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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2039/2013

ATA/434/2013 du 23.07.2013 sur JTAPI/784/2013 ( MC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2039/2013-MC ATA/434/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juillet 2013

en section

 

dans la cause

 

Monsieur C______
représenté par Me Michel Mitzicos-Giogios, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 juin 2013 (JTAPI/784/2013)


EN FAIT

Monsieur C______, né le ______ 1993, est originaire du Nigéria.

Le 30 mai 2011, il a déposé une demande d’asile en Suisse.

Le 18 juillet 2012, le Ministère public a reconnu M. C______ coupable d’infraction à l’art. 19 ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et l’a condamné à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, le mettant au bénéfice d'un sursis pendant trois ans.

Par décision du 13 septembre 2012, confirmée par le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) le 27 septembre 2012 (ATAF D-4985/2012), l’ODM a refusé d’entrer en matière sur la demande d’asile de l’intéressé, en application de l’art. 32 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) et a prononcé le renvoi de celui-ci, lequel devait quitter la Suisse d’ici le
15 octobre 2012.

Le 6 février 2013, l’intéressé a été auditionné à Berne par une délégation du Nigéria, qui l’a reconnu comme étant un ressortissant de ce pays. L’OCP en a été informé le 13 février 2013.

Entendu le 18 mars 2013 par l’OCP, M. C______ a déclaré qu’il n’était pas d’accord de rentrer au Nigéria et qu’il avait besoin de temps, ensuite de quoi il partirait.

Le 19 mars 2013, l’OCP a requis la police d’exécuter le renvoi de l’intéressé. Une place sur un vol à destination de Lagos a été réservée le 26 avril 2013, au départ de Genève. La réservation en question a dû être annulée, la police n'ayant pas pu interpeller l'intéressé.

Le 29 avril 2013, M. C______ a été interpellé par la police et le même jour placé en détention administrative pour deux mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, en relation avec l’art. 75 al. 1 let. g de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), les conditions de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 2, 3 et 4 LEtr étant réunies.

Le 2 mai 2013, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour deux mois, soit jusqu’au 29 juin 2013. Les conditions de la mise en détention administrative étaient satisfaites du fait que l’intéressé faisait l’objet d’une décision de non-entrée en matière. Les démarches en vue de l’exécution du renvoi avaient été conduites avec célérité. Un premier vol avait dû être annulé en raison de la défection de l’intéressé et un second pouvait intervenir le 17 mai 2013 déjà. Seule la détention permettait d’assurer la présence de M. C______ le jour en question.

Par pli déposé le 13 mai 2013 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. C______ a recouru contre ce jugement en concluant à son annulation.

Le 17 mai 2013, M. C______ a refusé de monter à bord du vol de ligne qui avait été réservé à destination de Lagos.

Par arrêt du 22 mai 2013 (ATA/319/2013), la chambre administrative a rejeté le recours et confirmé l'ordre de mise en détention prononcé par jugement du TAPI. L'intéressé avait fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière au sens de l’art. 32 al. 2 let. a LAsi et il s'était soustrait à son renvoi, n'étant disposé à retourner au Nigéria que lorsqu’il l’aurait décidé. Les exigences de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 2 et 3 LEtr était en conséquence réalisées. Les principes de la légalité, de l’adéquation, de la proportionnalité et de la célérité étaient respectés.

Le 30 mai 2013, une délégation des autorités nigérianes a entendu l'intéressé à Berne, dans le cadre de l'organisation d'un vol spécial devant avoir lieu au cours du mois de juillet 2013. M. C______ ayant indiqué être prêt à se rendre dans son pays par un vol de ligne, une place lui a été réservée sur un vol prévu le 21 juin 2013 à destination de Lagos.

Le 13 juin 2013, l'intéressé a sollicité de l'OCP sa mise en liberté. Il s'engageait à quitter la Suisse à destination d'un autre pays européen.

Le 21 juin 2013, M. C______ a refusé de prendre place dans l'avion dans lequel un siège lui était réservé à destination du Nigéria.

Par jugement du 24 juin 2013 (JTAPI/754/2013), le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté.

a. Le 25 juin 2013, l'OCP a sollicité du TAPI la prolongation de la détention administrative de l'intéressé pour une durée d'un mois. Son renvoi devait avoir lieu par un vol spécial pour le Nigéria durant la première quinzaine du mois de juillet 2013.

b. Le 27 juin 2013, le TAPI a entendu les parties en audience de comparution personnelle. M. C______ a fait des déclarations contradictoires, indiquant à deux reprises refuser de retourner dans son pays où il avait des problèmes car les conditions de vie ne lui convenaient pas. Il craignait pour son intégrité personnelle et ne s'était opposé à son refoulement qu'à une reprise parce que, en détention, il n’avait pas eu la possibilité de préparer son retour. Il acceptait de retourner au Nigéria s'il pouvait s'organiser préalablement.

L'OCP a confirmé qu'un vol spécial était prévu durant la première quinzaine du mois de juillet 2013.

c. Par jugement du même jour, le TAPI a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 29 juillet 2013. Il faisait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi, définitive et exécutoire. Il avait été condamné pour trafic de cocaïne. Il n'avait pas collaboré avec les autorités en vue de son refoulement. Rien n'indiquait que son renvoi serait impossible pour des raisons matérielles ou juridiques.

Par acte mis à la poste 8 juillet 2013 et reçu le lendemain, l'intéressé a saisi la chambre administrative d'un recours contre le jugement précité. Il souffrait d'une blessure à la jambe qui interdisait de le renvoyer dans son pays et devait voir un médecin spécialisé en orthopédie dans les prochaines semaines en vue d'une éventuelle intervention chirurgicale. Le contexte politique du Nigéria mettait concrètement sa vie en danger. La durée de la détention était disproportionnée et l'exécution du renvoi était impossible.

Au recours était notamment joint un certificat médical daté du 3 juillet 2013 rédigé par le Docteur S______, médecin répondant de l'établissement de détention.

L'intéressé était connu pour souffrir de douleurs à la marche et au repos du genou gauche suite à une chute en 2010 avec suspicion de laxité du ligament croisé postérieur à l'I.R.M. du 24 juin 2013, ainsi que pour "ptérygion yeux des deux côtés avec atteinte de la zone de la cornée".

M. C______ devait être convoqué pour un avis orthopédique dans les prochaines semaines en vue d'une éventuelle intervention chirurgicale et devait consulter un ophtalmologue le 5 juillet 2013.

La position assise prolongée étant proscrite et douloureuse, le médecin concerné déclarant que « Monsieur E______ [sic] est inapte pour raisons médicales au départ par transport aérien niveau IV à compter de son arrivée à LMC Frambois et ce aussi longtemps que les orthopédistes ne se sont pas prononcés sur les traitements à proposer au patient-détenu et que ce dernier doit garder son attelle du genou".

Au surplus, aucun traitement médicamenteux n'était prescrit, si ce n'est des antalgiques en réserve.

Le 10 juillet 2013, le TAPI a transmis son dossier, sans émettre d'observations.

 

Par télécopie du 11 juillet 2013, le recourant a transmis d'une part un nouvel exemplaire du certificat médical du Dr S______ ne mentionnant plus Monsieur E______ mais C______ et d'autre part, un certificat médical d'inaptitude au transport aérien du 4 juillet 2013, émanant du même praticien. L'intéressé était déclaré inapte au transport aérien pour raison médicale pour une durée indéterminée.

Le conseil du recourant précisait que les autorités avaient procédé à son renvoi vers le Nigéria par vol spécial le mercredi 11 juillet.

Le 11 juillet encore, l'OCP a conclu à ce que le recours soit déclaré sans objet. Le recourant avait été refoulé le 10 juillet 2013 par un vol spécial de Zurich vers Lagos. Ce document a été transmis au recourant, et un délai échéant au
19 juillet 2013 lui était accordé pour qu'il se détermine sur les suites à donner à la procédure.

Le 18 juillet 2013, le recourant, par la plume de son conseil, a maintenu ses conclusions. Les autorités avaient procédé au renvoi de l'intéressé par un vol spécial alors qu'elles savaient qu'un recours était pendant devant la chambre administrative et que le recourant était médicalement inapte au vol. Cette situation ne pouvant se reproduire en tout temps, la question de savoir si un renvoi par vol spécial d'un détenu médicalement inapte à un tel renvoi présentait un intérêt public, devait être tranchée. Il y avait là une question de principe.

Le 19 juillet 2013, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Remis à la Poste le 8 juillet 2013 et reçu le lendemain par la chambre administrative, le recours contre le jugement prononcé le 27 juin 2013 par le TAPI a été formé en temps utile devant la juridiction compétente et il est recevable
(art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ce délai d'ordre (ATA/470/2010 du 1er juillet 2010; ATA/90/2007 du 1er mars 2007) a été institué par le législateur afin d'assurer le respect du principe de célérité des procédures liées au contrôle de l'application des mesures de contrainte (MGC 1996 50/VII 7529).

Ayant reçu ledit recours le 9 juillet 2013 et statuant ce jour, elle ne respecte pas ce délai. Ce dépassement est dû au renvoi, en cours de procédure, du recourant au Nigéria. Cet élément nouveau imposait à la chambre administrative d'accorder au mandataire de l'intéressé un délai suffisant pour qu'il puisse se déterminer utilement sur les suites à donner à la procédure.

3. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 consid 1.3 p. 24-25 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 129 I 113 consid. 1.7 p. 119 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_477/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.3 ; 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 1.2 ; 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/253/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/153/2013 du 19 mars 2013 ; ATA/224/2012 du 17 avril 2012 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). La jurisprudence a par ailleurs admis que l'autorité de recours doit entrer en matière pour examiner la licéité de la détention d'une personne libérée en cours de la procédure, dans la mesure où le recourant invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (ATF 137 I 296).

En l'espèce, le recourant n'a mis en avant ses problèmes de santé que lors de son recours à la chambre administrative, bien qu'il souffre du genou depuis 2010 déjà. Le certificat produit comportait une erreur de nom. De plus, l'exécution du renvoi par un vol spécial a eu lieu le lendemain de la saisine de cette chambre.

Cet ensemble de circonstances est exceptionnel. Il ne peut se reproduire en tout temps, même par analogie. Dès lors, il n'y a pas lieu de renoncer à l'exigence de l'intérêt actuel. Au surplus, le recourant n'invoque pas de grief fondé sur la CEDH.

4. Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 juillet 2013 par Monsieur C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 juin 2013 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Mitzicos-Giogios, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population, à l'officier de police, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :