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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2637/2007

ATA/560/2008 du 04.11.2008 ( DT ) , ADMIS

Parties : GALLAY Raymond / COMMISSION FONCIERE AGRICOLE, OFFICE DES POURSUITES
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2637/2007-DT ATA/560/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 novembre 2008

 

dans la cause

 

 

Monsieur Raymond GALLAY
représenté par Me Pierre Gabus, avocat

 

contre

 

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

 

et

 

OFFICE DES POURSUITES



EN FAIT

 

1. Par arrêt du 28 novembre 2006 (ATA/631/2006), à l’état de fait duquel il y a lieu de se référer, le Tribunal administratif a admis le recours interjeté par Monsieur Raymond Gallay prononçant le désassujettissement à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR – RS 211.412.11) de la bande de la sous-parcelle n° 3530 comprenant le bâtiment n° 431.

La division de la parcelle n° 2452 en deux sous-parcelles devait être réalisée à la limite du chemin séparant les deux parties de celle-ci, et non pas de manière à maintenir sur la partie nord le hangar agricole.

2. Saisi d’un recours par l’office fédéral de la justice, division principale du droit privé, le Tribunal fédéral a statué le 15 juin 2007 (ATF 5A.2/2007). Il a admis le recours de droit administratif à l’encontre de l’arrêt précité, l’a annulé et renvoyé la cause au tribunal de céans pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le Tribunal administratif n’avait pas examiné la requête selon les critères objectifs, qui priment en principe sur le critère subjectif de l’utilisation effective. Il ne s’était en particulier pas prononcé sur le caractère indispensable du hangar à un usage agricole et sur la viabilité économique d’une exploitation agricole à laquelle ce bâtiment pourrait servir.

3. Le 10 septembre 2007, le juge délégué a invité le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département ou le DCTI) à prendre position sur la question de savoir si la réglementation de l’aménagement du territoire ne permettait qu’une utilisation agricole du hangar ou si elle autorisait l’affectation actuelle de celui-ci, soit une utilisation comme couvert à machines, dépôt et atelier.

Le service de l’agriculture (ci-après : le service) a lui aussi été sollicité afin d’examiner si un tel hangar était nécessaire à une exploitation agricole et, dans l’affirmative, si une telle exploitation était viable une fois le hangar rattaché à celle-ci.

4. Après s’être transporté sur place le 18 septembre 2007, le département a constaté le 26 septembre 2007 que le bâtiment n° 431 abritait du matériel agricole, des véhicules et divers meubles.

L’affectation du bâtiment était donc inchangée depuis le rapport d’enquête établi le 10 août 2004.

Le département a considéré que l’utilisation actuelle du hangar était conforme à la destination de la zone agricole.

5. Par courrier du 4 octobre 2007, le service a rappelé que la construction du hangar avait été autorisée en 1981. Dans son préavis formulé à l’époque, le service avait expressément mentionné que ce hangar serait destiné exclusivement aux matériels agricoles. Des mesures provisionnelles devaient être prises pour éviter toute location ou autre affectation dudit hangar. Dès lors, une utilisation autre qu’agricole serait illicite.

Le hangar était parfaitement utile à une exploitation agricole, compte tenu du nombre de requêtes en autorisation de construire de bâtiments agricoles qu’il était amené à préaviser.

De plus, l’utilisation et la location d’un bâtiment existant étaient économiquement plus supportables qu’une nouvelle construction.

Enfin, un hangar agricole sur une exploitation était de nature à favoriser la viabilité d’une exploitation.

6. Le 16 octobre 2007, le juge délégué a demandé au service de lui préciser quelles requêtes portant sur des bâtiments analogues au hangar auraient pu devenir sans objet si le hangar litigieux avait été affecté à des fins agricoles.

Le service devait en outre préciser s’il avait connaissance d’un besoin effectif d’utilisation d’un hangar agricole similaire au hangar litigieux par des agriculteurs ayant une exploitation à quelques kilomètres au plus de celui-ci.

7. Par courrier du 23 octobre 2007, le service a répondu ne pas pouvoir se prononcer de manière plus précise sur ces questions.

8. Le 16 janvier 2008, le conseil du recourant a indiqué que les deux autorités interpellées n’avaient en aucune manière répondu à la question posée par le Tribunal fédéral, relative au caractère indispensable du hangar à usage agricole et sur la viabilité économique d’une exploitation agricole à laquelle ce bâtiment pourrait servir.

De plus, le hangar, bien que situé en zone agricole, n’était aucunement affecté à l’exploitation d’une entreprise agricole. L’assujettissement de la nouvelle parcelle sur laquelle il serait situé à la LDFR ne se justifiait donc pas.

 

 

 

 

 

EN DROIT

1. La recevabilité du recours n’a pas été remise en cause par le Tribunal fédéral. M. Gallay a la qualité pour recourir et son recours est recevable.

2. Les principes applicables en droit ressortent tant de l’arrêt du Tribunal administratif du 28 novembre 2006 que de celui rendu par le Tribunal fédéral le 15 juin 2007.

La LDFR s’applique notamment à des immeubles agricoles isolés qui sont situés en dehors d’une zone à bâtir au sens de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 12 août 1979 (LAT – RS 700) et dont l’utilisation agricole est licite (cf. art. 2 al.1). Est agricole l’immeuble approprié à un usage agricole ou horticole (art. 6 al. 1 LDFR), à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (cf. E. HOFER, in : Le droit foncier rural, Brugg 1998, nos 7 ss ad art. 6 LDFR). Pour juger si un bâtiment correspond objectivement à un usage agricole, il faut examiner s’il est indispensable à l’exploitation agricole et si l’exploitation agricole à laquelle il sert est économiquement rentable (ATF 125 III 175 consid. 2 c). Pour se prononcer sur l’autorisation du morcellement, l’autorité doit se fonder en premier lieu sur les circonstances objectives du cas concret. Cela suppose d’examiner le caractère indispensable du bâtiment à l’exploitation agricole et la viabilité économique de l’exploitation agricole à laquelle il sert (ATF 5 A.2/2007 ; ATF 125 III 175 consid. 3.1). Dans certaines situations, il y a également lieu de tenir compte, à titre secondaire, d’un critère subjectif, à savoir l’utilisation effective durant de longues années (Message du Conseil fédéral à l’appui de la LDFR du 19 octobre 1988, in : FF 1988 III 889, p. 917 E. HOFER, op. cit., n.16 ad art. 6 LDFR ; Y. DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence de droit foncier rural 1994-1998, 1999, n. 62 p. 51-52 ; Idem Commentaires de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le nouveau droit foncier rural, 1993 n. 81.44).

3. Le Tribunal administratif a instruit sur les circonstances objectives du cas concret. Il s’est en particulier adressé au service et au DCTI. Les deux autorités ne se sont en aucune manière prononcées sur le caractère indispensable du hangar à un usage agricole et sur la viabilité économique d’une exploitation agricole à laquelle ce bâtiment pourrait servir, alors même que le service avait affirmé qu’il existait un besoin effectif pour des bâtiments de ce type et que les demandes étaient nombreuses.

En réalité, les réponses du service et du DCTI permettent d’établir que la seule présence d’un hangar sur une exploitation agricole ne suffit pas à conclure que la viabilité de cette dernière serait renforcée.

Le service n’a pas été en mesure de démontrer la nécessité du hangar litigieux pour des besoins agricoles. Ses réponses aux demandes du tribunal de céans ont été plutôt évasives et d’ordre général.

Lors de son transport sur place du 26 mai 2004, la commission foncière agricole (ci-après : CFA) a constaté que la partie de la parcelle comprenant les hangars et dépôts n’était plus apte à recevoir une activité agricole et qu’une division de la parcelle devait être réalisée.

En effet, il ressort de la configuration des lieux qu’il serait très difficile en l’état d’affecter la partie de terrain sur laquelle se situe le bâtiment n° 431 à un but agricole. Sa dimension est restreinte, un atelier de réparation de véhicules industriels se situe à proximité, le chemin qui sépare les deux parcelles rend l’accès difficile et des conduites (canalisations, égouts, électricité) empêchent également l’exploitation du sol.

De plus, aucune entreprise agricole n’est en activité sur les parcelles objet du présent litige quand bien même elle est située en zone agricole. Qui plus est, aucun hangar agricole ne se trouve dans un périmètre de l’objet litigieux Il ne ressort pas non plus du dossier que des terres arables seraient liées à la parcelle litigieuse.

Le fait que le hangar soit utilisé comme dépôt de matériel agricole, de véhicules et de meubles, ne donne aucun indice d’une utilisation agricole. Au contraire, il apparaît que ce bâtiment n’est pas affecté à l’agriculture, mais a été utilisé par une entreprise de réparation de machines agricoles.

Le DCTI n’a pas pris position sur la légalité de l’affectation actuelle du hangar bien qu’il y ait été formellement invité par le Tribunal administratif. Ayant eu connaissance de l’arrêt du Tribunal fédéral, on peut en conclure que si l’utilisation du bâtiment à des fins non agricoles de dépôt, de couvert à machines, d’atelier et de réfectoire contrevenaient aux dispositions de la LAT, le DCTI n’aurait pas manqué de le faire savoir, respectivement de prendre toutes mesures utiles que la loi lui confère.

Le Tribunal administratif n’a donc trouvé aucun élément objectif permettant de conclure que le hangar serait utile à l’agriculture. Bien au contraire, le caractère indispensable du hangar à usage agricole n’est pas démontré et il appert que la viabilité économique d’une exploitation agricole à laquelle ce bâtiment pourrait servir serait des plus difficiles. En conséquence, après un examen des critères tant objectifs que subjectifs du dossier, la bande de terrain en cause sur laquelle repose le hangar n° 431 doit être désassujettie jusqu’à la limite du chemin de Longet.

 

 

Le recours de M. Gallay sera donc admis et la décision attaquée annulée.

Le dossier sera renvoyé à la CFA afin qu’elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la CFA qui succombe (art. 87 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à charge de l’Etat de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 octobre 2005 par Monsieur Raymond Gallay contre la décision de la commission foncière agricole du 30 août 2005 ;

 

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission foncière agricole du 30 août 2005 ;

lui renvoie la cause pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met à la charge de la commission foncière agricole un émolument de CHF 1’000- ;

alloue à Monsieur Raymond Gallay une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à charge de l’Etat de Genève ;

dit que conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joint à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat du recourant, ainsi qu’à la commission foncière agricole, à l’office des poursuites et à l’office fédéral de la justice.

 

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, juges, M. Bonard, juge suppléant

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

 

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :