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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2087/2012

ATA/570/2012 du 24.08.2012 ( ELEVOT ) , PARTIELMNT ADMIS

Parties : GAUTHIER Pierre, membre du Groupe des, TURRIAN Marc, membre du Groupe des, GROBET Christian, membre du Groupe des / CONSEIL D'ETAT, ASSEMBLEE CONSTITUANTE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2087/2012-ELEVOT ATA/570/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 août 2012

 

 

dans la cause

 

Monsieur Pierre GAUTHIER

et

Monsieur Christian GROBET

et

Monsieur Marc TURRIAN

et

GROUPE « AVIVO : DÉFENSE DES AÎNÉS, DES LOCATAIRES, DU PROGRÈS SOCIAL, DES SERVICES PUBLICS »
représentés par Me Christian Grobet, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

et

ASSEMBLÉE CONSTITUANTE

 



EN FAIT

1. Le 19 octobre 2008, le corps électoral genevois a élu une Assemblée constituante aux fins d'opérer une révision totale de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE - A 2 00). Ses 80 membres ont été élus de la même manière que le Grand Conseil, avec toutefois un quorum de 3%, une interdiction de l'apparentement de listes et une inapplicabilité des dispositions relatives aux incompatibilités et à la durée de fonction.

Les sièges ont été répartis entre 11 groupes : « Associations de Genève », « AVIVO : Défense des aînés, des locataires, du progrès social, des services publics » (ci-après : groupe AVIVO), « G[e]'avance », « Les Démocrates-Chrétiens PDC », « Les Verts et Associatifs », « Libéraux&Indépendants », « M.C.G. », « Radical ouverture », « Socialiste pluraliste », « SolidaritéS et Gauche en mouvement » et « UDC Genève ».

2. Par arrêté du 22 juin 2011 publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 24 juin 2011, le Conseil d'Etat, se référant à l'art. 19 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) a fixé au dimanche 14 octobre 2012 la date de la votation cantonale sur la nouvelle constitution issue des travaux de l'Assemblée constituante.

3. Par arrêté du 21 mars 2012 publié dans la FAO du 23 mars 2012, le Conseil d'Etat, se référant aux art. 19 et 22 LEDP, a fixé au lundi 27 août 2012 la date de dépôt des prises de position sur la votation du 14 octobre 2012.

4. Le 31 mai 2012, l'Assemblée constituante a adopté le projet de nouvelle constitution.

5. Le 13 juin 2012, le bureau de l'Assemblée constituante a demandé au Conseil d'Etat quel régime serait applicable aux groupes de cette assemblée en matière d'emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012.

Il avait été possible de trouver une solution concernant le commentaire de la brochure accompagnant le matériel de vote d'une part, et les prises de position des groupes de l'Assemblée constituante, d'autre part. Sur ce dernier point, le Conseil d'Etat avait accepté une analogie entre ces groupes et les partis représentés au Grand Conseil : les prises de position ne nécessiteraient pas le soutien de 50 signatures et elles figureraient en début d'énumération. Les groupes estimaient essentiel et équitable de pouvoir bénéficier également des dispositions applicables aux partis politiques représentés au Grand Conseil en matière de gratuité et de nombre d'emplacements d'affichage réservés.

6. Le 26 juin 2012, l'Assemblée constituante a formellement remis le projet de nouvelle constitution au Conseil d'Etat. Le communiqué publié à l'issue de cette remise par le bureau précisait que la suite du processus constitutionnel, soit l'organisation du scrutin populaire, était de la compétence du Conseil d'Etat. L'Assemblée constituante respecterait dès lors « le silence constitutionnel requis par la loi lors des campagnes, pour laisser la parole aux groupes et aux partis ».

7. Le 27 juin 2012, le Conseil d'Etat répondant au courrier du 13 juin 2012, a indiqué que le bureau avait procédé à une « interprétation excessive » s'agissant de l'analogie avec le régime prévu pour les partis représentés au Grand Conseil mais confirmait que chaque groupe de l'Assemblée constituante pourrait indiquer sa prise de position dans les pages finales de la brochure explicative, consacrées aux prises de position des partis, groupements et autres associations.

Quant à l'affichage, les travaux de l'Assemblée constituante avaient pris fin le 31 mai 2012 avec le vote final du projet de nouvelle constitution et le processus politique s'était achevé le 26 juin 2012 avec la remise de ce texte au Conseil d'Etat. Les tâches de l'Assemblée constituante étaient désormais limitées à la clôture administrative de ses activités. Elle ne disposerait donc pas d'emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012.

Les partis politiques représentés au Grand Conseil pourraient déposer une prise de position et disposeraient d'emplacements d'affichage. Il n'appartenait pas à l'Assemblée constituante de remettre en question le droit pour les partis politiques précités d'exprimer une prise de position et de bénéficier d'emplacements d'affichage.

Des associations ou groupements, soutenus par 50 électeurs, pourraient également déposer une prise de position et disposer alors d'emplacements d'affichage.

Les groupes représentés à l'Assemblée constituante auraient à disposition un certain nombre d'emplacements d'affichage, sans être soutenus par 50 électeurs. Le nombre exact d'emplacements ne pouvait être déterminé en l'état car il dépendrait des critères énumérés précédemment. L'affichage ne serait pas gratuit mais facturé aux groupes qui solliciteraient cette prestation. Le service des votations et élections (ci-après : SVE) transmettrait directement à chaque groupe les modalités pratiques de dépôt d'affiches.

8. Le 3 juillet 2012, le bureau a répondu qu'il n'avait pas sollicité d'espace d'affichage pour l’Assemblée constituante en tant que telle. Il avait transmis l'attente légitime des groupes qui voulaient connaître leur statut pour diffuser par voie d'affichage leurs recommandations de vote pour le scrutin du 14 octobre 2012. La solution proposée avait suscité une forte opposition au sein du bureau. La LEDP n'avait pas prévu le cas exceptionnel d'une Assemblée constituante. L'esprit de la constitution et de la loi commandait que l'Assemblée constituante soit assimilée au Grand Conseil dans une application analogique des dispositions de la LEDP et que les groupes de la première et les partis représentés au second soient traités sur un strict pied d'égalité en ce qui concernait les prises de position et l'affichage.

9. Par courrier remis le 9 juillet 2012 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Messieurs Pierre Gauthier, Christian Grobet et Marc Turrian, tous trois siégeant à l'Assemblée constituante au sein du groupe AVIVO, et ledit groupe ont recouru contre « la décision du Conseil d'Etat du 27 juin 2012 (…) portant sur l'attribution inéquitable d'emplacements d'affiches politiques au détriment de certains groupes de constituants lors de la votation du projet de constitution du 14 octobre 2012 ». M. Grobet, avocat, agissait en son nom et représentait les autres recourants.

Les recourants ont conclu à l'annulation de la décision querellée en ce qu'elle attribuait des emplacements d'affichage aux partis représentés au Grand Conseil. Ils demandent en outre que lesdits partis soient exclus de la répartition des emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012 et que le Conseil d'Etat soit condamné à attribuer pour cette votation les emplacements d'affichage aux groupes siégeant à l'Assemblée constituante.

Ils étaient atteints dans leurs droits politiques et souhaitaient que les emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012 soient attribués exclusivement aux groupes de l'Assemblée constituante. Le groupe AVIVO, émanation de l'association éponyme, était directement concerné par l'attribution d'emplacements d'affichage.

Lors de la séance du bureau de l'Assemblée constituante du 29 juin 2012, M. Grobet avait remplacé le représentant titulaire de son groupe. Il était arrivé avec un peu de retard. Le dernier point abordé avait été la divergence entre le Conseil d'Etat et le bureau quant à la répartition des emplacements d'affichage. M. Grobet avait déclaré que ces emplacements devaient être attribués aux groupes de l'Assemblée constituante proportionnellement à leur représentativité et non aux partis politiques représentés au Grand Conseil. Vu l'ampleur du débat, une nouvelle séance du bureau avait alors été fixée au 2 juillet 2012. M. Grobet avait alors compris que le bureau avait déjà écrit au Conseil d'Etat sur cet objet et, devant quitter prématurément la séance, il avait demandé à ce que le courrier lui soit télécopié, ce qui avait été fait le jour même. Il l’avait reçu sur son fax à 18h06. Il avait ainsi trouvé la copie du courrier du 13 juin 2012 en arrivant à son travail le 2 juillet 2012. Il avait alors contacté l'assistant parlementaire d'un autre groupe pour savoir si le Conseil d'Etat avait répondu. La réponse ayant été affirmative, il avait alors reçu télécopie du courrier du 27 juin 2012. Il n'avait toutefois pas pu se rendre au dernier moment à la séance du bureau du 2 juillet 2012.

La LEDP n'avait pas prévu la situation exceptionnelle d'une Assemblée constituante. Cette lacune devait être comblée, en ce sens que les emplacements d'affichage devaient être attribués aux groupes de l'Assemblée constituante, laquelle existait jusqu'au 14 octobre 2012. A défaut, il y aurait une inégalité de traitement puisque cinq groupes, non représentés au Grand Conseil, ne bénéficieraient pas du même nombre d'emplacements que les six autres, qui disposaient par ailleurs d'une représentation au Grand Conseil.

10. Le 10 juillet 2012, MM. Gauthier, Grobet et Turrian ont complété leur recours. Le groupe AVIVO n'était pas destinataire du courrier litigieux mais il était concerné et lésé par son contenu. Il avait donc qualité pour agir.

11. Le 14 août 2012, l'Assemblée constituante, soit pour elle sa présidence collégiale, a informé le juge délégué qu'elle n'avait pas de remarques juridiques à formuler sur le recours.

12. Le 17 août 2012, le Conseil d'Etat a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet. Dans la mesure où l'effet suspensif attaché au recours pourrait bloquer la répartition des affiches entre les partis, les groupements et les groupes de l'Assemblée constituante si le litige n'était pas tranché avant le 31 août 2012, il concluait au retrait de cet effet et à être autorisé à placarder les prises de position pour la votation du 14 octobre 2012.

Au 16 août 2012 en début de matinée, 15 prises de position avaient été déposées au SVE pour cette votation. Elles s'ajoutaient à celles des 7 partis représentés au Grand Conseil et des 11 groupes de l'Assemblée constituante.

Lors des opérations électorales cantonales du premier semestre 2012, 3'139 panneaux, dont 1’480 en Ville de Genève, étaient à disposition : 1’261 affichages fixes, dont 820 en Ville de Genève, et 1’878 affichages temporaires en grappes, dont 660 en Ville de Genève. L'affichage pour la votation du 14 octobre 2012 n'était pas encore déterminé. Il dépendrait du nombre final de prises de position au 27 août 2012.

Le groupe AVIVO n'avait pas la qualité pour recourir. Ce n'était pas un parti politique. Il n'avait pas la personnalité juridique. Le Conseil d'Etat s'en rapportait à justice s'agissant de la qualité pour agir de MM. Gauthier, Grobet et Turrian.

En matière de votations et élections, le délai de recours était de six jours. Le courrier contesté avait été reçu le 28 juin 2012 par le bureau de l'Assemblée constituante, selon timbre de réception. La séance du bureau au cours de laquelle il avait été évoqué avait eu lieu le 29 juin 2012 et M. Grobet en avait reçu copie ce même jour à 18h06 sur son télécopieur. Le délai de recours venait donc à échéance le 5 juillet 2012. Remis au greffe de la chambre administrative le 9 juillet, le recours était donc tardif, sans qu'aucun cas de force majeure ne permette de restitution de délai.

Le recours était mal fondé. La problématique de l'affichage soulevée par le recours n'était pas en lien avec le travail de l'Assemblée constituante mais avec l'organisation du scrutin du 14 octobre 2012. Cette organisation était de la compétence du Conseil d'Etat et du SVE. Les modalités d'organisation de ce scrutin ne faisaient pas l'objet de règles particulières dans la législation genevoise, de sorte que le Conseil d'Etat avait décidé de tenir compte des dispositions légales existantes dans le respect des exigences constitutionnelles découlant de la garantie de liberté de vote. Conformément à la LEDP, les partis politiques représentés au Grand Conseil disposaient du droit de formuler une prise de position et de solliciter des emplacements d'affichage. Ce droit ne pouvait être supprimé. Les groupes de l'Assemblée constituante pourraient également faire valoir leur prise de position dans la brochure explicative et disposer d'emplacements d'affichage, sans avoir besoin d'être soutenus par 50 citoyens, comme c'était le cas pour les associations et groupements ordinaires. Toutefois, afin de ne pas porter atteinte à la liberté de vote de ces derniers, le Conseil d'Etat ne pouvait pas garantir aux groupes de l'Assemblée constituante autant d'emplacements d'affichage qu’aux partis représentés au Grand Conseil car cela conduirait à l'occupation d'office de 18 panneaux. Sur des grappes de 21 panneaux, cela ne laisserait que trois places aux autres associations et groupements. Une rotation entre ces derniers et les groupes de l'Assemblée constituante était donc indispensable. Le Conseil d'Etat devait tenir compte des droits politiques de tous les intervenants.

13. Bien qu'invité à le faire jusqu'au 23 août 2012 à 11h00, avec avis que la cause serait alors gardée à juger, MM. Gauthier, Grobet et Turrian ainsi que le groupe AVIVO n'ont pas utilisé leur droit à la réplique.

EN DROIT

1. Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités ou juridictions administratives au sens des art. 4, 4a, 5, 6, 57 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10 ; art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Ne constitue pas une décision sujette à recours toute mesure d’exécution d’une décision (art. 5 let. b LPA).

2. En matière d’élection ou de votation, le recours à la chambre administrative est ouvert non seulement contre les décisions prises dans ce domaine par l’autorité administrative, mais également contre les violations de la procédure électorale, indépendamment d’une décision (art. 180 LEDP ; ATA/163/2009 du 31 mars 2009).

3. a. Le recours contre les opérations électorales permet de contester les mesures préalables à une votation populaire, telles les informations officielles adressées aux électeurs, ainsi que le résultat des opérations électorales. Il est ouvert à tout électeur de la collectivité concernée, de même qu’aux partis politiques et aux autres organisations politiques qui y exercent leurs activités (ATF 121 I 252 consid. 1b, et la jurisprudence citée).

b. Entre dans le cadre des opérations électorales, tout acte destiné aux électeurs, de nature à influencer la libre formation du droit de vote (ATA/51/2011 du 1er février 2011 ; ATA/654/2009 du 8 décembre 2009 ; ATA/454/2009 du 15 septembre 2009 ; ATA/163/2009 précité), telle qu’elle est garantie par l’art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

4. La procédure d’adoption du projet de nouvelle constitution genevoise qui sera soumis au vote le 14 octobre 2012 fait l’objet de dispositions particulières, prévues par la loi constitutionnelle complétant la Constitution de la République et canton de Genève du 24 février 2008 (LCCst-GE - A 2 01), dont l'art. 1 soumet l'actuelle constitution à une révision totale, opérée par une Assemblée constituante (art. 2 LCCst-GE).

Les dispositions de la Cst-GE concernant la révision totale de celle-ci ne sont pas applicables pendant la durée de fonction de l'Assemblée constituante, soit de sa séance constitutive à l'acceptation ou à l'échec de la révision totale (art. 4 let. e LCCst-GE). Cela limite notamment les compétences du Grand Conseil, législateur ordinaire (art. 70 Cst-GE), à travers la suspension de l'art. 179 Cst-GE prévoyant que tout changement à la constitution est d'abord délibéré et voté suivant les formes pour les lois ordinaires (al. 1), pour être ensuite porté à la sanction des citoyens (al. 2) dont la majorité absolue décidera de l'acceptation ou du rejet du projet (al. 3).

5. L'Assemblée constituante se constitue elle-même et édicte un règlement (art. 5 al. 2 LCCst.-GE). Ce dernier a été adopté le 2 février 2009 (RACst - A 2 01.01).

Selon l'art. 5 al. 1 RACst, les membres élus sur une même liste forment un groupe. Chaque groupe délègue une personne au bureau, qui assume toutes les tâches qui ne sont pas confiées à un autre organe (art. 22 al. 1 RACst) et notamment, les relations entre l'Assemblée constituante et les autorités (art. 22 al. 2 let. h RACst). La présidence collégiale de quatre membres, quant à elle, est chargée en particulier de représenter l'Assemblée constituante vis-à-vis de l'extérieur (art. 16 al. 2 let. c RACst).

6. Au plus tard quatre ans après son élection, l'Assemblée constituante soumet aux citoyens un projet de nouvelle constitution. En cas de refus, la révision totale aura échoué (art. 3 LCCst-GE).

Lors de la remise de son projet au Conseil d'Etat le 26 juin 2012, l'Assemblée constituante a confié à celui-ci l'organisation du scrutin, plutôt que de s'en charger elle-même. Ce faisant, elle a agi comme elle l’avait fait antérieurement en laissant le Conseil d'Etat fixer la date de la votation et le délai pour le dépôt de prises de position.

Ni la LCCst-GE ni le RACst ne prévoyant de modalités pour l’organisation du scrutin populaire, la chambre de céans a admis que les dispositions de la LEDP devaient s'appliquer (ATA/331/2012 du 5 juin 2012).

7. Selon l'art. 22 al. 1 LEDP, les partis politiques siégeant au Grand Conseil, pour les votations fédérales et cantonales, peuvent déposer au SVE, lors de chaque votation, leur prise de position.

D’autres associations ou groupements peuvent également déposer, auprès du SVE, lors de chaque votation, une prise de position qui doit être signée par 50 électeurs au moins ayant le droit de vote en matière fédérale ou cantonale (art. 23 al. 1 LEDP).

Les pouvoirs publics mettent gratuitement à la disposition des partis politiques, autres associations ou groupements ayant déposé une prise de position, au moins 3’000 emplacements d’affichage de mêmes formes et surfaces, à partir du 28e jour précédant le dernier jour du scrutin (art. 30 al. 1 LEDP). Les emplacements d’affichage gratuits sont répartis en deux catégories, les emplacements regroupés sur panneaux temporaires comportant 21 affiches et les emplacements modulés sur panneaux fixes (art. 30 al. 2 LEDP).

Pour les votations fédérales et cantonales, l'art 30 al. 3 LEDP dispose que les emplacements d’affichage regroupés sur panneaux temporaires sont attribués dans l’ordre suivant : partis politiques siégeant au Grand Conseil dans l’ordre du nombre de leurs sièges respectifs au sein de ce conseil (let. a), le solde de ces emplacements disponibles étant réparti entre les autres associations ou groupements, chacun ne pouvant disposer que d’une seule affiche par emplacement (let. c). Quant aux emplacements sur panneaux fixes, ils sont répartis à raison de deux tiers aux partis politiques siégeant au Grand Conseil et d'un tiers aux autres associations ou groupements.

8. En l’espèce, les recourants s’en prennent au courrier du Conseil d'Etat du 27 juin 2012 relatif à la répartition des emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012. S'il n'attribue pas individuellement les emplacements, il en ressort en revanche qu'il donne une orientation sur la manière dont seront répartis les emplacements d'affichage entre les partis politiques représentés au Grand Conseil, les groupes de l'Assemblée constituante et les autres associations ou groupements. Il s'agit donc à tout le moins d'un acte matériel entrant dans la catégorie des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP.

9. La qualité pour recourir dans le domaine des droits politiques appartient à toute personne disposant du droit de vote dans la cause en question, même si cette personne n’a aucun intérêt juridique personnel à l’annulation de l’acte attaqué (ATF 134 I 172 ; 130 I 290 ; 128 I 199 ; 121 I 138 ; ATA/181/2011 du 17 mars 2011 ; ATA/51/2011 du 1er février 2011).

La question de savoir si le groupe AVIVO, qui n’a pas de personnalité juridique, avait un droit propre à se plaindre de la répartition, à laquelle il entend participer, des emplacements d'affichage peut demeurer ouverte, dès lors que MM. Gauthier, Grobet et Turrian sont titulaires du droit de vote en matière cantonale. En tant que constituants appartenant au groupe alléguant être lésé par la position du Conseil d'Etat, ils peuvent en outre faire valoir un intérêt digne de protection à la modification de celle-ci.

10. Le délai de recours est de six jours en matière de votations et d’élections (art. 62 al. 1 let. c LPA).

Le courrier litigieux du 27 juin 2012, adressé à la présidence de l'Assemblée constituante, a été reçu le 28 juin 2012 par sa destinataire et son objet a été évoqué lors de la séance du bureau du vendredi 29 juin 2012, à laquelle participait M. Grobet en qualité de remplaçant du titulaire du groupe AVIVO. M. Grobet indique, sans être contredit, que le titulaire ne lui avait pas remis copie de ce courrier ni ne lui en avait parlé. M. Grobet était en outre arrivé en retard à la séance, l'avait quittée prématurément et n'avait eu ledit courrier entre les mains que le lundi 2 juillet 2012. La question de savoir si ces éléments ont pour conséquence que l'on doive retenir que le délai de recours pour M. Grobet a commencé à courir le 30 juin 2012 pour échoir le jeudi 5 juillet 2012, de sorte qu'en s'adressant à la chambre administrative le 9 juillet 2012, il serait tardif, souffrira de demeurer irrésolue. Il ne ressort pas du dossier et il n'est pas allégué par l'intimé que MM. Gauthier et Turrian, qui ne sont pas membres du bureau, auraient pu avoir connaissance du courrier en cause ou de son contenu avant que M. Grobet n'en ait reçu copie le 2 juillet 2012. Le délai de recours a ainsi commencé à courir le 3 juillet 2012. Le dernier jour tombant le dimanche 8 juillet 2012, l'échéance a été reportée au lundi 9 juillet 2012 (art. 17 al. 3 LPA). Le recours a été ainsi interjeté en temps utile.

11. Les recourants demandent que les partis politiques représentés au Grand Conseil soient exclus de la répartition des emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012, au bénéfice des groupes de l'Assemblée constituante.

L'art. 10 LCCst-GE a suspendu le processus parlementaire ordinaire d'adoption d'une modification constitutionnelle, tel qu'il est fixé par l'art. 179 al. 1 Cst-GE, substituant l'Assemblée constituante au Grand Conseil. Ce dernier n'a dans cette phase pas participé à l'élaboration et à l'adoption du projet qui fera l'objet du scrutin du 14 octobre 2012, dont les modalités sont régies par la LEDP. Cette loi ne fait pas mention de l'Assemblée constituante. Celle-ci a toutefois été instituée par une loi constitutionnelle, donc de rang supérieur, qui prévoit qu'elle soumet son projet à la sanction populaire. L'application des dispositions de la LEDP au scrutin du 14 octobre 2012 doit ainsi tenir compte de cette situation particulière et exceptionnelle. Dans le cas particulier des emplacements d'affichage, cela implique que l'Assemblée constituante doit avoir la même place que le Grand Conseil dont les compétences lui ont été attribuées pour cet objet. Il s'ensuit que les groupes de cette assemblée doivent être assimilés aux partis représentés au Grand Conseil au sens de l'art. 22 LEDP - ce que le Conseil d'Etat a au demeurant admis en renonçant à l'exigence des 50 signatures pour déposer une prise de position - et bénéficier du traitement réservé à ceux-là dans le cadre de l'application de l'art. 30 LEDP. Contrairement à ce que soutient le Conseil d’Etat, cela ne porte pas atteinte aux droits des autres associations ou groupements visés à l'art. 23 LEDP, dès lors que la situation de ceux-ci n'est pas identique à celle des groupes de l'Assemblée constituante.

Il n'y a pas lieu de supprimer les droits que la LEDP accorde aux partis représentés au Grand Conseil en ce domaine, ceux-là n'apparaissant pas liés au fait qu'ils aient participé à l'élaboration du texte soumis au vote, puisqu'ils en bénéficient en cas de votation fédérale.

12. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis dans la mesure de sa recevabilité. Le Conseil d'Etat devra traiter les groupes de l'Assemblée constituante de la même manière que les partis représentés au Grand Conseil pour l'attribution des emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012.

13. La chambre de céans ayant statué au fond, le demande de retrait d’effet suspensif formulée par le Conseil d’Etat est sans objet.

14. Vu l'issue du litige aucun émolument ne sera perçu et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté par Messieurs Pierre Gauthier, Christian Grobet, Marc Turrian et le groupe « AVIVO : Défense des aînés, des locataires, du progrès social, des services publics » de l'Assemblée constituante ;

dit que le Conseil d'Etat doit traiter les groupes représentés au sein l'Assemblée constituante de la même manière que les partis représentés au Grand Conseil pour l'attribution des emplacements d'affichage pour la votation du 14 octobre 2012 ;

l’y condamne en tant que de besoin ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Grobet, avocat des recourants, à l’Assemblée constituante, ainsi qu’au Conseil d’Etat.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Dentella Giauque

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :