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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2862/2007

ATA/5/2008 du 08.01.2008 ( DCTI ) , REJETE

Parties : ROY-CEOLIN Denise Hedwige et autres, ROY Rémy Edouard, ROY Madeleine / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2862/2007-DCTI ATA/5/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 8 janvier 2008

dans la cause

 

Madame Denise Hedwige ROY-CEOLIN
Monsieur Rémy Edouard ROY

Madame Madeleine ROY
représentés par Me Giulia-Anne Ricci, avocate

contre

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION


 


EN FAIT

1. Madame Denise Hedwige Roy-Ceolin est propriétaire des parcelles n°s 3393 et 3839, feuille 18 de la commune de Corsier, à l’adresse chemin de la Vy-Verte 25 à 27. Au centre de la propriété, sise en zone agricole, est notamment édifiée une villa pour laquelle une autorisation de construire a été délivrée en 1974. Elle est occupée par le fils et la belle-fille de la propriétaire, soit Monsieur Rémy Edouard et Madame Madeleine Roy. M. Roy est au bénéfice d’un droit de superficie sur la parcelle et souhaite en outre l’acquérir.

2. Dans un rapport établi le 12 juin 2007 lors d’une opération de droit foncier rural, un inspecteur de la police des constructions a constaté que plusieurs objets avaient été construits sans autorisation, soit une cabane à outils (bâtiment n° 859), un couvert et une piscine.

3. Le 2 juillet 2007, le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) a ordonné d’une part à la propriétaire de demander une autorisation de construire portant sur la cabane à outils n° 859 et le couvert dans un délai de trente jours. D’autre part, il a ordonné la démolition, dans les soixante jours, de la piscine réalisée sans autorisation.

En ce qu’elle portait sur la requête en autorisation de construire, la décision pouvait faire l’objet d’un recours auprès de la commission cantonale de recours en matière de construction. Quant à l’ordre de démolition, il pouvait être porté, dans les trente jours, par-devant le Tribunal administratif.

4. Le 23 juillet 2007, Mme Denise Hedwige, M. Rémy Edouard et Mme Madeleine Roy (ci-après : les consorts Roy) ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre l’ordre de démolition de la piscine. Celle-ci avait été édifiée en juin 1977, c’est-à-dire plus de trente ans auparavant, ce que démontraient des photos de famille prise à cette époque. Un mur de soutènement avait été édifié en raison de la déclivité du terrain, lequel séparait le jardin de la zone de la pépinière. En cas de démolition de l’objet litigieux, ce mur devrait être reconstruit. La surface occupée par la piscine ne pourrait en outre pas être rendue à l’agriculture. De plus, elle constituait une réserve d’eau non négligeable pour les services du feu. Sur ce point en particulier, les pompiers de Corsier avaient confirmé le 14 juillet 2007 qu’elle pourrait se révéler fort utile en cas d’incendie.

Les consorts Roy ont encore ajouté qu’au vu de l’ancienneté de l’objet, sa démolition ne pouvait plus être exigée. Subsidiairement, une telle démolition était incompatible avec l’intérêt public et ne respectait pas le principe de la proportionnalité, eu égard notamment au coût de tels travaux : une entreprise les avait en effet devisés, avec la remise en état des lieux, à CHF 19'249,65.

5. Le 31 août 2007, le département s’est opposé au recours. Les prises de vues aériennes démontraient qu’en 1972, il n’y avait pas de piscine sur la parcelle ; en 1983, une piscine circulaire et hors-sol avait été construite, qui avait été remplacée, en 1986, par un bassin rectangulaire de 36 m2 faisant l’objet de l’ordre de démolition.

Une telle construction n’était pas autorisable sur le terrain des consorts Roy, car elle n’était pas conforme à la zone. Son implantation n’était pas imposée par sa destination et aucun intérêt prépondérant ne justifiait l’octroi d’une dérogation. La décision litigieuse respectait également le principe de la proportionnalité. Le département a écarté l’argument des recourants s’agissant de l’utilisation de l’eau de la piscine comme source d’approvisionnement pour les pompiers, car il reposait sur un raisonnement hypothétique. La zone où des maisons d’habitation avaient été édifiées était en outre correctement desservie par le réseau routier et facilement accessible par les camions du service du feu.

6. Entendues en comparution personnelle le 1er octobre 2007, les parties ont chacune campé sur leurs positions. Les consorts Roy ont exposé que l’objet litigieux était utilisé depuis 1977. Circulaire dans un premier temps, il avait été remplacé par un bassin rectangulaire plus tard.

7. Interpellé par le Tribunal administratif, le service de la sécurité civile - police du feu a indiqué, les 15 et 23 octobre 2007, que les prises d’eau les plus proches du domicile des recourants se trouvaient à trois cent dix mètres de la maison. Or, dans ses préavis relatifs à la distance à respecter entre un nouveau bâtiment et une prise d’eau, il avait toujours considéré que l’écart ne devait pas excéder quatre-vingts mètres au maximum.

Enfin, dans la présente espèce, tant le service d’incendie et de secours de la Ville de Genève (SIS) que la compagnie locale des sapeurs-pompiers pourraient, si la situation l’exigeait, utiliser l’eau de la piscine pour sauver des personnes, des animaux, des biens matériels ainsi que l’environnement.

Ce courrier a été transmis aux parties.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 130 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 1), lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires, le département peut en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition.

Selon la jurisprudence, l’ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée n’est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l’autorité devant un fait accompli doit s’attendre à ce qu’elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 la 216 consid. 4b p. 218). L’autorité doit renoncer à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l’intervalle (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; ATF 1C_164/2007 du 13 septembre 2007).

De plus, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l’autorité d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées (RDAF 1982 p. 450 ; ATA L. du 23 février 1993). La tolérance ne sera toutefois retenue que dans des circonstances exceptionnelles. Ainsi, la passivité de l’autorité qui n’intervient pas immédiatement à l’encontre d’une construction non autorisée n’est en règle générale pas constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Seul le fait que l’autorité aurait sciemment laissé le propriétaire construire de bonne foi l’ouvrage non réglementaire, ou qu’elle aurait incité le constructeur à édifier un bâtiment, pourrait obliger cette autorité à tolérer ensuite l’ouvrage en question (ATA/198/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/241/1999 du 27 avril 1999).

3. En l’espèce, le Tribunal administratif relèvera en premier lieu que, contrairement à ce qu’allèguent les recourants, la prescription trentenaire n’est pas acquise. En effet, les photographies aériennes versées à la procédure par le département prouvent que la piscine rectangulaire a été édifiée entre 1983 et 1986, ce qu’au demeurant les recourants ne contestent pas. Ces derniers ne soutiennent pas non plus qu’elle serait conforme à la zone agricole. Enfin, aucun des motifs de dérogation prévu aux articles 24 et 24a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) n’est rempli.

En cas d’incendie, la piscine pourrait certes servir de réservoir, ce que le tribunal ne saurait ignorer. De même ne peut-il faire abstraction du texte clair de l’article 38 alinéa 3 du règlement d’application de la loi sur la prévention de sinistres du 25 juillet 1990 (RALOSP - F 4 05.01) relatif à la distance entre les hydrantes et les biens-fonds, laquelle ne doit, en règle générale, pas excéder quatre-vingts mètres. Quant à l’article 22 de la loi sur la prévention des sinistres, l'organisation et l'intervention des sapeurs-pompiers du 25 janvier 1990 (LOSP - F 4 05), il stipule que l’équipement du réseau hydraulique et l’installation des prises d'eau sont en règle générale de la compétence et à la charge financière des Services industriels de Genève et des communes, et non des particuliers. L’article 37 LOSP permet aux autorités cantonales d’ordonner aux communes d’exécuter les mesures nécessaires au respect de la loi.

Ces éléments ne sauraient cependant justifier le maintien de la piscine litigieuse, qui devra être démolie. Toute autre solution reviendrait à autoriser la construction de tels objets en zone agricole lorsque la propriété du requérant est située à plus de quatre-vingts mètres d’une hydrante, alors que la responsabilité de l’installation des équipements nécessaires à la lutte contre l’incendie est du ressort des collectivités publiques.

4. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision litigieuse confirmée. Un émolument de procédure, en CHF 1'500.-, sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 juillet 2007 par Madame Denise Hedwige Roy-Ceolin, Madame Madeleine et Monsieur Rémy Edouard Roy contre la décision du département des constructions et des technologies de l’information du 2 juillet 2007 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Giulia-Anne Ricci, avocate des recourants ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l’information.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :