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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2244/2021

ATA/435/2022 du 26.04.2022 sur JTAPI/1191/2021 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.06.2022, rendu le 07.06.2022, IRRECEVABLE, 2C_453/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2244/2021-PE ATA/435/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 novembre 2021 (JTAPI/1191/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1986, est ressortissant sénégalais.

Selon son curriculum vitae, il a effectué des études de droit à l’Université B______ de Saint-Louis à Dakar et y a obtenu une maîtrise dans ce domaine. De langue maternelle française, il domine l’anglais, à l’oral et à l’écrit, ainsi que l’espagnol à l’écrit.

2) M. A______ est entré en Suisse le 15 septembre 2010.

Le 24 septembre 2010, il s’est vu octroyer par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une autorisation de séjour en vue de suivre à l’Université de Genève (ci-après : UNIGE) le cursus menant à l’obtention d’une maîtrise universitaire en droit.

L’autorisation de séjour a été périodiquement renouvelée par la suite.

3) Le 18 septembre 2013, M. A______ a obtenu une maîtrise universitaire en droit.

4) Le 25 juin 2014, il a obtenu un certificat de droit transnational.

5) Au semestre de printemps 2016, il a été immatriculé au programme de doctorat en droit à la faculté de droit, sciences criminelles et administration publique de l’Université de Lausanne (ci-après : UNIL).

6) Le 10 mai 2016, il a sollicité de l’OCPM le renouvellement de son autorisation de séjour.

7) Le 19 janvier 2017, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser de donner une suite favorable à sa requête et de prononcer son renvoi de Suisse.

Il avait obtenu une maîtrise universitaire en droit ainsi qu’un certificat de droit transnational et était exmatriculé de l’UNIGE depuis le 5 août 2014. Le but de son séjour pouvait ainsi être considéré comme atteint.

8) Le 6 avril 2017, l’OCPM, après avoir pris connaissances de ses observations du 17 février 2017, a informé M. A______ qu’il renonçait à mettre à exécution son intention de ne pas renouveler son autorisation de séjour.

Dans la mesure où son projet de doctorat n’était pas mentionné initialement et que la durée prévue de ses études excéderait huit ans, il soumettrait toutefois avec un préavis favorable son dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), dont la décision était réservée.

9) Le 26 juillet 2017, le SEM a fait part à M. A______ de son intention de refuser de donner son approbation à la prolongation de son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

Il ne disposait pas des moyens financiers nécessaires.

10) Le 19 septembre 2017, le SEM, après avoir pris connaissance des déterminations de M. A______, a approuvé la prolongation de son autorisation de séjour pour une durée de six mois.

11) Le 31 juillet 2018, l’OCPM a indiqué à M. A______ qu’il était disposé à donner une suite favorable à sa demande de renouvellement d’autorisation de séjour, sollicitée le 10 mars précédent, sous réserve de l’approbation du SEM.

12) Le 9 octobre 2018, le SEM a approuvé une ultime prolongation de son autorisation de séjour pour une durée d’un an.

Aucun renouvellement supplémentaire ne lui serait accordé, même si sa thèse n’était pas terminée à cette échéance. Dans ce cas, il devrait la finir à l’étranger.

13) Le 25 octobre 2019, M. A______ a à nouveau sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour.

14) Le 3 décembre 2019, l’OCPM l’a informé qu’il était disposé à donner une suite favorable à sa requête, sous réserve de l’approbation du SEM.

15) Le 19 décembre 2019, le SEM l’a informé de son intention de refuser la prolongation de son permis de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

16) Le 12 février 2021, M. A______ a formé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Son intégration était excellente, il respectait l’ordre juridique suisse, sa réintégration au Sénégal était impossible, il était indépendant financièrement et ne dépendait pas de l’aide sociale.

Il produisait une attestation établie le 10 janvier 2020 par les Professeurs C______ et D______ de l’UNIL, à teneur de laquelle sa thèse se concentrait sur les problèmes de protection de la vie privée liée aux archives privées et publiques, prioritairement sous l’angle du droit suisse.

17) Le 4 mars 2021, le SEM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de M. A______ et lui a imparti un délai de départ de huit semaines à compter de l’entrée en force de sa décision.

Le but initial du séjour en Suisse avait été atteint par l’obtention de sa maîtrise. Il avait néanmoins continué sa formation par un certificat de droit transnational. À aucun moment lors du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour, il n’avait fait mention d’un doctorat. La question d’un éventuel abus et d’une tentative d’éluder les prescriptions sur le séjour des étrangers pouvait se poser. De plus, le 21 août 2017, ses directeurs de thèse avaient relevé que celle-ci devrait s’achever dans un délai de deux ans. Il avait été averti que son autorisation de séjour pour études ne serait pas prolongée, même si sa thèse n’était pas achevée. Enfin, aux intérêts personnels de l’intéressé s’opposait l’intérêt public.

Cette décision n’a pas été attaquée devant le Tribunal administratif fédéral.

18) Le 19 avril 2021, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser d’accéder à sa requête.

19) Le 20 mai 2021, M. A______ a transmis ses déterminations à l’OCPM.

20) Le 1er juin 2021, l’OCPM a refusé de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif afin qu’il lui délivre une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Le SEM lui avait notifié une décision négative le 4 mars 2021.

Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. La durée de son séjour en Suisse, qu’il avait passé au bénéfice d’un permis de séjour pour études, devait être relativisée pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. De plus, il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Celle-ci correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas fait état d’une situation familiale justifiant une exemption des mesures de limitation, ni de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d’urgence indisponibles dans son pays d’origine. Il n’avait pas non plus établi qu’un retour au Sénégal entraînerait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Il était le seul artisan de sa situation, puisqu’il ne s’était pas conformé à la décision de renvoi du SEM.

21) Le 2 juillet 2021, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à ce que l’OCPM lui délivre une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité.

L’OCPM avait violé son droit d’être entendu en ce sens qu’il n’expliquait pas pour quelle raison son intégration socioculturelle faisait défaut.

Ainsi qu’il ressortait d’attestations annexées, il séjournait en Suisse depuis plus de dix ans et y était parfaitement intégré, en particulier dans la vie estudiantine et politique genevoise. Il s’était également constitué un large réseau d’amis depuis sa venue en Suisse. À côté de ses études, il avait également travaillé de manière continue, si bien qu’il avait toujours été indépendant financièrement. Il avait fait siennes les valeurs helvétiques, tant dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle. Il faisait preuve d’une intégration socioculturelle particulièrement remarquable.

Il était en train de terminer sa thèse relative à la « protection de la vie privée et des données personnelles durant le cycle de vie de l’information en droit public et privé » auprès de l’UNIL. Il avait collaboré de très près avec les milieux de l’archivage en Suisse et s’était créé un large réseau professionnel dans son milieu d’expertise. Il contribuait à l’amélioration et à l’analyse de l’ordre juridique grâce à son expertise dans le domaine de la protection des données. Ses recherches et les connaissances qu’il avait acquises profitaient à la Suisse. En revanche, elles étaient totalement inutilisables au Sénégal. Seule la poursuite de son séjour en Suisse lui permettrait de mettre à profit ses compétences professionnelles. Il ambitionnait de créer une plate-forme blockchain de consortium destinée à recueillir de façon anonyme les informations fournies par les lanceurs d’alertes. Ce projet s’inscrivait dans la continuité de sa thèse. La protection des lanceurs d’alertes était encore lacunaire en Suisse. Son projet ne pourrait pas se réaliser au Sénégal où ses connaissances seraient inutilisables. En d’autres termes, ses connaissances étaient à ce point spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine.

Il résidait depuis dix ans en Suisse, sans interruption, de sorte qu’il remplissait la condition d’une durée de présence en Suisse très longue.

Il n’entretenait plus aucun contact avec le Sénégal. Il avait quitté le foyer familial à dix-huit ans, avait perdu tout contact avec son père et n’y disposait d’aucun réseau social. Un renvoi dans son pays entraînerait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Ses possibilités de réintégration étaient quasi-nulles.

Selon l’art. 21 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), les diplômés des hautes écoles suisses étaient admis provisoirement au terme de leurs études pour une durée de six mois afin de leur permettre de trouver un emploi qualifié. Il découlait ainsi d’une interprétation téléologique de la loi que celle-ci avait également pour but d’offrir la possibilité à des étudiants étrangers hautement qualifiés d’une haute école suisse de mettre à profit leurs compétences acquises, respectivement d’offrir à la Suisse un retour sur investissement. Il serait prochainement titulaire d’un doctorat en droit portant sur la protection des données et, donc hautement qualifié dans un domaine très spécifique. Il était ainsi dans l’intérêt de la Suisse de lui octroyer un titre de séjour.

22) Le 6 septembre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

23) Par jugement du 25 novembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Bien que succincte, la décision de l’OCPM exposait pourquoi l’intégration socioculturelle faisait défaut.

M. A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes posées à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Nonobstant ses qualités personnelles et le réseau qu’il avait tissé, il n’établissait pas une intégration socioculturelle exceptionnelle. Il pouvait se prévaloir d’un très bon parcours professionnel. Il avait certes, avec sa maîtrise et sa thèse, acquis des connaissances juridiques qui, pour certaines, devaient être considérées comme spécifiques à l’ordre juridique suisse. Il avait également axé sa formation sur le droit international et avait obtenu un diplôme de droit transnational et disposait d’une maîtrise obtenue au Sénégal. Il ne pouvait soutenir que les connaissances acquises en Suisse étaient si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays. Le fait qu’il ne pourrait retrouver au Sénégal un emploi dans le domaine de sa thèse ne permettait pas de conclure que sa réintégration y serait fortement compromise. Il avait choisi son sujet de thèse en sachant qu’il devrait retourner dans son pays d’origine. L’indépendance financière et l’absence de recours à l’aide sociale pouvaient être attendus de tout étranger souhaitant régulariser son séjour. M. A______ avait quitté le Sénégal à l’âge de 24 ans, il y avait passé son enfance et son adolescence et en connaissait les us et coutumes. Il ne faisait valoir aucun problème de santé. Il sollicitait une autorisation de séjour pour cas de rigueur et ne pouvait invoquer l’art. 21 LEI.

24) Par acte remis à la poste le 17 janvier 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de transmettre son dossier au SEM avec un préavis positif.

Il n’était jamais retourné au Sénégal depuis son arrivée en Suisse en 2010. L’essentiel de sa formation juridique en Suisse portait sur le droit suisse. Il avait participé avec le Prof. C______ à l’examen de la nouvelle loi fédérale sur la protection des données. Il avait collaboré avec les archives cantonales vaudoises à la publication de leur dossier thématique de 2018 sur la place des données personnelles dans les archives historiques. Il était impliqué dans la vie associative genevoise au sein d’E______ et du Beach-Volley club de H______. Il était financièrement indépendant et n’avait jamais sollicité aucune aide. Il formait les nouveaux serveurs du restaurant qui l’employait. Il conseillait gracieusement l’association I______ en vue de créer à Lausanne un centre sportif de référence pour la Suisse. Il dispensait des conseils au sein de l’association G______ en matière de procédures à suivre pour la protection des données. Il était investi dans la vie politique genevoise et avait notamment apporté son soutien à l’introduction du mariage pour tous. Il ne se limitait jamais à être membre mais s’engageait pleinement. Il était décrit par les nombreux amis qu’il s’était constitué en Suisse comme un modèle d’intégration aussi bien dans sa vie sociale que professionnelle. Il avait vécu au Sénégal une enfance difficile auprès d’un père violent et n’avait plus aucun lien avec le pays ou ses amis d’enfance. Il projetait de mettre ses compétences juridiques et son expérience au service du système suisse de la protection des données. Il ne pourrait les mettre en œuvre au Sénégal, où elles étaient inutilisables. Dans la continuité de son doctorat, il ambitionnait de créer une plateforme blockchain de consortium destinée à recueillir de manière anonyme les informations fournies par les lanceurs d’alertes. Ses contacts avec le Sénégal étaient nuls depuis 2010. Ses études en droit sénégalais y étaient inachevées. Il ne disposait d’aucun filet sociale ou familial et ne pourrait se réintégrer dans son pays d’origine.

25) Le 25 janvier 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision et au jugement attaqué, les arguments présentés étant semblables à ceux invoqués devant le TAPI.

26) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti au 4 mars 2022.

27) Le 9 mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Les pièces produites par les parties seront évoquées dans la mesure nécessaire dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le bien-fondé du refus de l’OCPM de soumettre le dossier du recourant au SEM avec un préavis positif afin qu’il lui délivre une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

3) La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Sénégal.

a. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1)

c. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

d. L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Cst. (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

e. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

f. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

g. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

4) Le recourant fait valoir la longue durée de son séjour en Suisse.

a. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse pour admettre un cas de rigueur (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du TAF 
C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, développée sous l'empire de l'ancien droit mais toujours applicable, de manière générale, le « permis humanitaire » n'est pas destiné à permettre aux étudiants étrangers arrivant au terme de leurs études de rester en Suisse jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions pour déposer une demande de naturalisation. Par ailleurs, les « considérations de politique générale » prévues par l'art. 13 let. f de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (aOLE) ne visaient certainement pas le cas des étudiants étrangers accueillis en Suisse pour qu'ils y acquièrent une bonne formation et la mettent ensuite au service de leur pays. Ainsi, vu la nature de leur autorisation de séjour limitée dans le temps et liée à un but déterminé, les étudiants ne peuvent pas obtenir un titre de séjour en Suisse après la fin de leurs études, ni compter en obtenir un. En principe, les autorités compétentes ne violent donc pas le droit fédéral lorsqu'elles refusent d'accorder une autorisation de séjour pour cas de rigueur à un étranger qui a terminé ses études en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.317/2006 du 16 août 2006 consid. 3 et la jurisprudence citée ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 ; arrêt du TAF C-5465/2008 du 18 janvier 2010 consid. 6.3 ; ATA/783/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

Il s'ensuit que la durée du séjour accompli en Suisse à la faveur d'un permis d'élève ou d'étudiant n'est pas déterminante pour la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité. Les ressortissants étrangers séjournant en Suisse à ce titre ne peuvent donc en principe pas obtenir une exemption des nombres maximums fixés par le Conseil fédéral au terme de leur formation, respectivement à l'échéance de l'autorisation – d'emblée limitée dans le temps – qui leur avait été délivrée dans ce but précis, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (ATAF 2007/45 consid. 4.4 in fine ; arrêt du TAF C-5465/2008 précité ;
C-4646/2008 du 15 septembre 2010 consid 5.3).

b. En l’espèce, le recourant séjourne en Suisse de manière ininterrompue depuis plus de onze ans au bénéfice de permis d’étudiant, de sorte qu’il ne peut se prévaloir de la durée de son séjour pour obtenir une autorisation de séjour de cas de rigueur.

5) Le recourant fait valoir son excellente intégration.

Il est établi qu’il parle et écrit parfaitement le français, qu’il a toujours travaillé et a été indépendant financièrement, alors même qu’il poursuivait des études, et obtenait des titres universitaires. Il n’a par ailleurs pas de dettes, ne fait pas l’objet de poursuites, n’a jamais émargé à l’aide sociale et présente un casier judiciaire vierge. Il produit de nombreux témoignages écrits de soutien, d’employeurs, de collègues et d’universitaires qui soulignent son professionnalisme, sa ponctualité, son sérieux, son engagement, son sens des responsabilités, son sens civique, sa sociabilité, son dévouement, sa gentillesse et son enthousiasme. Dans son emploi actuel, il assume des responsabilités de formateur. Il met en avant son engagement associatif en faveur des droits humains et de la justice et sa contribution bénévole à l’association G______, son engagement sportif dans le Beach-Volley Club de H______ et dans le mouvement de promotion du sport de rue I______ et son engagement civique dans un parti politique et des campagnes référendaires.

Cela étant, après avoir obtenu deux titres universitaires, le recourant travaille toujours dans la restauration. Les pièces qu’il produit montrent seulement qu’il est membre d’E______ depuis décembre 2019 et de F______ depuis octobre 2021, qu’il a échangé quelques courriels avec G______ en juin 2020 au sujet de l’application de traçage Covid, qu’il pratique le beach-volley dans le même club depuis 2017 et qu’il a versé CHF 35.- en juin 2021 en faveur de la campagne pour le mariage pour tous. Le recourant ne fait par ailleurs pas valoir de relation sentimentale ni d’autres liens de famille en Suisse. Son intégration ne présente ainsi pas le caractère exceptionnel requis pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité.

6) Le recourant soutient que les connaissances et la formation qu’il a acquises ne pourraient être exploitées qu’en Suisse et certainement pas au Sénégal, où ses chances de réintégration seraient « nulles ».

Il ne peut être suivi. S’il est vrai que la maîtrise en droit délivrée par les universités suisses porte principalement sur le droit suisse, elle procure également des connaissances juridiques générales exploitables dans d’autres systèmes et d’autres pays. Le recourant a par ailleurs obtenu un certificat de droit transnational et il a fait valoir l’obtention d’une maîtrise sénégalaise, qui ne serait toutefois pas achevée selon ses écritures. Enfin, l’approche de sa thèse est certes de droit suisse, mais son sujet, la protection de la vie privée et des données personnelles durant le cycle de vie de l’information, porte sur une problématique connue de tous les pays, a une forte dimension transnationale et est quelquefois régie par des règles supranationales, les données étant toujours plus souvent enregistrées dans un format électronique et conservées par-delà les frontières. Le recourant possède ainsi des connaissances et une expérience de valeur qu’il pourra mettre à profit au Sénégal, par exemple dans le milieu académique, dans la fonction publique ou dans le conseil aux entreprises. Son projet de développement d’une plateforme blockchain de consortium destinée à recueillir de manière anonyme des informations fournies par des lanceurs d’alertes intéresse pareillement tous les pays, est fondé sur des outils informatiques accessibles partout et rien n’indique qu’il ne pourra pas être réalisé au Sénégal.

7) Le recourant expose qu’il n’aurait plus aucun lien familial ou amical au Sénégal.

Il est aujourd’hui âgé de 36 ans. Il a quitté le Sénégal à l’âge de 24 ans, et y a donc vécu toute son enfance, son adolescence et le début de l’âge adulte, soit des périodes essentielles pour la formation de la personnalité. Il maîtrise la langue et la culture de son pays d’origine. Il ne soutient pas que sa santé ne serait pas bonne. Il est encore jeune, n’est pas marié et n’a ni attaches ni charges de famille.

Sa réintégration n’ira certes pas sans difficulté. S’il expose avoir rompu avec un père qui s’était montré violent, il ne donne toutefois guère de précisions sur le reste de sa famille, sinon qu’il n’a plus de contacts avec elle, de sorte qu’on ne peut exclure qu’il puisse, au moins dans un premier temps, trouver auprès de sa parenté un appui en vue de sa réinstallation au Sénégal, étant rappelé qu’il reviendrait pourvu de diplômes et d’une riche expérience.

Ainsi, si elle ne sera pas simple, la réintégration du recourant ne se heurtera pas à des obstacles insurmontables.

Le refus d’accorder au recourant une autorisation de séjour ne viole ainsi pas la loi ni ne consacre d’abus du pouvoir d’appréciation de l’OCPM.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8) a. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI). Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer que le renvoi du recourant serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible ; celui-ci ne le soutient d'ailleurs pas.

9) Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera mis à sa charge. Vu l’issue du litige, il ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.