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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1033/2007

ATA/538/2011 du 30.08.2011 sur DCCR/60/2009 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : ; IMPÔT ; PRESCRIPTION ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; AUTORITÉ FISCALE
Normes : LIFD.120.al1 ; LIFD.120.al3.leta ; LIFD.120.al3.letb ; LPA.4 ; LPFisc.36.al2 ; LPFisc.43
Résumé : Un bordereau IFD notifié le 7 novembre 2005 concernant l'année 1999 est nul dès lors que la prescription du droit de taxer était atteinte. Une décision sur réclamation rendue par l'AFC, sans bordereau rectificatif n'en est pas moins une décision si elle mentionne les éléments imposables et le montant de l'impôt, de telle manière que le destinataire puisse se rendre compte de l'importance et des conséquences de la correction apportée par l'autorité fiscale.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1033/2007-ICCIFD ATA/538/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 août 2011

2ème section

 

dans la cause

Madame et Monsieur G______
représentés par Me Pierre Gillioz, avocat

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

et

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

contre

 

Madame et Monsieur G______
représentés par Me Pierre Gillioz, avocat

 

et

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 février 2009 (DCCR/60/2009)


EN FAIT

1. F______ S.A. est une société qui avait pour activité l’achat, la vente ainsi que le commerce en gros et au détail de tous objets de bijouterie et d’orfèvrerie et en particulier de chaînes et bracelets en tous genres. Sa raison sociale a été modifiée en 1999 en N______ S.A. Dès lors, son but a été les investissements, opérations financières et en particulier la prise et l’administration de participations.

Le capital actions de F______ S.A. était détenu à 100 % par Monsieur G______, administrateur président et Madame G______, administratrice vice-présidente (ci-après : les contribuables).

2. H______ S.A. a été constituée en 1995 et a pour but les investissements et opérations financières, en particulier la prise et l’administration de participations à toutes sociétés ou entreprises. La société a été radiée du Registre du Commerce de Genève le 25 mars 1999 par suite du transfert du siège de la société à Zoug.

Les contribuables détenaient 44,75 % du capital-actions de H______ S.A., alors que F______ S.A. en détenait 49 %. M. et Mme G______ étaient respectivement l’administrateur président et l’administratrice vice-présidente de cette société.

3. Les deux sociétés susmentionnées se sont adressées à l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) par courrier du 27 janvier 1999 afin de connaître les conséquences fiscales d’une future transaction.

H______ S.A. souhaitait transférer à F______ S.A. la propriété de deux immeubles sis à Genève et Thônex. Néanmoins, F______ S.A. ne disposait pas des liquidités nécessaires pour cette acquisition et avait déjà une dette de l’ordre de CHF 6'000'000.- envers H______ S.A. Pour ne pas aggraver l’endettement de F______ S.A. lors du transfert d’immeubles, il était envisagé que H______ S.A. distribue un dividende de CHF 15'000'000.- à F______ S.A. en deux étapes : les contribuables devaient renoncer à leur droit au dividende. Une partie du dividende, en nature, s’élevait à CHF 10'660'000.- (valeur comptable et vénale des deux immeubles), et le solde, en espèces, de CHF 4'340'000.- devait être réglé par compensation partielle de la dette de H______ S.A. envers F______ S.A. H______ S.A. déclarerait alors le dividende en nature et la cession de créance.

4. L’AFC-CH a répondu par courrier du 19 février 1999 :

- dans la mesure où la décision formelle de distribution du dividende en nature était prise par l’assemblée générale de H______ S.A., faisant l’objet d’un procès-verbal, lequel mentionnerait que l’actionnaire majoritaire de H______ S.A. renonçait à son droit au dividende, l’obligation fiscale revenant à F______ S.A. pourrait être exécutée par la procédure dite de déclaration de la prestation imposable (art. 20 de la loi fédérale sur l’impôt anticipé du 13 octobre 1965, (LIA – RS 642.21) et art. 24 de l’ordonnance d’exécution de la loi fédérale sur l’impôt anticipé du 19 décembre 1966 (OIA – RS 642.211) ;

- quant au dividende en espèces, versé par compensation, il devait être déclaré spontanément à l’administration fédérale ;

- concernant les conséquences en matière d’impôts directs, le cas devait être soumis à l’administration fiscale cantonale.

5. H______ S.A. a tenu une assemblée générale extraordinaire le 22 février 1999, lors de laquelle les actionnaires ont décidé de la distribution d’un dividende extraordinaire de CHF 15'000'000.- en faveur de F______ S.A., qui devait s’effectuer par la cession des immeubles situés à Genève et Thônex d’une valeur de CHF 10'660'000.- et par le paiement de CHF 4'340'000.- en espèces.

M. et Mme G______, en qualité d’actionnaires, ont renoncé, par déclaration écrite du 22 février 1999, à leurs droits dans la distribution de dividende, en proportion de leur participation.

6. En date du 16 mars 1999, H______ S.A. a déclaré à l’AFC-CH le paiement du dividende en nature.

7. L’assemblée générale ordinaire de H______ S.A., approuvant les comptes de la société au 31 décembre 1998, a été tenue le 22 juin 1999. A cette occasion, aucune distribution de dividende supplémentaire n’a été décidée. Selon le procès-verbal de cette assemblée, le bénéfice de 1998 de CHF 177'651'514,91 avait été utilisé pour la distribution d’un dividende extraordinaire de CHF 15'000’000.- en faveur de F______ S.A., et reporté pour le surplus.

Le compte de pertes et profits de 1999 de F______ S.A., mentionne un revenu de participation de CHF 15'000'000.-. Le montant des dettes de F______ S.A. au 31 décembre 1999 envers les sociétés du groupe ascendait à CHF 4'093'799,31 alors qu’en décembre 1998, cette somme s’élevait à 4'273'472,20.

8. Par bordereau du 14 décembre 2000, l’administration fiscale cantonale (ci- après : l’AFC-GE) a notifié aux contribuables une taxation provisoire ICC 2000 de CHF 1'039'296,80, calculée sur la base d’un revenu imposable de CHF 1'336'233.- et d’une fortune imposable de CHF 64'916'819.-.

9. Le 1er juin 2001, l’AFC-GE a annexé à la déclaration fiscale 2001-A des contribuables un questionnaire relatif aux revenus et charges extraordinaires acquis dans les années 1999 et 2000 (durant la brèche de calcul). Les contribuables n’ont rien mentionné dans les rubriques concernées.

10. Le 13 décembre 2001, l’AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau de taxation rectificatif ICC 2000 d’un montant de CHF 1'680'835,40 calculé sur la base d’un revenu imposable de CHF 3'426'346.- et d’une fortune imposable de CHF 63'147'670.-. L’avis de taxation annexé faisait état d’un revenu mobilier de CHF 2'065'154.-.

11. Le 11 janvier 2002, l’AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau de taxation de revenus extraordinaires ICC 2000, par lequel un montant de CHF 60'667,60 était remboursé compte tenu des versements supérieurs à l’impôt dû. Le revenu imposable s’élevait dès lors à CHF 1'097'360.-. Quant à la fortune imposable, elle était nulle.

12. Par bordereau notifié aux contribuables le 12 janvier 2002, l’AFC-GE a établi un revenu extraordinaire imposable IFD 2000 de CHF 126'189,50, calculé sur la base d’un revenu imposable de CHF 1’097'300.-. La période d’assujettissement s’étendait du 1er janvier au 31 décembre 2000.

13. Par courrier du 14 janvier 2002 adressé à l’AFC-GE, le contribuable a exposé que l’avis de taxation ICC 2000 tenait compte d’un revenu de valeurs mobilières de CHF 2'065'154.-, alors que le revenu effectif encaissé était de CHF 7'604.-. Il sollicitait une explication au sujet de la différence de CHF 2'057'560.- (recte : CHF 2'057'550.-).

14. Par décision sur réclamation du 25 janvier 2005, l’AFC-GE a décidé de maintenir la taxation du revenu ICC 2000 au motif qu’en date du 30 juin 1999, H______ S.A. avait distribué un dividende de 750 % à M. G______ et qu’au 1er janvier 2000, ce dernier possédait 27'434 actions de cette société, ce qui conduisait à imposer un revenu supplémentaire de CHF 2'057'550.-, non déclaré.

15. En date du 1er février 2005, les contribuables ont élevé réclamation contre cette décision. Ils n’avaient pas perçu de dividende en 1999 sur les 27'434 actions, comme le démontraient les procès-verbaux des assemblées générales de H______ S.A. annexés.

16. Par courrier du 31 octobre 2005, l’AFC-GE a manifesté l'intention de modifier la taxation ICC 2000 en défaveur des contribuables, au motif que le montant du dividende imposable distribué par H______ S.A. s’élevait à CHF 6'712'500.- en lieu et place des CHF 2'057'550.- imposés précédemment, correspondant ainsi à 44,75 % (du capital actions de la société H______ S.A.) de CHF 15'000'000.-. L’AFC-GE a imparti aux contribuables un délai au 30 novembre 2005 pour de se déterminer.

17. Le 28 novembre 2005, le contribuable a contesté qu'un revenu au titre de dividende puisse lui être attribué en 2000. Il avait en effet renoncé à tout dividende lors de l'assemblée générale extraordinaire de H______ S.A. du 22 février 1999. La règle de l'art. 661 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220) n'étant pas de droit impératif, il lui était parfaitement loisible d’agir ainsi.

18. Le 7 novembre 2005, l’AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau de taxation IFD 1999 de revenus extraordinaires d’un montant de CHF 771'937,50, calculé sur la base d’un revenu imposable de CHF 6'712'500.-. La période d’assujettissement s’étendait du 1er janvier au 31 décembre 1999. L’administration a précisé que ce bordereau « revenus extraordinaires 1999 » tenait compte du dividende de H______ S.A. perçu en 1999.

19. Par courrier du 28 novembre 2005 adressé à l’AFC-GE, les contribuables ont contesté avoir perçu un revenu au titre de dividende en l’an 2000. Ils ont exposé que H______ S.A. avait versé un seul dividende, soit CHF 15'000'000.- à F______ S.A., conformément à la décision de l’assemblée générale extraordinaire du 22 février 1999.

20. Par acte du 6 décembre 2005, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre du bordereau de taxation IFD 1999 du 7 novembre 2005, en reprenant les arguments de leurs précédentes écritures. Ils n'avaient reçu aucun dividende en 1999 : l’assemblée générale des actionnaires de la société n’avait, à aucun moment, décidé de leur en attribuer un. Au contraire, elle avait décidé à l’unanimité de verser un dividende extraordinaire de CHF 15'000'000.- à la société F______ S.A. Par ailleurs, l’AFC-GE leur avait adressé en janvier 2002 un bordereau « revenus extraordinaires 2000 » ainsi qu’un bordereau rectificatif 2001 en septembre 2004, lesquels étaient entrés en force. De surcroît, le versement d’un dividende à la société F______ S.A. ne constituait pas un fait nouveau.

21. Par décision du 5 février 2007, l’AFC-GE a rejeté cette réclamation et maintenu la taxation pour la période fiscale 2000 (ICC 2000 et IFD 2000).

Le bordereau du 1er décembre 2000 concernait les revenus ordinaires 1999-2000 (période de calcul 1997-1998) et celui du 12 janvier 2002 les revenus extraordinaires 2000.

La renonciation par les contribuables à la perception de leur part au dividende s’expliquait essentiellement sinon exclusivement pour des raisons fiscales. Cette décision visait tout simplement à échapper à l’imposition du dividende qu'ils auraient normalement dû percevoir en leur qualité d’actionnaires. La renonciation était donc simulée, M. G______ ayant la possibilité de disposer économiquement du dividende versé à F______ S.A. au travers de cette société dont il était l’actionnaire unique.

22. Par acte reçu le 12 mars 2007, les contribuables ont interjeté recours contre cette décision devant la commission cantonale de recours de l’impôt fédéral direct, remplacée par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) et devenue depuis le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils ont conclu à l’annulation de la décision entreprise et du bordereau de taxation IFD du 7 novembre 2005.

Concernant l’impôt fédéral direct, l’AFC-GE ne pouvait plus faire valoir de créance fiscale pour l’année 1999 : les revenus extraordinaires perçus durant la période 1999 – 2000 avaient fait l’objet du bordereau d’impôt du 12 janvier 2002, entré en force. En l’absence d’un cas de soustraction d’impôt, la taxation ne pouvait être réouverte, car lors de la notification du bordereau du 12 janvier 2002, l’AFC-GE avait déjà connaissance du dividende perçu par F______ S.A. en 1999, cette société l’ayant comptabilisé et déclaré.

S’agissant de l’ICC, le litige portait uniquement sur le bordereau rectificatif du 13 décembre 2001 qui maintenait un revenu imposable au titre de dividende de CHF 2'057'550.- perçu de H______ S.A. en 1999. En effet, l’AFC-GE n’avait pas émis de bordereau rectificatif depuis lors. De ce fait, seul le bordereau du 13 décembre 2001 posait problème.

Les contribuables n’avaient reçu aucun revenu de leur participation dans H______ S.A. en 1999. L’Assemblée générale avait pris la décision, avec leur accord, de verser exclusivement à F______ S.A. un dividende de CHF 15'000'000.-. Ils n’avaient donc pas réalisé de revenu imposable à ce titre.

Il n’y avait pas non plus de prestation appréciable en argent dans la mesure où aucune transaction bilatérale n’était intervenue entre H______ S.A. et les contribuables ou des personnes leur étant proches.

L’AFC-GE considérait que cette opération serait assimilable à un prêt simulé. Or, force était de constater que, dans le cas d’espèce, aucune transaction assimilable à un prêt ou à une autre transaction contractuelle n’était intervenue entre H______ S.A. et F______ S.A. Le montant reçu par F______ S.A. constituait bel et bien un dividende : il avait été enregistré dans les livres de F______ S.A. et déclaré comme tel. Il n’y avait par conséquent aucune simulation.

Les recourants ne s’étaient procuré aucun avantage fiscal indû du fait de la distribution du dividende : la diminution des réserves ouvertes de H______ S.A. résultant de la distribution du dividende querellée avait été compensée par une augmentation des réserves ouvertes de F______ S.A. Si la substance reçue sous forme de dividende par F______ S.A. avait été distribuée à M. et Mme G______ qui en étaient les actionnaires uniques, elle serait imposable dans leur chef de la même manière que si elle leur avait été distribuée par H______ S.A. Elle aurait constitué un revenu imposable réalisé par les contribuables en 1999 en cas de distribution en leur faveur cette année-là. Elle constituait une réserve de F______ S.A., imposable en mains de M. et Mme G______ en cas de distribution.

Les contribuables ne s’étaient pas non plus procuré un avantage fiscal indu, par une réduction de leur base imposable ; il s'agissait uniquement d'un report dans le temps de l’imposition des dividendes.

23. Dans sa réponse du 14 décembre 2007, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours et subsidiairement à la reformatio in pejus de la taxation ICC 2000 des contribuables afin qu’il soit tenu compte d’un dividende versé de CHF 6'712'500. -.

L’opération de distribution asymétrique de dividendes devait permettre à F______ S.A. d’acquérir des immeubles ainsi que d’épuiser la dette de CHF 6'000'000.- qu’elle avait envers H______ S.A. L’opération avait donc été effectuée par H______ S.A. et F______ S.A. dans un but d’assainissement. La société fille (H______ S.A.) était chargée d’assainir la société mère (F______ S.A.). Or, en principe, c’était la règle inverse qui devait s’appliquer : ce sont les actionnaires qui devaient se charger d’assainir la société et non la ou les sociétés filles. La forme choisie par les époux G______ pour assainir F______ S.A. était insolite par rapport à la procédure ordinaire d’assainissement rencontrée dans le monde des affaires.

Force était donc de constater que la renonciation au dividende par les époux était simulée et dictée par des raisons purement fiscales. Les conditions pour admettre une évasion fiscale étaient dès lors réunies.

Par ailleurs, le bordereau du 12 janvier 2002 concernait la période d’assujettissement du 1er janvier au 31 décembre 2000. Par conséquent, la taxation 1999 n’était pas entrée en force. C’était le bordereau du 7 novembre 2005 qui concernait la période d’assujettissement 1999 et qui avait été attaqué par la voie de la réclamation.

24. Dans leur réplique du 5 février 2008, les contribuables ont persisté dans les conclusions prises dans leur recours.

La distribution de dividende litigieuse n'était pas constitutive d’évasion fiscale : F______ S.A. réalisait des bénéfices et n’avait aucune perte au bilan. Le capital de F______ S.A. n’avait à aucun moment été entamé. La société ne souffrait donc d’aucun besoin d’assainissement. La distribution de dividende n’avait pas eu pour effet de diminuer une perte au bilan mais d’augmenter les fonds propres de F______ S.A. A l’issue de l’opération, ces fonds propres étaient passés d’un peu plus de CHF 6'000'000.- à plus de CHF 17'000'000.-, soit une hausse de CHF 10'000'000.- environ, correspondant au montant du dividende distribué.

Par conséquent, il n’y avait pas eu d’assainissement mais un simple transfert de patrimoine sous la forme d’un transfert d’immeubles.

Par ailleurs, le siège de H______ S.A. devait être déplacé à Zoug ; il était donc souhaitable de transférer les immeubles de H______ S.A. dans F______ S.A. pour que les immeubles genevois restent détenus par une société genevoise. Ce transfert était donc dicté par des raisons pratiques. Ce transfert pouvait se faire sous différentes formes : sous la forme d’une vente, par distribution d’un dividende en nature, ou ne pas se faire du tout.

Avant de procéder au transfert, le dossier avait été soumis à l’AFC-CH en janvier 1999. Celle-ci avait confirmé, du point de vue de l’impôt anticipé et du droit de timbre, que l’opération en cause ne visait pas un objectif d’assainissement ; la même conclusion s’imposait en matière d’impôts directs. L’administration avait accepté la distribution asymétrique de dividendes et avait considéré que l’opération n’était pas constitutive d’évasion fiscale.

Les conditions de l’évasion fiscale n’étaient pas remplies puisque la distribution de dividende n’avait pas pour but et pour effet de réaliser une économie d’impôt. La distribution asymétrique de dividende était parfaitement admise en droit fiscal.

25. Dans sa duplique du 14 avril 2008, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse du 14 décembre 2007 : l’opération de distribution asymétrique de dividendes avait été faite dans un but d’assainissement et s’expliquait essentiellement pour des raisons fiscales. Cette décision visait tout simplement à échapper à l’imposition du dividende et entraînerait une notable économie d’impôt si elle était admise (impôt sur le revenu, impôt anticipé, droit de timbre d’émission et éventuellement impôt cantonal sur les donations).

De surcroît, le passage du système praenumerando à postnumerando avait créé une brèche dans le calcul de l’impôt. La période de la brèche de calcul (1999-2000) devait donc être considérée comme une seule et unique période fiscale, contrairement à l’opinion des contribuables qui considéraient que les revenus extraordinaires acquis durant ces deux années pouvaient faire l’objet de deux bordereaux de taxation distincts.

Dans la présente affaire, la décision relative aux revenus extraordinaires de l’année 2000 avait été notifiée le 12 janvier 2002 et celle relative aux revenus extraordinaires 1999 en date du 7 novembre 2005. Quant au droit de procéder à la taxation, il se prescrivait par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale (art. 20 al.1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct –LIFD - RS 642.11). Dans la mesure où la période de la brèche de calcul constituait une seule et unique période fiscale, la prescription du droit de taxer avait commencé à courir le 1er janvier 2001 et était arrivée à échéance le 31 décembre 2005. La prescription du droit de taxer n’était donc pas atteinte et le bordereau portant sur l’IFD 1999 du 7 novembre 2005 avait été notifié dans le respect du délai légal.

26. Par décision du 5 février 2009, la commission a admis partiellement le recours. Elle a traité ensemble le recours formé en matière d’ICC et celui formé en matière IFD et n’a rendu qu’une seule décision : elle a confirmé la décision de l’AFC-GE du 31 octobre 2005 concluant qu’un bordereau de taxation ICC 2000 fondé sur un revenu imposable de CHF 6'712'500.- devait être admis (volet ICC), et a annulé le bordereau IFD 1999 du 7 novembre 2005 (volet IFD).

La renonciation des contribuables à leur dividende en faveur de F______ S.A. s’écartait du droit (art. 661 CO). Elle s’apparentait à une forme d’apport à cette société. Dans ces circonstances, la théorie du triangle trouvait application et le dividende versé par H______ S.A. était imposable dans le chef des contribuables et non auprès de F______ S.A. Par conséquent, la décision de l’AFC-GE du 31 octobre 2005 concluant qu’un bordereau de taxation ICC 2000, fondé sur un revenu imposable de CHF 6'712'500.- devait être confirmé (ci-après : volet ICC).

Le bordereau IFD 1999, notifié le 7 novembre 2005 par l’administration, devait être annulé, la prescription du droit de taxer cet impôt étant atteinte. Le droit de taxer les revenus extraordinaires IFD 1999 était soumis à un délai de prescription de cinq ans, qui avait commencé à courir dès le 1er janvier 2000 et était parvenu à échéance le 31 décembre 2004 (ci après : volet IFD).

27. Par acte du 6 mars 2009, l’AFC-GE a recouru auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011, la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la commission (volet IFD). Elle a conclu à l’annulation partielle de la décision de la commission du 5 février 2009 et à ce qu’il soit admis que la prescription n’était pas atteinte et dès lors que le bordereau IFD 1999 du 7 novembre 2005 avait été notifié en temps utile.

Ce recours a été enregistré sous numéro A/800/2009.

28. Par acte du 10 mars 2009, les contribuables ont recouru devant le Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice, contre la décision de la commission (volet ICC) en concluant à l’annulation partielle de la décision précitée. La contestation portait sur deux motifs :

D’une part, le courrier de l’AFC-GE du 31 octobre 2005 ne constituait pas une décision puisqu’elle n’avait pas émis un nouveau bordereau de taxation suite au bordereau rectificatif du 13 décembre 2001 initialement contesté. A défaut d’un nouveau bordereau de taxation, les contribuables ne pouvaient pas se déterminer de manière complète sur le montant de l’impôt qui leur était réclamé pour la période fiscale en cause. Il s’agissait donc d’un vice de procédure.

D’autre part, aucun revenu imposable ne devait leur être imputé du fait de la distribution d’un dividende. Ceux-ci n’avaient reçu aucun dividende de H______ S.A. en 1999, en accord avec l’assemblée générale, qui avait décidé de distribuer un dividende de CHF 15'000'000.- à F______ S.A. Il ne s’agissait pas d’une prestation appréciable en argent. Pour que cela fût le cas, il aurait fallu une contreprestation ; condition qui faisait défaut en l’espèce. Il n’y avait pas non plus d’évasion fiscale. Ils ne pouvaient donc pas être imposés sur un revenu qu’ils n’avaient pas réalisé.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1033/2007.

29. Par courrier du 6 avril 2009 l’AFC-CH s’est ralliée à la position de l’AFC-GE (volet IFD). Elle a proposé d’admettre le recours de cette dernière.

30. Les contribuables ont répondu le 8 avril 2009 au recours de l’AFC-GE (volet IFD). Ils ont conclu à son rejet.

Les revenus extraordinaires réalisés en 1999 et/ou 2000 devaient être imposés conformément aux règles du nouveau droit. Même si le changement de système de taxation était intervenu le 1er janvier 2001 à Genève, les règles de la procédure de taxation annuelle étaient applicables. Le délai de prescription du droit de taxer commençait donc à courir à la fin de la période fiscale pour laquelle l’impôt était dû, la période étant annuelle, ce délai avait commencé à courir le 1er janvier 2000 et non pas le 1er janvier 2001.

31. L’AFC-GE a répondu en date du 7 mai 2009 au recours formé par les contribuables le 10 mars 2009 (volet ICC). Elle a conclu au rejet du recours formé par les contribuables et à la confirmation de la décision de la commission du 5 février 2009 concernant le volet ICC.

Le bordereau rectificatif n’avait certes pas encore été notifié aux contribuables, mais s’agissant d’une mesure d’exécution de la décision sur réclamation du 5 février 2007, qui n’ouvrait pas les voies de la contestation, cela ne saurait avoir d’incidence sur le montant du dividende imposable, tel que fixé dans la décision sur réclamation. Partant, les contribuables avaient eu toute latitude pour se déterminer de manière complète sur la problématique soulevée par ce dossier.

La renonciation au dividende décidée par les contribuables avait été prise dans un but d’assainissement et avait été dictée pour des raisons purement fiscales, notamment en vue d’échapper à l’imposition. C’était donc à juste titre que les dividendes perçus par F______ S.A. devaient être imputés à due concurrence aux contribuables et qu’ils avaient été considérés comme des revenus imposables au sens de l’art. 16 al. 2 let. f de la loi genevoise générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) conformément à la décision de la commission.

32. Par courrier du 13 mai 2009, l’AFC-CH a indiqué qu’elle partageait les arguments exposés par l’AFC-GE dans sa réponse du 7 mai 2009 (volet ICC).

33. La commission a persisté dans les considérants et le dispositif de sa décision du 5 février 2009.

34. Suite à un courrier du juge délégué, l’AFC-GE et l’AFC-CH ont persisté dans les termes de leurs écritures ; elles ne sollicitaient pas d’autres mesures d’instruction.

35. Par décision du 2 février 2010, le Tribunal administratif a joint les causes sous le numéro A/1033/2007.

36. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjetés en temps utile devant la juridiction alors compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010.)

3. Le litige porte d’une part sur la prescription du droit de taxer en relation avec le bordereau IFD 1999 notifié aux contribuables le 7 novembre 2005 (volet IFD) et d’autre part sur l’absence de bordereau rectificatif annexé à la décision sur réclamation du 5 février 2007 ainsi que sur le bien-fondé de l’imposition du dividende versé par H______ S.A. aux contribuables (volet ICC).

Volet IFD

4. De nouvelles normes fiscales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). Elles ont abrogé, à partir de cette date, la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05). Ces dispositions demeurent cependant applicables, notamment en ce qui concerne l'imposition des personnes physiques, pour les périodes fiscales antérieures à l'année 2001. L'adaptation de la législation fiscale genevoise aux exigences de la LHID est en effet dépourvue d'effet rétroactif, comme l'a relevé le Tribunal administratif dans une jurisprudence constante (ATA/956/2004 du 7 décembre 2004 ; ATA/29/2004 du 13 janvier 2004 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 1994, p. 170; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, p. 116).

5. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et du Tribunal administratif, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004). Les dispositions relatives à la prescription, contenues aux art. 120 ss de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) sont classées, d’un point de vue systématique, dans la cinquième partie de la loi, c’est-à-dire dans le droit de procédure (ATA/352/2009 du 28 juillet 2009, cons. 6). Or, la prescription est précisément une institution de droit matériel qui concerne directement l’existence de la créance fiscale (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.227/2002 du 19 juin 2003 ; RDAF 2002 II 89 p. 94 et les arrêts cités).

6. a. L’art. 120 al. 1 LIFD prévoit que le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale, qui correspond à la période de calcul pour l’IFD, tout en réservant notamment l’art. 152 LIFD, soit le délai de péremption de dix ans pour l’introduction d’une procédure de rappel d’impôt dès la fin de la période fiscale au cours de laquelle la taxation aurait dû intervenir ou pour laquelle la taxation incomplète est entrée en force (art. 152 al.1 LIFD).

b. Le délai de prescription peut être interrompu lorsque le contribuable reconnaît expressément une dette d’impôt (art. 120 al. 3 let. b LIFD) ou lorsque l’autorité prend une mesure tendant à fixer ou à faire valoir une créance d’impôt et en informer le contribuable (art. 120 al. 3 let. a LIFD).

c. Selon la doctrine, la période fiscale est celle pour laquelle l’impôt est perçu (en raison du fait que pendant cette période, les conditions de l’assujettissement sont remplies et qu’un revenu est réalisé) […] La période fiscale est donc celle pour laquelle le contribuable paie l’impôt ou pour laquelle l’impôt est fixé (W. RYSER, B. ROLLI, Précis de droit fiscal suisse (impôts directs), Troisième édition remaniée et augmentée des Dix leçons introductives au droit fiscal (impôts directs), 1994, p. 335-336).

d. Depuis le 1er janvier 2001, le canton de Genève applique, en lieu et place du système praenumerando, le système postnumerando annuel, tant pour la taxation fédérale que cantonale.

e. Dans le système postnumerando annuel, l’impôt dû pour une année correspond aux revenus réalisés durant cette même année et ne se calcule donc plus sur la base de l’année précédente. Lors du passage au nouveau système, une brèche de calcul s’est produite. Les revenus réalisés durant l’année 2000 n’ont jamais servi de base d’imposition.

Dans le but d’éviter une disproportion entre les éléments effectivement réalisés en 1999-2000 (n-2 ; n-1) et ceux imposables pour l’année 2001 (n), le législateur a prévu une imposition spéciale des revenus extraordinaires : les revenus extraordinaires réalisés durant les années n-1 et n-2 ou lors d’un exercice clos au cours de ces années étaient soumis à un impôt annuel entier pour l’année fiscale où ils avaient été acquis, au taux correspondant à ces seuls revenus (art. 218 al.2 LIFD) (ATA/206/2005 du 12 avril 2005, cons. 4a).

7. a. Dans la présente cause, l’administration a notifié un bordereau IFD 1999 le 7 novembre 2005, la période d’assujettissement s’étendant du 1er janvier au 31 décembre 1999. Ce bordereau a fait l’objet d’une réclamation en date du 6 décembre 2005.

b. Il n’est pas contesté en l’espèce que le dividende versé constitue un revenu extraordinaire. Celui-ci doit alors être soumis à l’impôt annuel entier pour l’année fiscale où il a été acquis, soit en 1999. La prescription du droit de taxer a donc commencé à courir dès le 1er janvier 2000 et est arrivée à échéance le 31 décembre 2004. Le délai de prescription n’a pas été interrompu au sens de l’art. 120 al. 3 LIFD par un quelconque acte de l’administration.

c. Par conséquent, la prescription du droit de taxer était atteinte lors de la notification du 7 novembre 2005 du bordereau IFD 1999. La commission a annulé le bordereau litigieux à juste titre.

Volet ICC

8. a. A teneur de l’art. 4 al. 1 LPA, applicable par renvoi de l’art. 2 al. 2 de la loi genevoise de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), sont considérées comme des décisions, les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondés sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let.a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue des droits, d’obligations ou de faits (let.b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des doits ou des obligations (let.c).

b. Aux termes de l’art. 36 al. 2 LPFisc, la décision de taxation doit fixer les éléments imposables, les éléments déterminants pour le taux d’imposition, le montant de l’impôt et, le cas échéant, la période pour laquelle l’impôt est prélevé.

c. Selon l’art. 42 LPFisc, l’AFC-GE jouit des mêmes compétences dans la procédure de réclamation que dans celle de taxation.

d. En vertu de l’art. 43 LPFisc, lorsque l’administration prend une décision sur réclamation, elle peut déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt, et après avoir entendu le contribuable, également modifier la taxation au désavantage de celui-ci. La décision doit être motivée et notifiée par écrit au contribuable.

9. Selon le Tribunal fédéral, la décision est un acte étatique adressé au particulier, réglant de manière obligatoire et contraignante un rapport juridique relevant du droit public (ATF 112 II 473 cons. 2a p. 477, et références citées). N’y est pas assimilable l’expression d’une opinion, la communication, la prise de position, la recommandation, le renseignement, l’information, le projet de décision ou l’annonce de celle-ci, car ils ne créent pas un rapport de droit entre l’administration et le citoyen, ni ne lui imposent une situation passive ou active. En droit cantonal, faute de disposition équivalente, la taxation se fait généralement en deux étapes : la notification des éléments imposables, puis la détermination du taux et le calcul de l’impôt (RDAF 2006, II, p. 575 à 582, cons. 3 a, et références citées).

10. Il suffit que le contribuable soit informé du fait que l’autorité de taxation n’a pas accepté sa déclaration telle quelle. Cela suppose cependant que la décision mentionne les éléments imposables et le montant de l’impôt, de telle manière que le destinataire puisse se rendre compte de l’importance et des conséquences de la correction apportée par l’autorité fiscale. Tant que le contribuable ne connaît pas le montant de l’impôt qui lui est réclamé, il n’est pas suffisamment renseigné sur la portée de la décision qui le touche (RDAF 1991, p. 337 à 370).

11. En l’espèce, peu importe qu’aucun bordereau rectificatif n’ait été notifié jusqu’alors. Le courrier envoyé par l’AFC-GE le 31 octobre 2005 est bien une décision par laquelle celle-ci modifiait, en défaveur des contribuables, la taxation ICC relative à la période fiscale 2000. Le montant du revenu imposable s’élevait, comme indiqué dans cette décision, à CHF 6'712'500.- en lieu et place des CHF 2'057'550.- retenus précédemment. Cette décision a d’ailleurs fait l’objet d’une réclamation par les contribuables le 28 novembre 2005, puis d’un recours à la commission, dans le cadre desquels ils ont fait valoir les griefs qu'ils invoquaient à l'encontre de la taxation rectifiée de l'AFC-GE. Ils ont donc parfaitement compris le sens de la décision entreprise.

Le grief sera donc écarté.

12. Reste à examiner si l’AFC-GE, respectivement la commission, ont, à juste titre, considéré que les contribuables avaient encaissé un dividende extraordinaire versé par H______ S.A. en 1999 d’un montant de CHF 6'712'500.- constituant un revenu imposable.

13. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Elle régit désormais la matière qui était précédemment réglée par cinq lois différentes adoptées dans le courant de l'année 2000 (LIPP I à V), ces dernières ayant été abrogées par cette nouvelle législation (art. 69 LIPP). L'art. 72 al. 1 LIPP précise que la présente loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la présente loi. Ce sont donc les dispositions antérieures à la loi actuelle qui sont ici applicables.

Selon l’art. 6 let. c de la loi genevoise sur l’imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (LIPP- IV - D 3 14), qui avait la même teneur que l’art. 20 al. 1 let. c de la LIFD, est imposable le rendement de la fortune mobilière, en particulier : les dividendes, les parts de bénéfice, l’excédent de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (notamment les actions gratuites et les augmentations gratuites de la valeur nominale) […].

14. Il est loisible à chacun, dans les limites du cadre fixé par le droit applicable, d'organiser son activité de façon à payer le moins d'impôts possible. L'économie d'impôt est en effet admise par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral. A juste titre car le but du droit fiscal consiste aussi à délimiter la sphère d'intervention de l'Etat par rapport à la sphère privée. Le contribuable peut ainsi choisir, parmi plusieurs comportements envisageables, ou formes juridiques à disposition, la structure la moins onéreuse fiscalement. Toutefois, sous prétexte d'une économie fiscale, le contribuable ne saurait franchir la limite de l'interdiction de l'abus de droit. Dans cette hypothèse, le contribuable commettrait alors une évasion fiscale qui, elle, n'est pas admissible. L'interdiction de l'abus de droit, qui fait partie des principes généraux du droit, prohibe ainsi l'utilisation d'une règle fiscale à des fins manifestement contraires à celle-ci. (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e édition entièrement revue et augmentée, 2007, p.56 §4, 17 -18 et réf. citées).

15. Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale lorsque trois conditions cumulatives sont remplies (RDAF 2004 II 67 ; ATF 107 Ib 322) :

- le contribuable choisit pour effectuer une opération une forme insolite, inadéquate ou anormale, en tout cas inadaptées aux données économiques ;

- le choix est abusif, en ce sens qu'il a uniquement pour but d'économiser les impôts qui auraient été dus si les rapports de droit avaient été aménagés de manière appropriée ;

- le procédé choisi entraînerait effectivement une notable économie d'impôt si le fisc l'admettait. (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e édition entièrement revue et augmentée, 2007, p.56 §4, 19 et réf. citées).

16. En vertu de l’art. 660 al. 1 CO, tout actionnaire a droit à une part proportionnelle du bénéfice résultant du bilan, pour autant que la loi ou les statuts prévoient sa répartition entre les actionnaires.

17. L’art. 661 CO ajoute que les parts des bénéfices et de liquidation sont calculées en proportion du montant des versements gérés au capital-actions.

Le droit civil reconnaît la distribution asymétrique des dividendes si tous les actionnaires ont approuvé la décision de distribution selon les formes requises par le code des obligations et que l'égalité de traitement entre actionnaires a été respectée (cf. Séminaire de droit fiscal de Schwarzenburg 2004, thème 4). En droit fiscal, la distribution asymétrique des dividendes est également admise, sous réserve d'abus de droit aboutissant à une évasion fiscale.

18. Le système fiscal suisse prévoit une double imposition des personnes morales. Dans un premier temps, l'entreprise est imposée sur son bénéfice lorsqu'elle le réalise puis, dans un second temps, lorsqu'elle distribue son bénéfice à ses actionnaires, ces derniers sont imposés sur les dividendes reçus. Il s'agit d'une double imposition économique puisque la charge fiscale pèse sur un même objet mais auprès de deux contribuables distincts. Afin d’éviter une double imposition, certains actionnaires vont chercher à se faire distribuer leurs dividendes de façon dissimulée. Ces opérations peuvent consister dans l'enregistrement de charges excessives, la renonciation à tout ou partie d'un produit ou encore la comptabilisation d'une non-valeur. De plus, le droit suisse ne connaît pas de fiscalité de groupe. Chaque société doit être traitée comme une entité distincte agissant dans son propre intérêt, dans le but de faire un profit. Ces stratégies, poursuivies par les contribuables, ne sont pas admises par l’administration fiscale qui les requalifie, lorsque faire se peut, de distribution dissimulée de bénéfices. Il doit s'agir de prestations appréciables en argent. (J. SALOM, La problématique de l’attribution des distributions dissimulées de bénéfice dans les relations nationales et internationales, page 6 et réf. citées (http://www.oberson.ch/images/articles/La+problematique+de+lattribution+des+ distributions+dissimulees+de+benefices+2007.pdf)

19. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, est une prestation appréciable en argent toute attribution faite par la société, sans contre-prestation équivalente, à ses actionnaires ou à toute personne la ou les touchant de près et qu’elle n’aurait pas faite dans les mêmes circonstances à des tiers non participants ; encore faut-il que le caractère insolite de cette prestation soit reconnaissable par les organes de la société (ATF 119 Ib, 431, cons. 2b, p. 435).

b. La jurisprudence est abondante en la matière et témoigne de la diversité des formes qu’elle peut revêtir. A titre d’exemples : la rémunération excessive d’intérêts sur un prêt accordé à un proche de l’actionnaire (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.16/2006 du 23 juin 2006), la vente d’un immeuble aux actionnaires à un prix inférieur à sa valeur vénale (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.317/2004 du 9 décembre 2004) ou les services rendus à l’actionnaire unique sans contre-prestation correspondante (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.709/2004 du 24 juin 2005).

c. Néanmoins, l’existence d’une prestation appréciable en argent suppose la réalisation de quatre conditions cumulatives : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste ; de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient. (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 2édition entièrement remaniée, 2002, p.31-32).

d. Les conséquences fiscales d’une prestation appréciable en argent sont multiples : au niveau de la société, le fisc réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de la société. L’impôt anticipé sera également dû par cette dernière. Au niveau de l’actionnaire, il y aura imposition au titre de l’impôt sur le revenu comme si un dividende (occulte) avait été distribué (art. 20 lettre c LIFD ; art. 6 lettre c LIPP-IV). L’actionnaire pourra toutefois, si les conditions sont réalisées, requérir, le cas échéant, le remboursement de l’impôt anticipé. (X. OBERSON, op. cit., p. 190).

20. a. Il arrive fréquemment que le bénéficiaire d’une prestation appréciable en argent ne soit pas directement l’actionnaire de la société, mais un proche de celui-ci. Dans un cas de ce genre, la question se pose de savoir qui est le bénéficiaire de la prestation, l’actionnaire ou le proche. […] Selon la théorie du triangle, une prestation ne peut être accordée qu’à l’actionnaire qui en gratifie ensuite le proche. Suivant cette conception, la prestation appréciable en argent passe donc nécessairement dans un premier temps à l’actionnaire. Le proche reçoit ensuite celle-ci par le truchement de l’actionnaire (X. OBERSON, op. cit., p. 191-192).

b. Dès lors une relation triangulaire entre la société prestataire, l’actionnaire et le proche bénéficiaire est établie portant conséquences pour ces trois participants. (J. SALOM, op. cit., p.11).

Les conséquences fiscales de l’application de la théorie du triangle sont les suivantes : au niveau de l’actionnaire, l’administration fiscale considère que la société a effectué une distribution dissimulée de dividendes en sa faveur. L’actionnaire perçoit donc un revenu imposable au sens de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD.

Pour ce qui est de la société bénéficiaire, elle est considérée comme recevant un apport neutre fiscalement selon l’art. 60 let. a LIFD.

Quant à la société prestataire, elle devra réintégrer le montant de la prestation appréciable en argent dans son bénéfice imposable. (J. SALOM, op. cit. p.11).

21. Le Tribunal fédéral a confirmé que la théorie du triangle était applicable pour l'impôt fédéral direct, du moins en ce qui concerne les prestations effectuées entre deux sociétés sœurs (ATF 119 Ib 119). Selon cette jurisprudence, en cas de distribution de bénéfice à un proche de l'actionnaire, la prestation doit être imposée auprès de l'actionnaire. Partant, lorsqu'une société filiale accorde à une de ses sœurs une prestation qu'elle n'aurait pas accordée à un tiers ne faisant pas partie du groupe, il s'agit, selon la Haute Cour, de reconstituer les relations existantes entre les sociétés comme s'il s'agissait de sociétés indépendantes. En conséquence, la libéralité faite par une filiale à sa soeur doit être décomposée en deux étapes. Dans un premier temps, la libéralité représente une prestation appréciable en argent de la fille à sa mère. Dans un second temps, pour la société sœur bénéficiaire de la prestation, cette dernière constituera soit un financement (souvent occulte), soit un apport. (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e édition entièrement revue et augmentée, 2007, p.199 §10, 41).

22. a. En l’espèce, les contribuables, actionnaires majoritaires de H______ S.A. et actionnaires uniques de F______ S.A., ont décidé à l'époque de déplacer le siège social de H______ S.A. à Zoug. Dans la mesure où cette société était propriétaire d'immeubles à Genève, ils ont considéré comme souhaitable que ceux-ci restent la propriété d'une entité domiciliée à Genève, ce qui était le cas de F______ S.A. Pour réaliser ce transfert de biens d'une société à l'autre, ils ont expressément interpellé l'AFC-CH (division principale de l'impôt fédéral direct, impôt anticipé et des droits de timbre), en présentant la situation financière des sociétés des années précédentes jusqu'au 31 décembre 1998, et les rapports d'actionnariat de celles-ci, de façon complète et documentée, en indiquant la manière dont ils entendaient réaliser l'opération. Il était également demandé à l’AFC-CH de confirmer qu'en l'occurrence, elle ne prétendrait pas à l'application de la théorie du triangle, et qu'en conséquence l'opération n’entraînerait le paiement d'aucun droit de timbre.

b. L’AFC-CH a confirmé, sur la base des faits exposés, que dans la mesure où la décision formelle de la distribution des dividendes en nature, puis en espèces, était prise lors d'une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire de H______ S.A., faisant l'objet d'un procès-verbal faisant clairement mention que l'actionnaire majoritaire de H______ S.A. renonçait à son droit à un tel dividende, l'obligation fiscale revenant à la société débitrice pourrait s’effectuer par la procédure dite de déclaration de la prestation imposable. Elle confirmait ne voir aucune conséquence en matière de droits de timbre d'émission. S'agissant enfin des incidences en matière d'impôts directs, les contribuables étaient invités à soumettre le cas à l'AFC-GE.

c. En leur qualité d’actionnaires, ils ont renoncé à percevoir un dividende de H______ S.A., et accepté que F______ S.A. reçoive seule un dividende de CHF 15'000'000.-, pour partie en nature (deux immeubles pour une valeur vénale de CHF 10'660'000.-) et le solde en espèces pour un montant de CHF 4’340‘000.-.

d. Il est établi que le dividende attribué exclusivement à F______ S.A., par décision de l'assemblée générale, l’était sur la base d'un bénéfice de l'exercice 1998 de CHF 177'000'000.-, le solde de CHF 162'000'000.- ayant été reporté à nouveau. Si les contribuables avaient souhaité percevoir des dividendes, le bénéfice de l'exercice aurait largement permis de les leur octroyer, dans la même proportion que ceux alloués à F______ S.A., mais ils y ont renoncé.

e. Pour un capital social de CHF 50’000.- et une réserve générale de même montant, les fonds propres de F______ S.A. s'élevaient à plus de CHF 5'700'000.- à fin 1997, et à plus de CHF 6'000'000.- à fin 1998. La société ne nécessitait donc aucun assainissement, de sorte que l'on ne saurait voir dans cette opération une manœuvre insolite et contraire aux règles selon lesquelles l'assainissement d'une société doit être opéré par l'actionnaire et non pas par une société sœur ou fille.

f. Le but de l'opération ne consistait pas exclusivement à permettre une économie d'impôt, de sorte que le choix opéré ne saurait être considéré comme abusif.

g. Enfin, la solution retenue n'a pas entraîné une notable économie d'impôt pour les recourants. Il est constant en effet que ceux-ci, alors même qu'ils n'étaient pas contraints à se priver de leurs dividendes, y ont renoncé librement. Rien ne justifiait dès lors l’application, dans le cas particulier, de la théorie du triangle, d'autant que la distribution de dividendes ne suppose aucune contre-prestation. Elle n'a au demeurant pas été dissimulée. La thèse de l'évasion fiscale soutenue par l'administration intimée ne résiste pas davantage l'examen. Les recourants n'ayant effectivement pas perçu de dividendes dans la période concernée, pas plus à hauteur des CHF 2'057'000.- retenus initialement par l'intimée que des CHF 6'712'500.- retenus par elle dans le cadre de la reformatio in pejus à laquelle elle avait procédé sur réclamation, ils ne sauraient être taxés pour des revenus non réalisés.

h. L’AFC-GE et l’AFC-CH ne sont pas parvenues à démontrer que l’opération aurait été constitutive d’une prestation appréciable en argent, taxable dans la personne de l’actionnaire, alors que le fardeau de la preuve leur incombait.

i. Le recours des contribuables sera donc admis et la décision de l'AFC-GE du 31 octobre 2005, respectivement celle de la commission du 5 février 2009 la confirmant, seront annulées.

23. En résumé, le recours de l'AFC-GE (volet IFD) est rejeté et le recours des contribuables est admis (volet ICC).

24. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants. En revanche, un émolument de CHF 500.- sera mis à celle de l'AFC-GE et un émolument de CHF 500.- à celle de l’AFC-CH, dans le cadre du recours des contribuables. Aucun émolument ne sera mis à la charge de ces administrations, dans le cadre du recours de l’AFC, en application de l’art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03)

25. Les recourants ayant dû exposer des frais pour la présente cause, une indemnité de procédure totale de CHF 2'500.- leur sera allouée, à raison de CHF 1'250.- à charge de l'Etat de Genève et de CHF 1'250.- à la charge de l’administration fédérale des contributions (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2009 par l’administration fiscale cantonale contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 5 février 2009 ;

déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2009 par Madame et Monsieur G______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 5 février 2009 ;

au fond :

rejette le recours de l’administration fiscale cantonale ;

admet le recours de Madame et Monsieur G______ ;

annule les chiffres 4 et 6 du dispositif de la décision entreprise et la confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’administration fiscale cantonale et un émolument de CHF 500.- à charge de l’administration fédérale des contributions ;

alloue à Madame et Monsieur G______ une indemnité de procédure de CHF 1'250.-, à la charge de l’Etat de Genève et de CHF 1'250.-, à celle de l’administration fédérale des contributions ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gillioz, avocat des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, juge et M. Torello, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :