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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2792/2008

ATA/303/2013 du 14.05.2013 sur JTAPI/230/2011 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.06.2013, rendu le 23.12.2013, REJETE, 2C_583/2013
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2792/2008-ICC ATA/303/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame S______E______ et Monsieur O______ E______
représentés par Me Michel Lambelet, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 avril 2011 (JTAPI/230/2011)


EN FAIT

1) Madame S______ E______ et Monsieur O______ E______ (ci-après : les époux E______) sont domiciliés dans le canton de Genève. M. O______ E______ est employé, administrateur unique et détenteur de l’intégralité du capital-actions de CHF 100'000.-, représenté par 100 actions de CHF 1'000.- chacune, de la société T______ S.A. (ci-après : A______). Selon le registre du commerce, cette société a pour but l'organisation de voyages tels que croisières et arrangements à forfaits.

2) Dans l’état des titres de la déclaration fiscale 2006 du couple, adressée le 11 octobre 2007 à l’administration fiscale cantonale (ci-après AFC-GE), M. E______ a mentionné les 100 actions de A______ pour une valeur totale de CHF 100'000.-.

3) Le 31 octobre 2007, l’AFC-GE a envoyé aux époux E______ un bordereau de taxation pour les impôts cantonaux et communaux 2006 (ci-après : ICC) retenant une valeur estimée de CHF 19'653.- pour chaque action de A______, soit un montant de CHF 1'965'300.-.

4) Le 20 novembre 2007, les époux E______ ont élevé réclamation contre leur taxation ICC 2006, contestant l’estimation de la valeur des actions de A______ faite par l’AFC-GE. La capacité bénéficiaire de A______ reposait exclusivement sur M. E______, de sorte que la valorisation des actions de la société devait être effectuée au regard de la fortune nette de cette dernière qui, selon les comptes 2005, s’élevait à CHF 879'463.-. La valeur de l’action devait être de CHF 8'794.-. En tenant compte de la fortune nette de la société au 31 décembre 2006, soit CHF 1'165'421.-, la valeur de l’action était alors de CHF 11'654.-. Le montant retenu par l’AFC-GE était surestimé. Par ailleurs, le relevé de compte remis aux époux E______ faisait état d’un montant de CHF 357,80 au titre d’intérêts financiers. Ceux-ci étaient contestés.

5) Par décision du 12 juin 2008, l’AFC-GE a rejeté la réclamation. Les actions de A______ avaient été estimées conformément aux instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune (ci-après : les instructions), édictées par la Conférence des fonctionnaires fiscaux d’Etat et administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH). A______ était une société commerciale employant plusieurs personnes et le fait qu’une seule d’entre elles influait de façon plus importante sur le bénéfice ne constituait pas un motif suffisant de modifier l’estimation sans porter atteinte à l’intégrité du droit et au principe d’égalité de traitement. Quant aux intérêts financiers, leur perception était prévue par la loi.

6) Par acte du 14 juillet 2008, les contribuables ont recouru contre la décision susmentionnée auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts, remplacée depuis lors, dès le 1er janvier 2011, par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils ont conclu à ce qu’un nouveau bordereau de taxation ICC 2006 soit émis en prenant en compte une « valorisation conforme aux dispositions légales » des actions de A______ et exempt d’intérêts financiers. Ils reprenaient leur argumentation relative à la surestimation des actions de la société, celle-là violait la liberté économique en créant une distorsion de la concurrence, l’actionnaire unique étant pénalisé par rapport à la situation qui serait la sienne s’il facturait ses prestations à A______ en qualité d’indépendant. Enfin, la valeur retenue par l’AFC-GE ne représentait par une valeur vénale des actions, ce qui violait l’art. 14 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). Quant à la perception d’intérêts financiers, elle ne reposait sur aucune base légale.

7) Le 11 octobre 2010, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. L’estimation des actions non cotées en bourse se faisait en fonction de leur valeur de rendement et de la valeur intrinsèque. Elle avait appliqué correctement les instructions. La situation de A______ n’était pas comparable à celle d’une société de gérance de fortune reposant sur une personne unique. Conformément aux instructions, une déduction de 30 % avait été opérée sur la valeur de rendement de la société pour tenir compte des risques éventuellement encourus par l'entreprise, y compris celui de disparition de son principal animateur. La perception d’intérêts financiers était conforme à l’art. 361 al. 4 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05).

8) Par jugement du 4 avril 2011, le TAPI a rejeté le recours des époux E______. La méthode d’évaluation des titres de

A______ proposée par les contribuables, consistant à se fonder sur la fortune nette sociale, ne ressortait pas des instructions. Par ailleurs, A______ ne pouvait être assimilée à une holding pure, une société de gérance de fortune ou de financement. L’estimation à laquelle l’AFC-GE avait procédé était correcte. S’agissant des intérêts financiers, leur perception avait été admise par la jurisprudence.

9) Le 5 mai 2011, les époux E______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, reprenant leurs conclusions antérieures et contestant la substance de l’argumentation soutenue par l’AFC-GE puis du TAPI.

10.                            Le 23 mai 2011, le TAPI a transmis son dossier, sans observations.

11.                            Le 6 juin 2011, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours en reprenant son argumentation précédente. La légitimité de la perception d’intérêts financiers avait été confirmée par la chambre administrative (ATA/305/2011 du 17 mai 2011).

12.                            Le 8 mai 2012, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté contre l’ATA/305/2011 (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2011).

13.                            Le 4 juin 2012, le juge délégué a demandé aux contribuables s’ils maintenaient leurs conclusions relatives à la perception d’intérêts financiers, vu l’arrêt du Tribunal fédéral susmentionné.

14.                            En date du 10 juillet 2012, les époux E______ ont répondu affirmativement.

15.                            Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) dont l'art. 69 abroge les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP I-V).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010 et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régies par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Le recours concernant la période fiscale 2006, le droit dans sa teneur à cette date est applicable (aLIPP I-V).

3) Selon l'art. 13 al. 1 LHID, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette. Celle-ci est estimée en principe à la valeur vénale (art. 14 al. 1 LHID et 4 al. 2 aLIPP-III).

La valeur vénale correspond à la valeur à laquelle les titres peuvent être échangés sur le marché dans des conditions normales (Arrêt du Tribunal fédéral du 25 mars 1974 in RDAF 1976 383 consid. 2 p. 386).

Pour déterminer cette valeur, l'art. 5 al. 2 de la aLIPP-III (impôt sur la fortune) pose des règles d'évaluation. Selon cette disposition, les actions, parts de coopératives et autres droits de participation non cotés en bourse sont évalués en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque.

Sous réserve d'exceptions visant des situations étrangères au cas d'espèce, les instructions sont applicables, s'agissant du mode de calcul permettant de parvenir au but recherché par les art. 14 al. 1 LHID et 4 al. 2 aLIPP-III (art. 1 du règlement d'application de la LIPP-III - RALIPP-III).

Cette application a été validée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt du 25 mars 1974 précité (consid. 2 et 3). Selon ce dernier, l'observation démontre que le cours des actions officiellement cotées en bourse dépend du rendement que ces dernières ont eu et qu'elles auront probablement, ainsi que de l'intensité du rendement de la société. Le cours est encore influencé par d'autres facteurs, comme la fortune de celle-ci, les liquidités de l'entreprise, la stabilité de l'exploitation, etc.

Notre Haute Cour considère que les mêmes facteurs jouent pour l'estimation des titres non cotés. Elle souligne cependant que le rendement n'influence pas de la même manière la valeur d'une action dans les sociétés anonymes de famille ou qui n'ont qu'un unique actionnaire, et dans celles dont les actions sont répandues dans le public et auxquelles participent de nombreux actionnaires. L'influence du rendement serait en effet moindre dans les premières que dans les secondes (idem).

Elle rappelle enfin que les instructions n'ont pas le caractère d'une loi ou d'une ordonnance, mais qu'elles ne sont que des directives. Elles peuvent ainsi servir d'une manière générale de base d'estimation afin d'obtenir une évaluation uniforme des titres non cotés, à condition toutefois que les circonstances du cas particulier ne nécessitent pas de s'écarter de ce mode d'estimation schématique, voire ne l'excluent pas (idem ; ATF 94 I 157).

4) La preuve de l'existence de telles circonstances et de l'inadéquation à leur situation du mode de calcul figurant dans les directives doit être apportée par les contribuables.

En effet, en procédure de taxation, la maxime inquisitoire prévaut : l'autorité n'est pas liée par les éléments imposables reconnus ou déclarés par le contribuable. Si des indices paraissent mettre en doute l'exactitude de la déclaration, l'administration, après investigation, pourra s'en écarter et modifier les éléments du revenus en faveur ou en défaveur de ce dernier (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3ème éd., Bâle 2007, p. 442s ; P. AGNER/B. JUNG/G. STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Zurich 2001, n. 2 ad art. 130, p. 421).

En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (E. BLUMENSTEIN/P. LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., Zurich 2002, p. 403/404 ; J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2e éd., Lausanne 1998, p. 139). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait tout autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_574/2009 du 21 avril 2010 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 ; 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATA/226/2012 du 17 avril 2012 ; ATA/95/2012 du 21 février 2012 ; M. ZWEIFEL, Die Sachverhaltsermittlung im Steuerveranlagungsverfahren, Zürich 1989, p. 109 consid. 4.3).

Il peut arriver que, même après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATA/778/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/747/2011 du 6 décembre 2011 ;  E. BLUMENSTEIN/P. LOCHER, op. cit., p. 416 et les nombreuses références citées). Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôt et de ses explications ultérieures ; on ne peut pas, en revanche, lui demander de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés (J.-M. RIVIER, op. cit., p. 138).

Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés à leur juste valeur. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations. Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2). L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.347/2002 du 2 juin 2003, consid. 2.1 et les références citées ; ATA/607/2008 du 2 décembre 2008 consid. 7a).

5) En l'espèce, pour déterminer leur valeur, l'AFC-GE a appliqué les directives usuelles, légales et réglementaires en la matière. Les recourants objectent cependant que l'on ne saurait se fonder sur la valeur de rendement de A______ pour estimer ses actions car les résultats de la société dépendaient essentiellement de son administrateur et actionnaire unique, soit le recourant, situation qui serait comparable notamment à celle d'une société de gérance de fortune.

En vertu des principes exposés ci-dessus, il appartient aux contribuables de démontrer la réalité de ces affirmations. Or, ils n'apportent pas de démonstration de leurs allégués alors même que l'AFC-GE a précisé, dans sa décision sur réclamation, puis dans ses écritures successives, les éléments sur lesquels elle se fondait pour considérer A______ comme une société commerciale sans particularité sous l'angle de l'application des instructions, relevant notamment qu'elle employait plusieurs collaborateurs qualifiés. En outre, une déduction de 30 % a été opérée sur la valeur de rendement de la société pour tenir compte des risques éventuels encourus par l'entreprise. Rien ne permet ainsi de s'écarter du mode de calcul retenu par l'AFC-GE.

6) Les recourants contestent par ailleurs la perception d'intérêts financiers.

Le 1er janvier 2009 est entrée en vigueur la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales (LPGIP - D 3 18), qui règle notamment les modalités de perception des impôts et a abrogé les dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) sur ce point.

Le litige étant antérieur à l’entrée en vigueur de la LPGIP, il sera tranché à la lumière des dispositions pertinentes de l’aLCP et ses dispositions d’application, en particulier le règlement transitoire relatif à la perception des acomptes provisionnels, du 28 novembre 2001 (RTAP - D 3 05.05).

7) Selon l’art. 360 al. 1 aLCP, l’impôt est échu dès la notification de la décision de taxation. Le terme d’échéance est maintenu même si le contribuable a déposé une réclamation ou un recours contre la taxation (art. 360 al. 2 aLCP). Les impôts doivent être acquittés dans les trente jours suivant l’échéance (art. 363 aLCP).

Il peut être perçu en cours d’année des acomptes provisionnels, calculés sur la base des impôts de l’année précédente, ainsi que des majorations ne dépassant pas 3 % en cas de retard dans le versement de ces acomptes, le Conseil d’Etat en fixant les modalités par voie règlementaire (art. 361 al. 3 aLCP). Le montant résultant de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l’impôt échu, supérieur au total des acomptes provisionnels, porte intérêt au taux légal dès le premier jour qui suit la période fiscale (art. 361 al. 4 aLCP). Pour les personnes physiques, l’art. 5 al. 1 RTAP précise que l’intérêt financier court dès le 1er avril suivant la période fiscale. Enfin, selon l’art. 364 al. 1 aLCP, les montants des impôts, taxes, majorations, frais et amendes portent intérêt au taux légal après l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification de la décision.

De la même manière, le contribuable qui a payé pour ses impôts, taxes, majorations, frais et amendes des montants supérieurs à ceux qu’il doit finalement en vertu de taxations et décisions entrées en force a droit au remboursement du trop-perçu (art. 367A al. 1 aLCP). Les montants perçus en trop et remboursables portent intérêt au taux légal à partir de la date de la perception, mais au plus tôt à partir de l’échéance de la notification de la décision de taxation (art. 367A al. 2 aLCP). Le montant résultant de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l’impôt définitif, inférieur au total des acomptes provisionnels, porte intérêt dès le premier jour qui suit la période fiscale (art. 367A al. 3 aLCP), sans que le RTAP ne fixe de date particulière dans ce cas.

La lecture des dispositions susvisées laisse apparaître une contradiction entre, d’une part, les art. 360 al. 1, 363, 364 al. 1 et 367A al. 2 aLCP, qui retiennent la notification de la décision de taxation comme date d’échéance de l’impôt et dies a quo pour le calcul des intérêts, et, d'autre part, les art. 361 al. 4 et 367A al. 3 aLCP, qui prévoient, en cas de perception d’acomptes provisionnels, que les intérêts sont perçus dès le premier jour suivant la période fiscale.

Cette contradiction disparaît toutefois à la lecture des travaux préparatoires de révision de l’aLCP en 1994. C’est à ce moment que la Conseil d’Etat a proposé l’introduction des art. 361 al. 4 et 367A al. 3, avec la motivation suivante : « L’alinéa 4 est une conséquence du passage du système d’'imposition praenumerando au système postnumerando. Il est rappelé en effet qu'avec le nouveau système, l’impôt 1995 ne pourra être calculé qu'en 1996. Il est donc juste, pour le cas où les acomptes provisionnels s'avèrent inférieurs au montant de l'impôt définitif, que le contribuable doive s'acquitter d'un intérêt "financier" dès le 1er jour qui suit la période fiscale (fin de l'exercice social pour les personnes morales, fin de l'année civile pour les personnes physiques), ce d'autant plus que ce système permet d'assurer une égalité de traitement entre le contribuable qui se verrait notifier son bordereau dans les trois mois qui suivent la période fiscale et celui qui ne le recevrait que huit mois plus tard. (…) Cette disposition entraînera donc pour conséquence que chaque contribuable se verra notifier un bordereau comportant un intérêt sans que la question d'un éventuel retard dans le paiement de l'impôt soit déterminante. Les éventuels intérêts "moratoires", c'est-à-dire ceux dus après l'écoulement du délai de paiement (cf art. 363 nouvelle teneur) sont réglés à l'art. 364 (nouvelle teneur). En revanche, tout montant payé en trop par le contribuable bénéficiera d'intérêts rémunératoires tels que prévus à l'art. 367A nouvelle teneur » (Mémorial du Grand Conseil 1994 II 1478). Et, à propos de l’intitulé de l’art. 364 aLCP : « Concrètement, le titre marginal de cet article s’intitule désormais "Intérêts moratoires", ce qui différencie les intérêts qui seront réclamés au contribuables (sic), sur cette base des intérêts "financiers", qui seront perçus, pour des raisons techniques sur la base de l'art. 361, al. 4 (nouvelle teneur) » (Mémorial du Grand Conseil 1994 II 1’479). Le Grand Conseil a adopté sans changement les propositions du Conseil d'Etat (Mémorial du Grand Conseil 1994 IV 3’909).

Ainsi, l’art. 361 al. 4 aLCP vise donc une autre hypothèse que celle réglée par les art. 360 et 363 aLCP. Son application n’est liée ni à l’échéance, ni à l'exigibilité du bordereau (ATA/305/2011 du 17 mai 2011).

8) Il reste à examiner si ce dispositif, qui n’existe pas pour l’impôt fédéral direct, est admissible en regard des règles de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

Cette loi désigne les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixe les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID). Lorsqu’aucune réglementation particulière n’est prévue, les impôts cantonaux et communaux sont établis en vertu du droit cantonal (art. 1 al. 3 LHID). Les modalités de perception des impôts directs prélevés par les cantons demeurent de la compétence de ces derniers. L’art. 361 al. 4 aLCP n’est donc pas contraire à la LHID, contrairement à ce qu'affirment les recourants (ATA/305/2011 déjà cité).

9) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement et aucune indemnité de procédure ne leur sera versée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 juin 2012 par Madame S______ E______ et Monsieur O______ E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 avril 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Lambelet, avocat de Madame S______ E______ et de Monsieur O______ E______, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :