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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/136/2001

ATA/540/2001 du 28.08.2001 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; INTERET(FRUIT CIVIL); DEDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL); LIQUIDATION DU REGIME MATRIMONIAL; DETTE; FIN
Normes : LCP.21 litt.e
Résumé : Dette due par le contribuable dans le cadre de la liquidation de son régime matrimonial. Le montant des intérêts accumulés constitue une modalité de la liquidation qui n'est, à ce titre, pas déductible. Les intérêts ne sont déductibles qu'à partir du moment où la dette elle-même est devenue exigible, soit en l'espèce dès la signature de la convention et non pas dès le divorce.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 28 août 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur A. R.

représenté par la Fiduciaire K. & Cie, mandataire

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

 

1. Le 17 décembre 1991, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux A. et C. R..

 

La garde de l'enfant G. était confiée à la mère, et le père devait lui verser au titre de pension alimentaire une somme mensuelle de CHF 1'250.- jusqu'à ses quinze ans, puis de CHF 1'400.- jusqu'à sa majorité, voire au-delà en cas d'études.

 

En outre, un expert a été mis en oeuvre aux fins d'évaluer la valeur de l'auberge de D_________ qu'exploitaient les deux époux.

 

2. Par jugement du 22 juillet 1994, le même tribunal s'est prononcé sur la liquidation du régime matrimonial de ces derniers.

 

M. A. R. était condamné à verser à son ex-épouse une participation au bénéfice s'élevant à CHF 197'000.- avec intérêts à 5 % dès le 1er février 1991.

 

3. Les ex-époux ont signé le 17 août 1995 une convention réglant les modalités de paiement du montant précité.

 

M. A. R. devait payer à son ex-épouse le jour-même de la signature un montant de CHF 50'000.- correspondant aux intérêts courus depuis le 1er février 1991 au 30 août 1995, soit CHF 45'720,40, le solde de CHF 4'279,60 éteignant une première portion du capital dû.

 

Le solde devait être payé par acomptes s'étalant sur une durée de soixante mois environ.

 

Le versement de CHF 50'000.- a été effectué le 18 août 1995 et un acompte de CHF 10'000.- le 27 décembre 1995.

 

4. Dans sa déclaration fiscale 1996, M. A. R. a porté en déduction de ses revenus un montant de CHF 50'000.- correspondant au versement de CHF 50'000.- effectué en faveur de son ex-épouse, et CHF 10'000.- représentant un premier acompte, de même qu'un montant de CHF 8'400.- au titre de subsides d'entretien.

 

5. L'administration fiscale cantonale (AFC) n'a pas admis la déduction des CHF 50'000.- versés par le contribuable à son ex-épouse.

 

Un bordereau de taxation provisoire a été remis à M. A. R., puis diverses déductions, étrangères au présent litige, ont été admises.

 

6. Par décision du 27 octobre 1998, l'AFC a néanmoins refusé la déduction du montant de CHF 50'000.- au motif que celui-ci avait été versé à titre de liquidation du régime matrimonial et ne pouvait être admis en déduction du revenu, vu le caractère limitatif de l'article 21 LCP.

 

7. Saisie en temps utile d'un recours, la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission de recours) a partiellement admis le recours dans sa séance du 14 décembre 2000.

 

Estimant que le versement des CHF 50'000.- était destiné en premier lieu à éteindre les intérêts courus du 1er février 1991 au 30 août 1995, la commission de recours a admis qu'un montant représentant les intérêts du 1er janvier au 30 août 1995 pouvait être déduit, soit CHF 6'566,70, et un montant correspondant aux intérêts du 1er septembre au 31 décembre 1995 calculés sur le solde dû au 31 août 1995 pouvait également être déduit, soit CHF 3'212.-.

 

Le solde, soit la somme de CHF 40'221,30, représentait le remboursement du capital et n'était pas déductible.

 

8. M. A. R. a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 9 février 2001. Les CHF 50'000.- qu'il avait versés représentaient les intérêts dus sur la créance que son ex-épouse possédait contre lui. Ils avaient été payés en 1995, ils étaient donc déductibles sur les impôts 1996, selon les principes applicables en matière d'intérêts de dettes.

 

9. L'AFC s'est opposée au recours. Elle s'est référée aux arguments qu'elle avait développés devant la commission de recours et dont il sera question ci-après dans la mesure utile.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. De nouvelles dispositions fiscales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001 (loi sur l'imposition des personnes physiques - détermination du revenu net - calcul de l'impôt et du rabais d'impôt - compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (LIPP - V D 3 16). Toutefois, le cas d'espèce doit être réglé sous l'empire de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), l'ensemble des faits déterminants s'étant déroulés sous l'empire de l'ancien droit.

 

3. a. L'article 21 lettre e LCP, en vigueur jusqu'au 1er janvier 1993, prévoyait que les intérêts des dettes étaient déductibles du revenu, pour autant que les dettes elles-mêmes fussent déductibles au sens de l'article 39 LCP. La modification de 1993 a eu pour but de corriger des abus en limitant la déduction des intérêts des dettes à concurrence du rendement brut de la fortune imposable ou de la moitié de l'ensemble des revenus (Mémorial des séances du Grand Conseil 1992 II 1637 ss et V 5829 ss).

 

D'où la nouvelle teneur de l'article 21 lettre e LCP qui est devenue : Peuvent être déduits du revenu :

 

"Les intérêts des dettes pouvant être déduites dans la détermination de la fortune imposable, à concurrence du rendement brut de la fortune ou de la moitié de l'ensemble des revenus bruts si elle est plus élevée; les intérêts des dettes liées à l'exploitation d'une entreprise sont entièrement déductibles".

 

b. Le fait que les entreprises ne soient pas touchées par cette disposition signifie que la limitation voulue pour les personnes physiques ne l'a pas été pour les entreprises.

 

Aussi, les principes dégagés par la jurisprudence sous l'empire de la loi antérieure à 1993 sont applicables.

 

4. La convention passée entre les ex-époux R. le 17 août 1995, se fondant entièrement sur le jugement du Tribunal de première instance du 22 juillet 1994, rendu plus de trois ans après le prononcé de leur divorce, règle la liquidation de leur régime matrimonial.

 

5. Or, le montant des intérêts accumulés constitue une modalité de la liquidation du régime matrimonial et à ce titre, elle n'est pas déductible, ce que le Tribunal administratif a déjà eu l'occasion de trancher (ATA S. du 4 novembre 1987). A s'en tenir à cette jurisprudence, la somme de CHF 50'000.- versée le 18 août 1995 n'est donc pas du tout déductible de l'impôt 1996, pour ce premier motif.

 

6. Les intérêts des dettes ne peuvent être déduits que si les dettes elles-mêmes sont déductibles. Par exemple, les intérêts sur un crédit de construction ne peuvent être déduits, car ils sont assimilables à des dépenses faites pour l'acquisition ou l'amélioration des biens du contribuable (ATA AFC c/ T. du 14 janvier 1987). Ces intérêts sur crédit de construction ne sont pas davantage déductibles du point de vue de l'impôt fédéral direct (STR 1994 p. 91). Lors du prononcé du divorce en 1991, la dette du recourant envers son ex-épouse n'était que virtuelle. Elle n'était pas exigible. Par conséquent elle n'était pas déductible et ne pouvait générer des intérêts passifs eux-mêmes déductibles.

 

7. Le tribunal de céans estime que de tels intérêts ne doivent être pris en compte qu'à partir du moment où la dette qu'ils concernent est devenue exigible, soit à partir de la signature de la convention, le 17 août 1995. Aussi, la déduction à laquelle conclut le recourant ne doit pas être admise pour ce deuxième motif.

 

8. Dans le meilleur des cas, les intérêts ne sauraient être déduits avant le 1er janvier 1995, en vertu du principe de l'étanchéité des exercices et celui de la périodicité de l'impôt. D'une part, chaque exercice doit être considéré comme un tout autonome sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants et, d'autre part, que le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il ferait valoir les déductions autorisées par l'article 21 LCP. De plus, les déductions doivent être demandées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA W. du 12 décembre 1990). Ces principes ont été abondamment confirmés (ATA SI r. de C. du 20 janvier 1988; B. du 24 juin 1987). Cette jurisprudence est déjà ancienne, mais les principes cités ci-avant ne donnent plus lieu à discussion aujourd'hui. La déduction à laquelle aspire le recourant doit être refusée pour ce troisième motif.

 

9. La commission de recours a estimé que les intérêts passifs pouvaient être déduits pour toute l'année 1995. Le Tribunal administratif n'est pas de cet avis, car les intérêts ne pouvaient être déduits qu'à partir du moment où les dettes elles-mêmes étaient exigibles, comme examiné ci-avant.

 

Le Tribunal administratif confirmera donc la décision de la commission de recours, car il est lié par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA). Et ne saurait appliquer la règle de la reformatio in pejus au détriment du recourant.

 

10. Le recours sera ainsi rejeté. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2001 par Monsieur A. R. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 14 décembre 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.-;

communique le présent arrêt à la Fiduciaire K. & Cie, mandataire du recourant, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Paychère, M. Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega