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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/987/2024

ATA/461/2024 du 10.04.2024 sur JTAPI/260/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/987/2024-MC ATA/461/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 avril 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gabriele SEMAH, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2024 (JTAPI/260/2024)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant B______, né le ______ 1985, a fait l’objet, le 6 juillet 2020, d’une décision du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) rejetant sa demande d'asile formée le 27 novembre 2019 et ordonnant son renvoi de Suisse. Le délai de départ était reporté au 7 septembre 2023.

La décision du 6 juillet 2020 a été confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) du 22 août 2023.

b. Entendu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 5 octobre 2023, A______ a exposé n'avoir entrepris aucune démarche en vue de retourner dans son pays d'origine et souhaité se faire indiquer les démarches auxquelles il devait procéder aux fins de rester en Suisse. Il a été informé de la possibilité de faire l'objet de mesures de contrainte, en particulier d'être placé en détention administrative pour une durée pouvant aller jusqu'à 18 mois.

c. Par décision du 8 décembre 2023, le SEM a rejeté la demande de réexamen de sa décision du 6 juillet 2020.

d. Le 21 mars 2024, A______ a été interpellé par la police genevoise aux fins d'être présenté au consulat de son pays d'origine, qui lui a délivré le laissez‑passer nécessaire à son retour en B______.

e. Le même jour, à 10h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de 60 jours sur la base de l’art. 77 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en B______.

f. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

g. Par jugement du 22 mars 2024, le TAPI l’a confirmé pour une durée de 60 jours, soit jusqu'au 19 mai 2024 inclus.

h. Le 25 mars 2024, A______ a refusé d’embarquer dans l’avion devant le ramener en B______.

B. a. Par acte du 30 mars 2024, reçu le 2 avril 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 22 mars 2024 dont il a requis l’annulation. Il a conclu à sa mise en liberté immédiate. Le commissaire de police devait être invité à prononcer, à titre de mesure de substitution, une assignation à un territoire déterminé, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès d’une autorité.

Il ne contestait pas faire l’objet d’une décision de renvoi de Suisse, n’avoir pas quitté le pays dans le délai imparti, ni n’avoir entrepris aucune démarche à cette fin. Le principe de la proportionnalité était toutefois violé. Son identité était connue des autorités. Il s’était rendu à toutes les convocations. Il occupait un emploi à plein temps et vivait dans le logement qui lui avait été attribué. Le risque qu’il s’enfuie ou disparaisse dans la clandestinité en Suisse n’était nullement manifeste. Une période d’assignation à un territoire déterminé, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès d’une autorité, était suffisante, adaptée et adéquate pour permettre l’exécution du renvoi. Le jugement querellé avait violé le droit et constaté les faits de façon inexacte.

b. Le commissaire de police a conclu au rejet du recours. L’intéressé avait refusé d’embarquer dans l’avion devant le ramener le 25 mars 2024 en B______. Un prochain vol était prévu le 13 mai 2024 avec un accompagnement policier. Il produisait le billet d’avion.

c. Dans sa réplique, A______ a insisté sur l’alternative que représentait l’assignation à résidence.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 2 avril 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

3.2 En vertu de l'art. 77 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut ordonner la détention d'un étranger afin d'assurer l'exécution de son renvoi ou de son expulsion aux conditions cumulatives (ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 3a et la référence citée) suivantes : une décision exécutoire a été prononcée (let. a) ; il n'a pas quitté la Suisse dans le délai imparti (let. b) ; l'autorité a dû se procurer elle‑même les documents de voyage (let. c).

Ces trois conditions sont cumulatives (ATA/954/2020 du 28.09.2020  consid. 3b ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Code annoté de droit des migrations, Vol. II : Loi sur les étrangers, 2017, n. 5 ad art. 77 LEI).

3.3 L'autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches permettant l'exécution de la décision de renvoi (art. 77 al. 3 LEI).

3.4 Selon l'art. 77 al. 2 LEI, la durée de la détention ne peut excéder soixante jours. Selon l'art. 79 al. 1 LEI la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l'art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total. Cette durée peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI). L'art. 79 al. 2 LEI n'instaure pas un nouveau régime de détention dont les conditions s'apprécieraient distinctement de celles de l'art. 79 al. 1 LEI. Il s'agit de la simple extension de la durée maximale possible de la mesure, notamment lorsque la personne concernée ne collabore pas.

3.5 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

3.6 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – , de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

3.7 En l’espèce, le recourant ne conteste pas qu’il remplit les conditions de l’art. 77 LEI. En effet, il a fait l'objet d'une décision de renvoi, refuse de quitter le pays et n’a pas entrepris de démarche aux fins d'obtenir un document de voyage, de sorte que les autorités ont dû se procurer elles-mêmes ce document auprès des autorités turques.

La détention en vue de son renvoi constitue un moyen apte à s'assurer que le recourant quittera bien le territoire suisse. Une mesure moins incisive, comme une assignation territoriale, ne paraît pas suffisante pour s’assurer de sa présence au moment du départ de son vol pour son pays d’origine. Seule sa détention permet d’atteindre ce but et s’avère donc nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison de son refus d’être renvoyé, clairement exprimé notamment au commissaire et le fait qu’il a refusé d’embarquer à bord d’un vol à destination de la B______ le 25 mars 2024. L’intérêt public à son renvoi l’emporte également sur son intérêt privé à ne pas subir de détention administrative. Le principe de la proportionnalité est donc respecté.

Le recourant allègue qu’il aurait un travail et un logement et serait en conséquence aisément localisable. Il ne peut être suivi. D’une part, il ne donne aucune information en lien avec son emploi. D’autre part, il ressort d’un courrier du SEM du 18 septembre 2023 que si l’intéressé avait eu un emploi, celui-ci aurait pris fin le 30 novembre 2023. Cet élément est en conséquence sans pertinence à l’instar du fait que le recourant loge au centre d’hébergement collectif C______. Ce seul fait ne garantit en effet pas qu’il soit présent lors du prochain vol.

Les autorités suisses ont par ailleurs agi avec célérité, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas, et la durée de la détention est compatible avec la limite posée par l’art. 79 LEI.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

4.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2024 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gabriele SEMAH, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement concordataire de détention administrative Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :