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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3293/2008

ATA/575/2009 du 10.11.2009 ( VG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ACTION PECUNIAIRE; FONCTIONNAIRE; EMPLOYÉ PUBLIC; LICENCIEMENT ADMINISTRATIF; RÉSILIATION; SALAIRE; DÉLAI DE RECOURS; RAPPORTS DE SERVICE; RAPPORTS DE SERVICE; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; RÉTROACTIVITÉ; RÉTROACTIVITÉ
Normes : LOJ.56A.al2 ; LOJ.56G.al1 ; LPA.4A
Résumé : irrecevabilité d'un action intentée contre la Ville de Genève par un employé licencié visant le paiement de prestations salariales (vacances non prises et heures supplémentaires). Depuis le 1er janvier 2009, les actions pécuniaires ne peuvent plus être intentées devant le Tribunal administratif que si elles se fondent sur l'existence d'un contrat de droit public. Les autres prétentions - notamment celles des fonctionnaires à l'égard de leur employeur - doivent faire l'objet d'une décision de l'autorité concernée avant qu'une voie de recours au Tribunal administratif ne soit ouverte.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3293/2008-VG ATA/575/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 10 novembre 2009

 

dans la cause

 

 

 

Monsieur R______
représenté par Me Mauro Poggia, avocat

contre

CONSEIL ADMINISTRATIF DE LA VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Monsieur R______, né en 1951, a été licencié par le Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : la Ville) le 24 août 2007, avec effet au 30 novembre 2007, en raison de la suppression de son poste de directeur de l'administration générale.

2. La validité de ce licenciement a été confirmée par le Tribunal administratif dans un arrêt du 31 mai 2008, lequel a entériné un report de 180 jours de l'échéance des rapports de service, admis par les parties, en raison d'une maladie de M. R______, survenue pendant le délai de congé (ATA/274/2008 du 27 mai 2008).

3. Postérieurement à cet arrêt, le 7 juin 2008, M. R______ a sollicité de son ex-employeur un nouveau report de ce délai.

Il avait été victime d'une blessure à la main, le 22 mars 2008, soit avant que ses rapports de service n'aient pris fin selon l'arrêt du Tribunal administratif. Cet événement avait entraîné une incapacité de travail à 100% pour cause d'accident dès le 8 avril 2008. La Ville avait été informée de cette circonstance le 7 avril 2008. Cet accident, survenu pendant le délai de congé, conduisait à une nouvelle suspension des délais de congé, reportant le terme de son contrat à une durée indéterminée.

4. Bien qu'il ait été connu avant que le tribunal de céans ne statue le 31 mai 2009, ce fait n'a pas été porté à la connaissance de cette juridiction.

5. En revanche, il a été soulevé devant le Tribunal fédéral, dans le recours en matière de droit public interjeté par M. R______ contre l'ATA précité.

6. Dans un courrier du 12 juin 2008, la Ville a admis le principe du cumul des périodes de protection et réservé sa position à la confirmation de l'incapacité de travail par son médecin-conseil.

7. Le 20 juin 2008, l'incapacité de travail de M. R______ a été réduite à 50%.

8. Dans sa séance du 16 juillet 2008, dont la teneur a été communiquée au recourant le 24 juillet 2008, le Conseil administratif est revenu sur sa position du 12 juin 2008 et a refusé d'entrer en matière sur la demande de report du délai de congé pour cause d'accident, considérant que celle-ci était constitutive d'un abus de droit. Il a néanmoins versé à M. R______ son salaire jusqu'au 30 juin 2008, avec les primes 2008 (13ème salaire au prorata de la durée des rapports de service et prime d'ancienneté).

9. Les 29 juillet et 8 août 2008, M. R______ a contesté cette position auprès de la Ville et maintenu ses prétentions.

10. Le 12 août 2008, l'intéressé a été considéré pleinement capable de travailler par son médecin traitant.

11. Se référant à l'arrêt du Tribunal administratif, la Ville a confirmé par lettre du 3 septembre 2008 à M. R______ qu'elle ne donnerait pas suite à ses demandes.

12. Le 12 septembre 2008, M. R______ a déposé un "recours" contre ce courrier auprès de la juridiction de céans. Il conclut à ce que sa sortie du personnel de la Ville soit fixée au 31 octobre 2008, en application des règles de suspension des délais de congé en cas d'accident survenu pendant l'une des périodes de protection.

13. Cette dernière date correspondait à l'ouverture des droits de M. R______ à la retraite anticipée.

14. Alors que la procédure était pendante devant le tribunal de céans, les parties ont tenté de trouver un accord.

15. Dans le cadre de ces échanges, la Ville a accepté, notamment, de conserver le recourant dans son personnel jusqu'au 31 octobre 2008, afin d'ouvrir ses droits à la retraite anticipée et de lui verser les prestations correspondantes (dernier salaire doublé et primes annuelles intégrales).

16. Cet arrangement accordant au recourant le plein des conclusions déposées devant le tribunal de céans, la Ville a prié cette juridiction de rayer la cause du rôle, ce à quoi le recourant s'est opposé, invoquant le fait que l'accord n'était pas encore exécuté.

17. Aux fins d'exécuter ladite convention, la Ville a envoyé au recourant un décompte de ce qu'elle considérait lui devoir.

Dès lors que M. R______ avait choisi de faire valoir ses droits à la retraite anticipée, ainsi qu'aux primes et prestations correspondantes, et que son délai de congé avait été reporté à cette fin, elle déduisait des sommes dues les trois mois de salaire versés au titre d'indemnité de licenciement pour suppression de poste.

18. Considérant qu'il avait droit non seulement à la prolongation des délais de congé et à la retraite anticipée, d'une part, mais également à l'indemnité pour suppression de poste, d'autre part, le recourant a refusé de retirer son recours et a demandé au tribunal de céans un délai pour "compléter ses écritures", le 23 février 2009.

19. Dans un courrier daté du 16 mars 2009, intitulé "conclusions complémentaires", le recourant a demandé au tribunal de céans de constater que les conclusions de son acte du 12 septembre 2008 sont devenues sans objet et, parallèlement, de condamner la Ville à lui payer CHF 19'521,70 au titre de prestations statutaires de mise à la retraite, CHF 5'590,50 de complément d'indemnité de licenciement et CHF 164'498.- d'indemnité pour heures supplémentaires et vacances non prises, avec intérêt à 5% dès le 1er novembre 2008.

20. La Ville a répondu le 29 avril 2009. Elle a conclu à ce que le recours du 12 septembre 2008 soit rayé du rôle et à ce que les conclusions "complémentaires" du 16 mars 2009 soient déclarées irrecevables.

Le recours du 12 septembre 2008 avait perdu tout objet. Les conclusions du 16 mars 2009 constituaient une action pécuniaire. Cette action était subsidiaire au recours. A ce titre, elle était irrecevable s'agissant en tout cas des deux premières demandes (prestations statutaires de mise à la retraite et complément d'indemnité de licenciement). Les vacances et heures supplémentaires pouvaient formellement faire l'objet d'une telle action, mais la demande y relative était parfaitement infondée.

21. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La recevabilité des actes déposés par le recourant par devant le Tribunal administratif les 12 septembre 2008 et 16 mars 2009 doit être examinée séparément.

En effet, les conclusions du 16 mars 2009 seraient d'emblée irrecevables si elles étaient considérées comme des écritures "complémentaires" au recours du 12 septembre 2008, car elles sortent entièrement du cadre de la "décision" attaquée - si tant est qu'il s'agisse d'une décision (ATA/503/2009 du 6 octobre 2009) et sont nouvelles par rapport à celles, déposées dans le délai de recours, qui ont créé le lien d'instance (ATA/192/2009 du 21 avril 2009).

Recours du 12 septembre 2008 :

2. Dans cet acte, le recourant conclut à ce que le terme du délai de congé soit fixé au 31 octobre 2008, ce que la Ville lui a finalement accordé, non en raison de son accident, mais pour lui permettre de bénéficier de la retraite anticipée.

Le dépôt de cet acte pose plusieurs questions de recevabilité qui peuvent souffrir de rester ouvertes, ce "recours" ayant perdu tout objet aux dires du recourant lui-même, qui conclut expressément, dans ses écritures "complémentaires" du 16 mars 2009, à ce que ce point soit constaté.

Ce "recours" sera donc déclaré sans objet.

"Conclusions complémentaires" du 16 mars 2009 :

3. Dans cet acte, le recourant conclut à ce que la Ville soit condamnée au paiement de différentes sommes d'argent découlant des rapports de services. Ces conclusions ont été formées pour la première fois devant le tribunal de céans ; elles n'ont fait l'objet d'aucune procédure préalable. Elles n'ont pas été soulevées dans le cadre de la procédure de licenciement et n'ont donné lieu à aucune décision sujette à recours.

Cette façon de procéder se calque sur l'action pécuniaire qui prévalait sous le droit en vigueur avant le 1er janvier 2009. En effet, jusqu'à cette date, le fonctionnaire licencié devait faire valoir directement, par la voie de l'action devant le Tribunal administratif, les prétentions découlant de ses rapports de service qui ne pouvaient faire l'objet d'une décision sujette à recours (salaire, indemnités pour heures supplémentaires ou vacances non prises, etc. ; art. 56G de l'ancienne loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ - en relation avec les art. 56B al. 4 let. a et 56A al. 2 de ladite loi ; ATA/291/2009 du 16 juin 2009 consid. 6 et références citées ; ATA/460/2007 du 18 juillet 2007 consid. 4 ; ATA/848/2005 du 13 décembre 2005).

Cette situation a changé avec l'entrée en vigueur le 1er janvier 2009 de la loi du 18 septembre 2008 modifiant l'art. 56G de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05). Désormais, en application de cette novelle, le fonctionnaire ne peut plus intenter une action pécuniaire pour des prétentions fondées sur les rapports de service. Il doit formuler ses prétentions auprès de l'autorité qui, selon lui, viole ses droits (art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). L'autorité ouvre alors une procédure, qui est régie par la LPA. Après avoir instruit la cause, l'autorité concernée prend une décision sujette à recours. L'ouverture de cette voie de recours est le pendant de la restriction apportée au champ d'application de l'art. 56G LOJ, qui réserve désormais l'action pécuniaire aux seules prétentions fondées sur des contrats de droit public ("exposé des motifs du Conseil d'Etat à l'appui du PL 10253, p. 49 in : Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève [En ligne], Séance 42 du 22 mai 2008 à 17h00, disponible sur : http://www.ge.ch/grandconseil/data/texte/PL10253.pdf, [consulté le 28 octobre 2009]).

En l'espèce, l'action pécuniaire du recourant a été déposée le 16 mars 2009, soit après l'entrée en vigueur de la loi. L'art. 56G LOJ est donc applicable dans sa nouvelle teneur.

Partant, l'action est irrecevable.

4. La cause sera transmise à la Ville de Genève pour qu'elle instruise cette demande et statue par une décision sujette à recours (art. 11 al. 3 LPA ; ATA/553/2009 et ATA/555/2009 du 3 novembre 2009).

5. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à la Ville de Genève qui dispose de son propre service juridique pour assurer sa défense (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/486/2009 du 29 septembre 2009 ; ATA/312/2004 du 20 avril 2004).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

dit que le recours interjeté le 12 septembre 2008 par Monsieur R______ contre la lettre de la Ville de Genève du 3 septembre 2008 est devenu sans objet ;

déclare irrecevable l'action pécuniaire déposée par M. R______ le 16 mars 2009 ;

la transmet, pour raison de compétence, à la Ville de Genève ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu'il ne sera pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les articles 113 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mauro Poggia, avocat de M. R______, ainsi qu'au Conseil administratif de la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :