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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/726/2011

ATA/408/2011 du 21.06.2011 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/726/2011-LOGMT ATA/408/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juin 2011

2ème section

 

dans la cause

Madame P______
représentée par Me Sarah Braunschmidt, avocate

contre

OFFICE DU LOGEMENT

_________



EN FAIT

1. Depuis le 16 juillet 1998, Madame Maria P______ et Monsieur Enrique Alfredo C______ sont titulaires d'un bail à loyer portant sur un appartement de cinq pièces à l'adresse 33, promenade de l'Europe dans lequel ils vivaient avec leurs deux enfants, leur fille C______, née en 1989, et leur fils C______, né en 1997, jusqu'à ce que M. C______ quitte le domicile en janvier 2007.

2. Le 23 juillet 2010, Mme P______ a adressé à la direction du logement, devenu l'office du logement (ci-après : OLO) une demande d'allocation. Depuis le 1er août 2008, le loyer de l'appartement précité s'élevait à CHF 1'967.- par mois sans les charges et il serait dès le 1er août 2010 de CHF 2'045.- sans les charges.

Aucune procédure judiciaire n'avait été engagée ni aucune convention signée. Depuis leur séparation, M. C______ versait CHF 2'500.- par mois à Mme P______ pour son entretien et celui des deux enfants. Elle-même s'était inscrite au chômage mais n'avait pas le droit de percevoir des indemnités à ce titre. Elle fonctionnait de manière intermittente comme interprète pour le Pouvoir judiciaire. Par ailleurs, elle bénéficiait d'une aide de l'Hospice général. Sa fille avait travaillé un peu de janvier à juin 2010 mais elle devrait réduire son activité car elle reprendrait ses études universitaires en septembre 2010. M. C______ et Mme P______ avaient convenu de partager l'autorité parentale et la garde sur leur fils mineur qui passait une semaine sur deux avec chacun de ses parents. Mme P______ percevait des subsides d'assurance maladie. Cependant, elle ne parvenait plus à faire face au paiement de son loyer.

3. Le 23 juillet 2010 également, Mme P______ a déposé auprès du secrétariat des fondations immobilières de droit public une demande de logement pour un appartement de cinq pièces également, soit sur la rive gauche, soit sur la rive droite de la Ville de Genève ou alors à Carouge, Grand-Lancy ou Grand-Saconnex.

4. Le 7 octobre 2010, l'OLO a rejeté la demande d'allocation de logement. Mme P______ avait certes entrepris des démarches en vue de l'obtention d'un appartement mieux adapté à sa situation financière mais celles-ci étaient tardives. Le dossier d'attribution de logement n'avait pu se faire que le 17 septembre 2010 après la production des pièces requises. Dans ces conditions, l'allocation de logement ne pouvait pas lui être accordée. Cette décision pouvait faire l'objet d'une réclamation dans les 30 jours.

5. Par pli recommandé daté du 3 novembre 2010, Mme P______, représentée par l'Asloca, a élevé réclamation. Son loyer constituait manifestement une charge trop lourde par rapport à son budget actuel. Depuis une année, elle avait effectué des recherches "en consultant les annonces parues dans les journaux ainsi que sur les sites internet de location". Elle avait également fait part à son entourage de son intention de déménager et avait recherché à travers son réseau social une solution de relogement. Ces démarches s'étaient avérées vaines. Elles ne pouvaient toutefois être considérées comme tardives. Même si elle s'était inscrite antérieurement auprès de l'OLO, elle n'aurait pas trouvé de solution de relogement "vu le nombre très important d'inscriptions et l'absence totale d'appartements à louer depuis longtemps". Elle conclut à l'annulation de la décision du 7 octobre 2010 et à l'octroi d'une allocation de logement.

6. Le 11 novembre 2010, l'OLO a requis de Mme P______ l'ensemble des justificatifs des recherches auxquelles elle avait procédé à l'exception de celles opérées par ledit office.

7. Le 2 décembre 2010, la mandataire de Mme P______ a réitéré les indications figurant dans la réclamation. Du fait de la nature des recherches entreprises, Mme P______ n'était pas en mesure de produire des justificatifs les attestant. Les recherches dans les journaux et sur des sites internet ainsi que les discussions avec son entourage étaient par essence des actes non documentés.

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, l'autorité ne devait pas se montrer trop rigoureuse dans l'appréciation des preuves de la recherche d'un logement au vu de la situation du marché d'une part, et du fait qu'il s'agissait, comme en l'espèce d'une première demande d'allocation de logement, d'autre part.

8. Le 2 février 2011, l'OLO a rejeté la réclamation. Aucune preuve écrite des recherches entreprises n'avait été apportée. Les seules démarches documentées avaient été effectuées le jour même du dépôt de la demande d'allocation, soit le 23 juillet 2010. Enfin, Mme P______ n'invoquait aucun motif pouvant être qualifié d'inconvénient majeur pour expliquer cette tardiveté.

9. Par acte posté le 9 mars 2011, Mme P______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant préalablement à compléter son argumentation et principalement à l'annulation de la décision sur réclamation. La chambre administrative devait dire qu'elle avait droit à une allocation de logement dès le 23 juillet 2010, renvoyer le dossier à l'OLO pour le calcul du montant exact de ladite allocation et condamner ledit office en tous les dépens devant comprendre une équitable indemnité de procédure.

Mme P______ faisait valoir en substance sa situation personnelle et celle de ses enfants déjà décrites ci-dessus. Quant à ses recherches, elle a répété ses explications. Ses démarches étaient bien réelles mais n'avaient pas abouti. Depuis qu'elle s'était inscrite auprès de l'OLO le 23 juillet 2010, ou même depuis que son inscription avait été enregistrée le 17 septembre 2010 une fois que le dossier avait été complété, elle n'avait reçu aucune proposition de l'OLO.

Elle n'avait jamais allégué un inconvénient majeur et ne comprenait pas pour quelle raison ce motif était avancé dans la décision sur réclamation. Au vu de son budget qu'elle détaillait, il lui manquait quelque CHF 500.- par mois et elle ne disposait donc pas du minimum vital selon les normes d'insaisissabilité pour l'année 2011. Dans sa décision sur réclamation du 2 février 2011, l'OLO relevait que la consultation de petites annonces dans les journaux, sur internet, de même que l'envoi d'une lettre type à quelques régies ne suffisaient pas à faire admettre que les recherches entreprises avaient été suffisantes. Il lui paraissait difficilement concevable d'exiger davantage des personnes sollicitant une allocation de logement. Par ailleurs, elle avait mis à contribution son réseau social. Elle concluait, en relevant que "dans ces circonstances et au vu des nombreuses recherches déjà effectuées, mais mal documentées," la chambre de céans devrait lui octroyer une allocation de logement.

10. Le 14 mars 2011, le juge délégué a fixé à la recourante un délai au 31 mars 2011 pour compléter son recours quand bien même celui-ci semblait suffisamment motivé.

11. Le 21 mars 2011, le conseil de la recourante a fait valoir que Mme P______ n'avait pas renouvelé son inscription auprès de l'OLO de sorte qu'elle n'était plus inscrite auprès de celui-ci dès le 15 mars 2010. Elle avait renouvelé sa demande le 23 juillet 2010 et s'était inscrite depuis auprès de la Gérance immobilière municipale (ci-après : GIM) et de la caisse de prévoyance du personnel enseignant et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (ci-après : CIA) comme l'attestaient les deux courriers de ces institutions, datés respectivement des 22 novembre 2010 et 24 février 2011.

12. Le 28 avril 2011, l'OLO a conclu au rejet du recours.

Ce n'était pas la première fois que Mme P______ sollicitait une allocation de logement. Tel avait déjà été le cas en 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004. A chaque fois, elle avait été rendue attentive à la nécessité de démontrer l'impossibilité de trouver un logement moins cher "sans inconvénient majeur en vue de l'éventuel renouvellement de la prestation considérée". Le 5 mai 2004, l'OLO avait, à titre exceptionnel, accordé à la recourante une telle allocation malgré le caractère insuffisant de ses recherches. Dans ce document, il était spécifié que le renouvellement d'une telle allocation restait lié aux recherches actives qu'elle devait entreprendre pour trouver un appartement mieux adapté à sa situation financière, notamment en s'inscrivant auprès des régies de la place ainsi que de la GIM.

La recourante ne pouvait se prévaloir d'aucun inconvénient majeur au sens de la loi et de la jurisprudence. Les recherches documentées étaient tardives. Quant aux autres, elles n'étaient pas prouvées. En conséquence le recours devait être rejeté.

13. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 et 2 de loi générale sur le logement et la protection des locataires dans sa teneur au 17 novembre 2000 (LGL - I 4 05).

3. En application de l'art. 22 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), l'allocation de logement ne peut pas être accordée aux locataires qui, après en avoir été requis, ne justifient pas qu'un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs pour eux. L'allocation peut être refusée d'une part, si le locataire n'est pas en mesure de démontrer qu'il a entrepris des démarches suffisantes afin de trouver un appartement mieux adapté à sa situations financière (ATA/294/2004 du 6 avril 2004) et d'autre part, s'il a refusé l'échange avec un appartement moins onéreux (ATA/757/2010 du 2 novembre 2010 et les références citées).

4. Même si le marché du logement est particulièrement tendu dans le canton de Genève, les personnes qui sollicitent une allocation de logement doivent apporter la preuve de leurs recherches, notamment auprès d'organismes officiels, d'un appartement correspondant mieux à leur situation (ATA/190/2011 du 22 mars 2011; ATA/892/2004 du 16 novembre 2004). Certes, aussi bien le Tribunal administratif que la chambre de céans ont jugé dans les deux arrêts précités qu'en raison de la pénurie existant sur ce marché, le fait de s'être inscrit auprès de l'OLO, de fondations immobilières de droit public et de procéder à des recherches via internet pouvait être suffisant mais pour autant que ces recherches soient documentées.

Or, en l'espèce, la recourante connaît bien le système relatif à l'allocation de logement puisque, comme indiqué ci-dessus, sa requête du 23 juillet 2010 n'est, et de loin, pas la première qu'elle a déposée. Le 5 mai 2004, une allocation à titre exceptionnel lui a été accordée avec la mention que cette aide était subordonnée à des recherches actives d'un logement mieux adapté à sa situation financière.

Dans ces conditions, l'OLO pouvait faire preuve d'une certaine rigueur à l'encontre de la recourante en exigeant d'elle qu'elle justifie par pièces les démarches qu'elle dit avoir entreprises alors qu'elle a le 23 juillet 2010 seulement, déposé une demande qui n'a pu être enregistrée que le 17 septembre 2010 lorsque tous les document nécessaires ont été produits. A cela s'ajoute que la recourante ne s'est inscrite qu'après avoir sollicité une allocation de logement, comme l'attestent le courrier de la GIM du 22 novembre 2010 et celui de la CIA du 24 février 2011. Ces deux dernières requêtes sont intervenues tardivement même si elles sont documentées. Quant aux démarches qu'aurait entreprises la recourante auprès de son entourage, elles ne résultent d'aucun document et la procédure devant la juridiction de céans étant essentiellement écrite (art. 18 LPA), il n'y a pas lieu de procéder à des auditions de témoins dont aucun nom n'a été fourni. D'ailleurs dans son recours, Mme P______ a convenu elle-même que ses nombreuses recherches étaient mal documentées.

La recourante n'allègue aucun inconvénient majeur et s'étonne même que ce point ait été évoqué dans la décision attaquée. S'il l'a été, c'est parce que l'art. 39A al. 1 et 2 LGL y fait référence (ATA/611/2010 du 1er septembre 2010) mais en tout état, cette question n'a pas à être examinée, ce moyen n'ayant pas été soulevé.

5. En tout point mal fondé, le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante qui plaide au bénéfice de l'assistance juridique (art. 10 in fine du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2011 par Madame P______ contre la décision de l'office du logement du 2 février 2011 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sarah Braunschmidt, avocate de la recourante ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :