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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1611/2011

ATA/830/2012 du 11.12.2012 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1611/2011-AIDSO ATA/830/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par Me Michel Bosshard, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Monsieur M______, né le ______ 1977 à Douala, au Cameroun, a reçu depuis le 1er mars 2006 une aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice), étant précisé qu’il était alors domicilié à Genève.

L’hospice ayant nourri des doutes quant à la réalité de cette domiciliation a ouvert une enquête et, le 17 septembre 2010, une inspectrice de l’hospice a établi un rapport, qui a conduit au prononcé, le 14 décembre 2010, d’une demande de restitution de prestations indûment versées à hauteur de CHF 25'769,20, M. M______ étant invité à rembourser cette somme, correspondant à des prestations perçues sans droit du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010.

Cette décision a été confirmée sur opposition par le directeur de l’hospice aux termes d’une décision du 18 avril 2011.

Il résulte en particulier de cette dernière décision que durant cette période, M. M______ avait déplacé le centre de ses intérêts personnels et professionnels de Genève à la Tour-de-Peilz. Les faits de la cause seront repris ci-après dans l’ordre chronologique, le litige consistant à déterminer où M. M______ était domicilié durant la période précitée.

a. M. M______ est arrivé à Genève à une date qu’il est difficile de déterminer. Toutefois, il a travaillé chez P______ en 2005 déjà et il est connu de l’hospice depuis le 21 février 2006.

b. M. M______ est le père d’une enfant prénommée K______, âgée de 9 ans, qui vit avec sa mère à Annemasse. M. M______ a, sur cette enfant, une garde alternée, une semaine sur 2, et doit s’acquitter d’une contribution d’entretien de CHF 100.- par mois pour cette enfant.

c. M. M______ a ensuite épousé une ressortissante suisse, Madame J______, dont il est séparé depuis le 15 février 2006, mais dont il a 3 enfants, un garçon et des jumelles, âgés de 7 ans et 6 ans, lesquels vivent à Bernex. Il devait s’en occuper tous les mercredis, du moins pendant la période du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010, ainsi qu’une semaine sur 2 et pendant la moitié des vacances scolaires.

d. Enfin, M. M______ a épousé le 15 novembre 2010 à Vevey Madame F______, suissesse, et le couple a eu 4 enfants en commun, à savoir :

- Y______, né le ______ 2007 ;

- V______ et A______, jumeaux, nés le ______ 2009 ;

- P______, née le ______ 2010 à la Tour-de-Peilz.

Monsieur M______ a reconnu les 3 premiers enfants nés avant son mariage avec Mme F______. Ainsi, les 4 enfants du couple portent le nom de M______.

Y______, V______ et A_____ ont été placés par le service de la protection des mineurs du canton de Genève (ci-après : SPMi) au foyer Piccolo jusqu’à fin août 2010. Mme F______ étant alors domiciliée à la Tour-de-Peilz, c’est par la suite le service de protection de la jeunesse du canton de Vaud qui a placé ces enfants aux Clarines, près de Chardonne. La cadette, P______, est toutefois restée auprès de sa mère, y compris lors de l’hospitalisation de cette dernière dans le canton de Vaud également, de janvier à avril 2010. Toutefois, en décembre 2010, suite à une tentative de suicide de Mme F______, le service de la protection de la jeunesse du canton de Vaud a retiré P______ à sa mère pour placer cette enfant aux Clarines également, avec ses 3 frères et sœurs. M. M______ a toujours déclaré qu’il était domicilié à Genève du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010, dans un appartement HLM de 5 pièces situé à l’avenue R______, dans lequel Mme F______ a admis avoir résidé jusqu’en juillet 2009 mais dont le bail avait été résilié pour fin novembre 2010. Selon Mme F______, M. M______ pouvait ainsi héberger ses enfants des lits antérieurs, de même que leurs enfants communs lorsque ceux-ci n’étaient pas en foyer.

Enfin, M. M______ a admis pour sa part qu’il avait, par périodes, cohabité dans ce logement avec une amie, Madame O______, et le fils de celle-ci, âgé d’un an, à laquelle il a cependant contesté avoir sous-loué l’appartement. Mme F______ était alors partie habiter chez son père, domicilié à Monthey, puis elle avait obtenu en octobre 2009 un appartement à la Tour-de-Peilz, dans lequel elle avait emménagé. Lui-même n’avait selon ses dires jamais cohabité avec elle à la Tour-de-Peilz. Mme F______ étant enceinte de P______ et ne pouvant pas travailler, elle avait créé en décembre 2009 une société en nom, sous le nom F______ Entreprise, de siège à la Tour-de-Peilz, dont le but était la peinture, le nettoyage et la rénovation, selon l’extrait du registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Vaud, cette entreprise ayant cependant été radiée le 10 février 2011. Elle n’aurait généré que CHF 3'500.-, M. M______ s’étant contenté de donner « un coup de main » à son épouse sans être rémunéré, son propre nom n’ayant pas été mentionné au RC « pour éviter des problèmes avec les services sociaux » d’après ses propres déclarations à son assistante sociale les 26 février et 25 mars 2010.

Ayant toutefois été considéré comme indépendant, M. M______ ne pouvait pas recevoir de prestations de l’assurance-chômage.

Aux termes du rapport de l’inspectrice de l’hospice, depuis janvier 2010, les recherches d’emploi de M. M______ s’étaient concentrées presqu’exclusivement sur le territoire vaudois. De même, en 2010, les retraits en espèces et les paiements par carte avaient eu lieu par le débit de son compte postal, en grande majorité dans le canton de Vaud. Néanmoins, il avait conservé en 2010 le domicile de l’avenue R______ et les prestations d’aide financière qui lui étaient versées à titre individuel.

Lors d’une nouvelle visite dans ce logement le 17 septembre 2010, l’inspectrice avait relevé que cet appartement était sommairement meublé, les matelas étant posés à même le sol, voire sur des sommiers non équipés, alors que le logement de la Tour-de-Peilz avait été décrit par les services sociaux vaudois comme disposant d’un excellent confort et étant très bien agencé.

2. La décision sur opposition du 18 avril 2011 a été expédiée à M. M______ à son adresse à Perly le même jour.

3. Le 31 mai 2011, un avocat nommé d’office par le service de l’assistance juridique aux termes d’une décision datée du 24 mai 2011, réceptionnée le 30 mai 2011, a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation. L’appréciation faite par l’hospice était arbitraire en ce sens qu’elle retenait, à tort, qu’il n’avait lui-même pas eu pendant la période incriminée de domicile ou de résidence effective à Genève.

Cet avocat a sollicité une audience de comparution personnelle, ainsi qu’un délai pour produire une liste de témoins et un autre pour motiver le recours. Il a complété ledit recours le 15 juin 2011.

A cette occasion, il a été précisé que M. M______, s’il rendait fréquemment visite à son épouse, Mme F______, à la Tour-de-Peilz, vivait à Genève dans l’appartement de l’avenue R_______ avec son amie, Madame V______. A cet effet, il a produit une attestation qu’il avait lui-même rédigée le 13 juin 2011, selon laquelle Mme V______, habitant à Nyon, aurait habité avec lui d’août 2010 à fin octobre 2010, sans avoir procédé à un changement d’adresse du fait qu’elle sous-louait l’appartement précité chemin J______ à Nyon.

Enfin, M. M______ a allégué avoir fréquemment reçu sa fille K______ dans le logement de l’avenue R______, ce que la mère de cette enfant a confirmé aux termes d’une attestation datée du 14 juin 2011. Il résulte de cette dernière pièce qu’en septembre 2010, M. M______ était même venu chercher K______ à l’école, en compagnie de Mme V______. K______ avait dit à sa mère que M. M______ se rendait souvent à la Tour-de-Peilz pour voir les autres enfants qu’il avait eus avec Mme F______, avec lesquels elle jouait fréquemment dans le logement de l’avenue R______, mais avec lesquels elle se rendait également au tennis et à la piscine à Genève. De même, la cousine de K______, prénommée AB______, qui venait de Paris, avait logé avec eux dans cet appartement.

Quant à Mme O______, elle a, dans un courrier du 2 mai 2011 mentionnant pour adresse quai X______ à Genève, attesté qu’avec son fils, elle avait, pendant un certain temps, logé chez M. M______ à l’avenue R______ et qu’elle était sur place lorsque la brigade des mineurs était intervenue. M. M______ rentrait tous les jours chez lui, à cette adresse.

Avant de nouer cette relation avec Mme V______, M. M______ aurait tenté de sous-louer une pièce de l’appartement à Madame S_______, dont l’adresse est inconnue.

Enfin, M. M______ a produit l’attestation de voisins, Monsieur H_______ et Madame U_______, habitant en face de lui à l’avenue R______. Ces 2 personnes ont certifié qu’elles voyaient fréquemment M. M______ lorsqu’il partait le matin de chez lui et le soir lorsqu’il rentrait, cela jusqu’à fin novembre 2010. Il était souvent avec ses enfants ou avec une jeune femme et son fils.

M. M______ a encore fait valoir que le 22 août 2010, il avait commis une contravention au code de la route alors qu’il circulait à Carouge. Il avait continué à effectuer ses courses à Ferney-Voltaire, ce qu’il n’aurait pas fait s’il avait habité à la Tour-de-Peilz. Il a produit les factures des Services industriels de Genève (ci-après : SIG) attestant de sa consommation d’électricité. Enfin, il suivait ses traitements médicaux à Genève et effectuait tous ses paiements à des guichets postaux situés dans ce canton. Il n’avait pas non plus exercé d’activité indépendante dans le canton de Vaud mais avait agi à titre bénévole dans le cadre de l’entreprise de son épouse, pour aider cette dernière. La décision de l’hospice était ainsi infondée.

4. L’hospice a répondu le 2 août 2011 en concluant au rejet du recours. A la suite de l’hospitalisation de Mme F______ à la clinique de Belle-Idée en mars 2009, le SPMi avait retiré la garde des 3 enfants à leur mère et ordonné le placement de ceux-ci au foyer Piccolo à Genève.

Le 25 juin 2009, M. M______ avait signé le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », aux termes duquel il devait en particulier informer l’hospice de toute modification survenue dans sa situation personnelle ou financière.

Le 3 juillet 2009, il avait déclaré à son assistante sociale qu’il souhaitait s’installer avec Mme F______ à la Tour-de-Peilz, où vivait la famille de celle-ci.

Le 9 juillet 2009, Mme F______ avait informé l’hospice qu’elle s’était séparée de M. M______ et partait vivre à Monthey. M. M______ étant demeuré au domicile de la route R______, les prestations financières lui avaient été versées à titre individuel dès le 1er juillet 2009.

Le 9 octobre 2009, M. M______ avait déclaré qu’il avait 2 possibilités d’emploi dans le canton de Vaud.

Le 6 novembre 2009, le SPMi avait informé l’hospice que Mme F______, enceinte, vivait dorénavant à la Tour-de-Peilz, apparemment en couple avec M. M______.

Le 26 novembre 2009, M. M______ et Mme F______ étaient venus ensemble à l’entretien fixé par l’assistante sociale à Genève, à laquelle ils avaient annoncé avoir créé une entreprise individuelle au nom de Mme F______ à la Tour-de-Peilz.

Le 3 juin 2010, les autorités vaudoises avaient accepté le transfert du for tutélaire des enfants Y______, V______ et A______ en raison du domicile dans le canton de Vaud des parents desdits enfants, l’adresse mentionnée pour M. M______ étant celle de la Tour-de-Peilz. Les autorités tutélaires du canton de Vaud avaient ordonné le retrait de la garde de P______ à ses parents, M. M______ ayant suivi une « thérapie de violences conjugales » à Genève, puis dans le canton de Vaud, canton dans lequel étaient placés leurs 3 premiers enfants jusqu’à mi août 2010.

Le 10 août 2010, le SPMi du canton de Genève, en charge d’un dossier concernant Mme O______, a informé l’hospice que celle-ci lui avait déclaré avoir vécu plusieurs mois seule avec son fils dans l’appartement de M. M______ à l’avenue R______, ce dernier étant parti dans le canton de Vaud avec Mme F______. Ledit service, également en charge du suivi des 3 autres enfants de M. M______, issus de l’union de celui-ci avec Mme J______, a indiqué avoir eu des difficultés à rencontrer l’intéressé, peu souvent à Genève.

Selon l’autorisation de séjour délivrée à M. M______ le 27 août 2010, valable jusqu’au 16 février 2011, M. M______ travaillait dans le canton de Vaud.

Enfin, le 17 septembre 2010, la brigade des mineurs avait signalé avoir effectué plusieurs passages au domicile de M. M______ dans le cadre d’une autre affaire. A ces occasions, l’intéressé était toujours absent.

Le 7 octobre 2010, le centre d’action sociale (ci-après : CAS) de Saint-Jean avait mis un terme, dès le 1er août 2010, aux prestations d’aide sociale allouées à M. M______ en raison de l’absence de domicile et de résidence effective de l’intéressé dans le canton de Genève, respectivement de son statut d’indépendant au sein de F______ Entreprise.

M. M______ ayant formé opposition à cette décision, le directeur de l’hospice avait rejeté ladite opposition le 8 novembre 2010 et cette décision était devenue définitive, faute de recours.

Aucun des documents produits depuis par le recourant n’était de nature à modifier la détermination de l’hospice. Il n’était pas contesté que M. M______ se rendait régulièrement à Genève dès lors qu’il y disposait d’un appartement, dont le paiement du loyer était assuré par l’hospice, ni qu’il se rendait à Ferney-Voltaire pour y faire ses courses. Il n’en résultait pas qu’il était domicilié à Genève.

Préalablement, M. M______ n’avait jamais évoqué un concubinage avec Mme V______. Quant à ses voisins, M. U_______ avait déménagé le 7 juin 2010 selon le registre de l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) et seule Mme H_______ était encore domiciliée à l’adresse en question. En revanche, ledit fichier ne faisait pas état de « Mme U_______ » ou de « M. H_______ », signataires de l’attestation produite par l’intéressé. Les déclarations du recourant étaient contradictoires et évoluaient au fil du temps et en fonction de ses interlocuteurs. Le recours devait être rejeté.

5. Le 14 octobre 2011, le juge délégué a entendu les parties lors d’une audience de comparution personnelle. A cette occasion, chacune d’elles a campé sur ses positions. M. M______ a indiqué qu’en novembre 2010, lorsqu’il avait perdu son appartement de l’avenue R______, il avait été hébergé par un ami, Monsieur  D_______, domicilié à Carouge, dont il ne se souvenait plus de l’adresse.

M. M______ ne trouvait pas de travail, alors même qu’il avait une formation de conducteur de poids lourds. Quant à son épouse, elle avait déposé une demande auprès de l’assurance-invalidité dans le canton de Vaud, mais son médecin traitant ayant considéré qu’elle pouvait retravailler, elle n’avait rien perçu.

En été 2010, il avait fait la connaissance de Mme V______. Comme il avait de la peine à payer le loyer, il avait cherché quelqu’un avec qui il puisse cohabiter. Mme V______ avait alors payé la moitié du loyer de l’appartement dès le 1er août 2010, après avoir mis en location le logement dans lequel elle vivait précédemment à Nyon. Le loyer de l’appartement de la Tour-de-Peilz où vivait Mme F______ était payé par le père de celle-ci. M. M______ disait vivre grâce à l’argent que lui remettait Mme V______, avec laquelle il avait vécu jusque peu avant son mariage le 15 novembre 2010. Mme V______ aurait souhaité l’épouser, mais il ne pouvait pas le faire. L’hospice a produit une attestation de Monsieur F______, le père de Mme F______, attestant des frais qu’il avait assumés pour sa fille et ses petits-enfants.

Sur quoi, le juge délégué a décidé de convoquer Mme F______, l’audition des autres témoins étant réservée.

6. Le 4 novembre 2011, M. M______ s’est excusé pour l’audience, à laquelle son conseil a assisté.

a. Il a été procédé à l’audition de Mme F______, qui a confirmé pour l’essentiel ses précédentes dépositions. M. M______ disposait d’un permis de conduire poids lourds, mais camerounais, et n’avait pas sollicité l’échange de ce permis contre un permis de conduire suisse. Il travaillait sur appel comme peintre pour une société de travail temporaire, de manière occasionnelle. Elle a confirmé avoir vécu à la Tour-de-Peilz depuis octobre 2009 jusqu’au 15 février 2011, date à laquelle elle avait obtenu un appartement à Genève. Le couple avait reçu des prestations de l’hospice, qui s’élevaient mensuellement à CHF 4'100.-, dont il convenait de déduire le montant du loyer, soit CHF 1'950.-, et les cotisations à l’assurance-maladie. De plus, ils devaient assumer des frais de trajets pour aller voir leurs enfants en voiture à Chardonne et ils avaient régulièrement les autres enfants de son mari à domicile. M. M______ versait CHF 600.- par mois de pension pour ses 3 enfants issus de son union avec Mme J______. Le couple n’avait pas à contribuer aux frais de placement de leurs 4 enfants communs. Il leur était impossible de rembourser la somme qui leur était réclamée. Elle-même avait perçu des indemnités de chômage lorsqu’elle était en congé maternité et en congé maladie. Ces indemnités totalisaient environ CHF 1'600.- par mois mais elles étaient déduites des prestations versées actuellement par l’hospice.

b. La représentante de l’hospice a déclaré qu’en cas de confirmation de la demande de remboursement, l’hospice examinerait les modalités de celui-ci. Mme F______ a encore expliqué que lorsqu’elle avait emménagé à la Tour-de-Peilz dans un 4,5 pièces, elle avait demandé à M. M______ de lui laisser des meubles car elle n’avait rien du tout. Il n’avait conservé que la table de la cuisine, une cuisinière, des lits et un frigo.

7. A l’issue de l’audience, il a été décidé que la cause était gardée à juger, Mme O______ ne pouvant être atteinte car son adresse était inconnue et Mme V______ ayant eu une relation avec le recourant après la fin de la période litigieuse.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17A et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (aLASI - J 4 04) a subi des modifications, qui sont entrées en vigueur le 1er février 2012 et cette loi est dorénavant intitulée loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

L’enquête et la demande de remboursement adressée à l’intéressé étant antérieures au 1er février 2012, la cause demeure régie par l’aLASI et le règlement d’exécution de celle-ci du 25 juillet 2007 (aRASI - J 4 04.01), qui a lui-même été remplacé par le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01).

3. A teneur de l’art. 11 al. 1 let. a aLASI, ont droit à des prestations d’aide financière les personnes qui :

a) ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève ;

b) ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ;

c) répondent aux autres conditions de la présente loi.

L’hospice réclame à M. M______ le remboursement de CHF 25'769,20 représentant des prestations qu’il a reçues indûment pour la période du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010, n’ayant pas habité à Genève avec sa famille durant cette période, comme il l’avait prétendu.

M. M______ conteste que tel ait été le cas. Toutefois, il n’a jamais fait valoir que le calcul auquel avait procédé l’hospice, ni le montant réclamé au titre de remboursement, seraient inexacts.

4. Il résulte du dossier et des déclarations des parties, mais également de celle de Mme F______, que M. M______ a signé un engagement avec l’hospice, selon lequel il devait annoncer à cette institution toute modification survenant dans sa situation personnelle. S’il a toujours déclaré que durant la période incriminée, soit du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010, il n’avait pas cessé de vivre avec sa famille à Genève, tel n’était assurément pas le cas. Même si M. M______ a pu conserver jusqu’en novembre 2010 un appartement HLM de 5 pièces à Genève, il n’avait pas pour autant dans cette ville le centre de ses intérêts puisque depuis octobre 2009, Mme F______ avait pris domicile à la Tour-de-Peilz, et cela jusqu’en février 2011, de sorte que M. M______ faisait des allers et retour, selon ses dires, entre la Tour-de-Peilz et Genève, et que Mme F______ elle-même avait cessé de vivre dans ce logement en août 2009. Les 4 enfants du couple ayant été placés, aussi bien par les autorités genevoises que vaudoises, ils ne vivaient pas avec leurs parents durant la majeure partie du temps.

L’inspectrice de l’intimé a cependant constaté, en particulier lors des visites au domicile à l’avenue R______ qu’elle a effectuées les 6, 16, 27 juillet et 11 août 2010, que M. M______ y vivait seul, ou en concubinage avec Mme O______, Mme S_______ ou Mme V______.

Enfin, il a certes travaillé pendant la période incriminée pour l’entreprise de nettoyage F______, dont le siège était à la Tour-de-Peilz. Il n’en résulte pas qu’il aurait été domicilié dans cette localité.

Les attestations produites ne démontrent pas le contraire, étant trop imprécises quant aux dates considérées. Dès lors, il incombait à l’hospice - avant de prendre une décision de remboursement de prestations indues - d’établir le lieu où M. M______ était domicilié, puisque le fardeau de la preuve lui incombait.

5. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (Arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 et références citées ; ATA/797/2010 du 16 novembre 2010 ; ATA 649/2010 du 21 septembre 2010 ; ATA/532/2010 du 4 août 2010 ; ATA/669/2009 du 15 décembre 2009 et les références citées).

En l’espèce, force est d’admettre que l’hospice n’a pas rapporté la preuve que M. M______ n’était pas domicilié à Genève du 1er octobre 2009 au 31 juillet 2010, ce qui est compréhensible au vu des déclarations contradictoires de M. M______ et de son épouse et de l’imprécision des attestations produites. Il n’en résulte cependant pas non plus que le recourant était alors domicilié dans le canton de Vaud.

6. Le recours sera donc admis et la demande de remboursement annulée. Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2011 par Monsieur M______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 18 avril 2011 ;

au fond :

l’admet ;

annule les décisions prises par l’Hospice général les 14 décembre 2010 et 18 avril 2011 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 500.-, à charge de l’Hospice général ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Bosshard, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :