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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3968/2014

ATA/406/2017 du 11.04.2017 sur ATA/1146/2015 ( PATIEN ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3968/2014-PATIEN ATA/406/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 avril 2017

 

dans la cause

 

M. B______ A______
représenté par Mes Christiane de Senarclens et Pierre-Olivier Allaz, avocats

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL

et

Mme C______

représentée par Me Michel Bergmann, avocat


EN FAIT

1. Feu M. D______ A______, né en 1933, de nationalités française et belge, a, en 1959, épousé Mme E______ A______, née F______ en 1938, citoyenne française vivant en France.

Sont nés de cette union M. G______ A______, né en 1960, Mme H______ A______, née en 1963, et M. I______ A______, né en 1965.

Feu M. D______ A______ s’est séparé de son épouse en 1985 et a vécu depuis lors avec Mme J______ K______, de nationalité française et née en 1964, dont il a eu un fils, M. B______ A______, ressortissant français né en 1995 en France, qu’il a reconnu.

Tous trois se sont installés et ont pris domicile à L______ (VS).

2. En 2003, feu M. D______ A______ a été victime d’un accident vasculaire cérébral (ci-après : AVC) sylvien gauche d’origine embolique péri-opératoire. Il a en outre, depuis lors, notamment souffert d’une hémiplégie droite et d’une héminégligence droite, d’une aphasie globale non productive, ainsi que d’apraxies idéomotrices et bucco-lingo-faciales.

Il a été hospitalisé à plusieurs reprises, entre novembre 2007 et septembre 2013, aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) et a été suivi, lors de consultations, au sein de différents services de ceux-ci. De nombreux médicaments lui ont été prescrits.

Il ressort des pièces du dossier que Mme la Prof. C______, médecin adjointe agrégée au service de médecine interne générale du département de médecine interne, de réhabilitation et de gériatrie des HUG (ci-après : SMIG), recevait des rapports de médecins d’autres services des HUG en charge de feu M. D______ A______ et établissait des synthèses afférentes à la situation médicale et aux soins, notamment à l’intention des médecins privés qui traitaient celui-ci en Suisse comme à l’étranger. Selon les allégations de M. B______ A______, elle était en outre en contact régulier avec les infirmières qui s’occupaient quotidiennement et à plein temps de feu M. D______ A______.

3. Parallèlement, selon les allégations de M. B______ A______, feu
M. D______ A______ a, en 2006, établi un testament notarié dit « mystique » (au sens du droit français), par lequel il a exhérédé son épouse et réparti l’ensemble de sa succession entre ses quatre enfants à part égales entre eux.

Toujours selon les allégations de M. B______ A______, feu son père a, à fin 2011, signé un acte constitutif d’un trust discrétionnaire de droit étranger et, à la même date, y a apporté la quasi-totalité de ses biens, sous la forme d’actions de diverses sociétés.

Le 11 septembre 2013, M. M______, qui gérait les affaires de feu M. D______ A______ en Suisse, a approché M. B______ A______, qui venait d’atteindre la majorité de 18 ans, afin de lui soumettre un projet de pacte successoral abdicatif, similaire à celui qui avait été signé le 14 mars 2012 par son père, l’épouse et les trois enfants aînés de celui-ci.

À teneur dudit projet de pacte successoral, feu M. D______ A______ avait « réorganisé les droits de propriété des actions des sociétés (…) de telle sorte que ces titres profitent à long terme à ses descendants dans le respect des proportions qu’il [avait] arrêtées le 3 mars 2009 (dont une copie est jointe en annexe des présentes), soit : 29 % au bénéfice de son fils G______ A______ et de sa propre descendance ; 29 % au bénéfice de sa fille H______ A______ et de sa propre descendance ; 29 % au bénéfice de son fils I______ A______ et de sa propre descendance ; 13 % au bénéfice de son fils B______ A______ et de sa propre descendance » ; en outre, ce dernier déclarait « renoncer à ses droits réservataires dans sa future succession de D______ A______ ».

Suite aux questions de M. B______ A______, M. M______ a conseillé à ce dernier de rencontrer l’avocat suisse en charge des aspects successoraux afférents à son père.

S’en est suivi un échange de courriels de M. B______ A______ avec cet avocat, qui lui a expliqué le contenu et la portée du projet de pacte successoral susmentionné, en décembre 2013 ainsi que les 3 et 4 mars 2014.

4. Feu M. D______ A______ est décédé le ______2014 à Genève, aux HUG.

5. Par lettre du 2 mai 2014 de l’avocate qu’il venait de constituer, M. B______ A______ a sollicité de M. M______ plusieurs renseignements et documents.

6. Par courrier de son conseil du 6 juin 2014, M. B______ A______ a demandé aux HUG d’inviter la Prof. C______ et/ou, en tant que de besoin, tous les autres médecins des HUG qui avaient traité feu M. D______ A______ et qui avaient émis des diagnostics ou des rapports de leurs interventions diverses, à saisir la commission du secret professionnel (ci-après : la commission) afin que celle-ci lui accorde l’accès au dossier médical complet de son père au cours de la période d’octobre 2011 jusqu’à son décès.

M. B______ A______, qui résumait les faits sus-évoqués relatifs à la création du trust et à la conclusion du pacte successoral le 14 mars 2012 et estimait que ses droits successoraux étaient manifestement lésés par les dispositions prises par son père, avait de bonnes raisons de penser que, eu égard à son état général, ce dernier ne disposait pas de la capacité de discernement nécessaire pour signer librement les actes et documents qui lui avaient été soumis et/ou pour en apprécier les effets.

Cette demande de levée du secret professionnel des divers médecins concernés des HUG - réitérée le 18 juillet 2014 - avait dès lors pour objet tous les éléments du dossier médical de feu M. D______ A______ susceptibles d’éclairer la problématique de la capacité de discernement, en rapport avec les actes importants conclus par ce dernier et/ou sa représentation par des tiers au cours de la période susmentionnée. À cette fin, M. B______ A______ avait donc besoin d’avoir accès au dossier médical complet.

7. Suivant les indications procédurales mentionnées dans un courrier du secrétariat général des HUG du 21 juillet 2014, M. B______ A______ a, par lettre du 15 septembre 2014, fait part aux HUG de ce qu’il avait choisi la Dresse N______ comme médecin chargé de recueillir et de transmettre les données médicales de feu son père requises le 6 juin 2014.

8. Le secrétariat général en a pris note par courrier du 25 septembre 2014.

9. Par lettre du 15 octobre 2014, la Prof. C______, devenue médecin-chef de service suppléante au sein du SMIG, a sollicité de la commission la levée de son secret professionnel, afin de pouvoir remettre en consultation le dossier de feu M. D______ A______.

10. Par courrier du 31 octobre 2014, M. B______ A______ s’est adressé directement à la Prof. C______, lui résumant les aspects successoraux susmentionnés et lui demandant de prendre le temps nécessaire pour la saisine de la commission.

11. En date du 13 novembre 2014, la Prof. C______ a été entendue par la commission.

12. Par décision du 13 novembre 2014, notifiée le 9 décembre 2014 à
M. B______ A______, la commission a refusé la levée du secret professionnel de la Prof. C______.

La transmission du dossier médical de feu M. D______ A______ se trouvant auprès du SMIG ne correspondait pas à la volonté présumée du défunt qui, au demeurant, avait désigné formellement une représentante thérapeutique, de son vivant.

De plus, en l’absence d’intérêt prépondérant des proches, la levée du secret professionnel heurterait l’intérêt de feu M. D______ A______ à la sauvegarde dudit secret.

13. Par acte du 3 décembre 2014, le juge de la commune d’O______ (VS) a déclaré que les héritiers ab intestat de feu M. D______ A______, sous réserve de dispositions pour cause de mort laissées par celui-ci, étaient son épouse
Mme E______ A______ et ses quatre enfants, y compris M. B______ A______.

Cette déclaration était délivrée sous les réserves d’usage et sur la base des documents produits devant le juge, et ne valait pas comme certificat d’héritiers.

14. Le 11 décembre 2014, le secrétariat général des HUG a transmis à
M. B______ A______ le document signé le 18 septembre 2010 par feu
M. D______ A______ et désignant Mme H______ A______ comme
« représentante thérapeutique ».

Par cet acte, contresigné pour accord par son épouse et ses trois premiers enfants, feu M. D______ A______ donnait tous pouvoirs à sa fille H______ A______ « pour prendre toute décision quant aux mesures à prendre concernant [sa] santé, et plus généralement concernant l’intégrité de [sa] personne physique, [s’il n’était] plus, à un moment quelconque, en mesure de prendre [lui-même] ces décisions ».

15. Par acte expédié le 22 décembre 2014 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative),
M. B______ A______ a formé recours contre la décision de la commission du
13 novembre 2014, concluant à son annulation et à la levée du secret professionnel dans le sens que la Prof. C______ puisse donner suite à sa demande d’avoir accès au dossier médical complet de feu son père auprès du SMIG au cours de la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2013 par l’intermédiaire de la Dresse N______, subsidiairement au renvoi du dossier à la commission en lui enjoignant d’accorder la levée du secret professionnel requise, l’émolument et une indemnité de procédure équitable devant être mis à la charge de celle-ci.

Il était arbitraire de déduire de l’existence du mandat de représentation thérapeutique un quelconque signe d’une volonté de feu M. D______ A______ d’exclure un de ses quatre enfants du droit de consulter son dossier médical après son décès. L’absence d’une telle volonté pouvait au contraire être déduite du fait que le recourant avait vécu avec lui jusqu’à sa mort, que le dossier médical était à disposition des infirmières qui s’occupaient 24h/24h de lui et que le recourant était déjà lui-même en possession d’une partie dudit dossier. En toute hypothèse, la recherche de la volonté présumée du défunt par la commission était vaine, étant donné que feu M. D______ A______ ne s’était pas expressément opposé à ce que ses proches soient informés sur les causes de son décès et sur le traitement qui l’avait précédé, au sens de l’art. 55A al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03).

Le droit particulier du recourant à avoir accès au dossier médical de feu son père, nécessaire pour évaluer la capacité de discernement de ce dernier et/ou pour faire valoir le cas échéant ses droits, en particulier l’action en nullité prévue par l’art. 519 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210), était prépondérant par rapport au seul intérêt idéal du patient au respect de sa vie privée.

16. Dans sa réponse du 15 janvier 2015, la commission a conclu au rejet du recours, en tenant compte du fait qu’il était toujours possible pour un professionnel de la santé de ressaisir la commission lorsqu’il avait connaissance d’éléments plus précis ou nouveaux relatifs à sa demande de levée du secret professionnel.

En l’absence de procédure judiciaire ouverte ou de mention d’une telle intention explicite et au vu de la demande très large de consultation du dossier médical complet de feu M. D______ A______, faite par un seul des enfants de ce dernier - le recourant -, dans le cadre d’un litige successoral, la commission avait décidé de refuser la levée du secret professionnel de la Prof. C______.

17. Dans sa réplique du 25 janvier 2015, M. B______ A______ a persisté dans ses conclusions.

18. Par écriture du 1er mai 2015 faisant suite à une invitation de la chambre administrative, M. B______ A______ s’est dit étonné de l’intention de celle-ci, formulée le 28 avril précédent, d’attraire à la présente procédure la
Prof. C______ et s’est opposé à une consultation de la représentante thérapeutique de feu M. D______ A______ dans le cadre de ladite procédure, quelle qu’en soit la forme, en raison notamment d’un « conflit d’intérêt
manifeste ».

Par ailleurs, il avait déposé une requête en conciliation ayant pour objet l’annulation, au sens de l’art. 519 CCS, de deux articles du pacte successoral du 14 mars 2012, devant le juge de la commune d’O______, qui avait cité les parties – l’intéressé et les quatre autres héritiers – à comparaître le 25 juin 2015, comparution apparemment reportée d’un mois en raison de négociations alors en cours.

19. Dans ses observations du 15 juin 2015, la Prof. C______ a conclu ne pas avoir d’objections sur les conclusions auxquelles arrivait la commission et, partant, sur le dispositif de la décision attaquée.

20. Dans un courrier du 6 octobre 2015, le recourant a précisé que les autres descendants de feu M. D______ A______ avaient intenté un procès « en constatation de révocation / annulation du testament établi par celui-ci sous la forme " mystique " en 2006 ».

21. Par arrêt du 27 octobre 2015 (ATA/1146/2015), la chambre administrative a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours interjeté le 22 décembre 2014 par M. B______ A______ contre la décision de la commission du
13 novembre 2014, mis un émolument de CHF 1'500.- à la charge du recourant et dit qu’aucune indemnité de procédure n’était allouée.

Il résultait des arrêts analysés et de l’art. 55A al. 1 LS que la question de savoir si le patient décédé était ou non capable de discernement au moment de la conclusion d’actes à portée juridique pouvait, suivant l’ensemble des circonstances, faire l’objet d’une levée du secret médical et l’accès au dossier médical de la personne décédée.

Le recourant, qui devait en tout état de cause être considéré comme un proche au sens de l’art. 378 al. 1 ch. 5 CCS – disposition à laquelle renvoyait
l’art. 55A al. 4 LS –, avait un intérêt personnel digne de protection à un accès aux données médicales de feu son père permettant de déterminer la capacité de discernement de celui-ci lors de la signature de l’acte constitutif du trust et du pacte successoral, question déterminante pour l’issue de l’action en nullité de
l’art. 519 al. 1 CCS, à tout le moins si cette dernière était fondée sur son ch. 1. Un intérêt personnel digne de protection au sens de l’art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) devait dès lors lui être reconnu.

Les conclusions du recours, en tant qu’elles portaient également sur la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2011, et pas seulement d’octobre 2011 jusqu’au décès comme sollicité dans la requête du 6 juin 2014, étaient irrecevables.

Pour ce qui était du fond, à l’intérêt privé, en soi légitime, de l’intéressé à consulter ou connaître les seuls éléments du dossier médical de feu son père afférents à la détermination de la capacité de discernement de celui-ci s’opposait l’intérêt privé des autres proches du défunt - l’épouse et les trois premiers enfants - à ne pas voir le recourant bénéficier seul d’informations couvertes par le secret médical et à s’exprimer sur la levée de ce dernier. Il convenait de souligner que le recourant vu notamment son refus de toute participation de sa demi-sœur à la présente procédure, avait clairement manifesté la volonté d’avoir seul - à l’exclusion des autres héritiers de feu son père - accès au dossier médical de
celui-ci, dans le cadre de ladite procédure. Les motifs de cette volonté, en particulier l’invocation d’un conflit d’intérêts, n’étaient pas convaincants, sa demande tendant précisément à obtenir des informations qu’il pourrait le cas échéant utiliser contre les quatre autres héritiers sans que ces derniers en disposent également. Le fait que les autres proches du défunt étaient en litige avec l’intéressé dans trois procédures de droit successoral rendaient d’autant plus important leur intérêt privé, en particulier à ne pas le voir indûment avantagé dans ses connaissances sur ce point. Dans ces circonstances, il existait aussi un intérêt public à la mise en œuvre d’une saine justice, dans le cadre de laquelle toutes les parties en procès s’affronteraient à armes égales. Il apparaissait au demeurant préférable que la question de la levée du secret médical soit tranchée et que l’accès au dossier médical du de cujus ait lieu dans le cadre de l’un à tout le moins de ces litiges de droit successoral, comme cela avait été le cas dans la cause traitée par l’ATA/656/2007 du 18 décembre 2007. Enfin, l’intérêt du défunt à la sauvegarde du secret médical s’accompagnait d’un intérêt présumable à un traitement égal de tous ses proches dans l’accès à ses données médicales. En conséquence, la pesée des intérêts en présence conduisait en l’état au refus de l’accès de l’intéressé au dossier médical de feu son père, même s’il était limité à des points précis et transmis par l’intermédiaire d’un médecin.

22. Par arrêt du 16 septembre 2016 (2C_1084/2015), le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par M. B______ A______ contre l’ATA/1146/2015 du
27 octobre 2015, l’a annulé et a renvoyé la cause à la chambre administrative afin qu'elle statue dans le sens des considérants.

En estimant que le refus exprimé par le recourant quant à la consultation, par la chambre administrative, de sa demi-soeur en tant que représentante thérapeutique du défunt dans la procédure de recours relative à la levée du secret médical équivalait à un refus de voir les quatre autres héritiers accéder au dossier médical en cause, ladite chambre avait apprécié les faits de façon arbitraire, appréciation qui avait joué un rôle sur le sort du litige. En effet, l’opposition à une consultation de ladite représentante thérapeutique ne signifiait en aucun cas que le recourant refusait que ses demi-frères et demi-sœur puissent consulter le dossier en cause si le secret professionnel était levé et que lui-même y avait accès. D'ailleurs, dans son recours devant le Tribunal fédéral, le recourant prétendait que, sous certaines conditions, il consentait à ce que les HUG accordent à ses cohéritiers le même accès au dossier que celui qui lui serait accordé.

Dès lors que la chambre administrative avait fondé sa subsomption sur une appréciation des faits arbitraire, il convenait de lui renvoyer la cause afin qu'elle statue à nouveau, après avoir interpellé le recourant quant à sa position sur l'accès de ses cohéritiers au dossier médical en cause si le secret professionnel du médecin concerné devait être levé.

23. Par écriture du 20 octobre 2016 faisant suite à des questions du juge délégué posées le 18 octobre 2016, M. B______ A______ a, s’agissant de l’accès éventuel de ses cohéritiers au dossier médical dans l’hypothèse où il l’obtiendrait enfin, prié la chambre administrative de lui donner officiellement acte de ce qu’il n’avait pas d’objection à ce que ses cohéritiers soient informés le moment venu du fait que ladite chambre aurait confirmé son droit individuel à consulter le dossier médical de feu son père (se rapportant à la période comprise entre le 1er octobre 2011 jusqu’à son décès le 14 mars 2014), qu’il lui était indifférent en outre que cette information émane de la chambre administrative directement, de la commission ou des HUG, et qu’il n’avait pas d’objection à ce que ses cohéritiers obtiennent le même accès que lui audit dossier, quel que soit le chemin administratif qui serait alors suivi concrètement pour que cet accès leur soit accordé dans les mêmes conditions.

L’essentiel pour le recourant était qu’il puisse accéder rapidement au dossier médical de son défunt père de façon individuelle, par l’intermédiaire du médecin désigné et sans attendre la décision qui serait prise par la
Prof. C______ et/ou la commission sur la requête très éventuelle des cohéritiers en consultation du même dossier.

Il n’avait pas formellement requis le juge de la commune d’O______, dans sa requête en conciliation du 29 mai 2015 – produite – qui tendait à la constatation de la nullité de certaines clauses du pacte successoral du 14 mars 2012 et qui mentionnait notamment des rapports de la Prof. C______ ou adressés à cette dernière. Il estimait avoir droit à l’accès audit dossier médical en dehors d’une procédure judiciaire, afin justement de déterminer s’il contenait ou non des éléments et pièces supplémentaires à celles dont il disposait déjà, dont le contenu justifierait une demande formelle d’apport du dossier médical dans le cadre de la procédure civile au moment de son introduction.

Le recourant ne voyait pas pour quel motif devraient être appelés en cause ses cohéritiers, et il s’y opposait.

Les procédures de droit successoral pendantes en Valais étaient, depuis le
20 juillet 2016, suspendues jusqu’au 31 décembre 2016.

24. Par écrit du 3 novembre 2016, la Prof. C______ s’en est rapportée à justice concernant l’écriture précitée du 20 octobre 2016 du recourant et un éventuel appel en cause des cohéritiers de celui-ci.

Par ailleurs, suite à la sollicitation du 3 mars 2016 d’une médiatrice assermentée assistant tous les enfants de feu M. D______ A______, la
Prof. C______ avait, le 18 avril 2016, saisi la commission afin de pouvoir remettre copie du dossier médical complet du SMIG de celui-ci, pour la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2013, à la Dresse P______, désignée par les enfants du défunt pour les renseigner.

Par décision du 2 juin 2016 y faisant suite, la commission, considérant que lesdits enfants n’indiquaient pas en quoi il leur était nécessaire d’avoir accès à l’ensemble des pièces de la prise en charge de feu leur père au SMIG pour la résolution à l’amiable de leur différend, avait levé partiellement le secret professionnel de la Prof. C______, l’autorisant ainsi à expliciter oralement le contenu du dossier médical du SMIG du défunt, pour la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2013, à la Dresse P______ ; cas échéant, il appartenait à la Prof. C______ de saisir à nouveau la commission afin de demander la levée du secret professionnel pour lui transmettre, si nécessaire, les documents utiles et portant sur des dates précises de la prise en charge de feu M. D______ A______.

25. Par courrier du 11 novembre 2016, la commission s’en est rapportée à justice dans la même mesure que la Prof. C______, n’ayant pas en l’état d’observations à formuler quant à l’écriture du recourant du
20 octobre 2016.

26. Par écriture du 7 décembre 2016 en réponse à des questions du juge délégué posées le 18 novembre 2016, M. B______ A______ a déploré que la
Prof. C______ se soit crue autorisée à adresser à la chambre administrative une copie de la décision de la commission du 2 juin 2016, alors que cette dernière entrait dans le cadre d’un processus de médiation confidentiel. Par devoir de confidentialité, il ne pouvait pas produire d’autres pièces entrant dans le cadre de la médiation.

La décision de la commission du 2 juin 2016 ne constituait rien d’autre qu’un rejet de la requête conjointe des héritiers puisqu’elle ne permettait pas la consultation directe des pièces du dossier médical de feu M. D______ A______. Autrement dit, cette décision était en tous points inutile et assurément inapte à servir de palliatif quelconque à la décision d’accès individuel au dossier médical de son défunt père. Ainsi, tant M. B______ A______ que ses demi-frères et sœur avaient renoncé à faire usage, dans le cadre de la médiation, de la voie étroite que la commission avait entrouverte le 2 juin 2016 et qui n’était pas de nature à les faire avancer. La demande du recourant d’accès individuel au dossier médical de son défunt père conservait dès lors tout son objet. Par ailleurs, il n’existait pas d’accord en force entre les héritiers de feu M. D______ A______ dont le contenu ou l’exécution rendraient sans objet cette demande.

La procédure en annulation du pacte successoral dans le cadre de laquelle M. B______ A______ faisait valoir l’erreur essentielle ou l’incapacité de discernement de son père demeurait actuellement suspendue en conciliation devant le juge de la commune d’O______.

27. Par lettre du 12 janvier 2017, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger sur le fond.

28. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

1. La recevabilité du recours, y compris sous l’angle de l’intérêt personnel digne de protection du recourant au sens de l’art. 60 let. b LPA, a déjà été admise par arrêt de la chambre de céans du 27 octobre 2015 (ATA/1146/2015 précité), et il est incontesté que les conclusions de l’intéressé ne sont recevables que pour la période du 1er octobre 2011 au décès de feu son père.

Le présent arrêt fait suite à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1084/2015 du
16 septembre 2016.

Ainsi, comme retenu dans ledit ATA/1146/2015 (cité par l’ATA/14/2016 du 12 janvier 2016 consid. 14), dans le cadre de l’application de l’art. 55A
al. 1 LS, la question de savoir si le patient décédé était ou non capable de discernement au moment de la conclusion d’actes à portée juridique peut, suivant l’ensemble des circonstances, faire l’objet d’une levée du secret médical et l’accès au dossier médical de la personne décédée.

2. La question d’un éventuel lien entre la décision du 2 juin 2016 et celle querellée du 13 novembre 2014 peut demeurer indécise, cette dernière conservant son actualité.

3. Ni la loi ni la jurisprudence n’exigent que tous les proches ou tous les héritiers du défunt sollicitent ensemble la levée du secret médical, à tout le moins dans les cas où le requérant entend défendre des droits individuels qui lui sont propres (ATA/1146/2015 précité consid. 4b).

En l’occurrence, le recourant a un intérêt personnel digne de protection propre à recourir contre la décision querellée.

Partant, et compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, un appel en cause de ses cohéritiers n’est pas nécessaire.

4. a. Aux termes de l’art. 55A LS, en vigueur depuis le 1er février 2014, pour autant qu’ils puissent justifier d’un intérêt digne de protection, les proches d’un patient décédé peuvent être informés sur les causes de son décès et sur le traitement qui l’a précédé, à moins que le défunt ne s’y soit expressément opposé ; l’intérêt des proches ne doit pas se heurter à l’intérêt du défunt à la sauvegarde du secret médical, ni à l’intérêt prépondérant de tiers (al. 1) ; à cet effet, les proches désignent un médecin chargé de recueillir les données médicales nécessaires à leur information et de les leur transmettre (al. 2) ; les médecins concernés doivent saisir la commission chargée de statuer sur les demandes de levée du secret professionnel, au sens de l’art. 321 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; al. 3) ; par proches, on entend les personnes visées à
l’art. 378 al. 1 CCS (al. 4).

Selon l’art. 88 LS, une personne tenue au secret professionnel peut en être déliée par le patient ou, s’il existe de justes motifs, par l'autorité supérieure de levée du secret professionnel (al. 1) ; sont réservées les dispositions légales concernant l’obligation de renseigner une autorité ou de témoigner en justice
(al. 2).

b. Rien dans la présente procédure ne permet de penser que feu M. D______ A______ se serait expressément opposé à ce que des informations au sens de l’art. 55A al. 1 LS soient fournies à ses proches après son décès.

En outre, le rôle de la représentante thérapeutique de feu M. D______ A______ – la demi-sœur du recourant – a pris fin avec le décès de celui-là (ATA/78/2017 du 31 janvier 2017).

Il convient donc de procéder à une pesée soigneuse des intérêts, mettant en balance d'une part l'intérêt du recourant à consulter le dossier médical du proche décédé et, d'autre part, la protection du défunt, lequel doit en principe être assuré que les renseignements figurant dans son dossier ne seraient pas divulgués après son décès (arrêt du Tribunal fédéral 1P.359/2001 du 1er octobre 2001 consid. 2d, en lien avec les art. 55A et 88 LS ; ATA/656/2007 précité consid. 4d), même si, selon l’art. 31 CCS, la personnalité finit par la mort (arrêt du Tribunal fédéral du 26 avril 1995 précité, SJ 1996 p. 293 consid. 3a). Ladite protection du défunt correspond à son intérêt à la sauvegarde du secret médical au sens de l’art. 55A
al. 1 LS. L’intérêt de tiers, en particulier des autres proches du défunt, doit aussi être pris en considération, conformément à l’art. 55A al. 1 LS (ATA/1146/2015 précité 6b).

La limitation de la consultation du dossier à certaines parties de celui-ci peut dans certaines conditions particulières constituer un moyen de sauvegarder le droit à la consultation tout en préservant dans la mesure du possible les intérêts privés à la non-divulgation de faits de nature intime (arrêt du Tribunal fédéral du 26 avril 1995 précité, SJ 1996 p. 293 consid. 3b ; arrêt du Tribunal supérieur de Schaffhouse du 22 décembre 1989, ZBl 91/1991 p. 364).

L’absence d’accès personnel direct du proche au dossier médical du défunt et la communication des données concernant sa santé par l’intermédiaire d’un médecin désigné à cette fin servent à résoudre de manière équilibrée le conflit des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 1P.359/2001 précité consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral du 26 avril 1995 précité, in SJ 1996 p. 293 consid. 3b ; arrêt du Tribunal supérieur de Schaffhouse précité, ZBl 91/1991 p. 364).

5. a. En l’espèce, on ne voit pas que le recourant ait un intérêt digne de protection à consulter ou connaître d’autres éléments du dossier médical que ceux afférents à la détermination de la capacité de discernement de feu son père, entre le
1er octobre 2011 et son décès, en rapport avec la défense de ses intérêts dans le cadre du litige successoral.

Dans cette mesure limitée, l’accès de l’intéressé au dossier médical de feu son père lui serait réellement utile, en vue de la clarification de ses droits en matière successorale et le cas échéant de leur défense dans le cadre d’une ou des procédures de droit successoral déjà introduites en Valais.

b. Dans la mesure où l’accès du recourant au dossier médical de son défunt père serait limité aux éléments concernant sa capacité de discernement durant une période délimitée, l’intérêt de celui-ci à la sauvegarde du secret médical ne serait pas lésé au point de s’opposer à l’intérêt de son fils cadet à pouvoir prendre des décisions adéquates quant à la poursuite d’une procédure en nullité du pacte successoral signé le 14 mars 2012.

De plus, la désignation par le recourant d’un médecin chargé de recueillir les données médicales nécessaires à son information et de les lui transmettre, conformément à l’art. 55A al. 2 LS, renforce encore la protection du défunt relativement à la sauvegarde du secret médical.

c. On ne voit pas non plus que la levée du secret médical de la
Prof. P______ dans la mesure sus-retenue pourrait causer un préjudice particulier à l’intérêt de tiers, particulièrement l’épouse et les trois premiers enfants du défunt, de nature à primer l’intérêt du recourant.

Rien n’empêche l’épouse du défunt son père et ses trois aînés de solliciter eux-mêmes ladite levée du secret professionnel, auprès de la commission. Du reste, il ressort des écritures du recourant et de la Prof. P______ ayant fait suite à l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_1084/2015 précité que les demi-frères et demi-sœur de l’intéressé sont au courant de l’existence et de la possibilité des procédures de levée du secret professionnel devant la commission, mais que les enfants du défunt n’auraient pas fait usage des facultés que leur octroyait la décision du 2 juin 2016 de ladite autorité.

Par ailleurs, contrairement à ce qui a été retenu dans l’ATA/1146/2015 précité, il ne peut plus être considéré que l’intéressé cherche, par la présente procédure, à avoir un accès exclusif au dossier médical du de cujus de sorte à avoir un avantage indu par rapport à ses cohéritiers dans le cadre des procédures civiles qui les opposent. En effet, dans son écriture du 20 octobre 2016, le recourant a prié la chambre de céans de lui donner officiellement acte de ce qu’il n’avait pas d’objection à ce que ses cohéritiers soient informés le moment venu du fait que ladite chambre aurait confirmé son droit individuel à consulter le dossier médical de feu son père, cette information pouvant émaner de la chambre administrative directement, de la commission ou des HUG, et à ce que ses cohéritiers obtiennent le même accès que lui audit dossier, quel que soit le chemin administratif qui serait alors suivi concrètement pour que cet accès leur soit assuré dans les mêmes conditions.

d. Enfin, les relations familiales et les secrets de famille, dont la protection est en particulier visée par la sauvegarde du secret médical (arrêt du Tribunal fédéral 1P.359/2001 précité consid. 2d), ne seraient pour l’essentiel pas touchés au vu de la limitation du cadre de l’accès au dossier.

e. Au regard de l’ensemble de ces circonstances particulières, dans le cadre de la pesée des intérêts en présence, ni l’intérêt du défunt à la sauvegarde du secret médical ni l’intérêt des cohéritiers ne s’opposent à l’intérêt du recourant à avoir accès au dossier médical de celui-là, tel que délimité ci-dessus.

6. Vu ce qui précède, le recours sera admis partiellement. Le secret professionnel de la Prof. C______ sera levé afin qu’elle transmette les données médicales nécessaires ou utiles à la seule détermination de la capacité de discernement de feu M. D______ A______ durant la période du 1er octobre 2011 jusqu’à son décès, à l’intention du médecin chargé de les recueillir pour
M. B______ A______. La décision querellée sera, dans cette seule mesure, partiellement annulée et confirmée pour le surplus.

Cela étant et comme d’ores et déjà accepté par le recourant, il convient de transmettre le présent arrêt à Mme E______ A______, née F______, à
M. G______ A______, à Mme H______ A______ et à M. I______ A______.

7. Au regard du fait que le recourant obtient pour une part importante gain de cause ainsi que des circonstances particulières, aucun émolument ne sera perçu à sa charge (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure – légèrement réduite – lui sera allouée, à concurrence de CHF 1'500.-, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le
22 décembre 2014 par M. B______ A______ contre la décision de la commission du secret professionnel du 13 novembre 2014 ;

annule partiellement la décision de la commission du secret professionnel du
13 novembre 2014 ;

lève le secret professionnel de Mme la Prof. C______ afin qu’elle transmette les données médicales nécessaires ou utiles à la seule détermination de la capacité de discernement de feu M. D______ A______ durant la période du 1er octobre 2011 jusqu’à son décès, à l’intention du médecin chargé de les recueillir pour M. B______ A______ ;

confirme la décision de la commission professionnelle du 13 novembre 2014 pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à M. B______ A______, à la charge de l’État de Genève ;

transmet, pour information, le présent arrêt à Mme E______ A______, née F______, à M. G______ A______, à Mme H______ A______ et à M. I______ A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Christiane de Senarclens et Pierre-Olivier Allaz, avocats du recourant, à Me Michel Bergmann, avocat de Mme la Prof. C______, à la commission du secret professionnel, ainsi que, pour information, à Mme E______ A______, née F______, à M. G______ A______, à Mme H______ A______ et à M. I______ A______.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :