Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2075/2008

ATA/574/2009 du 10.11.2009 sur DCCR/212/2009 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : ; REGROUPEMENT FAMILIAL ; RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; ABUS DE DROIT ; ARBITRAIRE DANS L'APPLICATION DU DROIT ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CEDH.8 ; LFSEE.17.al2 ; OLE.13.letf ; Cst.9
Résumé : Recours admis. Le recourant, qui entretient une relation étroite et effective avec ses enfants bénéficiant d'un droit de résider en Suisse, peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Le fait que les autorités fédérales ne l'aient pas soustrait aux mesures de limitation en vertu de l'art. 13 let. f OLE, n'exclut pas la possibilité de lui accorder un permis au titre de l'art. 8 CEDH. Le principe de la confiance et l'interdiction de l'abus de droit commandent, compte tenu de la particularité du cas d'espèce, de tenir compte de l'âge des enfants au moment du dépôt de la demande.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2075/2008-PE ATA/574/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 10 novembre 2009

 

dans la cause

 

 

 

Monsieur S______ représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 24 février 2009 (DCCR/212/2009)


EN FAIT

1. Monsieur S______, né en 1960 domicilié au Grand-Lancy, est ressortissant de Colombie.

2. Le 28 septembre 1998, il a été interpellé par la gendarmerie alors qu'il conduisait en état d'ébriété. Lors de son audition, il a indiqué qu'il se trouvait en Suisse depuis deux mois et demi, qu'il était célibataire et père de trois enfants. Les deux aînés vivaient à Genève avec leur mère, laquelle avait épousé un ressortissant portugais établi en Suisse. Son troisième enfant se trouvait en Colombie avec sa mère.

3. Par ordonnance de condamnation du 17 octobre 1998, M. S______ a été reconnu coupable de conduite en état d'ébriété, de violation des règles de la circulation routière et d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (ci-après : LSEE). Pour ces faits, le juge d'instruction l'a condamné à la peine de trente jours d'emprisonnement, avec sursis pendant trois ans, et a prononcé son expulsion ferme du territoire suisse pour une durée de cinq ans.

4. En date du 17 février 2004, M. S______ a sollicité, auprès de l'office cantonal de la population (ci-après : OCP), une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, fondée sur l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Il affirmait être arrivé en Suisse avec sa compagne, Madame R______, en janvier 1994. A la fin de l'année 1995, il s'était séparé de cette dernière qui, au mois de novembre 1996, avait épousé un ressortissant portugais établi à Genève. En décembre 1996, ses deux enfants, A______, né en 1989 et J______, né en 1990, étaient venus vivre en Suisse auprès de leur mère. Mme R______ et leurs deux enfants étaient titulaires d'une autorisation d'établissement. Ces derniers étaient régulièrement scolarisés à Genève et entretenaient des relations personnelles étroites avec leur père, qui les voyait tous les week-end et leur versait une pension alimentaire. M. S______ travaillait comme "homme à tout faire" et était financièrement autonome.

5. A la demande de l'OCP, M. S______ a confirmé, par un courrier du 1er juin 2004, qu'il avait effectivement eu connaissance de l'expulsion judiciaire prononcée à son encontre, mais qu'il avait été dans l'impossibilité de la respecter. Ses enfants étaient alors âgés de 8 et 9 ans et il ne pouvait pas les laisser en Suisse aux seuls soins de leur mère. Sa présence leur était indispensable et il ne pouvait contribuer à leur entretien qu'en travaillant en Suisse.

Depuis son arrivée à Genève en 1994, il ne s'était déplacé qu'une seule fois hors de Suisse, soit du 17 octobre au 19 novembre 1998, à destination de la Colombie.

6. En date du 20 juillet 2004, l'intéressé a été entendu par l'OCP.

En Colombie, il avait travaillé comme chauffeur de camion pour le compte de sa famille. Il y vivait bien, mais avec peu de moyens. En 1994, il était venu en Suisse avec Mme R______ et avait travaillé dans une entreprise de nettoyages.

Ses enfants étaient arrivés en Suisse en décembre 1996. Avant cette date, il leur avait périodiquement envoyé de l'argent et avait maintenu avec eux des contacts téléphoniques réguliers. Il habitait désormais dans le même immeuble que ses fils et il les voyait autant que possible.

En octobre 1998, suite au prononcé de son expulsion judiciaire, il était parti en Colombie. A son retour en Suisse un mois plus tard, il s'était rendu à Lausanne où il avait travaillé comme "homme à tout faire" auprès d'une personne âgée. Celle-ci lui versait un salaire mensuel de CHF 2'700.-, ainsi qu'un montant de CHF 200.- pour ses frais de déplacement. En parallèle, il effectuait des dépannages informatiques et touchait, pour cette activité, une somme hebdomadaire d'environ CHF 300.-.

Dans son pays d'origine vivaient encore sa mère et sa fille, M______, âgée de 10 ans. Il conservait avec elles des contacts réguliers et subvenait à leurs besoins. Il avait deux frères, l'un domicilié en Colombie et l'autre séjournant illégalement en France, ainsi que deux demi-soeurs qui se trouvaient en situation irrégulière en Suisse.

Il avait vécu en Suisse pendant dix ans et s'y sentait bien intégré, tant sur le plan social que professionnel. Il s'occupait énormément de ses deux enfants et ne pouvait imaginer devoir les quitter. S'agissant de sa fille M______, elle n'était pas encore née lorsqu'il avait quitté la Colombie en 1994. Il entretenait avec elle des contacts réguliers, mais ne l'avait vue qu'une seule fois, en octobre 1998.

7. Dans le cadre de l'examen de la requête présentée par M. S______, l'OCP a requis et obtenu les pièces suivantes :

une attestation du centre d'information et de documentation de la police, datée du 12 août 2004, confirmant que M. S______ était inconnu de ses services ;

une attestation de l'office des poursuites datée du 17 août 2004, dont il est ressorti qu'aucune poursuite n'était en cours contre l'intéressé ;

une attestation de l'Hospice général du 23 août 2004, confirmant que M. S______ n'avait jamais bénéficié de prestations d'aide financière ;

un courrier du 1er octobre 2004, signé par Mme R______, par lequel elle affirmait que M. S______ avait officiellement reconnu ses fils, qu'il les aimait, qu'il versait régulièrement une contribution mensuelle de CHF 600.- pour leur entretien et qu'il assumait entièrement leurs frais vestimentaires. M. S______ habitait dans le même immeuble que ses fils et ils se voyaient autant qu'ils le voulaient. Ils se téléphonaient tous les jours et, en fin de semaine, ils faisaient du sport et du camping ensemble ;

une attestation établie par le responsable du personnel de l'entreprise de nettoyages Multi entretiens services, mentionnant que l'intéressé avait été employé de juin 1994 à juin 1998 à leur entière satisfaction ;

un courrier de Mme P______, âgée de 89 ans, domiciliée à Buchillon (VD), confirmant que pour éviter son placement en EMS, elle avait engagé M. S______ à son service, qu'il était nourri, salarié et au bénéfice d'une assurance couvrant la maladie et les accidents.

8. En date du 25 janvier 2005, Mme P______ a déposé, auprès de l'OCP et en faveur de M. S______, une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative.

9. Par courrier du 31 janvier 2005, l'OCP a informé M. S______ qu'il était disposé à soumettre sa demande à l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM), avec un préavis favorable quant à l'octroi d'une autorisation de séjour en application de l'art. 13 let. f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE).

10. Par décision du 30 septembre 2005, l'ODM a refusé d'accorder à M. S______ une exception aux mesures de limitation au sens de l'art. 13 let. f OLE.

L'intéressé ne se trouvait pas dans une situation d'extrême gravité, au sens de l'article précité, à laquelle il n'était possible de remédier que par l'octroi d'une autorisation de séjour. Quant à ses enfants, titulaires d'une autorisation d'établissement, ils vivaient auprès de leur mère. La relation vécue avec ses fils, bien que digne de protection au sens de l'art. 8 CEDH, n'était pas aussi forte qu'en cas de communauté de vie et pouvait ainsi être entretenue depuis la Colombie.

11. Le 25 octobre 2005, Mme R______ et M. S______ ont signé une convention par-devant le service de protection de la jeunesse stipulant que, à leur demande et à celle de leur fils J______, âgé de 15 ans, celui-ci passerait la semaine au domicile de son père et les fins de semaine au domicile de sa mère.

12. Par acte du 4 novembre 2005, M. S______ a recouru contre la décision de l'ODM du 30 septembre 2005 auprès du département fédéral de justice et police, dont les compétences en matière de traitement des recours ont été reprises, depuis le 1er janvier 2007, par le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF).

Il avait sollicité l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Or, dans sa décision du 30 septembre 2005, l'ODM avait délibérément écarté l'application des dispositions relatives au regroupement familial, soit les art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH, au motif que la relation qu'il entretenait avec ses enfants n'était pas assez forte. L'ODM s'était contenté de procéder à un examen des conditions d'octroi d'une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers, ce qu'il estimait inadmissible.

Le refus de lui octroyer une autorisation de séjour constituait une atteinte à l'art. 8 par. 1 CEDH puisqu'il était purement illusoire, au vu du coût et des distances, d'imaginer qu'un droit de visite puisse s'exercer depuis la Colombie.

Il concluait à l'obtention d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial et, à défaut, à l'octroi d'une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers.

13. Par arrêt C-283/2006 du 25 octobre 2007, le TAF a rejeté le recours précité au motif que M. S______ ne se trouvait pas dans une situation d'extrême gravité au sens de l'art. 13 let. f OLE.

La compétence pour accorder une autorisation de séjour appartenait aux seules autorités cantonales et la procédure devant le TAF ne concernait que l'assujettissement aux mesures de limitation du nombre des étrangers. M. S______ n'était donc pas fondé, dans le cadre de ce litige, à réclamer l'octroi d'un titre de séjour sur la base de l'art. 17 al. 2 LSEE. Au demeurant, il ne pouvait revendiquer l'application de cette disposition n'étant pas, lui-même, titulaire d'une autorisation d'établissement.

Il était en droit de se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, car ses fils disposaient d'un droit de présence durable en Suisse et ils entretenaient des relations étroites et effectives. Cette disposition n'avait toutefois pas de portée directe dans la procédure relative à l'assujettissement aux mesures de limitation. Ainsi, le fait qu'il puisse se prévaloir du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'impliquait pas nécessairement qu'il fût soustrait aux mesures de limitation en vertu de l'art. 13 let. f OLE. Les critères découlant de l'art. 8 CEDH pouvaient cependant être pris en considération pour examiner si l'on était en présence d'un cas personnel d'extrême gravité.

 

A cet égard, le TAF a estimé que les motifs liés à la présence en Suisse des enfants de M. S______ n'étaient pas de nature à justifier l'octroi d'une autorisation de séjour au sens de l'art. 13 let. f OLE. En effet, A______, né le Y______, était entre-temps devenu majeur, si bien qu'il ne pouvait plus revendiquer, à l'égard de son père, la protection des relations visées par l'art. 8 par. 1 CEDH. Quant à J______, né le Z______ et encore mineur, l'intensité de ses relations avec son père devait être relativisée dès lors que sa mère - qui exerçait la garde et l'autorité parentale - vivait en communauté conjugale avec un autre homme. Le fait que le droit de visite exercé sur J______ ait été étendu par convention du 25 octobre 2005 ne modifiait pas cette analyse. De plus, cet enfant était âgé de 17 ans et ses relations avec son père allaient, par la force des choses, se distendre. Enfin, s'il était indéniable qu'un retour en Colombie rendrait l'exercice du droit de visite plus difficile et onéreux, cette circonstance ne suffisait pas, à elle seule, à faire admettre l'existence d'un cas personnel d'extrême gravité.

Le TAF a également relevé que l'intégration socio-professionnelle de M. S______ ne revêtait aucun caractère exceptionnel, qu'il ne s'était pas créé avec la Suisse des liens à ce point profonds et durables et que son comportement n'avait pas été exempt de tout reproche, puisqu'il avait donné lieu à une condamnation pénale. L'intéressé avait passé la majeure partie de son existence en Colombie, où il conservait des attaches familiales et sociales étroites. De plus, un retour dans son pays lui permettrait de s'occuper de sa fille M______ qui, au vu de son âge (13 ans), nécessitait la présence de son père tout autant, si ce n'est plus, que J______.

14. Par courrier recommandé du 22 janvier 2008, l'OCP a imparti à M. S______ un délai au 15 avril 2008 pour quitter le territoire du canton.

15. Par lettre du 6 février 2008, l'ODM a informé M. S______ qu'il avait l'intention d'étendre la décision cantonale de renvoi à tout le territoire de la Confédération.

16. Le même jour, l'intéressé s'est adressé à l'OCP en relevant que si le TAF avait confirmé le refus d'une exception aux mesures de limitation, il ne s'était toutefois pas prononcé sur la question de l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Or, c'était bien ce type d'autorisation qu'il avait requis le 17 février 2004. Partant, l'OCP lui avait fixé à tort un délai de départ alors qu'il lui appartenait, au contraire, de statuer sur cette demande.

17. Le 11 mars 2008, l'OCP a informé M. S______ qu'il annulait le délai de départ imparti et procédait à un nouvel examen de son dossier.

18. Par décision du 6 mai 2008, l'OCP a rejeté la demande de M. S______ et refusé de lui octroyer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.

L'art. 8 CEDH n'avait pas de portée directe dans la procédure relative à l'assujettissement aux mesures de limitation. Les critères découlant de cette disposition conventionnelle avaient été pris en considération dans le cadre de l'examen du cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 let. f OLE. L'OCP avait émis un préavis favorable quant à l'octroi d'un permis fondé sur cette disposition. L'ODM et le TAF avaient examiné cette question et s'étaient définitivement prononcés sur ce point.

Pour trouver application, l'art. 17 al. 2 LSEE, dont les termes avaient été repris par l'art. 43 de la nouvelle loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), supposait l'existence d'un lien conjugal. Or, M. S______ n'étant pas marié avec la mère de ses enfants : il ne pouvait invoquer cette disposition légale et réclamer l'octroi d'une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial.

Un délai au 31 juillet 2008 lui était imparti pour quitter la Suisse.

19. Par acte du 6 juin 2008, M. S______ a recouru contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours de police des étrangers, devenue depuis le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA). Il concluait à l'annulation de la décision de l'OCP du 6 mai 2008 et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Selon l'art. 17 al. 2 LSEE - dont les termes avaient été repris par l'art. 43 LEtr - en cas de dissolution de la famille, le droit au séjour des membres étrangers de titulaires d'une autorisation d'établissement subsistait en raison d'une intégration poussée des personnes concernées ou pour des raisons personnelles majeures.

Par ailleurs, et dans la mesure où la décision attaquée avait des incidences sur la relation avec ses fils, il se prévalait de l'art. 8 par. 1 CEDH qui garantissait la protection de la vie familiale. Conformément à la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral, l'art. 8 CEDH s'appliquait également lorsqu'un étranger pouvait faire valoir une relation intacte avec son enfant bénéficiant du droit de résider en Suisse, même si ce dernier n'était pas placé sous son autorité parentale ou sous sa garde.

A cet égard, il rappelait qu'il était titulaire d'un large droit de visite sur A______ et que J______ vivait auprès de lui durant la semaine. L'exercice régulier et fréquent de son droit de visite, ainsi que sa contribution aux frais d'entretien, constituaient des éléments suffisants pour démontrer l'existence d'une vie familiale et d'une relation étroite et effective. En outre, au moment du dépôt de sa demande en février 2004, ses deux fils étaient mineurs et pouvaient donc valablement revendiquer, à l'égard de leur père, la protection des relations visées à l'art. 8 par. 1 CEDH.

Enfin, cela faisait plus de dix ans qu'il entretenait une relation étroite avec ses fils et il était insoutenable de l'obliger à vivre séparé d'eux. Le refus d'octroi d'une autorisation de séjour constituait à l'évidence une atteinte à l'art. 8 par. 1 CEDH, l'exercice de son droit de visite étant, en cas de renvoi en Colombie, fortement compromis par les coûts et les distances.

20. Le 31 juillet 2008, l’OCP a relevé que les arguments du recourant n'étaient pas de nature à modifier sa position.

21. Le 24 février 2009, la CCRA a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

Dans sa demande du 17 février 2004, M. S______ invoquait essentiellement le regroupement familial. Il ne connaissait pas la date de naissance exacte de sa fille, avec laquelle il n'avait plus de contacts. Celle-ci allait avoir 15 ans et vivait désormais en Espagne avec sa mère. Son fils aîné, A______, préparait une maturité professionnelle à Genève. Dans ce cadre, il réalisait un stage et percevait un salaire mensuel de CHF 1'200.-. Son autre fils, J______, effectuait un apprentissage en ferblanterie, à Genève également. Depuis une année, sa mère et son frère s'étaient établis en Floride.

Au cours de l'audience, M. S______ a produit une lettre de Mme R______ datée du 22 février 2009, adressée à l'OCP, une lettre de ses deux fils datée du même jour, adressée à l'OCP, et une attestation établie par Mme P______.

Mme R______ certifiait que J______ vivait avec son père depuis plus de 3 ans et que le logement de M. S______ se trouvait dans le même immeuble que le sien. J______ s'était installé chez son père, car il entretenait une relation conflictuelle avec son beau-père et cette situation était devenue difficile à vivre pour l'ensemble de la famille. Tous les frais concernant J______ étaient pris en charge par M. S______ qui, au demeurant, versait une contribution mensuelle de CHF 600.- pour l'entretien de A______.

M. S______ avait toujours entretenu une relation profonde avec ses fils. Ils étaient très complices et partageaient les mêmes intérêts. Elle était consciente que ses enfants étaient désormais majeurs et qu'ils montraient les premiers signes d'indépendance. Néanmoins, cela ne justifiait pas de leur enlever leur père. J______ et A______ étaient de jeunes adultes encore en formation, qui avaient besoin d'être suivis et soutenus par leurs deux parents.

Dans leur lettre du 22 février 2009, J______ et A______ ont déclaré qu'ils aimaient leur père, qu'il faisait partie de leur vie et qu'ils avaient besoin de lui. Ce dernier avait toujours été présent et fait en sorte qu'ils ne manquent de rien. Pour eux, leur père était un ami, un confident, un conseiller, un guide. Ils partageaient avec lui les mêmes intérêts, les mêmes loisirs. Ils avaient acquis la nationalité suisse et n'envisageaient pas de retourner en Colombie, leurs projets d'études et d'avenir étant en Suisse. Si leur père devait retourner en Colombie, ils ne pourraient plus vivre autant de bons moments avec lui et devraient se contenter d'une relation purement virtuelle, entretenue par le biais du téléphone ou d'internet.

Mme P______ a attesté, le 23 février 2009, employer M. S______ depuis mars 1999, comme homme à tout faire, pour un salaire mensuel de CHF 2'700.-.

22. Par décision du 24 février 2009, expédiée aux parties le 12 mars 2009, la CCRA a rejeté le recours.

L'application de l'art. 17 al. 2 LSEE supposait l'existence d'un lien conjugal. M. S______ n'ayant jamais été marié avec la mère de ses enfants, il ne pouvait se prévaloir de cette disposition légale.

Quant à l'art. 8 CEDH, il s'appliquait avant tout aux relations entre époux, ainsi qu'aux relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. Les enfants majeurs ne pouvaient pas se prévaloir de cette disposition conventionnelle vis-à-vis de leurs parents ayant le droit de résider en Suisse (et vice versa), à moins de se trouver, envers eux, dans un rapport de dépendance particulier en raison d'un handicap ou d'une maladie grave les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome. Les conditions d'application de l'art. 8 CEDH n'étaient manifestement pas réalisées, puisque les deux fils de M. S______ étaient majeurs et ne se trouvaient dans aucun rapport de dépendance particulier avec leur père.

23. L'intéressé a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, par acte du 14 avril 2009, en concluant à la restitution de l'effet suspensif, à l'annulation de la décision de la CCRA du 24 février 2009 et au renvoi de la cause à l'OCP pour nouvelle décision.

La décision entreprise méconnaissait gravement la jurisprudence récente rendue en matière de police des étrangers. Elle violait le droit fédéral et résultait d'un abus de droit, ainsi que d'une violation du principe de la bonne foi de l'administration.

Selon la jurisprudence, l'art. 8 CEDH s'appliquait également lorsqu'un étranger pouvait faire valoir une relation intacte avec son enfant bénéficiant du droit de résider en Suisse, même si ce dernier n'était pas placé sous son autorité parentale ou sous sa garde. Or, dans sa décision du 6 mai 2008, l'OCP s'était contenté d'examiner l'application de l'art. 17 al. 2 LSEE, sans analyser ni se prononcer sur l'art. 8 CEDH.

De plus, la demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial avait été déposée en février 2004, soit à une époque où les enfants de M. S______ étaient âgés de 13 et 15 ans. Il était inadmissible de rejeter cette requête au motif que les enfants étaient devenus majeurs entre-temps, alors que le retard pris dans l'examen du cas était seul imputable aux autorités. Cette manière de faire était contraire aux principes de la bonne foi et de la confiance et constitutive d'un abus de droit. M. S______ ne sachant être tenu pour responsable de la lenteur des autorités administratives, les conditions relatives au regroupement familial devaient ainsi s'apprécier au regard de la situation qui prévalait en février 2004, soit au moment du dépôt de la requête.

24. Dans sa détermination du 3 juin 2009, l'OCP s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif relevant, au demeurant, que la voie à suivre était celle des mesures provisionnelles qui devaient, en tout état, être refusées.

25. Le 4 juin 2009, l'OCP a encore indiqué que les arguments invoqués dans le recours n'étaient pas de nature à modifier sa position et rappelé que l'application de l'art. 8 CEDH avait déjà été examinée, tant par l'ODM que par le TAF.

26. Par décision du 18 juin 2009 (ATA/302/2009), la présidente du Tribunal administratif a rejeté la requête de mesures provisionnelles du 14 avril 2009 et fixé un délai à l'OCP, au 30 juin 2009, pour se déterminer sur le fond du litige.

27. Dans ses observations du 26 juin 2009, l’OCP a proposé le rejet du recours.

L'art. 17 LSEE ne donnait pas, au parent d'un enfant se trouvant en Suisse, le droit de le rejoindre. De plus, cette disposition supposait l'existence d'un lien conjugal. M. S______ n'ayant jamais été marié avec la mère de ses enfants, il ne pouvait donc pas s'en prévaloir.

Les critères de l'art. 8 CEDH, garantissant le respect de la vie privée et familiale, avaient été repris et concrétisés au chiffre 556.2 des directives LSEE. C'était sur la base de ces directives, en tenant compte du statut des enfants, ainsi que des relations qu'ils entretenaient avec leur père, que l'OCP avait émis un préavis favorable à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur l'art. 13 let f. OLE. L'ODM et le TAF avaient refusé d'approuver l'octroi de ce type de permis, non sans avoir examiné la question de l'application de l'art. 8 CEDH.

Enfin, et conformément à la jurisprudence en vigueur, les autorités saisies d'un recours fondé sur l'art. 8 CEDH étaient tenues de se baser sur les faits qui prévalaient au moment où elles statuaient. Les fils de M. S______ étant désormais majeurs, et ne se trouvant dans aucun rapport de dépendance particulier avec leur père, les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en application de l'art. 8 CEDH n'étaient manifestement pas réalisées.

28. Le 14 juillet 2009, M. S______ a répondu aux observations de l'OCP.

Les conditions relatives au regroupement familial devaient être appréciées au regard de la situation régnant en février 2004. En effet, de jurisprudence constante, il était établi que le moment déterminant pour examiner la recevabilité d'un recours formé sous l'angle de l'art. 17 al. 2 LSEE, était celui du dépôt de la requête.

Il se référait par ailleurs à une jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007) pour démontrer que, dans un contexte particulier, la Haute cour avait déjà eu l'occasion d'accorder un regroupement familial à des enfants majeurs.

29. Le même jour, M. S______ a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière de droit public, dirigé contre la décision sur mesures provisionnelles rendue par le Tribunal administratif (ATA/302/2009).

30. Dans son arrêt du 10 septembre 2009, le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable. M. S______ ne pouvait valablement invoquer ni l'art. 8 CEDH, ni l'art. 17 al. 2 LSEE - aux fins d'en déduire un droit à une autorisation de séjour - de sorte que les conditions de recevabilité du recours en matière de droit public n'étaient pas remplies.

31. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2009, le Tribunal administratif connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre des décisions de la CCRA en matière de police des étrangers (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 25 avril 2008 - LaLEtr - F 2 10).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La LSEE a été abrogée par l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la LEtr. Selon l’art. 126 al. 1 LEtr, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sont régies par l’ancien droit, à savoir la LSEE, ainsi que les divers règlements et ordonnances y relatifs, notamment le règlement de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 1er mars 1949 (RSEE) et l'OLE.

Le présent litige porte sur une demande d'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial qui, datant du 17 février 2004, est soumise à l’ancien droit.

3. Le recourant considère que l'art. 17 al. 2 LSEE lui confère un droit à une autorisation de séjour, au titre du regroupement familial.

4. a. Selon l'art. 17 al. 2 LSEE, si l'étranger possède l’autorisation d’établissement, son conjoint a droit à l’autorisation de séjour aussi longtemps que les époux vivent ensemble. Après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, le conjoint a lui aussi droit à l’autorisation d’établissement. Les enfants célibataires âgés de moins de 18 ans ont le droit d’être inclus dans l’autorisation d’établissement aussi longtemps qu’ils vivent auprès de leurs parents. Ces droits s’éteignent si l’ayant droit a enfreint l’ordre public.

b. Les droits découlant de l'art. 17 al. 2 LSEE n’existent que si l'un des conjoints est titulaire d'une autorisation d'établissement et si les époux font ménage commun ; l'objectif visé par le législateur étant de permettre aux conjoints de vivre ensemble. L'art. 17 al. 2, 3ème phrase LSEE, quant à lui, a pour but de permettre à l'ensemble de la famille, parents et enfants, de se rejoindre et de vivre en commun. Il vise donc avant tout le cas où la relation entre les parents est intacte. En cas de vie séparée, de iure ou de facto, des parents, le droit au regroupement familial n'est en principe pas reconnu (ATF 127 II 60 consid. 1c p. 63/64 ; 126 II 329 ; 118 Ib 153 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2A.379/2003 du 6 avril 2004 consid. 3.1 ; 2A.364/1999 du 6 janvier 2000 consid. 5a).

c. Selon la lettre de l'art. 17 al. 2 LSEE, les bénéficiaires du droit au regroupement familial sont le conjoint étranger d'un étranger établi et les enfants célibataires âgés de moins de 18 ans qui vivent auprès d'eux.

d. Bien que la notion de conjoint n'ait pas été explicitée dans le message du Conseil fédéral (FF 1987 III 311 et ss.), celle-ci ne souffre d'aucune équivoque. L'exigence du mariage est en effet une condition nécessaire à l'application de l'art. 17 al. 2 LSEE. Le Tribunal fédéral est clair sur l'exigence formelle du mariage pour que le conjoint puisse bénéficier d'un droit au permis. Si le mariage n'a pas encore été célébré, le droit au permis de séjour n'existe tout simplement pas. L'exclusion du champ de l'art. 17 al. 2 LSEE des concubins et des fiancés ne fait aucun doute (Ph. GRANT, La protection de la vie familiale et de la vie privée en droit des étrangers, 2000, p. 144 à 146).

e. En outre, si l'art. 17 al. 2, 3ème phrase LSEE ouvre un droit au regroupement familial aux enfants célibataires âgés de moins de 18 ans vivant auprès de leurs parents, il ne confère nullement au parent d'un enfant se trouvant en Suisse le droit de rejoindre celui-ci (ATF 122 II 289 consid 1.c. p. 292 ; M. S. NGUYEN, Droit public des étrangers, 2003, p. 283 ; Ph. GRANT, op. cit., p. 149).

En l'occurrence, le recourant n'a jamais été marié avec la mère de ses enfants. L'exigence du mariage étant une condition nécessaire à l'application de l'art. 17 al. 2 LSEE, il ne saurait déduire un droit au regroupement familial de cette disposition. De même, l'art. 17 al. 2 LSEE ne conférant pas à un parent le droit de vivre auprès de ses enfants établis en Suisse, le recourant ne peut se prévaloir du statut de ses fils pour bénéficier des droits découlant de cette disposition.

C'est donc à tort que le recourant se prévaut de l'art. 17 al. 2 LSEE pour solliciter l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.

5. A l'appui de sa demande du 14 février 2004, le recourant invoque l'art. 8 CEDH et fonde son droit à une autorisation de séjour sur cette disposition conventionnelle.

6. a. L'art. 8 par. 1 CEDH dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

b. Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de la disposition conventionnelle précitée, pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse soit étroite et effective (ATF 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_338/2008 du 22 août 2008 consid. d). Les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux, ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 120 Ib 257 consid. 1d).

c. Selon la jurisprudence, l'art. 8 CEDH s'applique lorsqu'un étranger peut faire valoir une relation intacte avec son enfant bénéficiant du droit de résider en Suisse, même si ce dernier n'est pas placé sous son autorité parentale ou sous sa garde du point de vue du droit de la famille (ACEDH du 21 juin 1988 en la cause Berrehab, série A, vol. 138, p. 14 § 21 ; ATF 120 Ib 1 consid. 1d p. 3 ; 119 Ib 81 consid. 1c p. 84 ; 118 Ib 153 consid. 1c p. 157 ; 115 Ib 97 consid. 2e p. 99). Ainsi, l'étranger disposant d'un droit de visite sur son enfant qui bénéficie d'un droit de présence en Suisse et y vit peut se prévaloir de la garantie de l'art. 8 CEDH pour autant qu'il entretienne avec cet enfant une relation affective et économique d'une intensité particulière, que la distance entre son pays d'origine et la Suisse rende purement théorique l'exercice de son droit de visite et qu'il ait eu un comportement irréprochable (ATF 120 Ib 1 consid. 3c p. 5 ; 120 Ib 22 consid. 4a p. 25 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2A.212/2003 du 10 septembre 2003 consid. 3.1 ; 2A.563/2002 du 23 mai 2003 consid. 2.2).

En l'occurrence, en février 2004, soit au moment du dépôt de la demande d'autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH, les deux fils du recourant - qui disposent d'un droit de présence durable en Suisse - étaient respectivement âgés de 13 et 15 ans. A cette époque, l'intéressé entretenait avec ceux-ci une relation affective et économique d'une intensité particulière. Il habitait dans le même immeuble que ses enfants et exerçait son droit de visite de manière régulière et étendue depuis 1996, date à laquelle, ils étaient venus d'établir en Suisse. De plus, il versait une contribution mensuelle de CHF 600.- pour leur entretien et assumait entièrement leurs frais vestimentaires. Selon les déclarations de Mme R______ du 1er octobre 2004, ses fils maintenaient des contacts quotidiens avec leur père et, en fin de semaine, il faisaient du sport et du camping ensemble.

Dans ces circonstances, le recourant était parfaitement légitimé à fonder sa demande d'autorisation de séjour sur l'art. 8 CEDH et à se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de cette disposition conventionnelle pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Cette appréciation est d'ailleurs corroborée par celle opérée par le TAF au consid. 1.6 p. 7 de son arrêt du 25 octobre 2007.

Reste à déterminer si le recourant peut, aujourd'hui encore, solliciter l'octroi d'un permis sur la base de l'art. 8 CEDH.

7. Selon le recourant, l'OCP n'a jamais répondu à sa demande du 14 février 2004, visant à obtenir une autorisation de séjour en application de l'art. 8 CEDH.

L'OCP, quant à lui, est d'avis que la question du droit au respect de la vie privée et familiale du recourant - garanti par l'art. 8 CEDH - a déjà été prise en considération et tranchée. Pour tenir compte de la relation étroite et effective liant le recourant à ses fils, le 31 janvier 2005, il a émis un préavis favorable à l'octroi d'un permis fondé sur l'art. 13 let. f OLE. Les conditions d'application de l'art. 8 CEDH ont été examinées par l'ODM, puis par le TAF, qui ont conclu au rejet d'une exception aux mesures de limitation.

8. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 8 CEDH n'a pas une portée directe dans la procédure relative à l'assujettissement aux mesures de limitation, puisque cette procédure ne porte pas sur le droit de séjourner en Suisse. Ainsi, le fait qu'un étranger puisse se prévaloir du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'implique pas nécessairement qu'il soit soustrait aux mesures de limitation en vertu de l'art. 13 let. f OLE (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.83/2007 du 16 mai 2007 consid 3.2 ; 2A.614/2005 du 20 janvier 2006 consid. 4.2.1 ; 2A.490/1999 du 25 août 2000 consid. 3a). Le fait que les conditions d'octroi d'une exception aux mesures de limitations ne soient pas remplies, n'exclut par ailleurs pas la possibilité d'accorder au recourant un permis de séjour imputé sur le contingent cantonal. L'autorité cantonale est en effet libre de tenir compte, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, des attaches familiales et affectives que l'intéressé possède avec la Suisse (ATF 119 Ib 33 consid. 2b p. 38 et consid. 6 p. 45).

b. Ce point de vue est également défendu par la doctrine qui considère que, lorsque l'étranger ne remplit pas les conditions des art. 7 ou 17 al. 2 LSEE, l'autorité de police des étrangers doit alors trancher la requête en application de l'art. 4 LSEE et mettre en œuvre la liberté d'appréciation qui lui est octroyée dans le respect tant des principes généraux du droit administratif, que des libertés. Si la demande d'autorisation de séjour concerne une affaire où la relation invoquée est conventionnellement protégée, car l'art. 8 CEDH trouve à s'appliquer, l'autorité ne peut purement et simplement faire abstraction de cette disposition. En ce sens, l'autorité qui refuserait de considérer les relations humaines tissées par l'étranger abuserait de la liberté d'appréciation qui lui est conférée (Ph. GRANT, op. cit. p. 455).

La question de l'assujettissement aux mesures de limitation selon l'art. 13 let. f OLE - qui a été examinée et tranchée par le TAF le 25 octobre 2007 – est, au vu de ce qui précède, à distinguer de celle de l'octroi d'une autorisation de séjour sur la base de l'art. 8 CEDH, qui relève de la seule compétence de l'autorité cantonale, le fait de pouvoir revendiquer la protection de cette disposition conventionnelle n'impliquant pas nécessairement celui d'être exempté des mesures de limitation.

9. Dans le cas d'espèce, les critères découlant de l'art. 8 CEDH ont seuls été pris en considération dans le cadre de l'examen du cas personnel d'extrême gravité et, tant l'ODM que le TAF, ont abouti à la conclusion que les liens unissant le recourant à ses deux fils n'étaient pas de nature à justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation au sens de l'art. 13 let. f OLE.

Le TAF n'a pour autant pas exclu que le recourant puisse se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir une autorisation de séjour (consid. 1.6 p. 7). Au contraire, dans son arrêt du 25 octobre 2007, il a clairement mis en évidence que le recourant pouvait invoquer l'art. 8 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, dans la mesure où ses deux enfants disposent d'un droit de présence durable en Suisse et où il entretient avec ceux-ci des relations étroites et effectives.

La question du droit au respect de la vie privée et familiale du recourant, au sens de l'art. 8 CEDH, et de l'octroi d'une éventuelle autorisation de séjour fondée sur cette disposition, n'a pourtant fait l'objet d'aucun examen ni d'aucune décision de la part de l'autorité cantonale compétente. En particulier, l'OCP n'a pas examiné la possibilité d'accorder au recourant un permis de séjour imputé sur le contingent cantonal, ce qu'il lui incombait de faire depuis le 14 février 2004, date du dépôt de la demande.

10. Aujourd'hui, l'OCP soutient que les conditions d'application de l'art. 8 CEDH ne sont pas réalisées, puisque les deux fils du recourant sont désormais majeurs et ne se trouvent dans aucun rapport de dépendance particulier avec leur père.

Quant au recourant, il fait valoir que sa demande a été déposée en février 2004 - soit à une époque où ses enfants étaient âgés de 13 et 15 ans - et qu'il est inadmissible de rejeter sa requête au motif que ceux-ci sont entre-temps devenus majeurs, alors que le retard pris dans l'examen du cas est seul imputable aux autorités. Ce comportement serait contraire au principe de la bonne foi.

11. a. La protection de l'art. 8 par. 1 CEDH ne concerne que les enfants mineurs. S'agissant des enfants majeurs, l'art. 8 CEDH ne peut être invoqué que si ceux-ci se trouvent dans un état de dépendance particulier par rapport à leurs parents en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome. On peut en effet présumer qu'à partir de 18 ans, un jeune adulte est en mesure de vivre de manière indépendante (ATF 120 Ib 257 consid. 1d et 1e p. 261 ; 115 Ib 1 consid. 2c et 2d p. 5 et 6).

b. En matière de regroupement familial basé sur l'art. 8 par. 1 CEDH, le moment déterminant pour établir si la 18ème année a été atteinte se tranche, contrairement à ce qui passe pour l'art. 17 al. 2 LSEE, au moment où le Tribunal fédéral rend sa décision et non à la date à laquelle la demande de permis a été formulée devant les autorités cantonales (ATF 126 II 335 consid. 1b ; 120 Ib 257 consid. 1.f ; Ph. GRANT, op. cit., p. 371).

Aux termes de la jurisprudence précitée, il apparaît ainsi que le moment déterminant pour établir si la 18ème année est atteinte est celui où le tribunal rend sa décision et non la date à laquelle la demande d'autorisation de séjour a été présentée auprès de l'autorité cantonale compétente.

Or, compte tenu de la particularité du cas d'espèce, l'autorité ne saurait tirer un avantage de l'application de ce principe jurisprudentiel, faute de contrevenir au principe de la confiance, de commettre un abus de droit et d'aboutir à un résultat qui heurterait de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.

12. a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 117 Ia 124 consid. 3 ; 114 Ia 106).

b. Le Tribunal fédéral a en outre considéré qu'une autorité qui retarde, sans motif, la prise d'une décision dans l'attente de l'entrée en vigueur d'une règle plus restrictive, utilise la procédure à des fins qui lui sont étrangères et commet un abus de droit (ATF 110 Ib 332 consid. 3a p. 337 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, p. 112).

c. Enfin, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; 128 I 273 consid. 2.1 ; 121 I 113 consid. 3a p. 114 ; 118 Ia 118 consid. 1c p. 124).

En l'occurrence, l'OCP a été saisi d'une demande d'autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH en février 2004, soit il y a plus de cinq ans. Il lui appartenait de se prononcer sur cette requête dans un délai raisonnable. N'ayant, en l'état, toujours pas tranché cette question (ainsi que cela ressort du considérant 9 du présent arrêt), l'OCP ne saurait se prévaloir de l'écoulement du temps - qui a conduit les enfants du recourant à atteindre leur majorité - pour conclure que l'art. 8 CEDH n'est plus applicable au cas d'espèce.

En effet, en vertu du principe de la confiance et de l'interdiction de l'abus de droit, l'insuffisance de l'OCP dans le traitement de ce dossier ne saurait profiter à l'administration.

Au vu de la particularité du cas d'espèce, l'équité commande de ne pas opposer au recourant le principe jurisprudentiel selon lequel il faut tenir compte de l'âge des enfants au moment où le tribunal rend sa décision.

13. Il en résulte que le recours sera admis. La décision attaquée sera annulée et la cause renvoyée à l'OCP, pour qu'il accorde à M. S______ une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.

Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de l’intimé. Une indemnité de procédure de CHF 1’500.- sera allouée au recourant, à charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 avril 2009 par Monsieur S______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 24 février 2009 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 24 février 2009 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population du 6 mai 2008 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population pour accorder à M. S______ une autorisation de séjour au titre du regroupement familial ;

met à la charge de l'intimé un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 1’500.- à la charge de l’Etat de Genève. 

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l'office cantonal de la population et, pour information, à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.