Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/873/2014

ATA/400/2015 du 28.04.2015 ( ENERG ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.05.2015, rendu le 22.03.2016, ADMIS, 2C_483/15
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/873/2014-ENERG ATA/400/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 avril 2015

1ère section

 

dans la cause

 

A______SA
représentée par Me Jean-Charles Sommer, avocat

contre

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) « A______SA » (ci-après : l’hôtel ou la société) a pour but l’acquisition, l’exploitation, la direction d’hôtels, restaurants, cafés ou autres commerces similaires. Son siège se trouve au ______ à Genève.

2) La société est propriétaire de la parcelle n° 1______ de 392 m2 sur la commune de Genève (Genève-cité), à l’adresse ______. Un hôtel de plusieurs étages est érigé sur la totalité de la parcelle.

3) Le 16 janvier 2014, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) ont adressé à la société une facture intitulée « facture de consommation janvier 2014 - période année 2014 » d’un montant total de CHF 1'103.82. Il était indiqué : « consommation relevée (détail au verso) total eau ». Au dos figurait la mention :

« Ob Bouches à incendie

Quantité Prix HT Montant en CHF

11 Pièce x 97.9000 = 1'076.90

Soit TTC 1'103.82

dont TVA à 2.5 % sur 1'076.90 26.92 ».

Une réclamation à l’encontre de la facture pouvait être adressée aux SIG dans les trente jours.

4) Le 10 février 2014, l’hôtel a contesté la facture. Il n’avait jamais consommé d’eau. Dépourvue de base légale, la facture devait être annulée.

5) Par correspondance du 12 février 2014, les SIG ont maintenu leur position. L’hôtel était équipé de dix bouches à incendie et de soixante-cinq buses automatiques en sous-sol. Le tarif forfaitaire annuel applicable pour ces installations était de CHF 100.35, TVA comprise, pour chaque bouche et chaque centaine ou fraction de centaine de buses automatiques. Bien que libellé « facture de consommation » pour des raisons informatiques, ce document n’était pas lié à une consommation d’eau réelle, mais à la capacité des installations à fournir de l’eau à grand débit. Étaient joints les règlements et tarifs fondant la facture.

6) Le 14 février 2014, l’hôtel a sollicité le prononcé d’une décision formelle.

7) Le 24 février 2014, les SIG ont considéré que la correspondance du 10 février 2014 valait réclamation à l’encontre de la facture du 16 janvier 2014 et l’ont rejetée.

La mention « consommation » sur la facture du 16 janvier 2014 n’avait aucune incidence juridique sur l’obligation de paiement de ladite facture. Celle-ci était conforme à la législation et au tarif applicable.

8) Par acte du 24 mars 2014, l’hôtel a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant principalement à l’annulation de la décision des SIG du 24 février 2014. Statuant à nouveau, la chambre administrative devait annuler la facture du 16 janvier 2014, ordonner la restitution à l’hôtel des montants facturés les dix dernières années, soit CHF 11'038.- avec intérêts à 5 % dès le 10 février 2014 et condamner les SIG en tous les dépens.

Le recourant invoquait la violation du droit et une constatation inexacte des faits.

Durant toutes les années écoulées, trop confiant et discipliné, l’hôtel s’était toujours acquitté de factures similaires sans examiner les raisons pour lesquelles les SIG lui adressaient des factures de consommation d’eau. Selon la doctrine, un émolument constituait une contrepartie financière due par un administré en échange d’une prestation étatique. Le règlement « pour la fourniture de l’eau » A.1.1. adopté par le conseil d’administration des SIG le 27 novembre 1980 et approuvé par le Conseil d’État le 21 janvier 1981 (ci-après : le règlement) auquel se référaient les SIG ne faisait mention que de la fourniture et la consommation d’eau (art. 34 règlement).

Seul l’art. 6 du « règlement d’application concernant les bouches à incendie du 22 octobre 1992 » A.1.11, arrêté par le conseil d’administration des SIG (ci-après : le règlement d’application) mentionnait la mise à disposition de l’eau nécessaire aux bouches à incendie. Or, le dictionnaire Petit Robert définissait les termes pertinents comme suit : « fourniture : action de fournir, ce qu’on fournit, ce qu’on livre », « fournir : pourvoir de ce qui est nécessaire ». En l’espèce, les SIG ne fournissaient rien. En conséquence, le règlement d’application était illégal, car il se fondait sur des compétences qui n’avaient pas été déléguées par le règlement. La fourniture, traitée dans le règlement, et la mise à disposition de l’eau, abordée dans le règlement d’application, n’étaient pas des actes similaires, conformément au sens donné par le dictionnaire. Dès lors, les dispositions du règlement d’application invoquées pour justifier la facture de consommation du 16 janvier 2014 étaient manifestement illégales.

L’émolument devait être qualifié d’impôt déguisé puisqu’aucune prestation de l’État n’était fournie. Il devait être fondé dans une loi au sens formel. Il était inadmissible qu’un tel impôt soit prélevé sans base légale et sans délégation claire de compétence.

La facturation illégale devait être qualifiée de délit continu. Elle justifiait la restitution des émoluments facturés et payés pendant les dix ans écoulés.

Pour mémoire, la société avait déjà saisi la chambre administrative d’un problème similaire. Toutefois, dans l’arrêt du 30 avril 2013 (ATA/272/2013), celle-ci n’avait pas abordé le fond du litige, la réclamation de l’hôtel pour l’année 2012 ayant été faite tardivement.

9) Le 8 mai 2014, les SIG ont conclu au rejet du recours.

La décision prise le 24 février 2014 était conforme au droit. Les taxes et redevances étaient des contributions causales qui constituaient la contrepartie d’une prestation spéciale ou d’un avantage particulier appréciable économiquement par l’État. La doctrine distinguait trois catégories de contribution causale. En l’occurrence, il s’agissait d’un émolument d’utilisation. Bien que nommée « consommation » pour des raisons de gestion informatique, la mise à disposition de l’eau par les SIG au travers d’une bouche d’incendie faisait partie de l’installation privée de la recourante. Cette facturation forfaitaire pouvait être considérée comme une taxe annuelle de mise à disposition de l’eau fournie par l’intimé. De surcroît, l’eau mise à disposition par les SIG au travers de la bouche d’incendie devait être utilisée à des fins d’extinction d’incendie uniquement, étant précisé que cette utilisation était gratuite.

Il s’agissait d’appliquer l’art. 34 du règlement, lequel renvoyait expressément au règlement d’application. Le tarif appliqué, à savoir le « tarif Ob pour la fourniture d’eau, règlement A.2.2 des SIG » (ci-après : le tarif Ob) était applicable à la mise à disposition de l’eau nécessaire aux bouches d’incendie faisant partie d’une installation privée. Il avait fait l’objet d’une approbation par le Conseil d’État, conformément à l’art. 38 let. a de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 (LSIG - L 2 35).

La mise en cause des factures relatives aux années précédentes n’était pas possible, dès lors qu’elles étaient entrées en force d’une part, et qu’aucune demande en reconsidération n’avait été adressée aux SIG, d’autre part. Enfin, il n’existait pas de motif de révision qui permettrait à la chambre administrative d’examiner les factures en question, antérieures à celle du 16 janvier 2014.

10) Par réplique du 5 juin 2014, l’hôtel a pris note que les intimés soutenaient, tout comme lui, qu’il ne s’agissait pas de consommation d’eau mais exclusivement de mise à disposition de l’eau par les SIG. Dans cette hypothèse, le recourant devrait avoir le droit de disposer de l’eau alors que tel n’était pas le cas. Il n’y avait donc, de la part de l’hôtel, ni consommation, ni mise à disposition de l’eau. Il s’agissait d’un impôt déguisé sans contre-prestation. Le règlement d’application était illégal.

11) Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 15 janvier 2015.

L’hôtel a confirmé que la facture concernait soixante-cinq buses (sprinklers) et dix bouches à incendie qui, à sa connaissance, avaient été mises hors service par les pompiers. Elles ne fonctionnaient plus depuis plus de quinze ans environ. Toutes ces bouches étaient à l’intérieur du bâtiment. Personne ne s’en était préoccupé, notamment en venant les vérifier. Les buses étaient contrôlées par le plombier de l’hôtel, responsable de la haute pression de l’eau, et avaient été contrôlées par les pompiers, tous les deux à trois ans. L’hôtel avait un contrat d’entretien pour les buses avec la société B______ SA). Elles étaient reliées à une alarme, laquelle ne s’était déclenchée qu’une seule fois. L’hôtel avait le sentiment d’être en règle en matière de prévention incendie, notamment grâce au contrat avec B______ SA. Ces bornes à incendie n’étaient pas nécessaires. L’hôtel recevait des factures similaires à celle contestée depuis quarante ans environ.

Les SIG ont précisé que la facture concernait bien, outre les soixante-cinq buses, dix bornes à incendie. L’entretien de celles-ci incombait au propriétaire. La facture n’était censée couvrir que la mise à disposition de l’eau à haut débit, forfaitairement, si elle devait être nécessaire pour un incendie, et la pose des scellés à la suite d’une éventuelle vérification qu’un propriétaire pourrait souhaiter faire, conformément à l’art. 5 du règlement d’application. Sauf erreur, les SIG n’étaient jamais allés remettre de scellés dans l’hôtel concerné. Si les installations de l’hôtel devaient être défectueuses, ils n’en avaient pas été informés. La décision mentionnée à l’art. 36 du règlement ne concernait pas les bornes à incendie. Il avait dû y avoir une décision à l’origine de la facturation, il y avait plus de quarante ans, mais ils n’étaient pas en mesure de la produire. Ils allaient se renseigner pour savoir quel montant global représentaient les recettes liées aux bouches à incendie, y compris celles provenant des hôtels restaurants et celles situées sur la voie publique, si l’eau provenant des installations privées pouvait être utilisée pour éteindre un incendie chez un tiers et combien de scellés étaient reposés annuellement.

12) À la demande de la chambre administrative, l’hôtel a produit copie du contrat d’entretien passé avec B______ SA. Le contrat d’entretien standard II portait sur le système de détection incendie Algorex qui comprenait une centrale, cent quatre-vingt-deux détecteurs incendie, vingt-et-un déclencheurs manuels, une console et des accumulateurs de secours.

L’hôtel a joint copie de la facture de consommation de janvier 2015. Le montant à payer s’élevait désormais à CHF 1'240.25, soit une augmentation de 10 %.

13) Par courrier du 19 février 2015, les SIG ont précisé qu’en 2014, ils avaient perçu, dans le cadre du tarif Ob, un montant de CHF 1'245'571.30, ce qui correspondait à 0,75 % du montant total perçu par l’activité « eau potable » aux SIG. S’agissant des hôtels, un montant de CHF 41'215.90 avait été encaissé en 2014 par les SIG. La base de données ne contenait pas de qualificatif « restaurant » au motif qu’un restaurant n’était pas l’unique composant d’un immeuble, contrairement à un hôtel.

La mise à disposition de l’eau pour les bouches à incendie situées sur le domaine public ne faisait pas l’objet d’une facturation. A contrario, les bouches à incendie situées sur le domaine privé, ce qui était le cas des installations à incendie du recourant, faisaient l’objet d’une facturation, conformément à l’art. 34 du règlement et du règlement d’application.

Les SIG ne possédaient pas d’informations s’agissant de l’usage des bouches à incendie privées pour l’extinction d’incendies chez des tiers. Ils ne disposaient pas de statistiques concernant le nombre de scellés installés sur les bouches à incendie par année, mais pouvaient les estimer entre cent et deux cents. S’agissant des contrôles effectués par les SIG sur les installations du recourant, ils ne possédaient aucun document qui attestait d’un contrôle durant les six derniers mois. Au-delà de cette période, des recherches seraient nécessaires.

14) Dans le délai au 12 mars 2015 imparti aux parties pour une éventuelle détermination complémentaire, l’hôtel a indiqué persister dans ses conclusions et laisser à la chambre administrative l’opportunité de décider de l’audition d’un ou plusieurs témoins.

15) Par courrier du 16 mars 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 36 A LSIG et art. 50 al. 2 du règlement).

2) Le recourant se plaint d’une violation du principe de la légalité de la taxe relative aux bouches d’incendie.

3) L’approvisionnement et la distribution d’eau et d’électricité, ainsi que l’évacuation et le traitement des eaux usées, constituent un monopole cantonal dans la mesure permise par le droit fédéral. Ce monopole peut être délégué à une institution de droit public (art. 168 al. 1 et 1ère phrase de l’al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - A 2 00 - Cst-GE).

4) Les SIG, établissement de droit public genevois, ont pour but de fournir, dans le canton de Genève, notamment l’eau (art. 1 al. 1 LSIG). Les SIG sont « doués » de la personnalité juridique et sont autonomes dans les limites fixées par la Cst-GE et la LSIG (art. 2 al. 1 LSIG). Les organes administratifs des SIG sont le conseil d’administration et le conseil de direction (art. 5A LSIG).  Le conseil d’administration est l’autorité supérieure des SIG. Sous réserve des compétences du Grand Conseil et du Conseil d’État, le conseil d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion des SIG. Parmi ses attributions, il établit les conditions des contrats d’abonnement et les tarifs de vente (art. 16 al. 2 let. i LSIG). Les conditions des contrats d'abonnement et les tarifs de vente sont soumis à l’approbation du Conseil d’État (art. 38 let. a LSIG).

5) a. La décision litigieuse se fonde notamment sur le règlement, dans sa teneur au 1er janvier 2011. La version entrée en vigueur le 1er janvier 2015, annulant et remplaçant celle du 27 novembre 1980, est sans pertinence dans le cas d’espèce, compte tenu des principes ordinaires du droit intertemporel, voulant que la taxe contestée soit fixée selon le droit matériel applicable au moment de la décision.

b. Selon le règlement, les SIG fournissent l'eau, aux conditions fixées par le règlement et ses prescriptions d'exécution, et sur la base des tarifs arrêtés par les autorités compétentes. Les rapports juridiques entre les SIG et leurs usagers sont régis par le droit administratif et résultent d'un acte administratif. Les décisions des SIG, lorsqu'elles sont entrées en force (art. 50 et 51 règlement), sont assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1 ; art. 1 règlement).

A qualité d'usager celui qui, ayant à sa disposition l'eau fournie par les SIG, est désigné comme tel par une décision arrêtée par ceux-ci. À défaut, peut également être considéré comme usager celui qui utilise en fait l'eau fournie par les SIG. La qualité d'usager est indépendante des rapports juridiques pouvant exister entre le propriétaire et l'occupant des locaux ; elle ne préjuge en aucune manière des droits de ce dernier. Les SIG n'encourent aucune responsabilité s'il apparaît que l'eau fournie par eux l'a été à un occupant illicite. Le propriétaire de l'immeuble est responsable vis-à-vis des SIG du paiement de l'eau consommée, ainsi que de toutes autres redevances et taxes, pour des locaux inoccupés et des installations inutilisées (art. 2 règlement).

L'installation de bouches d'incendie nécessite un branchement séparé ; un règlement d'exécution précise les caractéristiques de ces bouches d'incendie et les modalités de fourniture de l'eau (art. 34 règlement).

6) L’art. 1 al. 1 du règlement d’application définit les bouches à incendie. Il s’agit, à l'extérieur des bâtiments, des prises d'eau souterraines (bouches) et des prises d'eau hors terre (poteaux incendie) (let. a) et à l'intérieur des bâtiments, des postes d'incendie à voie axiale, des vannes d'incendie, des installations d'extinction, automatiques ou manuelles, à buses, dont le raccordement est situé avant le compteur d'eau (let. b).

Toutes les bouches d'incendie situées à l'intérieur des bâtiments doivent être munies d'un sceau. Les sceaux ne peuvent être brisés qu'en cas d'incendie et pour le contrôle des installations prévu à l'art. 5. Tout dégât constaté sur un sceau doit être immédiatement signalé aux SIG qui effectueront le remplacement (art. 3 règlement d’application).

L'utilisation des bouches d'incendie à d'autres fins que la lutte contre l'incendie et le contrôle des installations prévu à l'art. 5 est strictement interdite (art. 4 règlement d’application).

L'usager est autorisé à contrôler une fois par année le fonctionnement des bouches d’incendie. À cette occasion, les sceaux des bouches d'incendie des bâtiments peuvent être brisés ; ils seront remplacés par les SIG ou l'inspection cantonale du service du feu. Avant d'effectuer ce contrôle, l'usager doit obtenir l'accord préalable des SIG (art. 5 règlement d’application).

La mise à disposition de l'eau nécessaire aux bouches d'incendie faisant partie d'une installation privée est facturée conformément au tarif en vigueur. Si l'usager utilise la bouche d'incendie en violation de l'art. 4, les SIG procéderont à une estimation des volumes consommés et factureront la consommation au double du prix de l'eau figurant dans le tarif en vigueur pour la fourniture de l'eau. Les bouches peuvent toutefois être munies d'un compteur loué par le service des eaux dans des cas exceptionnels et de façon temporaire. L'eau consommée est facturée au tarif en vigueur (art. 6 règlement d’application).

7) Le tarif Ob « est applicable à la mise à disposition de l’eau nécessaire aux bouches d’incendie faisant partie d’une installation privée. » Celui-ci précise qu’ « on entend par bouches d’incendie tout orifice capable de fournir de l’eau à grand débit et destiné à être utilisé en cas d’incendie. Dans le cas d’une installation automatique, cent buses correspondent à une bouche d’incendie. Le prix forfaitaire est annuel. Il s’élève pour chaque bouche à CHF 97.90 sans TVA et CHF 100.35 avec TVA. Le montant annuel ne peut être fractionné ».

Ce tarif est subordonné aux dispositions du règlement. Le règlement d’application, approuvé par le conseil d’administration des SIG, fixe ses modalités d’application.

Le tarif Ob a été adopté par le conseil d’administration des SIG le 25 septembre 1997 et approuvé par le Conseil d’État le 29 juillet 1998.

 8) a. La loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 janvier 1990 (LPSSP- F 4 05) régit les mesures de prévention et de lutte contre les sinistres. Le Conseil d’État est compétent pour prendre des mesures de prévention sur l’ensemble du canton et veille à la coordination de celles-ci entre les organismes concernés. Il conseille et informe les autorités communales, les entreprises ainsi que la population sur les mesures à observer (art. 9 al. 1 et 2 LPSSP).

Les mesures de prévention applicables figurent, notamment, dans  les règlements, directives et prescriptions édictés en vertu de la LPSSP - notamment pour les entreprises et exploitations publiques ou privées importantes présentant des risques spéciaux - ainsi que dans la norme de protection incendie et les directives de l’Association des établissements cantonaux d’assurance-incendie (AEAI) (art. 10 let. d et e LPSSP).

L’eau nécessaire à la lutte contre l’incendie est fournie gratuitement par lesSIG. Le réseau de distribution d’eau doit répondre aux besoins des services de défense ; les SIG appliquent les normes fixées par la réglementation en la matière. Les frais d’équipement du réseau hydraulique sont à la charge des SIG. Les frais d’installation des prises d’eau pour l’incendie sont à la charge des communes, sous réserve d’une participation de l’État et de l’art. 36 LPSSP (art. 22 LPSSP).

Les propriétaires de bâtiments ou de groupes de bâtiments sont tenus de contribuer dans une mesure équitable aux dépenses occasionnées par les installations hydrauliques faites pour la protection de leurs biens (art. 36 LPSSP).

b. Le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie détermine les entreprises et exploitations publiques ou privées importantes, ainsi que les ouvrages particuliers présentant des risques spéciaux en matière de défense contre l’incendie. Sont réputés présenter des risques spéciaux en matière de défense contre l’incendie, notamment les hôtels, les cafés-restaurants, auberges et autres établissements pouvant accueillir du public (art. 5 al. 1 et al. 2 let. h du règlement d’application de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 - RPSSP - F 4 05.01).

Chaque construction doit disposer de l’eau nécessaire pour combattre le feu.
Des prises d’eau pour l’incendie (bornes hydrantes ou hydrantes souterraines) sont installées conformément aux normes fixées par les SIG qui en vérifient la bonne exécution. En règle générale, les prises d’eau pour l’incendie sont distantes l’une de l’autre de 80 mètres (art. 38 RPSSP). Aucune prise d’eau pour l’incendie ne doit être posée sur une conduite d’un diamètre inférieur à 100 mm de même que les branchements et coudes d’entrée. Les prises d’eau doivent assurer un débit minimum de 500 l/minute (art. 42 RPSSP).

9) En l’espèce, le règlement, le règlement d’application et le tarif Ob ont été dûment adoptés par le conseil d’administration des SIG, conformément à l’art. 16 al. 2 let. i LSIG lequel autorise ledit conseil à établir les conditions des contrats d’abonnement et des tarifs de vente en matière de fourniture d’eau par les SIG.

Le règlement et le tarif Ob ont été soumis à l’approbation du Conseil d’État conformément à l’art. 38 let. a LSIG.

10) La recourante se plaint de l’absence de base légale formelle pour ce qu’elle qualifie d’impôts. Les SIG soutiennent que la taxe pour les bouches d’incendie constitue un émolument d’utilisation.

Dès lors que la portée du principe de légalité dépend de la qualification du montant réclamé, il convient préalablement de déterminer la nature de la contribution litigieuse.

11) a. Parmi les contributions publiques, la jurisprudence et la doctrine distinguent traditionnellement entre les impôts et les contributions causales (ATF 138 II 70 consid. 5.1 p. 73 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2012 du 10 juin 2013 consid. 4.1).

Les impôts représentent la participation des citoyens aux charges de la collectivité ; ils sont dus indépendamment de toute contre-prestation spécifique de la part de l'État.

Les contributions causales, en revanche, constituent la contrepartie d'une prestation spéciale ou d'un avantage particulier appréciable économiquement accordé par l'État. Elles reposent ainsi sur une contre-prestation étatique qui en constitue la cause (ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2012 du 10 juin 2013 consid. 4.1 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 4 n. 6).

b. Généralement, les contributions causales se subdivisent en trois sous-catégories : les émoluments, les charges de préférence et les taxes de remplacement.

L'émolument représente la contrepartie de la fourniture d'un service par l'État - émolument administratif - ou de l'utilisation d'une infrastructure publique - émolument d'utilisation. Il en existe d'autres sortes, telles que les taxes régaliennes (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 2002, p. 2).

12) En l’espèce, le recourant conteste la facturation relative aux bouches à incendie.

La taxe litigieuse porte sur la mise à disposition de l’eau, nécessaire à la lutte contre l’incendie, spécifiquement de l’hôtel. Elle se fonde sur l’art. 36 LPSSP qui veut que le propriétaire d’un bâtiment soit tenu de contribuer, dans une mesure équitable, aux dépenses occasionnées par les installations hydrauliques faites pour la protection de ses biens. S’agissant d’un hôtel, celui-ci est de surcroît réputé présenter des risques spéciaux, dès lors qu’il peut accueillir du public (art. 5 al. 1 et 2 let. h RPSSP).

Au contraire des impôts, qui représentent la contribution d’un particulier aux charges de la collectivité sans contre-prestation, les bouches à incendie litigieuses procurent à l’hôtel un avantage, en l’occurrence le fait de pouvoir bénéficier d’eau, à grande pression, immédiatement, en cas d’incendie. De surcroît, la LPSSP et le règlement précisent que l’eau nécessaire, lors de telles interventions, est mise gratuitement à disposition. La taxe concernée ne peut en conséquence être qualifiée d’impôts. Il s’agit d’une contribution causale, plus précisément d’un émolument d’utilisation. L’argument consistant à dire qu’en l’absence d’incendie, il n’y a précisément pas d’utilisation de l’eau est spécieux, dès lors que la contre-prestation consiste précisément dans le fait de pouvoir en bénéficier, dans l’hypothèse d’un feu. Les développements faits par la recourante sur le sens du terme « fournir » tombent à faux, les intimés pourvoyant précisément à ce qui est nécessaire à savoir, tant pour l’hôtel que pour le public qui y loge, la faculté d’éteindre un incendie.

La taxe litigieuse est une contribution causale, singulièrement un émolument d’utilisation.

13) a. La légalité est un principe général du droit qui gouverne l'ensemble de l'activité de l'État (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Elle revêt une importance particulière en droit fiscal qui l'érige en droit constitutionnel indépendant déduit de l'art. 127 al. 1 Cst. Cette norme - qui s'applique à toutes les contributions publiques, tant fédérales que cantonales ou communales, - prévoit en effet que les principes généraux du régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul ou sa quotité, doivent être définis par la loi au sens formel. Si cette dernière délègue à l'organe exécutif la compétence d'établir une contribution, la norme de délégation ne peut constituer un blanc-seing en faveur de cette autorité ; elle doit indiquer, au moins dans les grandes lignes, le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de la contribution. Sur ces points, la norme de délégation doit être suffisamment précise (exigence de la densité normative). Il importe en effet que l'autorité exécutive ne dispose pas d'une marge de manoeuvre excessive et que les citoyens puissent discerner les contours de la contribution qui pourra être prélevée sur cette base (ATF 136 I 142 consid. 3.1 p. 144 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_615/2010 du 24 novembre 2010 consid. 3.2).

b. Ces exigences valent en principe pour les impôts comme pour les taxes causales (ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133 s.).

La jurisprudence les a cependant assouplies en ce qui concerne la fixation de certaines contributions causales. La compétence d'en établir le montant peut ainsi être déléguée plus facilement à l'exécutif, lorsqu'il s'agit d'une contribution dont la quotité est limitée par des principes constitutionnels contrôlables, comme ceux de la couverture des frais et de l'équivalence (ATF 136 I 142 consid. 3.1 p. 144 s. ; 135 I 130 consid. 7.2 p. 140 ; Daniela WYSS, Kausalabgaben, thèse Berne 2009, p. 169 ss).

14) a. Les différents types de contributions causales ont en commun d'obéir au principe de l'équivalence - qui est l'expression du principe de la proportionnalité en matière de contributions publiques -, selon lequel le montant de la contribution exigée d'une personne déterminée doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie à celle-ci (rapport d'équivalence individuelle) (ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133 s. et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_609/2010 du 18 juin 2011 consid. 3.2 ; 2C_579/2009 du 25 juin 2010 consid. 3). La valeur de la prestation se mesure soit à son utilité pour le contribuable, soit à son coût par rapport à l'ensemble des dépenses administratives en cause (ATF 130 III 225 consid. 2.3 p. 228). Les contributions doivent être établies selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 128 I 46 consid. 4a p. 52 ; 126 I 180 consid. 3a/bb p. 188 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_816/2009 du 3 octobre 2011 consid. 5.1). L'avantage économique retiré par chaque bénéficiaire d'un service public est souvent difficile, voire impossible à déterminer en pratique. Pour cette raison, la jurisprudence admet que les taxes d'utilisation soient aménagées de manière schématique et tiennent compte de normes fondées sur des situations moyennes (ATF 122 I 61 consid. 3b p. 67 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_173/2013 du 17 juillet 2013 ; 2C_817/2008 du 27 janvier 2009 consid. 10.1).

b. En outre, la plupart des contributions causales - en particulier celles dépendant des coûts, à savoir celles qui servent à couvrir certaines dépenses de l'État, telles que les émoluments et les charges de préférence - doivent respecter le principe de la couverture des frais. Selon ce principe, le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l'ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l'administration (ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133 s. et les références citées ; ATF 129 I 346 consid. 5.1 p. 354 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_226/2012 du 10 juin 2013 consid. 4.2 ; 2C_609/2010 du 18 juin 2011 consid. 3.2 ; 2C_579/2009 du 25 juin 2010 consid. 3 ; BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 2 s. ; Adrian HUNGERBÜHLER, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 2003 p. 512).

15) En l’espèce, il convient de vérifier si la taxe causale litigieuse respecte le principe de la légalité.

a. En mentionnant que les propriétaires de bâtiments ou de groupes de bâtiments sont tenus de contribuer dans une mesure équitable aux dépenses occasionnées par les installations hydrauliques faites pour la protection de leurs biens, l’art. 36 LPSSP délimite clairement le cercle des personnes concernées par la taxe et l’objet de celle-ci.

b. Se pose la question de la base de calcul de la contribution, singulièrement du respect du principe de l’équivalence et de la couverture des frais.

Les chiffres donnés par les SIG permettent de savoir que le montant perçu au titre de tarif Ob ne représente que le 0,75 % du montant total perçu par l’activité « eau potable » aux SIG et, plus spécifiquement, que les montants perçus par les établissements hôteliers dans le canton ne sont que le 3,3 % du montant précité, ce qui représente le 0,024 % des montants encaissés au titre d’activité « eau potable » aux SIG. Ce pourcentage assure la mise à disposition des hôtels, dans tout le canton, de l’eau à haut débit, forfaitairement, si elle devait être nécessaire dans le cas de l’incendie de l’un d’entre eux. Les SIG devant par ailleurs fournir des contrôles, voire la remise de scellés en cas de test des installations incendie, ainsi que couvrir les frais d’eau si un tel événement devait se produire, le montant annuel de CHF 41'215.90 n’apparaît pas excessif sachant que ce montant est censé couvrir la totalité des établissements hôteliers de la place et que l’office cantonal de la statistique recensait quelques cent vingt-cinq établissements dans le canton pour l’année 2014 (http://www.ge.ch/statistique/domaines/apercu.asp?dom=10_02, consulté le 14 avril 2015). La facture litigieuse tient par ailleurs compte du nombre de bouches à incendie et donc de la taille de l’établissement. Le tarif forfaitaire annuel de CHF 100.35, TVA comprise, pour chaque bouche à incendie et chaque centaine ou fraction de centaines de buses automatiques, reste proportionné à la valeur objective de la prestation fournie par les SIG et se situe dans les limites raisonnables compte tenu de l’utilité, pour l’établissement hôtelier et singulièrement sa clientèle, de pouvoir bénéficier, en cas d’incendie d’eau à grand débit. Le fait que la recourante n’ait pas souhaité vérifier les installations ces dernières années et donc n’ait pas bénéficié de la contre-prestation relative à la pose des scellés est sans pertinence. De même l’installation privée faite par l’intéressée et le contrat d’entretien y relatif sont sans conséquence dès lors que l’aménagement effectué offre d’autres prestations que celle des SIG, notamment la détection de fumée à l’intérieur du bâtiment.

Les principes de l’équivalence et de la couverture des frais sont respectés par le montant de la taxe litigieuse de CHF 100.35 annuel, TVA comprise, par bouche à incendie au sens du tarif Ob eu égard à la contre-prestation.

16) En conséquence, la taxe causale, fondée sur le tarif Ob, adopté par le conseil d’administration des SIG le 25 septembre 1997 et approuvé par le Conseil d’État le 29 juillet 1998, découlant de l’art. 36 LPSSP, respecte le principe de la légalité. La compétence d’en établir le montant pouvait être déléguée au conseil d’administration avec approbation du Conseil d’État, la quotité de la taxe concernée étant contrôlable et limitée par les principes constitutionnels qu’en l’occurrence elle respecte.

La taxe s’avérant fondée, la facture sera confirmée.

17) Le recourant réclame la restitution des émoluments facturés et payés pendant les dix dernières années.

Cette conclusion n’est pas fondée compte tenu de ce qui précède et du fait que les factures antérieures à celle de 2014 sont entrées en force. Le recourant ne conteste pas ce fait, que la chambre administrative avait déjà relevé dans son arrêt du 30 avril 2013 susmentionné.

18) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de A______SA, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux SIG, lesquels disposent de leur propre service juridique et n’y ont pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mars 2014 par A______SA contre la décision des Services industriels de Genève du 24 février 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d’A______SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Charles Sommer, avocat de la recourante, ainsi qu'aux Services industriels de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :