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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1677/2008

ATA/395/2008 du 29.07.2008 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1677/2008-FIN ATA/395/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 juillet 2008

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur S______
représentés par Sefico S.A., mandataire

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPôTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 


EN FAIT

1. Madame et Monsieur S______ (ci-après : les contribuables ou les recourants) sont domiciliés dans le canton de Genève.

M. S______ exerce une activité indépendante au sein de l'entreprise individuelle «T______», Genève.

2. En date du 30 juin 1999, l'UBS a consenti un abandon de créance à hauteur de CHF 2'546'368,64 en faveur de M. S______. Les dettes qui ont fait l'objet de cet abandon de créances ont été inscrites au bilan au 31 décembre 1998. Selon le compte de pertes et profits 1999, cet abandon de créance a été noté comme produit à hauteur de CHF 2'556'420,79.

3. Dans leur déclaration fiscale concernant l'année 2000, fondée sur les revenus acquis en 1999, les époux ont déclaré un revenu imposable négatif.

4. Le 7 décembre 2000, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a adressé aux contribuables un bordereau de taxation provisoire pour les impôts cantonaux et communaux 2000 (ci-après : ICC 2000). Elle retenait un revenu et une fortune imposables négatifs.

5. En date du 19 novembre 2001, l'AFC a notifié aux contribuables un bordereau rectificatif pour l'impôt cantonal et communal 2000 modifiant la taxation provisoire ICC 2000.

Calculé sur la base d'un revenu imposable de CHF 1'012'920.-, l'impôt s'élevait à CHF 322'179,05. Ce faisant, l'AFC avait tenu compte de l'abandon de créance précité.

6. Le 20 décembre 2001, les époux ont élevé réclamation contre ce bordereau rectificatif.

7. Par décision du 17 mars 2006, l'AFC a rejeté la réclamation. L'abandon de créance consenti par la banque représentait un revenu imposable dans l'année considérée. Concernant l'assainissement sollicité, les dispositions légales n'étaient pas applicables aux personnes physiques.

8. Le 13 avril 2006, les contribuables ont recouru contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission), contestant en substance l'imposition de l'abandon de créance de CHF 2'556'420.-. Un abandon de créance consenti par une banque à une personne physique, exploitant une raison individuelle, n'était pas forcément soumis à imposition, dès lors que l'augmentation d'un compte d'emprunt enregistré dans la comptabilité commerciale d'un indépendant, ne servait pas uniquement à financer des opérations commerciales.

9. Dans sa réponse du 25 octobre 2006, l'AFC s'est opposée au recours. L'abandon de créance avait réduit les dettes des contribuables sans diminution correspondante de leurs actifs. Il devait être considéré comme un revenu et taxé comme tel.

10. Par décision du 31 mars 2008, reçue par les contribuables le 11 avril 2008, la commission a rejeté le recours précité. Les dettes qui avaient fait l'objet de l'abandon de créance avaient été inscrites au bilan au 31 décembre 1998. L'abandon de créance avait été comptabilisé, à juste titre, comme produit dans le compte de profits et pertes 1999. C'était ainsi à bon droit que l'AFC l'avait considéré comme un revenu imposable.

11. Le 13 mai 2008, les contribuables ont interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif. Ils concluent à ce que, sur l'abandon de créance s'élevant à CHF 2'556'420,79, un montant de CHF 922'902.- ne soit pas qualifié de revenu imposable dès lors qu'en contrepartie, aucune charge n'avait été admise comme étant déductible de leur revenu et qu'aucun actif correspondant n'avait subsisté. A titre subsidiaire, ils sollicitent leur audition par le tribunal de céans.

L'AFC n'avait pas admis la déduction des pertes reportées se chiffrant à CHF 1'045'337.-.

Ils s'étaient endettés auprès de l'UBS pour financer des travaux de rénovation, de construction, de transformation et d'installation dans la SI N______ S.A. et dans la société L______ S.A. Ces sociétés avaient rencontré des difficultés. Pour y remédier, des amortissements avaient été effectués lors de l'exercice comptable 1996 qui s'étaient élevés à CHF 443'001,85 s'agissant de la SI N______ et à CHF 44'996,15 concernant L______. L'AFC aurait toutefois dû considérer que le financement assuré par l'UBS, puis abandonné, n'était pas taxable. A ces éléments s’étaient ajoutées une perte nette sur l'acquisition du fonds de commerce «Futur maman» de CHF 245'000.- ainsi qu’une perte sur V______ de CHF 197'700.-.

Selon l'avis de taxation 1997, l'AFC n'avait pas pris en compte la perte nette hors exploitation de CHF 922'902.-. Dans la mesure où l’administration n'avait pas tenu compte des pertes précitées, il était choquant qu'ayant été financées par l'UBS, elles soient taxées comme du revenu.

12. L'AFC a répondu le 13 juin 2008 et conclut au rejet du recours.

Les contribuables ne contestaient plus l'imposition de l'abandon de créance dont ils avaient bénéficié. Ils s'opposaient, en revanche, aux pertes reportées retenues par l'AFC pour l'année litigieuse.

Les avis de situation 1997 et 1998 faisaient apparaître pour ces deux années de taxation, un revenu imposable nul. Pour l'année fiscale 1999, le revenu imposable s'était chiffré à d CHF 12’993.-. Le tableau des pertes reportées que l'AFC avait alors remis aux recourants indiquait que les pertes déclarées n'avaient pas été acceptées par l'AFC.

En l'absence de revenu imposable en 1997 et 1998, les recourants n'avaient pas pu s'opposer aux éléments retenus par l'AFC dans le tableau des pertes reportées. En revanche, pour l'année fiscale 1999, ils auraient pu contester le montant des pertes reportées pris en considération, ce qu'ils n'avaient pas fait. Partant, dans le cadre de leur taxation 2000, les contribuables n'étaient plus habilités à contester les montants des pertes reportées retenus pour les années fiscales 1997 et 1998, entrés en force.

13. Le 16 juin 2008, la commission a déclaré persister dans les considérants et le dispositif de sa décision.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 53 al.1 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 – LPFisc – D 3 17 ; art. 57 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, applicables par renvoi de l’art. 53 al. 4 LPFisc).

2. a. De nouvelles normes fiscales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). Elles ont abrogé, à partir de cette date, la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP – D 3 05). Ces dispositions demeurent cependant applicables notamment en ce qui concerne l'imposition des personnes physiques pour des périodes fiscales antérieures à l'année 2001. L'adaptation de la législation fiscale genevoise aux exigences de la LHID est en effet dépourvue d'effet rétroactif comme l'a relevé le Tribunal administratif selon une jurisprudence constante (ATA/29/2004 du 13 janvier 2004).

b. Le présent litige qui concerne la taxation définitive 2000 pour les impôts cantonaux et communaux est donc soumis à la LCP dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2001 (ci-après : aLCP).

3. a. Les recourants ont conclu à leur audition par le tribunal de céans.

b. Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit de consulter le dossier (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260), de participer à l’administration des preuves et de se déterminer, avant le prononcé de la décision, sur les faits pertinents (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/879/2003 du 2 décembre 2003 et les arrêts cités). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.651/2002 du 10 février 2002 consid. 4.3 et les arrêts cités).

Compte tenu de ce qui précède, il ne sera pas donné suite à la demande des recourants.

4. Dans leur recours, les contribuables sollicitent que, sur l'abandon de créance de CHF 2'556'420,79, le montant de CHF 992'902.- ne soit pas imposé. Cette somme, qui correspondait à une perte nette hors exploitation et, qui en raison des reprises effectuées par l'AFC, n'avait pas été portée en charge, ne devait pas être taxée.

5. Au préalable, même si l'imposition de l'abandon de créance n’est plus contestée par les recourants à ce stade de la procédure, il y a lieu de rappeler ce qui suit.

a. L’impôt sur le revenu est perçu sur l’ensemble des revenus nets annuels des contribuables sous la forme de prestations périodiques ou de versements en capital, tant en argent qu’en nature, et quelle qu'en soit l'origine (art. 16 al. 1 aLCP). Cette clause générale indique que l'impôt est perçu sur l'ensemble des revenus nets du contribuable quelles qu'en soient la source, les modalités d'acquisition et la forme (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1986 p. 1366).

b. Selon la doctrine majoritaire, le revenu de l’activité lucrative indépendante se détermine selon la théorie de l’accroissement du patrimoine. Il correspond à l’accroissement net du patrimoine d’un individu, au cours de la période concernée, augmenté des prélèvements privés et diminué des apports complémentaires de capital (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, Genève – Bâle – Munich 2002, p. 84 et les références citées).

c. Lorsqu'une personne physique ou morale qui tient une comptabilité contracte une dette, elle doit la reporter dans son bilan. Doit également y apparaître la contrepartie. Le montant de la dette est ainsi comptabilisé dans le compte correspondant au passif, alors que la contrepartie est passée dans le poste concerné à l'actif du bilan. Lorsque le débiteur rembourse sa dette, le compte de pertes et profits n'est pas touché puisque le montant payé est pris d'un compte actif et porté en diminution d'un compte passif. Par contre, si ce débiteur se voit remettre une partie de sa dette, il enregistre un bénéfice qui sera comptabilisé comme produit. Un abandon de créance signifie en effet qu'un poste passif diminue sans que le débiteur soit contraint à un versement prélevé sur les actifs. La contrepartie reçue initialement n'est pas touchée par l'opération. Une remise de dette pour un débiteur principal correspond donc à un bénéfice imposable (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.112/2004 du 7 avril 2005 in RDAF 2005 II 460. consid.2.1). Il résulte de l’extinction totale ou partielle d’une dette en vertu d’un abandon de créance, un produit qui affecte le compte de pertes et profits dans la mesure où l’extinction de la dette n’entraîne par une diminution correspondante des actifs (ATA/956 /2004 du 7 décembre 2004 et références citées).

En l’espèce, il n'est pas contesté que la banque a consenti à M. S______ un abandon de créances de CHF 2'556'420,79. Cet abandon a réduit les dettes de ce dernier sans diminution correspondante des actifs des recourants. C’est dès lors, à bon escient que l’AFC a repris dans le bénéfice imposable des contribuables, l’abandon de créance consenti par la banque et l’a taxé comme revenu.

6. Seule reste litigieuse la question de savoir si la somme de CHF 922'902.- peut être déduite du revenu imposable et si c’est à bon droit que les recourants s'opposent au montant des pertes reportées retenu par l'AFC pour l'année 2000.

a. L'article 21 lettre l aLCP autorise le contribuable à déduire de l'ensemble de ses revenus bruts, les pertes commerciales comptabilisées de l'exercice commercial déterminant. Son application est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, soit l'exercice de l'activité du contribuable en la forme commerciale et la tenue régulière d'une comptabilité au sens des articles 957 et suivants de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 ; ATA/62/2001 du 30 janvier 2001 et références citées).

b. L'article 21 lettre m aLCP dispose quant à lui que les contribuables peuvent défalquer les pertes commerciales comptabilisées des trois exercices fiscaux précédant ledit exercice déterminant, pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation de l'impôt les années antérieures. Un tel report suppose que les pertes aient été comptabilisées et que les revenus du contribuable n'aient pas été suffisants pour les absorber (ATA/62/2001 précité).

7. En vertu des principes de l’étanchéité des exercices et de la périodicité de l’impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome sans que le résultat d’un exercice puisse avoir une influence sur les suivants d’une part, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il ferait valoir les déductions autorisées, d’autre part (ATA/217/2007 du 8 mai 2007 et références citées). Les déductions doivent être portées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA/443/2007 du 4 septembre 2007 ; ATA/540/2001 du 28 août 2001).

En l'espèce, la déduction de la perte de CHF 922'902.- opérée sur la déclaration fiscale 1997 n'a pas été admise par l'AFC. En l'absence de revenu imposable pour les années 1997 et 1998, les recourants n'ont pas pu s'opposer aux montants retenus par l'AFC dans le tableau des pertes reportées. Il leur était loisible de contester le bordereau 1999 ce qu'ils n'ont pas fait. Partant ceux-ci sont entrés en force.

Conformément aux principes d'étanchéité et de périodicité de l'impôt rappelés plus haut, il n'est pas admissible de porter en déduction du résultat de l'exercice 1999 pour la taxation 2000, des charges relatives à un exercice antérieur à l'entrée en force de la taxation concernée.

8. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2008 par Madame et Monsieur S______ contre la décision du 31 mars 2008 de la commission cantonale de recours en matière d'impôts ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1'000-. ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Sefico S.A., mandataire des recourants, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu’à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :