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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4233/2009

ATA/654/2009 du 10.12.2009 sur DCCR/1216/2009 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4233/2009-MC ATA/654/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 10 décembre 2009

en section

dans la cause

 

 

 

Monsieur F______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 26 novembre 2009 (DCCR/1216/2009)


EN FAIT

1. Monsieur F______, se disant originaire de Guinée et ayant résidé à Abidjan en Côte d’Ivoire depuis 1999, est né X______ 1980.

Le 26 septembre 2009, il est arrivé, sous l’alias d’K______, à l’aéroport de Genève-Cointrin sur un vol de la compagnie Tunisair en provenance de Monastir. Il était démuni de papiers d’identité.

Le même jour, M. F______ a déposé une demande d’asile en Suisse. Par décision du 28 septembre 2009, l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a refusé provisoirement l’entrée en Suisse de l’intéressé et lui a assigné la zone de transit de l’aéroport comme lieu de résidence pour une durée de 60 jours. Les 2 et 6 octobre 2009, M. F______ a été auditionné par un représentant de l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) au sujet de sa demande d’asile.

2. Par décision du 12 octobre 2009 remise à M. F______ le lendemain, l’ODM a refusé d’entrer en matière sur la demande d’asile et renvoyé l’intéressé de Suisse. Celui-ci était tenu de quitter la Suisse le jour suivant l’entrée en force de ladite décision, faute de quoi il s’exposerait à des mesures de contrainte. Le canton de Genève a été chargé d’exécuter la décision de renvoi.

3. Saisi d’un recours par l’intéressé, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) l’a rejeté par arrêt du 27 octobre 2009 (ATAF D-6561/2009).

Le TAF a retenu en substance que l’intéressé avait donné des explications contradictoires s’agissant en particulier de sa nationalité. Il n’avait fourni aucun élément permettant de retenir qu’il était, comme il l'affirmait, de nationalité guinéenne alors qu’il avait ensuite prétendu avoir voyagé au moyen d’un faux passeport de Côte d’Ivoire, jusqu’au Ghana, puis s’être embarqué d’Accra au Ghana à destination de la Tunisie en transitant par l’Egypte avant d’arriver en Suisse le 26 septembre 2009 dans les circonstances décrites ci-dessus.

Le TAF, à l’instar de l’ODM, avait retenu que M. F______ était de nationalité ivoirienne, que les motifs d’asile invoqués apparaissaient invraisemblables et que rien ne s’opposait à l’exécution du renvoi à destination de la Côte d’Ivoire qui n’était pas un pays en guerre.

Cet arrêt a été remis à M. F______ en mains propres le 29 octobre 2009.

4. Le 2 novembre 2009, la police a adressé à l’ODM une demande de soutien à l’exécution du renvoi de l’intéressé.

5. Le renvoi de M. F______ a été planifié pour le 10 novembre 2009 à destination de Monastir via Tunis par le vol TU 701. Cependant, M. F______ s’est opposé à son renvoi en refusant de sortir du dortoir. Il s’est débattu violemment et le renvoi n’a pu être exécuté.

Le 25 novembre 2009 est arrivée à expiration la durée maximale de 60 jours permettant de maintenir l’intéressé en rétention et celui-ci a été remis à la police.

Le 25 novembre 2009 également, le commissaire de police a prononcé à l’encontre de l’intéressé un ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois. M. F______ avait déclaré être de nationalité guinéenne, et non pas ivoirienne, en alléguant qu’il aurait été mal compris jusqu’ici. Il disait accepter de quitter la Suisse mais pour se rendre en Espagne ou au Portugal et refusait d’aller en Afrique. Il ne disposait d’aucun document d’identité lui permettant de séjourner en Europe.

Entendu par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) le 26 novembre 2009, M. F______ a confirmé ses dires ; le représentant de la police a indiqué qu’une délégation guinéenne ou ivoirienne devrait procéder à l’audition de l’intéressé pour déterminer sa nationalité, ces démarches ne pouvant cependant être achevées avant le 26 février 2010.

M. F______ a contesté avoir fait des déclarations mensongères précédemment. Du fait qu’il acceptait de quitter la Suisse, il sollicitait sa mise en liberté immédiate et concluait en tout état à la réduction de la durée de la détention administrative à deux mois, en application du principe de la proportionnalité.

6. Par décision du 26 novembre 2009, remise à l’intéressé le même jour, la CCRA a confirmé l’ordre de mise en détention administrative, considérant qu’une décision de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire, avait été prononcée, que M. F______ s’était opposé à son renvoi le 10 novembre 2009, que les démarches pour déterminer la nationalité exacte de l’intéressé nécessitaient un certain temps, que les autorités avaient agi avec toute diligence et que la mise en détention pour trois mois était proportionnée compte tenu de la situation.

7. Par acte déposé le 4 décembre 2009 auprès du Tribunal administratif, M. F______ a recouru contre cette décision en concluant à la mise à néant de celle-ci et à sa mise en liberté immédiate, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Il avait toujours indiqué être originaire de Guinée mais avoir résidé depuis plusieurs années en Côte d’Ivoire. Les confusions quant à sa nationalité provenaient du fait qu’il avait mal compris les questions qui lui étaient posées. Il ne voulait pas être renvoyé à Monastir où il ne connaissait personne. Il n’avait jamais eu de papiers d’identité. Il ne pouvait donc se voir reprocher de n’avoir pas collaboré avec les autorités et rien ne permettait d’établir qu’il disparaîtrait s’il était remis en liberté ni qu’il se soustrairait à son renvoi. Sa détention administrative n’était pas justifiée. En tout état, elle était disproportionnée. Ni la Guinée ni la Côte d’Ivoire ne connaissaient des situations politiques stables. En Guinée, une junte militaire avait assumé le pouvoir depuis le décès, le 22 décembre 2008, du président de cet Etat. Le 28 septembre 2009, de nombreuses personnes avaient trouvé la mort dans des affrontements violents. Quant à la Côte d’Ivoire, il n’avait pas à y être renvoyé puisqu’il n’en était pas ressortissant. Une personne dont le renvoi était impossible ne pouvait être placée en détention administrative.

8. Le 9 décembre 2009, la police a déposé ses observations en concluant au rejet du recours, la décision de renvoi étant définitive et exécutoire. Les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 2 et 3 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) étaient remplies. Le renvoi était exigible comme le TAF l’avait déjà jugé au sujet de la Guinée (E-5180/2006 du 19 octobre 2009). Une détention d’une durée de trois mois était proportionnée compte tenu des démarches qui devaient être entreprises pour établir la nationalité de l’intéressé, un renvoi en Espagne ou au Portugal n’étant pas possible du fait que M. F______ ne disposait d’aucune pièce d’identité pour résider dans l’un ou l’autre de ces pays.

9. Cette écriture a été transmise au recourant le 9 décembre 2009 et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté le 4 décembre 2009 auprès du Tribunal administratif, le recours de M. F______, dirigé contre la décision prise le 26 novembre 2009 par la CCRA, communiquée le même jour est recevable (art. 56A al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 4 décembre 2009 et statuant ce jour, il respecte ce délai.

3. Le Tribunal administratif est compétent pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant lui (art. 10. al. 2 LaLEtr). Il peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art.10 al. 3 LaLEtr).

4. L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi, peut être mis en détention administrative si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 - LAsi - RS 142.31 (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr). Ces deux alinéas de l’art. 76 al. 1 let. b LEtr décrivent tous deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition. Ils doivent donc être envisagés ensemble (Arrêt du Tribunal fédéral du 30 mars 2009 2C.128/2009, consid. 3.1).

Un risque du fuite existe lorsque l’étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu’il tente d’entraver les démarches en vue de l’exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires, ou encore lorsqu’il laisse clairement apparaître qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine (ATF 130 II 56 consid. 3.1, et jurisprudence citée). Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prête son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (Arrêt du Tribunal fédéral du 16 juillet 2009 2C.400/2009, consid. 3.1 ; ATA/620/2009 du 27 novembre 2009).

En l’occurrence, le recourant fait l’objet d’une décision de renvoi du 12 octobre 2009 exécutoire et définitive car confirmée par arrêt du TAF du 27 octobre 2009. Cependant, cette décision de renvoi ne peut être mise en œuvre immédiatement puisque M. F______ est démuni de papiers d’identité valables et que par ailleurs, il affirme être Guinéen alors qu’il a toujours été considéré comme Ivoirien jusqu’ici y compris par le TAF. En tout état, M. F______ s’oppose à son renvoi dans un quelconque pays d’Afrique. Avant de pouvoir mettre en œuvre les décisions judiciaires, il faut que l’intéressé soit soumis à une délégation de Guinée et/ou de Côte d’Ivoire afin de déterminer sa nationalité et une telle rencontre ne peut être mise sur pied avant la fin du mois de février prochain.

5. De plus, M. F______ a refusé le 10 novembre 2009 de quitter le dortoir dans lequel il se trouvait afin d’embarquer sur un vol à destination de la Tunisie, démontrant ainsi qu’il s’opposait à son renvoi.

6. Il en résulte que les conditions pour la mise en détention administrative de l’intéressé sont remplies au regard de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et ch. 4 LEtr.

7. a. Les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEtr). En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

b. La détention est levée lorsque le motif de celle-ci n’existe plus ou que l’exécution du renvoi s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 LEtr). De jurisprudence constante, le juge de la détention est cependant lié par la décision de renvoi dès lors qu’elle est exécutoire, car elle jouit de l’autorité de la chose décidée ou de la chose jugée si elle a fait l'objet d'un recours. En particulier, il ne peut en principe pas réexaminer la légalité d’une décision de renvoi rendue dans la procédure d’asile (ATF 128 II 193). De ce fait, des motifs tirés de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr ne peuvent être invoqués dans le cadre d'une demande de mise en liberté, que s’ils sont fondés sur des faits postérieurs à la décision de renvoi entrée en force, faits qui viendraient remettre en question la possibilité d'exécuter cette dernière.

En l’espèce, les autorités ont œuvré dès que possible pour organiser le départ de l’intéressé le 10 novembre 2009 mais cette solution n’a pu être mise en œuvre vu l’attitude du recourant. Le seul moyen d’assurer sa présence lors d’une prochaine tentative de renvoi consiste en son maintien en détention et la durée de cette dernière, nécessaire pour assurer sa présentation devant les délégations guinéenne et ivoirienne, lui est imputable.

8. Le recourant sollicite sa mise en liberté immédiate en alléguant l’impossibilité de son renvoi au motif que la situation politique serait instable aussi bien en Guinée qu’en Côte d’Ivoire. A aucun moment il n’a allégué ou rendu vraisemblable qu’il serait personnellement menacé en cas de retour dans l’un ou l’autre de ces pays, de sorte qu’il n’est pas possible de considérer que son renvoi serait impossible de ce fait.

De plus, M. F______ souhaitait être mis en liberté immédiatement car il voudrait se rendre de son propre gré en Espagne ou au Portugal. Or, il ne dispose d’aucun document lui permettant de séjourner dans ces pays. La Suisse ne peut donc renvoyer le recourant dans l’un de ces deux pays sans violer les accords internationaux qu’elle a signés (ATA/129/2009 du 10 mars 2009).

Son maintien en détention pour une durée de trois mois respecte pleinement le principe de proportionnalité, un tel délai étant nécessaire pour permettre son audition par des délégations guinéenne et/ou ivoirienne pour les raisons sus-exposées, ainsi que l’obtention d’un laissez-passer.

9. Les autorités ayant agi avec toute la diligence requise et les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et ch. 4 LEtr étant remplies, le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera perçu (art. 12. du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2009 par Monsieur F______ contre la décision de la commission de cantonale de recours en matière administrative du 26 novembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l’officier de police, à l’office cantonal de la population ainsi qu’à l’office fédéral des migrations et au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni et M. Dumartheray, juges.

 

 

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a. i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :