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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3145/2010

ATA/458/2012 du 30.07.2012 sur JTAPI/260/2012 ( LCR ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.09.2012, rendu le 20.08.2013, REJETE, 1C_433/12
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3145/2010-LCR ATA/458/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame H______
représentée par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mars 2012 (JTAPI/260/2012)


EN FAIT

Madame H______, née en 1935, domiciliée à Genève, est titulaire d’un permis de conduire suisse de catégorie B délivré le 12 juin 1956.

Le 10 juin 2010 à 22h00, Mme H______ circulait en voiture sur le quai Général-Guisan, venant du pont du Mont-Blanc, en direction de la rue Versonnex. Peu après la sortie du parking du Mont-Blanc, des gendarmes procédaient à une enquête et arrêtaient les véhicules venant dans le sens de circulation emprunté par Mme H______. Lorsque les agents ont autorisé ces véhicules à redémarrer, les feux lumineux situés à quelque trente mètres du point d’arrêt de cette conductrice étaient à la phase rouge. Déférant aux signes des gendarmes, Mme H______ a franchi le carrefour en étant concentrée sur ce qui se passait sur sa droite. Ce faisant, elle n’a pas remarqué un groupe d’au moins sept piétons qui, bénéficiant du feu vert, traversaient le quai Général-Guisan sur le passage pour piétons se trouvant devant l’horloge fleurie et qui étaient déjà engagés sur le deuxième tronçon de ce passage, soit entre l’îlot et le trottoir formant l’angle avec la place du Port. Mme H______ a ainsi heurté une des personnes en question, Madame  A______, qui traversait la chaussée de gauche à droite par rapport à son sens de marche. Mme A______ a été projetée en l’air avant de retomber lourdement à terre et elle a été blessée suite à cette chute.

La police a transmis son rapport le 8 juillet 2010 à l’office cantonal des automobiles et de la navigation (ci-après : OCAN). Ce dernier a ordonné le 16 juillet 2010 à Mme H______ de se soumettre à un contrôle médical auprès de la Doctoresse Désirée Hayek, médecin-conseil de ce service, afin de contrôler son aptitude à la conduite. Le 4 août 2010, la Dresse Hayek a certifié que Mme H______ était apte à la conduite des véhicules du troisième groupe, soit en particulier les voitures automobiles.

Par décision du 9 août 2010, l’OCAN a retiré le permis de conduire de Mme H______ pour trois mois, considérant que celle-ci avait commis une faute grave au sens de l’art. 16c de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Cette durée correspondait au minimum légal.

Le 20 septembre 2010, Mme H______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), remplacée depuis le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Elle a conclu préalablement à la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit jugé dans le cadre de la procédure pénale, du fait qu’elle avait contesté la contravention qui lui avait été signifiée pour infraction aux art. 26, 27, 31, 33 et 90 LCR, soit pour inobservation de la signalisation lumineuse, inattention avec accident et blessés et refus de priorité à un piéton déjà engagé sur un passage de sécurité.

La CCRA a alors suspendu l’instruction du recours dont elle était saisie.

Par jugement du 18 octobre 2011, devenu exécutoire et définitif, le Tribunal de police (ci-après : TdP) a considéré qu’aucune violation de la signalisation lumineuse ne pouvait être reprochée à Mme H______, les ordres de police primant les règles générales, selon l’art. 27 LCR. En revanche, Mme H______ avait commis une violation simple des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 ch. 1 LCR, en n’ayant pas pris le soin de vérifier, alors qu’elle roulait au pas, si des piétons traversant de gauche à droite par rapport à son sens de marche bénéficiaient de la phase verte. Ce faisant, le TdP a condamné Mme H______ à une amende de CHF 250.- et a fixé une peine privative de liberté de substitution de deux jours.

Le 8 novembre 2011, Mme H______ a informé le TAPI que le TdP avait retenu à son encontre une faute légère et réduit la contravention qui lui avait été signifiée de CHF 600.- à CHF 250.-. En conséquence, elle invitait le TAPI à prononcer un avertissement, en application de l’art. 16a al. 3 LCR.

Le 25 novembre 2011, l’OCAN a maintenu sa décision en relevant que le TAPI n’était pas lié par l’appréciation juridique qu’avait faite le TdP.

Par jugement du 2 mars 2012, le TAPI a considéré que Mme H______ avait commis une faute grave en heurtant un piéton qui traversait sur un passage de sécurité et qui était prioritaire, sans revenir sur l’appréciation du TdP selon laquelle Mme H______ n’avait pas franchi le carrefour alors que la signalisation était rouge pour son sens de marche.

Par pli posté le 2 avril 2012, Mme H______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité du TAPI en concluant à son annulation et au prononcé d’un avertissement au sens de l’art. 16a al. 3 LCR.

Le TAPI a produit son dossier le 12 avril 2012 et l’OCAN le 17 avril 2012, tous deux sans observations. Le dossier d’automobiliste de Mme H______ démontre que celle-ci n’a aucun antécédent. Par ailleurs, elle avait obtenu le 30 juillet 2008 de la Dresse Hayek un certificat médical d’aptitude à la conduite pour les véhicules du troisième groupe.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 


EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

a. Un automobiliste doit toujours veiller à se comporter de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies (art. 26 al. 1 LCR). Une prudence particulière s’impose de plus à l’égard des enfants, des infirmes et des personnes âgées (art. 26 al. 2 LCR).

b. Selon l’art. 31 al. 1 LCR, le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule, de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. Cette disposition légale est précisée par l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11) selon lequel le conducteur doit vouer toute son attention à la route et à la circulation. Le degré de cette attention doit être apprécié au regard de l’ensemble des circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité, les sources de danger prévisibles, etc. L’attention requise du conducteur implique qu’il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l’intégrité corporelle ou les biens matériels d’autrui ; la maîtrise de son véhicule exige qu’en présence d’un danger, le conducteur actionne immédiatement les commandes de son véhicule de manière appropriée aux circonstances.

c. Concernant les obligations générales à l’égard des piétons, les automobilistes se doivent de leur faciliter la traversée de la chaussée (art. 33 al. 1 LCR).

Pour le cas spécifique des passages pour piétons, une attention accrue est exigée des automobilistes qui doivent, avant ces dits passages, circuler avec une prudence particulière et, au besoin, s’arrêter pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s’y engagent (art. 33 al. 2 LCR).

Ce devoir de prudence supplémentaire est encore renforcé aux abords des passages pour piétons où le trafic n’est pas réglé (art. 6 al. 1 OCR). Dans de pareils cas, il est exigé des automobilistes, avant d’atteindre de tels passages, de réduire à temps leur vitesse et de s’arrêter au besoin afin de pouvoir satisfaire à leur obligation d’accorder la priorité à tout piéton déjà engagé sur le passage ou qui attend devant celui-ci avec l’intention visible de l’emprunter.

d. Quant aux piétons, ils bénéficient de la priorité sur les passages pour piétons, mais ne doivent pas s’y lancer à l’improviste (art. 49 al. 2 LCR). Ils doivent ainsi renoncer à faire usage du droit de priorité lorsqu’un véhicule est déjà si près du passage pour piétons qu’il ne lui serait plus possible de s’arrêter à temps.

Lorsque la qualification d’un acte ou la culpabilité est douteuse, il convient de statuer sur le retrait du permis de conduire après seulement que la procédure pénale soit achevée par un jugement entré en force ; fondamentalement, en effet, il appartient au juge pénal de se prononcer sur la réalisation d’une infraction. Le juge administratif ne peut alors s’écarter du jugement pénal que s’il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de faits que le juge pénal ne connaissait pas ou qu’il n’a pas prises en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si ce dernier n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation. En effet, il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit ne soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 129 II 312 consid. 2.4 p. 315 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009, consid. 2.1).

En l’espèce, le jugement du TdP a été rendu au terme d’une procédure contradictoire au cours de laquelle les parties ont été entendues et les témoins interrogés. Les faits pertinents ayant été clairement établis par le TdP, la chambre administrative n’a aucune raison de s’écarter des constatations de celui-ci, au demeurant admises par la recourante, qui n’apporte dans la présente procédure aucun élément que les juges pénaux n’auraient pas eu à disposition ou dont ils n’auraient pas eu connaissance.

Le jugement précité du TdP est entré en force et n’a pas été frappé d’un appel. Il en résulte que la recourante a commis une violation simple des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 ch. 1 LCR. Pour le juge pénal, la recourante a heurté la piétonne sur un passage de sécurité, alors qu’à proximité d’un tel passage, elle devait faire preuve d’une prudence accrue en application des dispositions rappelées ci-dessus d’une part, et compte tenu du fait qu’elle roulait au pas et que les piétons bénéficiaient du feu vert, d’autre part.

Depuis le 1er janvier 2005, les infractions à la LCR ont été réparties en fonction de leur gravité en trois catégories distinctes, assorties de mesures administratives minimales. Les nouveaux principes relatifs aux retraits de permis de conduire d’admonestation sont, beaucoup plus que sous l’ancien droit, fonction de la mise en danger créée par l’infraction, l’atteinte à la sécurité routière étant désormais expressément codifiée à l’art. 16 al. 3 LCR.

La distinction entre les infractions moyennes au sens de l’art. 16b al. 1 let. a LCR et les infractions graves au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR ne résulte que de la graduation de l’importance des deux éléments distincts qui les composent, à savoir la violation des règles de la circulation et la mise en danger de la sécurité d’autrui (qu’elle soit concrète ou abstraite). Les règles de la circulation doivent avoir été « gravement » violées et la sécurité d’autrui doit avoir été « sérieusement » mise en danger pour que l’infraction puisse être qualifiée de grave. Conformément à la jurisprudence, il y a lieu de procéder à une appréciation objective et subjective des faits (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_720/2007 du 29 mars 2008, consid. 4.1, in JdT 2008 I 520).

Les antécédents du conducteur ainsi que sa nécessité professionnelle de conduire un véhicule sont pris en compte dans la fixation de la durée du retrait de permis, qui ne peut désormais plus être inférieure à la durée de retrait minimale prescrite pour la catégorie d’infraction retenue (art. 16 al. 3 LCR).

Objectivement, l’application de l’art. 16c al. 1 let. a LCR requiert que l’auteur ait commis une violation grossière d’une règle fondamentale de la circulation routière et mis sérieusement en danger la sécurité du trafic. Il y a création d’un danger sérieux pour la sécurité d’autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue (ATF 131 IV 133 consid. 3.2, in JdT 2005 I 466 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_720/2007 du 29 mars 2008, consid. 4.1).

En l’espèce, la recourante ne conteste pas avoir heurté la piétonne et commis ainsi une négligence grossière. Elle a donc violé son devoir de prudence.

Il résulte du dossier que la recourante ne s’est pas montrée suffisamment attentive et a admis n’avoir pas vu les sept piétons engagés sur le passage de sécurité, traversant la chaussée de gauche à droite par rapport à son sens de marche et auxquels elle devait céder la priorité.

La décision du juge pénal ayant visé l’art. 90 ch. 1 LCR, et non pas le ch. 2 de cette disposition, exclut en principe l’application ultérieure de l’art. 16 al. 3 let. a LCR, à moins que la décision pénale ne soit manifestement erronée (ATF 118 IV 188 consid. 2a et b, p. 189, 190 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_245/2010 du 13 juillet 2010 ; 1C_7/2010 du 11 mai 2010 ; ATA/716/2010 du 19 octobre 2010 ; ATA/705/2010 du 12 octobre 2010 ; ATA/456/2009 du 15 septembre 2009 ; ATA/129/2006 du 7 mars 2006 et les réf. citées).

En l’espèce, l’appréciation juridique des faits à laquelle s’est livré le juge pénal est erronée, car il n’a pas suffisamment pris en considération le fait que la recourante a gravement compromis la sécurité de la route en heurtant – dans les circonstances décrites ci-dessus – une piétonne qui n’a fait preuve d’aucune imprudence et qui pouvait légitimement s’attendre à voir sa priorité respectée. En conséquence, la chambre de céans fera application de l’art. 16 al. 3 LCR qui entraîne le retrait obligatoire du permis de conduire.

Selon l’art. 16 al. 3 LCR, la durée du retrait de permis doit être fixée en fonction des circonstances, notamment en fonction de l’atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. Toutefois, la durée minimale du retrait - soit trois mois - doit être respectée. Le Tribunal fédéral a encore rappelé récemment qu’une telle règle s’imposait aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte de besoins professionnels particuliers du conducteur (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_585/2008 du 14 mai 2009, consid. 2.1 in fine et la jurisprudence citée).

En l’espèce, la mesure prononcée par l’OCAN correspond au minimum légal prescrit par l’art. 16 al. 2 let. a LCR, ce qui ne permet pas d’en diminuer la durée, malgré l’absence d’antécédents de la recourante (ATA/716/2010 précité).

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de Mme H______, qui succombe. Il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 avril 2012 par Madame H______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mars 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat de la recourante, ainsi qu’à l’office cantonal des automobiles et de la navigation, au Tribunal administratif de première instance et à l’office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :