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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1158/2008

ATA/423/2008 du 26.08.2008 ( DCTI ) , REJETE

Parties : NARDACCHIONE Carlos, PENEL Claude, CHALUT Gilbert et autres, CHALUT Barbara, PENEL Viktoria, CAILLAT LAMBELET Jacqueline, CAILLAT Michel Paul, ISSAKOV Andrei, ISSAKOVA Olga, VERCELLINI Serge, VERCELLINI Patricia Gladys, POGORELSKI Alexei, POGORELSKAYA Svetlana, REVERDIN Bluette, SCHMUTZ Hermann, SCHMUTZ Gertrud, CREMONI Mario, CREMONI Brunella, NARDACCHIONE Dagmar, NOTZLI Liliane, LEE Wai Min, LEONG LEE LEONG Lee, PETRACHKOV Alexandre, PETRACHKOV Anna, TANAKA Saburo, TANAKA Francesca, RIGO Paolo, RIGO Rita / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, REALS INVESTISSEMENTS SARL
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1158/2008-DCTI ATA/423/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 26 août 2008

 

dans la cause

 

Madame Barbara Ursula et Monsieur Gilbert CHALUT

Madame Victoria et Monsieur Claude PENEL

Madame Jacqueline CAILLAT LAMBELET et Monsieur Michel Paul CAILLAT

Madame Olga et Monsieur Andrei ISSAKOV

Madame Patricia Gladys et Monsieur Serge Alain VERCELLINI

Madame Svetlana et Monsieur Alexei POGORELSKI

Madame Bluette REVERDIN

Madame Gertrud et Monsieur Hermann SCHMUTZ

Madame Brunella et Monsieur Mario CREMONI

Madame Dagmar et Monsieur Carlos Alejandro NARDACCHIONE

Madame Liliane Yvonne NÖTZLI

Madame Lee Cheng Leong et Monsieur Wai Min LEE

Madame Anna et Monsieur Alexandre PETRACHKOV

Madame Francesca et Monsieur Saburo TANAKA

Madame Vita et Monsieur Paolo RIGO
représentés par Me Laurent Strawson, avocat

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

et

REALS INVESTISSEMENTS Sàrl
représentée par Me Diane Schasca, avocate


EN FAIT

1. Madame Marie-Louise Gatzi est propriétaire de la parcelle no 243, feuille 10 de la commune du Grand-Saconnex, située en zone de construction 5 (zone villa) à l'adresse 6B, chemin Edouard-Sarasin.

Cette parcelle, d'une surface de 1'318 m2, est desservie par un chemin privé, sans issue, comportant une double voie d'une largeur de 6 mètres, et terminée par un rond-point qui permet aux véhicules qui l'empruntent de changer aisément de sens de circulation. Ce chemin, nommé Edouard Sarasin, est détenu en copropriété par les propriétaires des onze villas qu'il dessert.

Mme Gatzi en possède 1/9ème.

2. Le 12 mars 2007, la société Reals Investissements Sàrl (ci-après : la société ou la requérante) a requis du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le département ou le DCTI) une autorisation définitive de construire sur cette parcelle quatre villas jumelles avec couverts à voitures et de démolir la villa et le garage qui y sont édifiés (DD 101'212-6 et M 5831-6). Une dérogation au rapport des surfaces, pour porter l'indice de 0,2 à 0,3 conformément au plan directeur communal, était demandée. Quatre places de parc étaient prévues.

3. Les services du département ont tous délivré des préavis favorables ou sans observations au projet, à l'exception de la commission d'architecture, qui a préavisé négativement la dérogation au rapport des surfaces, le 17 avril 2007.

Les débords des toitures perturbaient l'expression architecturale des maisons envisagées, qui posaient en outre des problèmes d'accrochage aux arêtiers. Une solution consistait à remonter les toits pour en épurer la forme et améliorer la qualité des chambres situées dans les étages. Moyennant de telles modifications, la commission serait favorable à la dérogation demandée.

4. Quelques jours plus tard, donnant suite à ces observations, la requérante a transmis au département un projet modifié.

Outre les modifications apportées aux bâtiments, et pour tenir compte d'objections formulées par le voisinage pendant la procédure, huit places de stationnement, au lieu des quatre initialement prévues, ainsi que trois places visiteurs, seraient aménagées sur la parcelle n° 243.

5. Le 29 mai 2007, la commission d'architecture a délivré un préavis favorable.

6. Lors de sa séance du 18 juin 2007, le conseil municipal a adhéré à la demande de dérogation portant sur le rapport des surfaces de 30%, considérant que le projet était conforme à son plan directeur.

7. Par décision du 13 août 2007, publiée dans la Feuille d'Avis Officielle (ci-après : FAO) le 17 août 2007, le DCTI a délivré l'autorisation de construire sollicitée.

8. Par acte du 17 septembre 2007, Madame Barbara Ursula et Monsieur Gilbert Chalut, Madame Victoria et Monsieur Claude Penel, Madame Jacqueline Caillat Lambelet et Monsieur Michel Paul Caillat, Madame Olga et Monsieur Andrei Issakov, Madame Patricia Gladys et Monsieur Serge Alain Vercellini, Madame Svetlana et Monsieur Alexei Pogorelski, Madame Bluette Reverdin, Madame Gertrud et Monsieur Hermann Schmutz, , Madame Dagmar et Monsieur Carlos Alejandro Nardacchione, Madame Liliane Yvonne Nötzli, Madame Lee Cheng Leong et Monsieur Wai Min Lee, Madame Francesca et Monsieur Saburo Tanaka, Madame Vita et Monsieur Paolo Rigo, copropriétaires du chemin Edouard Sarasin, ainsi que Madame Anna et Monsieur Alexandre Petrachkov et Madame Brunella et Monsieur Mario Cremoni, dont les villas sont séparées de la parcelle litigieuse par une autre. (ci-après : les consorts ou les recourants), ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission ou CCRC) contre cette décision et conclu à son annulation, pour des raisons tenant, en substance, à la densité des constructions, au caractère inesthétique de celles-ci, à l'insuffisance de l'accès et à l'inexistence d'une servitude de canalisation.

9. Parallèlement, la requérante a déposé une demande d'autorisation définitive complémentaire portant sur le raccordement des eaux usées et pluviales, au sujet de laquelle le domaine de l'eau du département, ainsi que la commune, se sont prononcés favorablement les 23 octobre et 8 novembre 2007.

10. Par décision du 29 novembre 2007, publiée dans la FAO le 5 décembre 2007, le DCTI a délivré l'autorisation complémentaire sollicitée.

11. Le 21 décembre 2007, les consorts précités ont interjeté recours contre ladite décision auprès de la commission et conclu à son annulation.

12. Par décision du 25 février 2008, reçue le 7 mars 2008, la CCRC a ordonné la jonction des causes et rejeté les deux recours formés contre les autorisations précitées.

En admettant un rapport des surfaces de 30% suite au préavis favorable de la commune et de la commission d'architecture, le DCTI n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

Un transport sur place avait permis de constater qu'aucune protection esthétique particulière ne se justifiait à cet endroit, où se trouvaient des bâtiments de hauteur disparate, avec, à l'est, les grands immeubles de la Tour et au sud-est, un EMS et divers bâtiments.

En outre, le terrain devait être considéré comme suffisamment équipé au sens de l'article 19 alinéa 1er de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), le chemin Edouard Sarasin constituant un accès adéquat. Il n'apparaissait pas que l'usage projeté provoquerait un accroissement déraisonnable du trafic routier. Les préavis concernant cet accès, dont celui de l'office de la mobilité et du service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants, étaient tous favorables. Du point de vue du droit public, la décision était conforme à la loi. Enfin, les éventuels problèmes de servitudes relevaient du droit privé, dont la commission ne pouvait pas connaître.

13. Par acte du 7 avril 2008, les consorts ont recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission et concluent à son annulation.

Les conditions de la dérogation exceptionnelle au rapport des surfaces, prévue à l'article 59 alinéa 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), n'étaient pas réunies. En particulier, le projet ne remplissait pas les conditions d'esthétique imposées par cette disposition. Les préavis de la commission d'architecture et de la commune, ainsi que la décision du DCTI n'étaient pas suffisamment motivés à cet égard, en violation du droit d'être entendu. Les constructions projetées tranchaient de manière abrupte avec celles implantées dans le quartier et dénaturaient ce dernier par leur densité. Elles n'étaient pas rationnelles au sens de l'article 11A alinéa 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). Le projet ne répondait pas à un besoin prépondérant de la population, les villas jumelles étant destinées à être vendues au prix de CHF 1'300'000.- chacune. La dérogation aux rapports des surfaces se faisait au seul bénéfice du vendeur, ce qui était contraire à la loi.

La parcelle n° 243 n'était pas suffisamment équipée en voies d'accès. L'autorisation violait en conséquence l'article 19 LAT. Le chemin desservait déjà une dizaine d'habitations et n'était pas suffisant, bien qu'il disposât d'une double voie, pour permettre l'accès aux nouvelles constructions.

Le projet ne prévoyait aucune place pour les visiteurs, de sorte que les véhicules de ceux-ci encombreraient le chemin Edouard Sarasin, au détriment des autres usagers.

Enfin, l'inexistence de servitudes de canalisation sur la parcelle n° 236 rendait le projet irréalisable en l'état.

14. Le département a déposé ses observations le 15 mai 2008 et conclu au rejet du recours, pour des motifs qui seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

15. La société requérante en a fait de même le 30 mai 2008 et a sollicité le prononcé d'une amende pour téméraire plaideur.

La parcelle n° 243 ne nécessitait aucun équipement ni raccordement complémentaire car elle était entièrement desservie, sans qu'aucune servitude ne doive être constituée.

L'architecture des bâtiments projetés était très semblable à celle des maisons existantes et n'apportait rien de nouveau ni d'original de ce point de vue.

La densité prévue était conforme au plan directeur communal, adopté le 10 avril 2006 par le conseil municipal. Ce document précisait que le long de l'axe Terroux-Sarasin, soit à l'emplacement des constructions projetées, la densification de la zone villa était largement amorcée. Cet axe étant desservi par les transports publics, il convenait de poursuivre cette densification jusqu'à un indice maximum de 0,3.

16. Par décision du 16 juin 2008, la présidente du Tribunal administratif a rejeté la demande de retrait de l'effet suspensif déposée par la société intimée, à laquelle les recourantes et le DCTI s'étaient opposés.

17. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. A teneur de l’article 60 lettres a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir. Le Tribunal administratif a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/320/2008 du 17 juin 2008 consid. 2a et les références citées).

Les voisins d’une construction ou d’une installation, dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale possèdent l’intérêt particulier requis par la loi Cette lésion directe et spéciale suppose l’existence d’une communauté de fait entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 121 II 174 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.387/2007 du 25 mars 2008 consid. 3.1 ; ATA/306/2008 du 10 juin 2008, consid. 2).

Ces conditions sont en principe considérées comme remplies lorsque le recours émane du propriétaire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse. Elles peuvent aussi être réalisées en l’absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare les deux immeubles. Le recourant doit néanmoins retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 121 II 171 174 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.57/2007 du 14 août 2007 consid. 3.2, publié in SJ 2008 I p. 117 ; ATA/176/2008 du 15 avril 2008 consid. 2).

En l'espèce, tous les recourants, à l'exception des époux Petrachkov et Cremoni, sont copropriétaires du chemin privé Edouard Sarasin, qui dessert la parcelle concernée par l'autorisation et/ou voisins directs de la construction projetée. Ils ont donc qualité pour recourir à ce titre.

La situation des prénommés est plus délicate. Ils n'accèdent pas à leur propriété par ledit chemin, n'en sont pas copropriétaires et sont séparés de la parcelle litigieuse par une autre, de sorte que l'on ne voit pas très bien en quoi ils seraient touchés plus que quiconque par la construction des quatre villas jumelles projetées. La question de leur qualité pour recourir peut toutefois souffrir de rester ouverte, les autres recourants disposant de cette qualité.

Sous cette réserve, les recours sont recevables.

3. Selon l'article 59 alinéa 1er LCI, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 20% de la surface de la parcelle. Toutefois, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser exceptionnellement, avec l'accord de la commune, exprimé sous la forme d'une délibération municipale, et après consultation de la commission d'architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40% de la surface du terrain, ou 44% lorsque la construction est de haut standard énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (art. 59 al. 4 let. b LCI).

Lors des travaux préparatoires de l'article 129 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 25 mars 1961 (aLCI), dont la teneur correspond presqu'intégralement à l'article 59 LCI, il a été relevé que, pour éviter une dispersion des constructions et un gaspillage des terrains encore à bâtir en zone villas, il était souhaitable que les autorités, dans certains cas bien définis et moyennant certaines précautions, puissent autoriser la construction de villas en ordre contigu avec un indice d'utilisation du sol plus élevé que ce n'était le cas dans l'ancienne loi. Pour empêcher une urbanisation excessive de la zone villas, laquelle conduirait à la réalisation systématique de constructions en ordre contigu, il importait que de telles réalisations soient soumises à des critères bien délimités. La zone villas ne devait pas se confondre avec la 4ème zone, qui était réservée à de petits immeubles d'habitation (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 1983, pp. 428 ss).

Il résulte ainsi, tant du libellé de la loi que des travaux préparatoires, que l'octroi d'une dérogation en faveur d'un indice d'utilisation supérieur à 20% est soumis à certaines conditions.

4. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, la question de la compatibilité du projet doit être examinée en relation avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, conditions qui constituent une clause d’esthétique, analogue à celle contenue à l’article 15 LCI, faisant appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées. Le contenu de telles notions varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Alors que la clause d'esthétique est un des éléments que le département doit prendre en considération pour statuer en opportunité sur l'octroi d'une autorisation de construire quand le rapport des surfaces n'excède pas 20% (art. 15 al. 1 et 59 al. 1 LCI), le législateur en a fait une condition indispensable pour autoriser une dérogation à ce rapport (ATA/314/2006 du 13 juin 2006 et les références citées).

5. Le pouvoir d'appréciation de l'administration n'est limité que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/235/2008 du 20 mai 2008 consid. 17 et références citées ; P. MOOR, Droit administratif, Vol. 1, Berne 1994, 2ème éd., p. 376, n. 4.3.2.3). Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l’autorité de recours doit s’imposer une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/306/2008 du 10 juin 2008 consid. 7d et arrêts cités ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C.-.A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201 ; P. MOOR, op. cit., p. 246, n. 2.2.5.4). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes.

En l’espèce, tous les préavis recueillis ont été favorables au projet. La commune a donné son accord, s'appuyant sur la densification prévue dans le plan directeur communal, le projet demeurant par ailleurs dans la fourchette des indices admissibles. La commission d'architecture, après avoir refusé le premier projet, a approuvé le deuxième, qu'elle a trouvé conforme aux exigences d'esthétique de la LCI. Certes, l'ordonnance des constructions projetées diffère quelque peu de celle des villas existantes, qui sont isolées ou disposées en ordre contigu, sans être jumelles. Cet élément ne saurait, à lui seul, constituer un excès du pouvoir d'appréciation. Dès lors, le Tribunal administratif, s’imposant la réserve qui lui incombe en matière d’esthétique des constructions, admettra qu’en accordant l'autorisation sollicitée, le département n’a ni abusé de son pouvoir d’appréciation ni excédé celui-ci.

Cet argument doit en conséquence être rejeté.

6. Les recourants allèguent que les constructions projetées ne répondraient pas à un besoin prépondérant de la population. Ils omettent que cette condition n'est pas nécessaire à l'octroi des autorisations sollicitées, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) n'étant pas applicable aux villas sises en 5ème zone de construction (art. 2 al. 2 LDTR).

Ce grief doit donc être écarté.

7. Le projet ne viole pas davantage l'article 19 LAT.

En effet, aux termes de cette disposition, un terrain est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à l’utilisation prévue par des voies d’accès et par des conduites auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l’alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l’évacuation des eaux usées.

En l'espèce, la parcelle litigieuse est équipée au sens de cette disposition. Elle dispose d'un accès large, au fond duquel les véhicules peuvent aisément tourner. Elle est en outre desservie par des conduites auxquelles les nouvelles constructions pourront être raccordées sans frais disproportionnés.

La décision du département est ainsi conforme à la LAT.

8. Les recourants invoquent une violation de l'article 14 LCI.

Selon cette disposition, le département peut refuser une autorisation lorsqu'une construction peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 al. 1er let. a LCI) ou créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (art. 14 al. 1er let. e LCI). L'entrée en vigueur du droit fédéral de l'aménagement du territoire et de l'environnement ont limité la portée de cet article, qui conserve néanmoins une portée propre en matière d’inconvénients afférents à la circulation, notamment en ce qui concerne le stationnement des véhicules ou la mise en danger des piétons, voire du public (ATF 118 Ia 112 ; ATA/306/2008 du 10 juin 2008 consid. 5 et arrêts cités).

L'usage des constructions projetées, destinées à accueillir trois foyers supplémentaires, ne saurait raisonnablement entraîner les inconvénients que lui prêtent les recourants. La largeur du chemin Edouard-Sarasin, de six mètres, ainsi que le nombre de places de parc prévues pour les usagers comme pour les visiteurs, apparaissent tout à fait adéquats pour garantir la conformité du projet à la loi. Il n'y a dès lors aucune raison de s'écarter des préavis favorables du service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants et de l'office de la mobilité des 16 avril et 8 mai 2007.

9. L'impossibilité de réaliser les travaux, prétendument liée à l'absence de servitudes, relève enfin du droit privé et ne ressort pas des compétences du tribunal de céans, dont l'examen se limite aux questions liées à l'application du droit public des constructions (ATA/180 2008 du 15 avril 2008 consid. 12 et références citées).

10. Au vu des explications qui précèdent, le recours sera rejeté. La conclusion de la société intimée tendant au prononcé d’une amende pour téméraire plaideur est pour sa part irrecevable (ATA/492/2007 du 2 octobre 2007 consid. 6).

11. Les recourants, qui succombent, seront condamnés, conjointement et solidairement, à un émolument de CHF 2'000.-. Une indemnité du même montant, également conjointe et solidaire, sera par ailleurs allouée à Reals Investissements Sàrl, à la charge des recourants (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 avril 2008 par Madame Barbara Ursula et Monsieur Gilbert Chalut, Madame Victoria et Monsieur Claude Penel, Madame Jacqueline Caillat Lambelet et Monsieur Michel Paul Caillat, Madame Olga et Monsieur Andrei Issakov, Madame Patricia Gladys et Monsieur Serge Alain Vercellini, Madame Svetlana et Monsieur Alexei Pogorelski, Madame Bluette Reverdin, Madame Gertrud et Monsieur Hermann Schmutz, Madame Dagmar et Monsieur Carlos Alejandro Nardacchione, Madame Liliane Yvonne Nötzli, Madame Lee Cheng Leong et Monsieur Wai Min Lee , Madame Francesca et Monsieur Saburo Tanaka, Madame Vita et Monsieur Paolo Rigo contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 25 février 2008 ;

au fond :

le rejette ;

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté par Madame Brunella et Monsieur Mario Cremoni et Madame Anna et Monsieur Alexandre Petrachkov ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à Reals Investissements Sàrl une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent Strawson, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département des constructions et des technologies de l'information ainsi qu'à Me Diane Schasca, avocate de Reals Investissements Sàrl.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :