Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/129/2010

ATA/406/2010 du 15.06.2010 ( AMENAG ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FONCIER RURAL; FRACTIONNEMENT; IMMEUBLE AGRICOLE; BIEN-FONDS; EXPLOITATION AGRICOLE; FRACTIONNEMENT; EXAMEN(EN GÉNÉRAL)
Normes : LDFR.58 ; LDFR.60.al1.leta
Parties : ETAT DE GENEVE - DEPARTEMENT DES FINANCES / COMMISSION FONCIERE AGRICOLE
Résumé : Demande de désassujettissement partiel d'une parcelle sise en zone agricole et soumise à la LDFR. Dans son examen, le CFA a considéré que le loi ne permettait pas au créancier gagiste de réaliser une opération immobilière en désassujettissant les immeubles vendus aux enchères. Ce faisant elle n'a pas examiné la demande selon les critères objectifs qui découlent de la LDFR et de la jurisprudence. Recours admis et renvoi du dossier à la commission pour qu'elle procède aux mesures d'instruction nécessaires.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/129/2010-AMENAG ATA/406/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 15 juin 2010

 

dans la cause

 

 

ÉTAT DE GENÈVE
représenté par Me Laurent Marconi, avocat

contre

 

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE


EN FAIT

1. La parcelle n° 1363 de la commune de Puplinge est située dans le hameau de la Cornière, dans le coude formé par la route du même nom.

D’une surface de 7'142 m2, elle comprend, selon l'extrait du registre foncier, une ferme de 306 m2 et douze bâtiments de production agricole d'une surface allant de 3 m2 à 78 m2.

Ce bien-fonds est sis en zone agricole et soumis à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).

2. La parcelle n° 1363 a été acquise par Monsieur Gérard Mossière, maraîcher-primeur, le 17 décembre 1971.

3. Par jugement du 24 avril 2001, M. Mossière a été déclaré en faillite.

4. a. Le 14 juin 2001, l’office des poursuites et faillites (ci-après : OPF) a déposé auprès de la commission foncière agricole (ci-après : CFA) une requête de non-assujettissement de la parcelle n° 1'363 à la LDFR en vue de la réalisation de celle-ci dans le cadre de la faillite du propriétaire.

b. Le 17 juillet 2001, la CFA a rejeté la requête car il n'existait pas de motifs de désassujettissement.

5. Le 13 mai 2009, la parcelle de M. Mossière a été mise aux enchères par l’OPF et adjugée à la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève, en liquidation (ci-après : la fondation), en sa qualité de créancière gagiste, pour le prix CHF 550'000.-, par compensation de créance.

6. a. Par décision du 16 juin 2009, la CFA a autorisé la fondation à acquérir la parcelle n° 1363, à charge pour elle de la revendre dans un délai de deux ans dès l’inscription du transfert de propriété au registre foncier.

b. Cette décision n’a fait l’objet d’aucun recours.

7. Le 30 octobre 2009, la fondation a déposé auprès de la CFA une demande de désassujettissement de la moitié de la parcelle, côté sud. Cette partie du bien-fonds comportait essentiellement le bâtiment principal et ses dépendances. Ces édifices n’étaient plus utilisés dans le cadre d’une exploitation agricole, mais servaient à d’autres activités diverses. Certains d’entre eux pouvaient être transformés ou reconstruits, notamment pour la création de logements, tout en rendant les lieux attrayants par rapport à l’aspect actuel. Il se justifiait dès lors de soustraire cette partie de la parcelle à la LDFR et de régulariser ainsi la situation.

8. a. Dans sa séance du 8 décembre 2009, la CFA a débouté la fondation de sa requête.

Le sens et le but de l’art. 64 al. 1 let. g LDFR étaient de permettre au créancier gagiste de sauvegarder ses intérêts et non de réaliser une opération immobilière en désassujettissant les immeubles vendus aux enchères.

Par surabondance de moyens, la décision du 17 juillet 2001 était en force et aucun fait nouveau n’était allégué, justifiant sa révision.

b. Cette décision a été communiquée à la fondation le 15 décembre 2009.

9. La fondation a cessé d’exister le 31 décembre 2009 et l’Etat de Genève lui a succédé de manière universelle (art. 6 al. 4 de la loi 10'202 du 29 avril 2008).

10. Le 14 janvier 2010, l’Etat de Genève, agissant par l'intermédiaire du département des finances (ci-après : le département) a interjeté recours contre la décision de la CFA auprès du Tribunal administratif. Il conclut à son annulation et à l’autorisation du morcellement et du désassujettissement partiel requis.

Au préalable, il était précisé que la décision du 17 juillet 2001 qui portait sur l’entier de la parcelle litigieuse et celle du 16 juin 2009 assortissant d’une charge l’autorisation d’acquérir n'étaient pas remises en cause.

La CFA avait violé son droit d'être entendu en n'instruisant pas la cause. Elle n'avait ni procédé à l'examen de l’affectation des bâtiments, ni auditionné les anciens et actuels propriétaires Par ailleurs, la décision entreprise apparaissait insoutenable dans sa motivation. Elle se basait sur des faits inexacts, voire erronés, et ne retenait pas les faits pertinents pour statuer. Une telle motivation était également constitutive d’une violation du droit d’être entendu, voire d’arbitraire, ce qui justifiait son annulation. Ainsi, elle se fondait sur sa précédente décision de refus de 2001 et une prétendue absence de faits nouveaux. Or, la requête de 2001 visait la parcelle dans son intégralité alors que celle de 2009 portait sur un morcellement et un désassujettissement partiel. Il s’agissait dès lors de deux procédures différentes et le premier refus ne saurait avoir d’incidence sur un éventuel second refus. De même, l’existence d’une autorisation d’acquérir avec une charge de revente délivrée au créancier gagiste ne devait pas avoir d’incidence dans le cadre de la présente procédure. C’était précisément en vue de respecter la charge qui lui était imposée, tout en essayant de valoriser la parcelle en cause dans le respect de la loi, que la fondation avait initié la présente procédure. L’application de la loi n’avait pas à être qualifiée d’opération immobilière, aucune distinction ne devant être effectuée entre un acquéreur au sens de l’art. 64 LDFR et un exploitant à titre personnel au sens de l’art. 61 LDFR dans le cadre d'une demande de désassujettissement.

La parcelle était composée d’une partie non bâtie, soit de champs cultivables, et d’une partie sur laquelle étaient érigés plusieurs bâtiments, principalement un ancien corps de ferme actuellement affecté à l’habitation, sans lien avec l’agriculture. La partie construite qui faisait l’objet de la demande était en soi impropre à la culture. Elle ne constituait pas non plus un élément d’une entreprise agricole rentable. Le domaine se limitait à la parcelle en cause. Sa taille ne permettait pas une exploitation agricole rentable au sens des principes développés par la jurisprudence. L’usage agricole résiduel qui en avait été fait ces dernières années et la faillite de l'ancien propriétaire étaient des indices sérieux, voire la démonstration, d’une absence de rendement. Il s'agissait ainsi d’un cas dans lequel les édifices et installations pouvaient être désaffectés et exclus du champ d’application de la LDFR en raison de l’évolution des structures agricoles. De plus, le morcellement requis s’inscrivait dans le but de la LDFR, en favorisant l’accroissement et par là le renforcement d’un domaine voisin. En effet, un exploitant personnel pourrait être plus enclin à acquérir la seule partie agricole exploitable demeurant assujettie plutôt que d’avoir à débourser plus pour acquérir l’ensemble comprenant des bâtiments inutiles à sa propre exploitation. Il convenait dès lors d’autoriser le morcellement/désassujettissement requis.

11. Le 4 mars 2010, la CFA a persisté dans sa décision. Elle a repris et développé ses précédents arguments.

La LDFR permettait au créancier, lorsqu’aucune offre acceptable pour lui n’était faite dans le cadre de la réalisation forcée, d’acquérir l’immeuble pour le revendre à bref délai afin de "rentrer dans ses fonds" mais non de faire une opération financière en valorisant la parcelle par le désassujettissement des immeubles qui avaient été vendus aux enchères. De plus, les immeubles agricoles ne pouvaient être grevés de droits de gage immobilier que jusqu’à concurrence de la charge maximale qui correspondait, dans le cas présent, à la valeur de rendement augmentée de 35%.

Par surabondance de moyens, elle avait refusé, par décision du 17 juillet 2001, la demande de désassujettissement de la parcelle, dont l’objectif était précisément d’obtenir le produit de réalisation le plus élevé possible dans l’intérêt des créanciers. Cette décision était en force et aucun fait nouveau n’était allégué justifiant une révision de cette décision. Les immeubles sis sur la parcelle étaient une ferme et des bâtiments de production agricole appropriés à un usage horticole. Ces bâtiments étaient utilisés encore récemment et il n’y avait pas lieu de les soustraire de la LDFR.

12. Le 12 avril 2010, le juge délégué a procédé à un transport sur place. Il a constaté les limites du terrain dont le désassujettissement était demandé ainsi que la partie restant en zone agricole. Dans le corps du bâtiment principal, M. Mossière et son épouse continuaient à résider sans être au bénéfice d’un contrat de bail. De nombreux petits bâtiments étaient édifiés sur le terrain à désassujettir, tels que dépendance agricole, garage, hangar, étable. L’appartement construit dans l’aile située au nord du bâtiment principal, sans autorisation, était vide de tout occupant.

Au nord de la parcelle, soit dans le terrain dont le désassujettissement n’était pas demandé, il y avait deux serres-tunnel et un verger.

Arrivé lors du transport sur place, Monsieur Patrick Mossière, fils de M. Mossière, a expliqué que lorsqu’il exploitait, il cultivait des légumes dans les deux serres-tunnel ainsi que sur deux autres parcelles mises à sa disposition par la commune de Puplinge. Il vivait de la vente des produits ainsi cultivés.

L’Etat de Genève a précisé que lors de la vente aux enchères, aucun acquéreur agriculteur ne s’était manifesté.

13. Le 11 mai 2010, l’Etat de Genève a fait part de quelques observations.

L’instruction de la cause ne permettait pas d’établir avec précision qui faisait quel usage et quand du bâtiment en cause. En conséquence, il demandait l'audition de M. Mossière et de son fils, ce dernier ayant été rencontré fortuitement lors du transport sur place. Il requérait également l’interpellation du service de l’agriculture ou de tout autre organisme ou expert habilité à juger si un bâtiment correspondait objectivement à un usage agricole.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

15. Il ressort encore du dossier les éléments suivants :

- M. P. Mossière a exploité seul la parcelle n° 1363 en tant qu'exploitant agricole et maraîcher. Depuis la faillite de son père, il a entretenu les bâtiments, les accès et les parcelles cultivables.

- M. P. Mossière a cessé toute activité maraîchère et agricole sur la parcelle n° 1363 depuis le 31 octobre 2005.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 83 al. 3 et 88 LDFR ; art. 13 de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural - LaLDFR - M 1 10 ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008).

En l’espèce, le tribunal de céans renoncera à procéder aux actes d'instruction supplémentaires requis par le recourant. Il estime le dossier en l'état d'être jugé vu les considérations qui vont suivre.

3. Il convient, en premier lieu, d'examiner si la commission a, à juste titre, considéré que la décision du 17 juillet 2001 était en force et qu'il n'y avait pas lieu à révision.

4. a. Les décisions dotées de l’autorité de la chose jugée ou décidée peuvent faire l’objet d’une demande de réexamen par l’autorité administrative qui a pris la décision de base, ou d’une procédure de révision devant une autorité administrative supérieure, une instance quasi judiciaire ou un tribunal, selon que leur auteur est une autorité ou un tribunal (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, n° 1137).

b. Une demande de réexamen peut être présentée, en tout temps, par toute personne qui aurait la qualité pour recourir contre la décision objet de la demande au moment du dépôt de celle-ci. Elle a pour but d’obtenir la modification de la décision d’origine ; le plus souvent elle tendra à la révocation d’une décision valable à l’origine imposant une obligation à un particulier (B. KNAPP, op. cit. n° 1770 ss ; ATA I. du 29 mars 1992).

5. a. Aux termes de l'art. 48 LPA, une autorité administrative a l'obligation de reconsidérer ses décisions lorsqu'il existe un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA ou que les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

b. Les deux motifs de révision justifiant le réexamen d'une décision sont d'une part, le fait qu'un crime ou un délit, établi par procédure pénale ou d'une autre manière, a influencé la décision (art. 80 let. a LPA), et d'autre part l'existence de faits ou de moyens de preuve nouveaux et importants que l'administré ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA).

6. En l'espèce, la décision de la CFA se prononçant sur la requête en désassujettissement déposée par l’OPF date du 17 juillet 2001. Depuis, soit dès le 31 octobre 2005, la parcelle n° 1’363 a cessé d'être exploitée. Par ailleurs, elle a été adjugée à la fondation le 13 mai 2009, lors de sa mise aux enchères.

Dans ces circonstances, compte tenu du temps écoulé et du changement de propriétaire intervenu entre les deux requêtes en désassujettissement, la CFA a considéré à tort qu'il n'y avait aucun fait nouveau justifiant le réexamen de sa décision du 17 juillet 2001.

7. a. La LDFR a pour but d'encourager la propriété foncière rurale et, en particulier, de maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une population rurale forte et d'une agriculture productive orientée vers une exploitation durable du sol (art. 1 let. f LDFR ; Y. DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence du droit foncier rural 1994-1998, p. 192, n° 497 et les réf. cit.).

b. Elle s'applique tant aux immeubles agricoles isolés qu’à ceux qui font partie d'une entreprise agricole (art. 2 al. 1 LDFR). Elle est en outre applicable notamment aux immeubles à usage mixte, qui ne sont pas partagés en une partie agricole et une partie non agricole (art. 2 al. 2 let. d LDFR). Les parties non agricoles d'un usage mixte (cf. art. 1 al. 1 LDFR) ne restent soumises à la LDFR que jusqu'au jour où elles sont soustraites à l'interdiction de partage matériel et de morcellement (art. 58 LDFR) par une autorisation exceptionnelle en vertu de l'art. 60 al. 1 let. a LDFR.

8. a. Selon l’art. 58 al. 1 LDFR, aucun immeuble ou partie d’immeuble ne peut être soustrait à une entreprise agricole. Toutefois, à teneur de l’art. 60 al. 1 let. a LDFR, l’autorité cantonale compétente peut s’écarter du principe de l’interdiction du partage matériel lorsque l’immeuble agricole est divisé en une partie qui relève du champ d’application de la LDFR et d’une autre qui n’en relève pas.

b. Le Tribunal fédéral retient que les dispositions exceptionnelles ne doivent être interprétées et appliquées ni extensivement ni restrictivement, mais selon leur sens et leur but dans le cadre de l'interdiction générale et de leur contexte légal. Cela vaut également pour le catalogue des circonstances exceptionnelles énumérées exhaustivement à l'art. 60 LDFR. Si les circonstances ne sont pas d'emblée claires, l'autorité compétente en matière d'autorisation doit s'orienter en fonction du but objectif de la loi et non pas en fonction des intérêts personnels, subjectifs du requérant (C. BANDLI, Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998, ad. art. 60 p. 559 ch. 1).

Pour se prononcer sur l'autorisation de morcellement, l'autorité doit se fonder en premier lieu sur les circonstances objectives du cas concret. Cela suppose d'examiner le caractère indispensable du bâtiment à l'exploitation agricole et la viabilité économique de l'exploitation agricole à laquelle il sert (Arrêt du Tribunal fédéral 5A.2/2007 du 15 juin 2007, consid. 3.2 et les réf. cit.). Dans certaines situations, il y a également lieu de tenir compte, à titre secondaire, d'un critère subjectif, à savoir l'utilisation effective durant de longues années (Message du Conseil fédéral à l'appui de la LDFR du 19 octobre 1988, in : FF 1988 III 889, p. 917 ; E. HOFER, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998., n. 16 ad art. 6 LDFR ; Y. DONZALLAZ, op. cit., n. 62 p. 51-52 ; Y. DONZALLAZ, Commentaire de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le nouveau droit foncier rural, 1993, n. 81 p. 44).

En outre, afin d'assurer la coordination des règles sur l'aménagement du territoire et de celles sur le droit foncier rural, il faudra prendre en considération la prise de position de l'autorité cantonale compétente en matière de constructions hors de la zone à bâtir (art. 4a ODFR ; ATF 125 III 175 consid. 2c). Pour soustraire un bâtiment au champ d'application de la LDFR, il faut donc une autorisation du droit de l'aménagement du territoire attestant que le bâtiment peut subsister comme exception licite hors zone à bâtir (art. 24 à 24d LAT) ou comme étant nouvellement conforme à la zone (art. 16a LAT), et une autorisation de droit foncier rural sur la base de laquelle la soustraction est effectuée (art. 60 al. 1 let. a ou e LDFR ; R. HOTZ, Les répercussions de la révision partielle de la LAT sur la LDFR in : Territoire et Environnement 2000, p. 1 ss, 17).

9. Il ressort de ce qui précède que pour délivrer une autorisation exceptionnelle fondée sur l'art. 60 LDFR, l'autorité doit, en premier lieu, instruire les éléments objectifs. La personne du détenteur de l'immeuble agricole n'intervient pas dans cet examen.

Or, dans le cas d'espèce, la CFA a uniquement considéré que le sens et le but de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR ne permettaient pas au créancier gagiste de réaliser une opération immobilière en désassujettissant les immeubles vendus aux enchères. Elle ne s'est pas prononcée sur le caractère indispensable des différents bâtiments sis sur la parcelle n° 1363 à un usage agricole et sur la viabilité économique de l'exploitation agricole à laquelle ces bâtiments étaient rattachés en opérant les constatations de fait nécessaires à cet effet. La CFA n'a ainsi pas examiné la demande selon les critères objectifs, comme le prescrivent la loi et la jurisprudence. Le dossier sera dès lors renvoyé à l'autorité intimée afin qu'elle procède aux mesures d'instruction nécessaires et rende une nouvelle décision.

10. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 8 décembre 2009 de la CFA annulée.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la CFA (art. 87 LPA). En application de la jurisprudence du Tribunal administratif rendue dans les cas de communes de plus de dix mille habitants, il faut admettre que l'Etat de Genève a les moyens de disposer de son propre service juridique sans recourir aux services d’un homme de loi. Dans ces conditions, aucune indemnité ne lui sera allouée (ATA/591/2007 du 20 novembre 2007 et les réf. cit.).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2010 par l'Etat de Genève, agissant par l'intermédiaire du département des finances, contre la décision du 8 décembre 2009 de la commission foncière agricole ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission foncière agricole du 8 décembre 2009 ;

renvoie le dossier à la commission foncière agricole pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met à la charge de la commission foncière agricole un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent Marconi, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission foncière agricole et à l'office fédéral de la justice.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :