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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4869/2017

ATA/499/2018 du 22.05.2018 ( FORMA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4869/2017-FORMA ATA/499/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mai 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE POUR L'ORIENTATION, LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET CONTINUE



EN FAIT

1) Le 23 juin 2017, l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC) a fait parvenir à Monsieur A______ son bulletin de notes, faisant état de la note de 3,8 à la branche « travail pratique », de sorte que le certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) de bijoutier ne pouvait lui être délivré.

2) Par décision du 13 novembre 2017, l’OFPC a admis le recours formé par M. A______ contre la décision précitée, annulé la note de 3,8 et invité l’autorité en charge de l’organisation des examens à proposer au candidat de refaire son examen de « travail pratique » dans les meilleurs délais.

Les conditions d’examen, à savoir le bruit ambiant, y compris celui provenant de la conversation entre deux experts, avait exposé le candidat à un stress extraordinaire. Par ailleurs, il n’existait pas de grille d’évaluation ni de barème. En outre, les écarts de l’évaluation effectuée par les neuf experts pouvaient aller jusqu’à deux points (notes allant de 2,5 à 4,5 pour l’évaluation « techniques de séparation, sous-position terminaison finition », de 2 et 3,5 pour « technique d’assemblage », et de 2 à 4 pour « technique de façonnage, sous-position pliage mise en forme emboutissage »). Ces éléments permettaient de douter de la justification du résultat, ce d’autant moins qu’il s’agissait de la dernière tentative du candidat. Le recours devait ainsi être admis.

3) Par acte expédié le 8 décembre 2017 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette décision, faisant valoir qu’elle ne lui convenait pas. Son travail pratique méritait une note suffisante. L’examen s’était déroulé dans des conditions difficiles. Les écarts dans les appréciations des experts étaient importants. Il demandait à ce que la lumière soit faite sur ces irrégularités afin que son travail soit réévalué à sa juste valeur.

L’OFPC a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai pour répliquer, de sorte que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la question de savoir si la note de 3,8 obtenue par le recourant pour son travail pratique peut être augmentée à 4.

a. La loi fédérale sur la formation professionnelle du 13 décembre 2002 (LFPr - RS 412.10) régit notamment la formation professionnelle initiale (art. 2 al. 1 let. a LFPr). Selon l'art. 19 LFPr, le secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (ci-après : SEFRI) édicte des ordonnances portant sur la formation professionnelle initiale (al. 1), ordonnances qui fixent, notamment, les procédures de qualification, les certificats délivrés et les titres décernés (al. 2 let. e). L'art. 12 de l'ordonnance sur la formation professionnelle du 19 novembre 2003 (OFPr - RS 412.101) précise et complète ces exigences.

En application de l'art. 19 LFPr, le SEFRI a édicté l'ordonnance sur la formation professionnelle initiale de bijoutier avec CFC du 8 juillet 2009 (RS 412.101.221.08 ; ci-après : ordonnance du SEFRI). La procédure de qualification avec examen final porte notamment sur un travail pratique. La personne en formation doit montrer qu'elle est à même d'exécuter les tâches demandées dans les règles de l'art et en fonction des besoins et de la situation (art. 19 al. 1 let. a ordonnance du SEFRI). L'art. 20 de l'ordonnance du SEFRI décrit les conditions de réussite, les calculs et la pondération des notes. La procédure de qualification avec examen final est réussie si la note du « travail pratique » est supérieure ou égale à 4, et que la note globale est supérieure ou égale à 4.

b. Sur le plan cantonal, l'art. 1 al. 3 let. d de la loi sur la formation professionnelle du 15 juin 2007 (LFP - C 2 05) prévoit que cette loi régit en particulier pour tous les secteurs professionnels autres que ceux relevant des hautes écoles, les certificats et attestations délivrés ainsi que les titres décernés. Par délégation du département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP), l'OFPC est chargé, en collaboration avec les services de l'État et les organisations du monde du travail, de l'application de la LFP (art. 5 LFP).

c. En matière d'examens, le pouvoir de l'autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu'elle peut revoir avec un plein pouvoir d'examen. En effet, l'évaluation des résultats d'examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l'administration ou les examinateurs disposent d’un très large pouvoir d'appréciation et ne peut faire l'objet que d'un contrôle judiciaire limité (ATA/1372/2017 du 10 octobre 2017 consid. 7a ; ATA/966/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/1372/2017 précité consid. 7b).

d. En l’espèce, l’autorité intimée a constaté des irrégularités dans la procédure d’examen, notamment l’absence de barème et de grille d’évaluation ainsi qu’une disparité non motivée dans l’évaluation effectuée par les neuf experts. Ces vices permettaient de douter de l’appréciation correcte de l’examen de travail pratique, ce qui justifiait d’annuler la note obtenue et de donner l’opportunité au recourant de se présenter une nouvelle fois à cet examen.

L’autorité intimée a ainsi, à juste titre, considéré que les graves vices affectant le déroulement de l’examen justifiaient l’annulation de la note de 3,8 attribuée au recourant pour l’examen de « travail pratique ».

Cela étant, compte tenu de l’absence totale de grille d’évaluation et de barème, il convenait encore, dans le cas très particulier d’espèce, d’apprécier l’évaluation globale faite par chacun des neuf experts. En se fondant sur les notes que chacun d’eux a attribuées aux différents critères d’appréciation de l’examen « travail pratique », il apparaît que les notes globales attribuées par six des neuf experts conduisent à une moyenne suffisante de 4. En effet, l’addition des notes données pour chaque poste à évaluer par les experts 1, 2 et 8 conduisent une moyenne de 4 et celle des notes fixées par les experts 5 et 6 à une moyenne de 3,79 et celle de l’expert 4 à une moyenne de 3,8, ces moyennes devant être arrondies à 4 dès lors que seules des points et demi-points peuvent être attribués. L’appréciation globale de six des neuf experts conduit donc à une note suffisante pour l’examen « travail pratique ». Au vu de cet élément, il était arbitraire de retenir que la prestation du recourant à l’examen « travail pratique » était insuffisante.

Ce résultat était d’autant moins soutenable que l’évaluation ne reposait sur aucune base objective et ne répondait pas à des critères objectifs communs aux neuf experts.

Partant et dans les circonstances très particulières du présent cas, le recours sera admis, les décisions de l’intimé des 23 juin et 13 novembre 2017 seront annulés et l’intimé sera invité à établir un nouveau bulletin de note comprenant la note 4 pour le « travail pratique » et à délivrer au recourant le CFC de bijoutier.

3) Vu la nature de la procédure, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, le recourant agissant en personne (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2017 par Monsieur  A______ contre la décision de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue du 13 novembre 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule les décisions des 23 juin et 13 novembre 2017 rendues par l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue ;

invite cet office à établir un bulletin de note comportant la note de 4 pour l’examen de « travail pratique » et à délivrer à Monsieur A______ le certificat fédéral de capacité de bijoutier ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue, ainsi qu'à l’office fédéral de la formation et de la technologie.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :