. Dépité, M. P______ a donné sa démission le 30 novembre 2009 avec effet au 31 décembre 2009.

25. Le 13 janvier 2010, M. P______, assisté par une représentante du syndicat interprofessionnel des travailleurs (ci-après : SIT) a écrit au nouveau Maire de la Ville de Genève, Monsieur Y______, pour demander le paiement du salaire « sur la base d’une classification 12-14 avec effet rétroactif », cette somme se montant, selon ses calculs, à CHF 18’360.- puisque sa classification salariale n’avait pas évolué et qu’il n’avait perçu que les indemnités de remplacement en sus de son salaire initial.

Le 17 février 2010, MM. M______ et Y______ ont répondu au nom du conseil administratif au SIT. La direction des ressources humaines avait parfaitement respecté les statuts et règlements en vigueur. M. P______ n’avait été victime d’aucune inégalité de traitement. Il n’avait subi aucun préjudice. Une promotion dans une classe supérieure ou un engagement à un poste donné ne constituait pas un droit pour un fonctionnaire.

26. Assisté d’un conseil, M. P______ a réitéré sa demande le 22 mars 2010. Il réclamait un traitement en classe 12-14 au moins dès le mois de novembre 2004, soit dès la date où il avait occupé le poste d’adjoint au CSS, et un traitement en classe 19 durant les dix-sept mois pendant lesquels il avait assuré le remplacement de M. H______ au poste de CSS. Il appartenait à la ville d’établir le montant précis de la différence de traitement et de procéder au versement du montant dû. Par ailleurs, un nouveau certificat de travail devait lui être envoyé décrivant plus exactement que celui établi le 17 mars 2010 l’activité qu’il avait exercée. Enfin, si la ville devait rejeter ses prétentions relatives tant au traitement qu’au certificat de travail, elle était invitée à rendre une décision formelle, motivée, comportant les voies de recours conformément aux art. 4A et 46 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

27. Le 14 avril 2010, sous la signature de MM. M______ et Y______, le conseil administratif a indiqué qu’il avait pris connaissance lors de sa séance du 31 mars 2010 du courrier précité. M. P______ n’avait été victime d’aucune inégalité de traitement. Il n’avait jamais été promu depuis sa nomination dans une classe supérieure et n’avait pas bénéficié d’une promotion de fait. Une promotion ne pouvait résulter que d’une décision formelle du conseil administratif conformément aux statuts. En revanche, M. P______ avait perçu une indemnité mensuelle de remplacement. La ville avait respecté les dispositions réglementaires. Ce courrier ne comportait aucune voie de droit.

28. Le 20 avril 2010, le conseil de M. P______ a sollicité une nouvelle fois une décision formelle sans plus de succès.

Le 5 mai 2010, il a reçu, sous la signature de MM. M______ et Y______ toujours, une lettre dont le contenu était pratiquement identique à la précédente dans laquelle il était relevé qu’il n’existait pas un droit à obtenir une promotion dans une classe supérieure et que, de surcroît, aucune voie de recours n’était ouverte au Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), pour obtenir une promotion, laquelle était une décision prise en opportunité par le conseil administratif. Dès lors, ce dernier n’était pas tenu de rendre une décision formelle.

29. Le 7 juin 2010, M. P______ a déposé au greffe du Tribunal administratif un acte intitulé « recours » aux termes duquel il a conclu à la condamnation de la ville à lui payer la différence entre le salaire qui lui avait été versé et celui qui aurait dû l’être, compte tenu des tâches effectuées, soit un traitement en classe 12-14 au moins dès le mois de mars 2005, et un traitement en classe 19 durant les mois de février et mars 2006 et de février 2008 à mars 2009, sous déduction des indemnités de remplacement versées, avec intérêts à 5 % dès le 31 décembre 2009.

Par ailleurs, la ville devait être condamnée à lui remettre un nouveau certificat de travail.

30. Le 15 juillet 2010, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours et subsidiairement, au rejet de celui-ci pour les raisons déjà exposées.

a. Le recours était irrecevable pour plusieurs raisons, en particulier l’absence de décision au sens de l’art. 4 LPA, le fait qu’aucune voie de droit n’était ouverte car le fonctionnaire n’avait pas un droit d’octroi d’une promotion ou d’un avancement. Le conseil administratif n’avait pas refusé de rendre une décision mais il refusait d’entrer en matière. Il avait répondu aux requêtes de M. P______ dans ses courriers des 17 février, 14 avril et 5 mai 2010.

b. Depuis 2005, M. P______ n’avait cessé de se plaindre, discutant avec la direction des ressources humaines. Il n’avait déposé son recours qu’en 2010, de sorte que celui-ci était tardif.

c. De plus, M. P______ n’avait plus d’intérêt actuel et pratique à recourir, ayant démissionné pour le 31 décembre 2009 et n’étant plus en fonction. Il n’avait donc plus d’intérêt actuel à obtenir une évaluation de fonction ou une promotion ou un avancement. Seule restait ouverte la question d’un éventuel effet rétroactif de sa demande concernant l’évaluation de fonction. Depuis le 1er janvier 2009, la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (aLOJ - E 2 05) avait été modifiée et prévoyait une action contractuelle. La prétention du recourant était fondée sur ses rapports de service avec la ville et relevait du droit public mais non pas d’un contrat public. La voie de l’action pécuniaire/contractuelle de l’art. 56G aLOJ n’était pas ouverte. L’action du recourant devait être déclarée irrecevable et, selon le nouveau droit, le dossier renvoyé à la ville pour décision (sic).

d. Si, par impossible, le Tribunal administratif venait à considérer que le conseil administratif devait rendre une décision, ce qu’il avait fait indirectement, il faudrait examiner les conséquences d’une décision négative de ce dernier puisque celui-ci avait refusé d’entrer en matière. L’autorité disposait d’un large pouvoir d’appréciation et le tribunal de céans ne pouvait pas contrôler l’opportunité. La ville n’avait pas violé le principe d’égalité de traitement ni celui de l’égalité salariale entre hommes et femmes. Le traitement de M. P______ avait été celui prévu pour sa classe de traitement et l’indemnité de remplacement versée conformément aux directives en vigueur. Or, le recourant taisait le fait qu’au moment de sa nomination, il avait bien reçu une promotion exceptionnelle en classe 13 et, sur préavis favorable de M. V______, une septième annuité dès le 1er juillet 2007. Enfin, conformément à l’art. 46 al. 1 du statut du personnel de l’administration municipale du 3 juin 1986 - LC 21 151 - (ci-après : SPAM), le conseil administratif avait décidé d’accorder à M. P______ une augmentation extraordinaire en 2009, étant donné qu’il atteignait le plafond de la catégorie de la 13ème classe, de sorte que l’intéressé avait ainsi bénéficié, deux ans après sa promotion, d’une augmentation extraordinaire.

e. De plus, la société GFO Unternehmensberatung à Zurich avait été mandatée pour analyser la fonction de « coordinateur sécurité ». Selon un document daté du 20 mai 2009, elle l’avait classée entre les catégories 12 à 14 de l’échelle des salaires. En ayant bénéficié de deux réévaluations salariales depuis 2004, M. P______ avait reçu un traitement en parfaite adéquation avec l’évaluation de son poste, telle qu’elle avait été réalisée par cette dernière société.

f. Enfin, selon l’extrait du procès-verbal du conseil administratif du 2 juillet 2003, les remplacements d’une durée de plus d’un mois et demi devaient être examinés au cas par cas. C’était ce qu’avait fait le conseil administratif en l’espèce. Enfin, M. H______ étant plus âgé et plus expérimenté que le recourant, il était normal qu’il ait bénéficié d’un traitement supérieur à ce dernier. Le conseil administratif n’avait pas estimé judicieux d’accorder au recourant les classes 17-19 pendant la « période de soutien », sachant que M. H______ allait reprendre ses fonctions. M. P______ n’était pas en droit de réclamer des dommages et intérêts. Le refus de cette promotion n’était en rien arbitraire.

Quant au certificat de travail, celui envoyé au recourant en date du 17 mars 2010 reflétait la réalité des attributions de l’intéressé pendant son activité au sein de la ville.

Le refus du conseil administratif d’entrer en matière sur la requête de l’intéressé ne violait ni le principe d’égalité de traitement, ni celui de l’arbitraire, ni aucun autre principe constitutionnel.

31. Le 4 octobre 2010, le juge délégué a prié M. P______ de se déterminer sur les augmentations dont il avait bénéficié, telles qu'elles ressortaient de l'écriture de l'intimée du 15 juillet 2010.

32. Le 14 octobre 2010, M. P______ a persisté dans ses conclusions. Au moment de son engagement, son traitement avait été fixé une classe en-dessous de la classe de fonction, soit en classe 12, annuité 6. Au terme de la période probatoire de trente-six mois, il avait perçu un traitement en classe 12, annuité 8, cette dernière correspondant à l'annuité maximale de cette classe.

Lors de sa confirmation, M. P______ avait été promu en classe 13, intégrant ainsi la classe correspondant réellement à sa fonction, avec effet au 1er juillet 2007. Il ne contestait pas avoir bénéficié d'une augmentation extraordinaire d'un montant de CHF 768.- au début de l'année 2009. Suite au gel pendant quatre ans des annuités extraordinaires, il avait été décidé, lors de négociations pour la révision des statuts du personnel, d'octroyer une demi-annuité en 2009 et une demi-annuité en 2010 aux fonctionnaires se trouvant en fin de catégorie salariale. Tel avait été son cas, car, à fin 2008, il se trouvait au sommet de la classe 13 (8 annuités). Il avait ainsi, au même titre que ses collègues dans la même situation, reçu une demi-annuité extraordinaire supplémentaire selon l’art. 46 SPAM, soit CHF 768.-, selon la décision du conseil administratif du 25 février 2009.

Ni la promotion de 2007, ni la demi-annuité octroyée en 2009 n'avaient eu pour but de valoriser les tâches extraordinaires qui lui avaient été confiées. Ces deux augmentations s'inscrivaient au contraire dans l'évolution ordinaire de sa rémunération en sa qualité de fonctionnaire de la ville. Par conséquent, la violation des principes de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l’arbitraire alléguée était effective.

33. Les parties ont été entendues lors d'une audience de comparution personnelle le 15 octobre 2010.

a. La représentante de l'intimée a indiqué que M. P______ n'avait plus d'intérêt actuel au recours puisqu'il avait démissionné au 31 décembre 2009. Un refus de promotion n'était pas susceptible de recours. Il appartiendrait au conseil administratif de rendre une décision formelle mais en l'état, elle considérait que les prises de position de celui-ci des 14 avril et 5 mai 2010 étaient susceptibles de constituer de telles décisions, même si les voie et délai de recours n’y figuraient pas. Il n'était plus possible de procéder à une évaluation de fonction, l’intéressé ayant cessé de travailler. Enfin, selon l’évaluation du cabinet d'audit GFO Unternehmensberatung déposée le 20 mai 2009, le poste de coordinateur sécurité pour lequel M. P______ avait postulé devait être classé dans les catégories 12 à 14 de l’échelle des traitements.

b. M. P______ a répété qu'il conservait un intérêt actuel au recours s'agissant de l'aspect financier. Il lui était difficile de chiffrer ses conclusions. Il renonçait cependant à solliciter une indemnité supplémentaire pour les mois de février et mars 2006 durant lesquels il avait remplacé M. H______. Il maintenait sa demande pour la période de février 2008 à mars 2009, considérant que depuis 2005, il aurait dû bénéficier d'une classe de traitement supplémentaire.

Il avait fait la connaissance de sa future épouse sur son lieu de travail car elle travaillait à la ville depuis un an. Dans un premier temps, il avait été le supérieur hiérarchique de celle-ci mais il n'en était pas encore l’époux, puisque tous deux s'étaient mariés en 2009. Avant le mariage, il était allé voir M. H______ pour lui exposer la situation et celui-ci avait indiqué que cela ne posait pas de problème. A l'arrivée de Mme R______ en mai 2008, celle-ci avait établi un nouvel organigramme, présenté en février 2009, et cette situation ne lui avait pas été reprochée. Ladite situation n'avait été évoquée que lorsqu'il avait postulé pour le poste de coordinateur sécurité.

c. La représentante de l’intimée à admis que Mme Salerno avait décidé d'appliquer strictement la directive existante. Il n'y en avait pas d'autres, si ce n’était celle résultant du courrier adressé par M. M._____ le 20 octobre 2008 au chef du service. Elle admettait que M. P______ n'avait pas engagé son épouse, pas plus qu'il n'existait de lien de subordination entre eux.

d. M. P______ a ajouté que dès le 1er janvier 2010, il avait retrouvé un emploi dans le secteur privé dans le même type d'activité.

Au sujet du certificat de travail, il souhaitait que celui daté du 17 mars 2010 soit plus détaillé dans son 3ème paragraphe et il a soumis à l’intimée les modifications qu’il proposait, dans les termes suivants :

« Dès l’année 2005, Monsieur P______ a été amené à assurer la gestion de la section sécurité et a également dû assister son responsable dans la direction et la coordination du secteur santé et sécurité comprenant la section des assurances, la section des relations humaines ainsi que la formation santé et sécurité.

Par ailleurs, Monsieur P______ a été amené à remplacer son responsable durant une période totale de 17 mois et à effectuer toutes les tâches en relation avec la fonction ».

e. Un délai a été fixé à l'intimée pour qu’elle se détermine sur l'éventuelle modification dudit certificat de travail d'une part, et sur la prise d'une décision formelle, d'autre part.

34. Le 29 octobre 2010, sous la plume de M. B______, le conseil administratif a estimé qu'il avait amplement répondu aux demandes de M. P______ dans ses courriers des 17 février, 14 avril et 5 mai 2010. Selon la jurisprudence, il n'existait pas un droit à obtenir une promotion dans une classe supérieure. Dès lors, en l'absence de droit de M. P______ à obtenir une promotion ou une réévaluation de sa fonction, le conseil administratif considérait qu'il n'était pas tenu de rendre une décision formelle. Il n'entendait pas davantage modifier le certificat de travail dans le sens demandé par M. P______, au motif que cette requête ne reflétait manifestement pas la réalité des activités déployées par celui-ci à la direction des ressources humaines. En revanche, il proposait de modifier le paragraphe litigieux de la manière suivante :

« Dès l'année 2005, M. P______ a dû également assister son responsable en le soutenant dans la direction et la coordination du secteur santé et sécurité comprenant, outre la section santé et sécurité au travail au sein de laquelle M. P______ travaillait, la section des relations humaines, la section des assurances sociales ainsi que la formation santé et sécurité.

Par ailleurs, pendant une période de 17 mois au cours de laquelle ledit responsable, M. H______, assumait des tâches supplémentaires, M. P______ a été amené à lui apporter un soutien plus marqué en le remplaçant pour certaines tâches et en effectuant certains travaux en relation avec la fonction de responsable ».

Pour le surplus, l’intimée a persisté dans ses conclusions, telles qu'elles résultaient du mémoire du 15 juillet 2010.

35. Le 10 novembre 2010, le conseil de M. P______ a considéré comme inacceptable la proposition de la ville relative à la modification du certificat de travail. L'activité réellement exercée par son mandant était reflétée dans le courrier adressé le 8 février 2008 par Monsieur A______ aux membres de la direction des ressources humaines de la ville, dont il résultait que M. P______ avait assuré la gestion courante du secteur « santé-sécurité » et exercé à titre temporaire la fonction de coordinateur santé sécurité en remplacement de M. H______. Il persistait donc à solliciter la modification du texte dans le sens demandé et maintenait toutes ses conclusions.

36. Le 19 janvier 2011, le juge délégué a prié l’intimée de lui indiquer si le nouveau SPAM du 9 octobre 2009 était entré en vigueur d’une part, et de lui faire parvenir l’échelle des traitements applicable en 2008 et 2009, d’autre part.

Ces documents lui ont été adressés le lendemain avec la mention que le nouveau SPAM était entré en vigueur le 31 décembre 2010. Ils ont été transmis le 21 janvier 2011 pour information au conseil du recourant et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice, qui est devenue autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ). Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 ont été reprises par ladite chambre (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Le recours de M. P______ a été interjeté le 7 juin 2010. Il est dirigé contre le refus de la ville, exprimé en dernier lieu par un courrier du 5 mai 2010, de rendre une décision formelle au sujet des prétentions salariales de l'intéressé.

Malgré les demandes répétées de M. P______ en effet, la ville a refusé de rendre une décision formelle, tout en soutenant ultérieurement dans la procédure de recours que ses prises de position des 17 février, 14 avril et 5 mai 2010 étaient susceptibles de constituer de telles décisions, même si elles ne comportaient pas les voie et délai de recours.

3. La ville est une autorité administrative au sens des art. 1 al. 2 et 5 let. f de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et doit à ce titre appliquer cette loi (art. 1 al. 1 LPA).

Depuis la modification de l'aLOJ, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, l'action pécuniaire a été supprimée et l'autorité doit statuer sur les prétentions de l'un de ses collaborateurs, cette décision étant susceptible de recours auprès du tribunal de céans, comme ce dernier l'a rappelé à plusieurs reprises à l'intimée (ATA/898/2010 du 21 décembre 2010 ; ATA/835/2010 du 30 novembre 2010 ; ATA/425/2010 du 22 juin 2010).

4. A teneur de l'art. 4 al. 4 LPA, « lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision ».

Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA précité.

L’attitude de la ville doit en l'espèce être assimilée à un déni de justice et M. P______ pouvait ainsi recourir en tout temps pour ce motif. Son recours n'est donc pas tardif (ATA/898/2010 précité).

5. M. P______ a certes démissionné de ses fonctions avec effet au 31 décembre 2009. Il conserve cependant un intérêt actuel au recours, comme l'exige l'art. 60 let. b LPA, puisqu'il réclame un rétroactif de salaire. En effet, la situation juridique de l'intéressé sera affectée s'il obtient les classes de traitement et le montant qu'il réclame. De même, il conserve un tel intérêt au recours dans la mesure où il sollicite une modification du certificat de travail que la Ville de Genève lui a remis le 17 mars 2010, ce document pouvant lui être utile dans la suite de sa carrière professionnelle.

6. M. P______ réclame une juste rémunération pour la fonction qu'il a exercée et les responsabilités qu'il a assumées sans avoir bénéficié d'une promotion. Il ne recourt pas contre le refus de celle-ci car si tel était le cas, son recours serait irrecevable selon la jurisprudence (ATA/412/2006 du 26 juillet 2006) et la LPA inapplicable (art. 2 let. d LPA).

7. La cause devrait être renvoyée à la ville pour qu'elle statue sur les prétentions de M. P______ (ATA/9/2010 du 12 janvier 2010).

Cependant, au vu des refus de la ville de rendre une décision et de l'attitude louvoyante qu'elle a adoptée dans la gestion de ce dossier ainsi qu'à l'égard de la situation professionnelle de l'intéressé, en exploitant les compétences de ce dernier sans le rémunérer en conséquence, un tel renvoi à ce stade de la procédure relèverait du formalisme excessif. C'est la raison pour laquelle la chambre de céans statuera elle-même en fonction du dossier et des pièces produites sur les prétentions de M. P______, telles qu'elles résultent des conclusions prises dans son recours du 7 juin 2010, ledit recours étant recevable à tous égards.

8. Fonctionnaire de la Ville de Genève, M. P______ était soumis au SPAM. Les faits s'étant déroulés de 2006 à 2009 et le recours ayant été interjeté le 7 juin 2010, le litige doit être examiné au regard du SPAM du 3 juin 1986, le nouveau statut du 9 octobre 2009 n'étant entré en vigueur que le 31 décembre 2010.

9. Dans son recours, M. P______ a demandé l'octroi d'un traitement en classe 12-14 au moins dès le mois de mars 2005, étant précisé que lors de son engagement le 1er juillet 2004, son salaire correspondait à celui de la classe 12. Il a également réclamé le bénéfice de la classe 19, correspondant à celle qu'avait alors M. H______, et cela pendant la période durant laquelle il a remplacé ce dernier, soit de février 2008 à mars 2009, avec intérêts à 5 % dès le 31 décembre 2009 mais sous déduction du salaire et des indemnités de remplacement qui lui ont été versés pendant ces mois-ci. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties, il a renoncé à solliciter une indemnité supplémentaire à celle perçue pour les mois de février et mars 2006.

L'intimée s’y est opposée au motif que le recourant ayant cessé de travailler en son sein, elle ne peut plus procéder à une évaluation de la fonction qu'il avait exercée, que l'intéressé ne peut revendiquer la même classe de traitement que M. H______ car celui-ci était plus expérimenté et qu'enfin, la société GFO avait le 20 mai 2009 considéré que la fonction de « coordinateur sécurité » était jusqu'ici surévaluée car elle devait se situer dans les catégories 12 à 14 de l'échelle des traitements. Ayant bénéficié de deux réévaluations salariales depuis 2004, M. P______ avait été rémunéré de manière adéquate.

10. S'appuyant sur la jurisprudence et la doctrine pour répondre le 15 juillet 2010 au recours de M. P______, la ville a tenu à rappeler que les communes disposaient d'une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu'elles entretenaient avec leurs agents et que ces questions, relevant très largement de l'opportunité, échappaient au contrôle de la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA).

11. En application de l'art. 69 al. 1 LPA, la juridiction administrative est liée par les conclusions des parties mais non par les motifs. Or, comme toute autorité, la ville doit aussi respecter les principes de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit.

12. La liberté invoquée par la ville vaut en particulier en matière d'évaluation des fonctions, pour autant que l'autorité ne tombe pas dans l'arbitraire et respecte le principe de l'égalité de traitement, consacré par l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 129 I 161 consid. 3.2 ; ATF 125 II 285 consid. 5b ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2007 du 30 octobre 2007, consid. 2.1 ; ATA/664/2010 du 28 septembre 2010 ; JAAC 2002 I 83, p. 87 ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zurich, Bâle, Genève, 2003, p. 284).

Or, le recourant invoque et l'un et l'autre de ces griefs.

13. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, les assurances données par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/ F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130 ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546 n. 1165 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430 n. 5.3.2.1).

14. Dès le début de son activité à la ville en 2004, M. P______ a fait preuve de compétences dépassant les exigences du poste.

A partir du 8 mars 2005, M. H______, puis M. P______ lui-même, n'ont eu de cesse de demander une évaluation ou une réévaluation de la fonction de ce dernier.

En 2007, M. V______ avait été sollicité dans le même sens et en 2008, Mme R______ a différé en juin de la même année l'entretien d'analyse de fonction, tout en reconnaissant les compétences du recourant.

Aucune de ces démarches ni de ces promesses n'a débouché sur un réexamen de la fonction de M. P______, qui a encore dû subir en juillet 2008 une procédure « d'assessment », laquelle a conduit le 25 août 2008 au dépôt d'un rapport élogieux pour l'intéressé.

Au cours de ce mois-ci, M. B______ a fait miroiter à M. P______ la perspective de se voir attribuer le poste de coordinateur sécurité s'il faisait acte de candidature. Or, ce poste ne lui a pas été dévolu : le 5 octobre 2009, Mme R______ a invoqué la position de la conseillère administrative en charge de ce dicastère en se référant à une directive du conseil administratif de 1997, rappelée par M. M______ le 20 octobre 2008, selon laquelle un fonctionnaire exerçant un poste à responsabilités ne pouvait engager un proche parent dans son propre service si un lien direct de subordination existait entre les deux personnes.

Lors de l'audience de comparution personnelle des parties toutefois, la représentante de l'intimée a admis que M. P______ ne se trouvait pas, à l’égard de son épouse, dans la situation prévue par cette directive et que celle-ci ne lui était pas applicable.

En ne donnant pas suite aux demandes de réévaluation de sa fonction présentées par M. P______, appuyées par sa hiérarchie, en lui faisant miroiter l’expectative d’une nouvelle affectation à un poste supérieur puis en lui refusant celui-ci sous des prétextes qui se sont avérés inexacts, la ville a contrevenu au principe de la bonne foi, les cinq conditions cumulatives précitées étant remplies. M. P______ a continué à travailler alors que l'incertitude entretenue par son employeur lui occasionnait des problèmes de santé, ce qui n'a pas été contesté.

M. P______ doit donc être rétribué correctement pour les fonctions qu’il a effectivement assumées.

15. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D.30/2008 du 21 mai 2008 consid. 5.1). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée ; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C 171/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.1 et les arrêts cités ; ATA/381/2008 du 29 juillet 2008 consid. 4a).

16. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 ; V. MARTENET, op. cit., p. 260 ss).

17. Quant à l’interdiction de l’abus de droit, elle implique que l’administré - mais également l’autorité - n’abuse pas d’une faculté que lui confère la loi en l’utilisant à des fins pour lesquelles elle n’a pas été prévue (ATA/121/2005 du 8 mars 2005 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd. 1991, p. 507).

18. Pendant les mois de février à mars 2009, M. P______ n’a reçu, outre son traitement, qu’une indemnité de remplacement mensuelle de CHF 425.- pour l’activité déployée à la place de M. H______.

Aucune disposition du SPAM ne prévoit une telle situation. A l’appui de sa pratique, l’intimée invoque un extrait du procès-verbal du conseil administratif du 2 juillet 2003 selon lequel les remplacements d’une durée de plus d’un mois et demi doivent être examinés au cas par cas, sans plus de précision.

Ce mode de procéder, qui concerne également la manière de fixer l’indemnité de remplacement de trois jours à un mois et demi, ne repose ainsi sur aucune disposition légale ou statutaire et il a conduit en l’espèce à l’arbitraire le plus total, les qualités de l’intéressé ayant été exploitées sans être reconnues par le biais d’une rémunération adéquate et sans que l’indemnité de remplacement versée n’ait été adaptée au fil du temps, la ville n’ayant pas examiné ce cas en particulier.

L’application de cette recommandation a débouché en l’espèce sur une décision choquante dans son résultat, et partant arbitraire, raison pour laquelle la chambre de céans peut la contrôler. Ladite décision est également contraire au principe d’égalité de traitement et à l’interdiction de l’abus de droit, M. P______ devant être considéré - et rémunéré - comme l’était M. H______, soit en classe 19 de l’échelle des traitements, en bénéficiant d’une annuité dès 2009.

Dès mars 2005, M. P______ a assuré la gestion de la section sécurité et assisté M. H______ dans la direction et la coordination du secteur santé et sécurité, comprenant la section des assurances, celle des relations humaines ainsi que la formation santé et sécurité. Dès le 1er février 2008, il a remplacé complètement M. H______ jusqu'au 31 mars 2009 en effectuant toutes les tâches en relation avec la fonction de ce dernier.

Selon l’échelle des traitements 2008 et 2009, produite par la ville, le minimum de la classe 19 était en 2008 de CHF 112'450.- et en 2009 de CHF 119'341.- avec une annuité, sans éventuelle annuité extraordinaire. Le fait qu’à fin mai 2009, la société GFO ait considéré que le poste en question aurait dû être colloqué en classe 12 à 14 n’y change rien dès lors que l’intimée n’a pas allégué que la classe de traitement de M. H______ aurait été modifiée en ce sens.

En conséquence, l'intimée devra verser au recourant, pour la période du 1er février au 31 décembre 2008, un traitement correspondant à celui de la classe 19 annuité 0, et du 1er janvier au 31 mars 2009 à celui de la classe 19 annuité 1, avec intérêts à 5 % dès le 13 janvier 2010, date de la première demande, sous déduction du salaire et des indemnités de remplacement perçus durant ces périodes.

19. En application des mêmes principes, une classe de traitement supplémentaire - soit la classe 13 annuité 0 - aurait dû être octroyée à l'intéressé dès le 1er mars jusqu'au 31 décembre 2005, et la classe 13 annuité 1 pour l'année 2006, puis la classe 13 annuité 2 du 1er janvier au 30 juin 2007, le recourant demeurant au bénéfice de droits acquis concernant la classe 13 annuité 7 du 1er juillet au 31 décembre 2007. De ces montants devront être déduits également le salaire et les indemnités de remplacement encaissés du 1er mars 2005 au 31 décembre 2007.

Il est dès lors inutile de donner acte au recourant de sa renonciation, exprimée lors de l'audience de comparution personnelle des parties, à réclamer une indemnité de remplacement supplémentaire à celle qui lui a été versée pendant les mois de février et mars 2006.

Il appartiendra à l’intimée de chiffrer ces montants et d’en déduire les salaires et indemnités perçus durant les périodes correspondantes.

20. Enfin, concernant l’établissement du certificat de travail, force est d’admettre que les modifications proposées par le recourant correspondent aux tâches que celui-ci a réellement accomplies pendant la période considérée, de sorte que l’intimée sera priée d’établir un nouveau certificat de travail conforme à la proposition faite par M. P______ lors de l’audience de comparution personnelle, en respectant la procédure prévue à cet effet par l’art. 92 SPAM.

21. Le recours sera donc partiellement admis, M. P______ ne se voyant pas octroyer la classe 14 en 2005 et 2006. Il obtient cependant largement gain de cause, raison pour laquelle aucun émolument ne sera mis à sa charge. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera infligé à l'intimée. Cette dernière devra en outre verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 2'500.- (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2010 par Monsieur P______ contre la Ville de Genève ;

au fond :

l'admet partiellement ;

condamne la Ville de Genève à verser au recourant :

- du 1er mars au 31 décembre 2005 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 0 ;

- du 1er janvier au 31 décembre 2006 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 1 ;

- du 1er janvier au 30 juin 2007 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 2 ;

- du 1er juillet au 31 décembre 2007 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 7 ;

- du 1er au 31 janvier 2008 un traitement correspondant à la classe 13 annuité 8 ;

- du 1er février au 31 décembre 2008 un traitement correspondant à la classe 19 annuité 0 ;

- du 1er janvier au 31 mars 2009 un traitement correspondant à la classe 19 annuité 1 ;

le tout avec intérêts à 5 % dès le 13 janvier 2010, sous déduction du salaire et des indemnités de remplacement perçus durant ces périodes ;

met à la charge de la Ville de Genève un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à M. P______, à charge de la Ville de Genève, une indemnité de procédure de CHF 2'500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste:

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :