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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1042/2002

ATA/621/2003 du 26.08.2003 ( TPE ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; QUALITE POUR RECOURIR; ASSOCIATION; VOISIN; TPE
Normes : LR.92; LR.93 al.2; LPA.60 let.a; LPA.60 let.b
Résumé : Des personnes habitant à plus de 600 mètres d'un projet de construction n'ont pas la qualité pour recourir contre ce projet. Le Touring Club Suisse (TCS) - section genevoise - ne bénéficie pas du droit de recours spécial des articles 93 al. 2 LR ou 145 al. 3 LCI. Il ne peut pas non plus recourir dans l'intérêt de ses membres (droit de recours associatif), faute d'avoir, pour un grand nombre de ceux-ci, la qualité pour recourir à titre individuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 26 août 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

TOURING CLUB SUISSE - SECTION GENEVOISE

Madame A.

Monsieur G. D.

Monsieur A. G.

représentés par Me Yves Bonard, avocat

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

et

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

et

VILLE DE GENEVE

 



EN FAIT

 

 

1. a. Par décision du 26 avril 2002, publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après: FAO) du 3 mai 2002, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: DAEL) a approuvé, au sens de l'article 7 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (L 1 10 - LR) et de l'article 3 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (L 2 05 - LEaux), la requête LER n° 2860, concernant la restructuration de la place des Nations et de ses abords, conformément au projet déposé par la Ville de Genève.

 

Tous les préavis usuels ont été requis au cours de l'instruction de la requête. Ces préavis sont tous favorables au projet, favorables sous réserve ou sans observation.

 

Le projet a en revanche été adopté malgré l'opposition de la section genevoise du Touring Club Suisse (ci-après: TCS) qui faisait valoir l'absence d'étude d'impact sur l'environnement, le manque de vision globale des déplacements et une incompatibilité du projet avec ceux en cours de consultation politique.

 

b. Le 3 juin 2002, le TCS, Mme A. et MM. D. et G. ont interjeté recours contre la décision du 26 avril 2002 auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après: la commission de recours). Invoquant l'absence d'étude d'impact sur l'environnement et le non-respect de la procédure prévue par la loi sur les routes, ils ont demandé l'annulation de la décision entreprise.

 

La Ville de Genève a répondu au recours le 9 juillet 2002. Elle a conclu principalement à l'irrecevabilité de celui-ci, faute de qualité pour recourir du TCS et des trois autres recourants, subsidiairement à son rejet.

 

2. a. Par décision du 20 juin 2002, publiée dans la FAO du 26 juin 2002, le DAEL a accordé l'autorisation DD 97519-6, concernant également la restructuration de la place des Nations et de ses abords, mais visant l'installation de mobilier urbain et d'abribus ainsi que la construction d'une fontaine.

 

Si plusieurs préavis ont ici également été recueillis, ils ne sont pas tous favorables. Ainsi, pour la commission d'architecture, si la création de passages sous-voies pour les véhicules privés n'est pas envisageable et constitue une contrainte incontournable pour tout projet d'aménagement de la Place des Nations, elle estime que le projet ne répond pas à la problématique posée et son préavis est négatif. Pour la commission d'urbanisme, la discussion sur le projet de cette place aurait dû se tenir en amont du processus de consultation et non à l'occasion d'une demande définitive. Par ailleurs, cet objet devrait être étudié par la commission transport, pour éviter notamment que l'espace central ne soit qu'un vaste giratoire. Enfin, il faudrait replacer ce projet d'aménagement dans une étude directrice plus générale afin de mieux cerner les enjeux urbains.

 

Le préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites est également négatif. Les autres préavis sont favorables ou favorables sous réserve.

 

Le projet a à nouveau été adopté malgré l'opposition du TCS qui faisait valoir les mêmes arguments que pour la requête en approbation LER.

 

b. Le 26 juillet, le TCS, Mme A. et MM. D. et G. ont interjeté recours contre la décision du 20 juin 2002 auprès de la commission de recours. Ils ont repris les arguments avancés dans leur premier recours, à savoir l'absence d'étude d'impact sur l'environnement et le non-respect de la procédure prévue par la loi sur les routes. Ils ont estimé en outre que l'aménagement projeté souffrait d'insuffisances, notamment parce que l'esplanade prévue empiétait sur la voirie. Enfin, ils ont allégué une violation de l'article 160B de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847 (A 2 00 - Cst. gen.). Ils ont demandé préalablement la jonction des deux causes, vu la relation étroite des objets sur lesquels portent les recours, et principalement l'annulation de la décision entreprise.

 

La Ville de Genève a répondu au recours le 28 août 2002. Elle a à nouveau conclu principalement à l'irrecevabilité de celui-ci, faute de qualité pour recourir des recourants, subsidiairement à son rejet.

 

3. a. Le 29 août 2002, la commission de recours a joint les deux causes.

 

b. Par décision du 30 septembre 2002, reçue par les parties le 14 octobre 2002, la commission de recours a déclaré recevables les recours déposés par le TCS et irrecevables ceux déposés par les autres recourants, faute pour ceux-ci d'être lésés directement et spécialement par les décisions prises. La commission a par ailleurs rejeté les recours, estimant qu'une étude d'impact n'était pas nécessaire, que la procédure prévue par la LR n'avait pas été violée, qu'il ne pouvait être déduit de droits de l'article 160B Cst. gen., car il s'agissait d'une norme cadre qui n'avait pas encore été concrétisée par une loi, qu'enfin le recours portait sur des questions d'opportunité que la commission ne pouvait revoir.

 

4. a. Le TCS, Mme A. et MM. D. et G. ont interjeté recours contre cette décision en date du 13 novembre 2002, reprenant et développant leurs précédents arguments et invoquant en outre un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation du DAEL.

 

b. La Ville de Genève et le DAEL ont répondu au recours en date du 20 décembre 2000. Ils concluent à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

 

5. Mme A. est domiciliée au 11, rue du V., soit à environ 600 mètres à vol d'oiseau de la place des Nations.

 

M. D., quant à lui, habite au 36, rue du G. Son domicile est situé à plus de 800 mètres de la place des Nations.

 

Enfin, M. G., domicilié au 20, rue B., habite à plus de 700 mètres à vol d'oiseau de la place des Nations.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont à cet égard recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - E 5 10 - LPA).

Il reste à déterminer si les recourants ont la qualité pour recourir.

 

2. La qualité de voisin, fondant la qualité pour agir, a déjà fait l'objet de plusieurs arrêts du tribunal de céans. Cette notion ne peut s'apprécier dans l'abstrait, mais doit faire à chaque fois l'objet d'un examen concret.

 

a. En vertu de l'article 60 lettres a et b LPA, applicable par renvoi de l'article 92 LR, les personnes parties à la procédure de première instance, de même que celles qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée ont qualité pour recourir.

 

b. Le Tribunal administratif a déjà jugé que la lettre a de l'article 60 LPA se lit en parallèle avec la lettre b de ce même article : si le recourant ne peut faire valoir un intérêt digne de protection, il ne peut être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA B. du 3 septembre 2002, ATA M. du 8 avril 1997, B. du 23 octobre 1991).

 

c. L'article 60 lettre b LPA a la même portée que l'article 103 lettre a OJF (ATA Hôtel E. et autres du 5 novembre 2002 et ATA B. et S. du 14 mai 2002 et jurisprudences citées). Ainsi, le recourant doit être touché par le projet litigieux dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés (ATF A. du 21 mai 2001) et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il faut encore que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire qu'elle soit propre à empêcher un dommage matériel ou idéal (ATF C. du 16 avril 2002; Isabelle ROMY, Les droits de recours administratif des particuliers et des organisations en matière de protection de l'environnement in URP 2001, p. 248, not. 252 et TANQUEREL et ZIMMERMANN, Les recours, in C.A. MORAND, Droit de l'environnement: mise en oeuvre et coordination, 1992, p. 117 ss).

d. En matière de police des constructions, les voisins peuvent également recourir. Toutefois, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu'il y ait une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir contre des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATA C.C.C.C.D. du 15 janvier 2002; S. du 27 juin 2000; B. -M. du 31 mars 1998).

 

Selon la jurisprudence, pour qu'un voisin soit touché plus que quiconque, la réalisation du projet litigieux doit lui causer personnellement un préjudice de fait en raison, par exemple, des nuisances provoquées par l'exploitation (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400). Concernant les immissions, elles doivent présenter un certain degré d'évidence, sous peine d'admettre l'action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi, un accroissement du trafic sur une route déjà très fréquentée aussi bien par les habitants du voisinage que par des usagers étrangers à la commune, doit entraîner pour le recourant des inconvénients qui le touchent directement et plus que quiconque.

 

e. La jurisprudence du Tribunal de céans considère que n'ont pas la qualité de voisins, et donc pas la qualité pour recourir, les habitants d'un immeuble situé à 200 mètres du projet litigieux et séparé de celui-ci par une artère importante et plusieurs constructions (ATA Hôtel E. du 5 novembre 2002), ni la personne qui habite à 500 mètres environ à vol d'oiseau - environ 750 mètres à pied - du projet litigieux (ATA B. du 3 septembre 2002).

 

Cette jurisprudence est applicable tant aux autorisations LCI qu'aux autorisations LER (cf. ATA B. du 3 septembre 2002).

 

Le Tribunal fédéral a également dénié la qualité pour recourir d'un "voisin" habitant à 300 mètres du projet de construction (ATF du 16 septembre 1999, cité in Droit de la construction 1/2000 p. 24, no 86). Il l'a en revanche reconnue pour des personnes habitant à environ 100 et 150 mètres des constructions projetées (ATF 121 II 171).

 

3. En l'espèce, et au vu de la jurisprudence qui précède, la qualité pour recourir doit être déniée aux trois recourants. En effet, ils habitent respectivement à 600, 700 et 800 mètres de la place des Nations, soit bien au-delà du périmètre dans lequel on peut raisonnablement les considérer comme des voisins de cette place. Leur recours est donc irrecevable.

 

4. Selon l'article 93 alinéa 2 LR, les associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

 

Aux termes de l'article 4 lettre d de ses statuts, la section genevoise du TCS a pour but de réaliser sur le plan local et d'une manière indépendante les mêmes objectifs que ceux que vise le TCS en matière de tourisme et de circulation routière, en particulier, et de manière non exhaustive, de sauvegarder et de promouvoir les droits et les intérêts généraux des sociétaires, par rapport aux questions relatives à la circulation routière, à la complémentarité des modes de transports et à la mobilité dans le cadre de l'aménagement du territoire, des constructions et ouvrages et de la protection de l'environnement.

 

Le but premier poursuivi par la section genevoise du TCS est ainsi la protection et la sauvegarde des intérêts de ses membres et non l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire et la protection de l'environnement. La section genevoise du TCS n'a ainsi pas qualité pour recourir sur la base de l'article 93 alinéa 2 LR ou 145 alinéa 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (L 5 05 - LCI), également invoqué par le recourant et dont la teneur est identique.

 

5. Se pose en revanche la question de savoir si le TCS a qualité pour recourir dans l'intérêt de ses membres. Il faut pour cela que l'association ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel (ATF 124 II 293, 121 II 39).

 

S'il est certes exact que le TCS compte parmi ses membres une grande partie des habitants du canton de Genève, peu d'entre eux peuvent prétendre à la qualité de voisins au sens qui lui a été donné plus haut, faute d'habiter dans le périmètre voisin de la place des Nations. Faute de qualité pour recourir à titre individuel d'une grande partie de ses membres, le TCS n'a pas non plus qualité pour recourir dans leur intérêt.

 

6. Le recours est ainsi irrecevable.

 

Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants pris conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare irrecevable le recours interjeté le 13 novembre 2002 par le Touring club suisse - section genevoise, Mme A. et MM. D. et G. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 30 septembre 2002;

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1'500.-;

communique le présent arrêt à Me Yves Bonard, avocat des recourants, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à la Ville de Genève.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega