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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2281/2003

ATA/294/2004 du 06.04.2004 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : LOGEMENT; LOGEMENT SOCIAL; CHANGEMENT DE LOGEMENT; ALLOCATION DE LOGEMENT; INCONVENIENT MAJEUR; TPE
Normes : LGL.39A
Résumé : Le locataire qui refuse sans motif valable une proposition de logement émanant de l'office cantonal du logement et qui emménage dans un appartement au loyer plus élevé est déchu de son droit aux allocations. Le fait qu'un appartement se trouve éloigné des commerces et mal desservi par les transports publics et qu'en outre, l'école la plus proche se trouve à vingt minutes à pied n'est pas constitutif d'un inconvénient majeur, même si l'épouse ne conduit pas. L'allocation peut être refusée au locataire qui n'est pas en mesure de démontrer qu'il a entrepris des recherches suffisantes afin de trouver un appartement mieux adapté à sa situation financière. En l'espèce, la question a été laissée ouverte.
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 6 avril 2004

 

 

dans la cause

 

Madame ________ M_________

 

et

 

Monsieur ________ M_________

représentés par l'Asloca-Voltaire, mandataire

 

 

 

contre

 

 

 

 

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

 

1. Par contrat conclu le 11 juillet 2003, Madame ________ et Monsieur ________ M_________ (ci-après : les époux) ont pris à bail un appartement de 5 pièces dans un immeuble sis au ________________, à Châtelaine, au loyer annuel de CHF 24'780.- charges non comprises. Les époux ont trois enfants, âgés respectivement de 7 ans, 6 ans et 2 ans.

 

Le contrat prévoit d'une part que l'immeuble est soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et au règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RLGL - I 4 05.01) et que, d'autre part, il est classé dans la catégorie 2 (HLM). L'immeuble bénéficie d'une aide de l'Etat, en particulier s'agissant des loyers.

 

Auparavant, la famille M_________ vivait dans un appartement de 4 pièces sis au _____________au loyer annuel sans les charges de CHF 23'068.-. Elle bénéficiait d'une allocation de logement de la part de l'office cantonal du logement (ci-après : l'OCL) de CHF 400.- par mois.

 

2. M. M_________ exerce la profession de chauffeur de taxi. Il est employé par le Garage Hoffer SNC à Vernier, depuis le 1er juin 2001. Le 10 juillet 2003, ce garage a attesté que M. M_________ n'était capable de travailler que pendant une durée (réduite) de 30 à 35 heures par semaine.

Le 30 octobre 2002, les Drs D. Bourquin et M. Haroud, de la permanence médico-chirurgicale de Chantepoulet, ont établi un certificat médical selon lequel M. M_________ suivait un traitement auprès de leur établissement pour des troubles du sommeil, en partie dus à des conditions de logement défavorables.

 

3. Les époux ont entrepris différentes recherches en vue de se reloger. Ils se sont inscrits :

 

- le 8 février 1999, auprès de la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève, pour un appartement de 5 pièces;

- le 19 juin 2002, à l'Hospice Général;

 

- le 30 octobre 2002, auprès de la régie Cogérim;

 

- le 2 décembre 2002, à la Société Coopérative d'Habitation Genève;

 

- le 27 février 2003, auprès de REMICO Sàrl;

 

- ils ont également déposé une inscription auprès de la CIA.

 

Par pli du 2 décembre 2002 adressé à l'OCL, le service social communal de Vernier a fait valoir que M. M_________ travaillait la nuit et avait par conséquent besoin de dormir durant la journée. L'exiguïté de son appartement ne lui permettait pas d'y dormir convenablement, ce qui lui occasionnait des troubles du sommeil. La famille avait un besoin impérieux d'un appartement de cinq ou six pièces, dont le loyer mensuel ne dépassait pas CHF 1'650.-.

4. Le 1er novembre 2002, un appartement de 5 pièces sis 20, rampe du Pont-Rouge au Petit-Lancy, a été proposé aux époux, dont le loyer annuel se montait à CHF 17'004.-, charges non comprises.

 

Le 12 novembre 2002, ils ont décliné la proposition, car l'école se trouvait à vingt minutes à pied et parce que Mme M_________ ne conduisait pas.

 

5. Le 28 mai 2003, les époux ont accepté un appartement de 5 pièces, situé au 5, chemin des Pléiades, à Genève. Néanmoins, ils n'ont pu y emménager, l'OCL les ayant informés par pli du 6 juin 2003 que la locataire de ce logement avait décidé de le conserver.

 

6. Les époux ont refusé ultérieurement une proposition d'un logement de 5 pièces au 5, rue Châtelain, à Genève, au loyer annuel de CHF 23'616.- sans les charges, au motif qu'ils étaient déjà relogés.

 

7. Par décision du 22 août 2003, l'OCL a supprimé à partir du 15 juillet 2003 le droit à l'allocation de logement relatif à l'appartement que les époux louaient au__,_________. Cette suppression était motivée par leur déménagement.

 

8. Le 26 août 2003, les époux ont déposé auprès de l'OCL une aide d'allocation de logement pour leur appartement sis au____, ____________, dans lequel ils venaient d'emménager.

 

9. Par décision du 19 septembre 2003, l'OCL a refusé d'octroyer l'allocation sollicitée. Les époux avaient refusé sans motif valable la proposition concernant le logement au Petit-Lancy. Ils n'avaient en outre pas entrepris de recherches suffisantes afin de retrouver un appartement au loyer mieux adapté à leurs ressources financières.

 

10. Statuant sur réclamation le 24 octobre 2003, l'OCL a confirmé sa décision du 19 septembre 2003. Il a accepté d'entrer en matière sur la réclamation des époux, quand bien même ceux-ci n'avaient pas formulé leurs griefs par écrit, mais s'étaient contentés de se rendre dans les locaux de l'OCL. Cet office a fait valoir que, si les époux avaient accepté la proposition de l'appartement au Petit-Lancy, ils auraient économisé chaque année CHF 7'776.- et aucun inconvénient majeur n'aurait résulté de leur déménagement.

 

11. Par acte du 26 novembre 2003, les époux ont recouru devant le Tribunal administratif contre la décision du 24 octobre 2003. Ils concluent à l'annulation de la décision et à l'octroi d'une allocation de logement pour leur appartement avec effet au 1er août 2003.

 

Le loyer de leur appartement constituait une charge manifestement trop lourde, au sens de l'article 39A alinéa 1 LGL, étant donné que le salaire mensuel brut de M. M_________ variait entre CHF 5'500.- et CHF 6'000.- et que l'épouse de celui-ci n'exerçait pas d'activité lucrative.

 

Contrairement à ce que soutenait l'OCL, les époux avaient entrepris de nombreuses recherches aux fins de se reloger.

 

L'acceptation de l'appartement sis ______________ présentait des inconvénients majeurs, étant donné que l'école la plus proche se trouvait à vingt minutes à pied, qu'il était éloigné des commerces et mal desservi par les transports publics.

 

Si les époux avaient accepté l'appartement situé au 5, rue Châtelain - dont le loyer se montait à CHF 23'616.- charges non comprises - ils auraient bénéficié d'une allocation, le logement leur ayant été proposé par l'OCL. Le refus par cet office de l'octroi d'une allocation pour leur nouvel appartement, dont le montant du loyer se révélait inférieur à celui sis 5, rue Châtelain constituait une violation de la loi.

12. Le 12 janvier 2004, l'OCL conclut au rejet du recours.

 

Le fait que l'appartement du Petit-Lancy se trouvait à vingt minutes à pied de l'école la plus proche et que Mme M_________ ne conduisait pas, ne constituaient aucunement un inconvénient majeur au sens de la LGL et de la jurisprudence du Tribunal administratif. En outre, si les époux avaient accepté l'offre, ils auraient réalisé une économie annuelle de loyer de CHF 7'776.-. Les époux ayant décliné la proposition de logement sans raison valable, le refus d'octroi de l'allocation était justifié.

 

Même si les époux avaient accepté l'appartement sis 5, rue Châtelain, une allocation de logement leur aurait été refusée, au motif que, par le passé, ils avaient, sans motif justificatif, décliné une proposition de logement.

13. Le 16 janvier 2004, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2a. Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement, si son loyer constitue, eu égard à son revenu et à sa fortune, une charge manifestement trop lourde et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A LGL).

 

L'allocation peut être refusée au locataire, si celui-ci n'est pas en mesure de démontrer qu'il a entrepris des recherches suffisantes afin de trouver un appartement mieux adapté à sa situation financière (ATA F. du 9 août 2002; A. du 5 février 2002).

 

Le locataire qui refuse sans motif valable une proposition de logement et qui emménage dans un appartement au loyer plus élevé est déchu de son droit aux allocations (ATA B. du 19 novembre 2002; B. du 9 août 2000).

 

Le désir de donner un cadre de vie meilleur à ses enfants, ainsi que le critère de proximité du logement avec le lieu de travail et l'école ne peuvent être pris en considération (ATA B. du 19 novembre 2002; M. du 28 août 2001; Y. du 9 août 2000; B. du 9 août 2000). Ne saurait être constitutif d'un inconvénient majeur le fait, pour un couple propriétaire d'un seul véhicule automobile, de se trouver éloigné des commerces, étant donné que rien n'empêche les intéressés d'aller faire leurs courses en fin de semaine (ATA B. du 9 août 2001; C. du 20 mars 2001).

 

b. Les recourants soutiennent que le loyer de leur appartement représente une charge manifestement trop lourde et qu'en outre, ils ont déployé d'intenses recherches en vue de se reloger. Vu l'issue du litige cette question peut demeurer indécise.

 

c. Les recourants font également valoir que l'appartement situé au Petit-Lancy présentait des inconvénients majeurs, motif pris de son éloignement des écoles et des commerces et qu'il était mal desservi par les transports publics. De surcroît, l'appartement dans lequel ils vivaient - situé __________- était moins cher que celui proposé en dernier lieu par l'OCL - i.e. le logement sis 5, rue Châtelain - et pour lequel ils auraient nécessairement bénéficié d'une allocation.

 

Ces griefs ne sauraient être accueillis. En effet, conformément à la jurisprudence précitée, les motifs de refus dont se prévalent les recourants ne constituent aucunement des inconvénients majeurs, au sens de l'article 39A LGL, mais de purs arguments de convenance personnelle.

L'appartement du Petit-Lancy comportait 5 pièces, soit le nombre recherché par la famille. Celle-ci a emménagé dans un logement plus dispendieux. La différence annuelle de loyer entre les deux logements s'élève à CHF 7'776.- (soit 24'780.- - 17'004.-).

 

Les recourants ont écarté sans raison valable une proposition de logement de l'OCL; ils ont par la suite emménagé dans un appartement plus cher. C'est donc à bon droit que l'OCL a rejeté leur demande d'allocation de logement.

d. Si les recourants avaient accepté l'appartement sis au 5, rue Châtelain, le recours aurait dû de toute manière être rejeté pour d'autres motifs. En effet, dans ce cas les époux n'auraient pas, comme ils le soutiennent, bénéficié d'une allocation, puisque le loyer annuel de cet appartement (CHF 23'616.-) était plus élevé que celui de l'appartement au Petit-Lancy (CHF 17'004.-), indûment refusé par eux.

 

3. En tous points mal fondé, le recours devra être rejeté.

 

La procédure en matière d'allocations de logement n'étant pas gratuite (art. 87 al. 1 LPA; art. 10 du règlement du 30 juillet 1986 sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative - E 5.10.03; ATA W. du 9 mars 2004; K. du 26 août 2003), un émolument de CHF 250.- sera mis à la charge des recourants.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 26 novembre 2003 par Madame ________ et Monsieur ________ M_________ contre la décision de l'office cantonal du logement du 24 octobre 2003;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge des recourants un émolument de CHF 250.-;

communique le présent arrêt à l'Asloca-voltaire, mandataire des recourants, ainsi qu'à l'office cantonal du logement.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci