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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3631/2016

ATA/413/2017 du 11.04.2017 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3631/2016-EXPLOI ATA/413/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 avril 2017

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1. M. A______ est l’un des associés gérant de la société B______ Sàrl (ci-après : la société) inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 12 juillet 2012. La société exploite un kiosque de vente de C______ et autres, nommé « C______ B______ », (ci-après : le kiosque), ______, rue D______ à E______.

2. Le 10 octobre 2013, le service du commerce, devenu depuis lors le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a délivré à M. A______ une autorisation de vente d’alcool fermenté et distillé à l’emporter au sein du kiosque, avec échéance au 10 octobre 2016. L’autorisation d’exploiter rappelait que la vente à l’emporter de boissons alcooliques était interdite de 21h00 à 7h00 du matin, indépendamment des dispositions de la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM - I 1 05).

3. Dans un rapport de police du 13 février 2015, la gendarmerie a constaté que de l’alcool avait été vendu ce jour-là à 21h16 par le kiosque, soit au-delà des heures autorisées. Les faits avaient été reconnus par M. A______.

4. Le 12 mars 2015, le PCTN a notifié un avertissement à M. A______. La vente de boissons alcooliques était interdite après 21h00. S’il venait à nouveau à violer les prescriptions légales, la fermeture de l’établissement serait ordonnée pour une durée maximum de quatre mois.

5. Dans un rapport du 19 octobre 2015, la gendarmerie a constaté une nouvelle vente d’alcool hors des heures légales par le kiosque le 16 octobre 2015 à 23h53. Dans un rapport du 21 octobre 2015, la gendarmerie a constaté une infraction similaire le 17 octobre 2015 à 23h20.

6. Par courrier des 30 octobre et 3 novembre 2015, le PCTN a invité le recourant à se déterminer sur son intention de lui infliger une amende et/ou une mesure administrative en raison des infractions des 16 et 17 octobre 2015. Il avait un délai au 12 novembre 2015 pour transmettre ses observations. M. A______ n’y a pas donné suite.

7. Le 3 décembre 2015, le PCTN a ordonné la fermeture du kiosque pour une durée de sept jours, soit du 18 janvier 2016 au 24 janvier 2016. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

8. Dans un rapport de police du 26 juillet 2016, la gendarmerie a constaté que le 16 juillet 2016 à 23h50, le kiosque vendait des boissons alcooliques en dehors des heures autorisées. En outre, lesdites boissons n’étaient pas mises sous clé, ni soustraites à la vue des clients. Des clients avaient été interrogés, qui avaient confirmé avoir acheté ces boissons auprès du kiosque. L’employé sur place, M. F______ a admis les faits, en précisant qu’il n’y avait pas de place pour stocker les boissons alcooliques, raison pour laquelle des packs de bière étaient répartis dans le local abritant le commerce.

9. Dans un rapport du 5 août 2016, la gendarmerie a constaté à nouveau que des boissons alcooliques étaient vendues en dehors des heures autorisées, et qu’elles n’étaient pas mises sous clé, ni soustraites à la vue du public. Interrogé à ce sujet, M. A______ avait à son tour expliqué cela par l’absence de place pour stocker les boissons alcooliques dans le kiosque.

10. Le 19 septembre 2016, un nouvel avertissement d’avoir à respecter la loi a été adressé par le PCTN au kiosque et à ses gérants.

11. Le 20 septembre 2016, le PCTN a accordé un délai à M. A______ pour faire valoir son droit d’être entendu en rapport avec une éventuelle amende et/ou une mesure administrative en lien avec les faits du 16 juillet 2016.

12. Le 30 septembre 2016, M. A______ s’est déterminé par écrit. L’employé qui se trouvait dans le kiosque le 16 juillet 2016 avait commencé son activité le 14 juillet 2016. Il ne l’avait pas informé du contrôle qui avait été effectué. Lui-même avait pris toutes les mesures nécessaires pour que l’intéressé respecte les heures de ventes des boissons alcooliques. Cette personne n’était pas inscrite auprès du PCTN comme ayant une fonction dirigeante élevée au sein du commerce.

13. Par décision du 7 octobre 2016, le PCTN a prononcé une décision de fermeture du kiosque pour une durée de quatorze jours, soit du 21 novembre 2016 au 4 décembre 2016, en rapport avec les faits constatés dans les rapports de police des 26 juillet et 5 août 2016.

14. Par courrier portant la date du 30 septembre 2016, mais posté par pli recommandé le 19 octobre 2016, M. A______ s’est adressé au PCTN. Il faisait recours contre « la dénonciation selon votre courrier du 20 septembre 2016 ». Il trouvait celle-ci exagérée, compte tenu de ses explications précédentes, et des mesures qu’il avait prises pour respecter les exigences de ce service.

15. Le 24 octobre 2016, le PCTN a transmis ce courrier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) pour raison de compétence.

16. Le 18 novembre 2016, le PCTN a conclu au rejet du recours. Celui-ci était dirigé contre sa décision du 7 octobre 2016. Les faits étaient établis par les rapports de police rédigés à l’occasion des nouvelles infractions commises. La violation des horaires de ventes découlait de l’art. 11 al. 1 de la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques du 22 janvier 2004 (LVEBA - I 2 24) en rapport avec le non-respect des horaires de ventes des boissons alcoolisées, et de la violation à deux reprises de l’art. 11 al. 2 LVEBA concernant le non-respect des prescriptions en matière de stockage desdites boissons. Le seul grief invoqué par le recourant relevait de la violation du principe de la proportionnalité. En l’espèce, les infractions commises étaient avérées. Le recourant se trouvait en situation de récidive au vu de la précédente mesure de fermeture du commerce prononcée pour des faits similaires. La mesure prise devait être confirmée quant à sa nature et à sa durée.

Au surplus, le recourant avait violé les dispositions de la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM - I 1 05), dans la mesure où il avait fait travailler après 19h00 un employé qui n’exerçait pas une fonction dirigeante élevée dans le kiosque. Ces faits n’avaient pas été pris en considération pour le prononcé de la sanction administrative.

17. Le 2 décembre 2016, M. A______ s’est adressé à la chambre administrative. Il persistait à s’opposer à la décision du PCTN. L’inspecteur en charge du contrôle de leur établissement abusait de sa position en exerçant une pression régulière à l’encontre d’eux-mêmes. La demande de déplacer le stock de marchandise ne pouvait être exécutée, faute de place dans l’arcade qui faisait 20 m2, et n’avait pas de dépendance. Il admettait avoir commis une faute lors de la première dénonciation. Les faits qui faisaient l’objet des deux rapports des 26 juillet et 5 août 2016 étaient contestés. Ils avaient été admis sous la contrainte et la menace de la part de l’inspecteur, qui avait à plusieurs reprises, proféré des menaces de leur « pourrir la vie ».

18. Le 6 décembre 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La vente à l’emporter de boissons alcooliques est régie par la LVEBA.

3. a. La vente à l’emporter de boissons alcooliques dans des commerces est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département) (art. 5 al. 1 LVEBA).

b. L'autorisation, strictement personnelle et intransmissible, ne peut être accordée qu'à une personne physique, soit pour son propre compte, soit pour le compte d'une société commerciale ou d'une personne morale qu'elle a, en fait et en droit, le pouvoir de diriger, d'engager et de représenter. Elle est délivrée pour un établissement et des locaux déterminés (art. 8 al.1 LVEBA).

4. a. La vente de boissons alcooliques à l’emporter est interdite de 21h00 à 7h00, indépendamment des dispositions de la LHOM (art. 11 al. 1 LVEBA), sauf dans les établissements autorisés au sens de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22).

b. Durant l'interdiction visée à l'art. 11 al. 1 LVEBA, les boissons alcooliques sont mises sous clé et soustraites à la vue du public, ces mesures ne s'appliquant pas aux entreprises autorisées au sens de la LRDBHD (art. 5 al. 2 LVEBA).

5. À teneur de l’art. 14 al. 2 LVEBA, le département peut procéder à la fermeture, avec l’apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, de tout commerce vendant des boissons distillées et fermentées à l’emporter dont l’exploitation perturbe ou menace gravement l’ordre public, notamment la sécurité et la tranquillité publiques, ou en dépit d’un avertissement, en cas de violation répétée des prescriptions. Le prononcé d’une amende pénale est réservé à l’art. 15 LVEBA.

6. Le recourant soutient que les faits retenus dans la décision attaquée ont été établis de manière inexacte.

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 3a et les arrêts cités).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/991/2016 précité consid. 3b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/991/2016 précité consid. 3b et les arrêts cités).

c. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/240/2017 du 28 février 2017 ; ATA/991/2016 consid. 3c et les arrêts cités), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

7. En l’occurrence, les faits à l’origine de la mesure administrative contestée ont été constatés à chaque fois par des gendarmes, soit par des agents de l’État assermentés. La chambre administrative les retiendra comme établis, le recourant ne fournissant aucun élément qui conduirait à remettre en question leur réalité. Ils ont en outre été établis par des gendarmes différents, ce qui rend vaine l’allégation du recourant d’une vindicte particulière d’un inspecteur qui chercherait à le mettre sous pression. Ses explications relatives à l’impossibilité de stocker et de mettre sous clé les boissons alcoolisées compte tenu de la faible surface du kiosque ne peuvent être prises en compte. En effet, si la loi donne la possibilité de vendre de l’alcool à l’emporter, il incombe au bénéficiaire de l’autorisation d’y procéder en organisant son lieu de vente de façon à pouvoir la respecter, à défaut de quoi, il doit y renoncer.

Le 26 juillet 2016, le recourant a laissé un employé vendre de l’alcool hors des délais légaux en violant ainsi l’art. 11 al. 1 LVEBA, en tant que titulaire de l’autorisation auquel incombe la responsabilité d’exploiter son commerce suivant les règles. Le 4 août 2016, il a commis lui-même directement la même infraction. Aux mêmes dates, il a également violé l’art. 11 al. 2 LVEBA en ne prenant pas les mesures conduisant à ce qu’après 21h00 les boissons alcoolisées soient soustraites à la vue du public et mises sous clé ainsi que la loi le demande. Le PCTN était ainsi en droit de le sanctionner en application de l’art. 14 LVEBA.

8. Le recourant ayant déjà fait l’objet d’une mesure de fermeture d’une semaine pour des faits similaires moins d’une année auparavant, s’agissant de la vente d’alcool, le prononcé d’une mesure de fermeture de deux semaines est adéquat et proportionné pour sanctionner son incapacité à respecter la législation sur les ventes de boissons alcoolisées.

Le recours sera rejeté.

9. Vu l’issue de la procédure, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2016 par M. A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 octobre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :